LA FIDÉLITÉ, PLUS QU`UNE SIMPLE CARTE
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LA FIDÉLITÉ, PLUS QU`UNE SIMPLE CARTE
Eglise Réformée Evangélique du Valais - EREV PAROISSE PROTESTANTE DE SION pasteur François SCHLAEPPI Dimanche 10 juillet 2016 – LA FIDÉLITÉ, PLUS QU’UNE SIMPLE CARTE 1ère lecture : Osée 1 : 1-9 Voici les paroles que le SEIGNEUR a dites à Osée, fils de Beéri, à l’époque où Jéroboam, fils de Yoas, était roi d’Israël. C’était aussi l’époque des rois de Juda : Ozias, Yotam, Akaz et Ézékias. Voici le début des paroles que le SEIGNEUR a adressées à son peuple par l’intermédiaire d’Osée. Il a dit à Osée : Va prendre pour femme une prostituée sacrée. Les enfants qu’elle te donnera seront des enfants de prostituée. En effet, les gens de ce pays se prostituent en adorant d’autres dieux que moi, le SEIGNEUR. Alors Osée est allé prendre pour femme Gomer, fille de Diblaïm. Elle lui a donné un fils. Le SEIGNEUR a dit à Osée : Appelle-le "Izréel". En effet, je vais bientôt agir contre la famille royale de Jéhu à cause du sang répandu à Izréel. Je vais supprimer le pouvoir royal en Israël. Ce jour-là, je briserai la force de l’armée d’Israël dans la vallée d’Izréel. Gomer, de nouveau enceinte, a mis au monde une fille. Le SEIGNEUR a dit à Osée : Tu l’appelleras "Mal-Aimée". En effet, je ne montrerai plus d’amour aux gens d’Israël, je ne les aimerai plus du tout. Mais j’aimerai toujours les gens de Juda. Moi, le SEIGNEUR leur Dieu, je les sauverai, et cela sans utiliser l’arc, l’épée ou les autres armes de guerre, les chevaux ou les cavaliers. Gomer a sevré Mal-Aimée. Ensuite, enceinte une nouvelle fois, elle a mis au monde un autre fils. Le SEIGNEUR a dit à Osée : Appelle-le "Pas mon peuple". En effet, vous, les gens d’Israël, vous n’êtes plus mon peuple, et moi, je ne suis plus rien pour vous. 2ème lecture : Osée 11 : 1-6 Le SEIGNEUR dit : Quand Israël était jeune, je l’ai aimé, et je l’ai appelé, lui, mon fils, à sortir d’Égypte. Mais ensuite, plus je l’appelais, plus il s’éloignait de moi. Mon peuple offre des sacrifices aux Baals. Ils brûlent de l’encens devant les faux dieux. Pourtant, j’ai appris à marcher à Éfraïm en le tenant par les bras. Mais il n’a pas compris que je prenais soin de lui. Je l’ai guidé avec douceur, j’étais attaché à lui par l’amour. J’étais pour lui comme quelqu’un qui soulève son petit enfant tout contre sa joue. Je me baissais pour lui donner à manger. Le peuple d’Israël ne retournera pas en Égypte, Mais ce sera l’Assyrie qui sera son maître. En effet, il a refusé de revenir vers moi. C’est pourquoi la guerre se répand dans ses villes, elle détruit ce qui les protège, elle démolit tout, parce qu’Israël fait de mauvais projets. 3ème lecture : Osée 14 : 5-10 Le SEIGNEUR dit : Je guérirai Israël de son infidélité. Je l’aimerai de bon cœur, car je ne suis plus en colère contre lui. Pour Israël, je serai comme la rosée du matin, il fleurira comme un lys, il enfoncera ses racines dans le sol comme les arbres du Liban. Ses branches se développeront, il sera beau comme l’olivier, et il répandra l’odeur agréable des montagnes du Liban. Les habitants d’Israël reviendront s’asseoir à mon ombre. Ils cultiveront de nouveau le blé, ils fleuriront comme la vigne, ils seront célèbres comme le vin du Liban. Éfraïm, est-ce qu’il y a encore quelque chose de commun entre moi et les faux dieux ? Moi, je te réponds et je veille sur toi. Moi, je suis comme un cyprès, un arbre toujours vert. C’est moi qui te donne tes récoltes. Celui qui a la sagesse comprendra tout ce qui vient d’être dit. Celui qui est intelligent en connaîtra le sens. Oui, les chemins du SEIGNEUR sont droits. Ceux qui lui obéissent marcheront dessus, mais ceux qui s’opposent à lui perdront l’équilibre. PREDICATION Il y a plusieurs manières d’envisager les vacances, grosso modo deux : farniente ou découverte ; même si avec l’âge, je ne boude pas le farniente, j’aime plutôt, à l’occasion des vacances, profiter de découvrir l’inconnu, même si je me contente souvent d’un inconnu fort proche. Eh bien, puisque nous allons passer notre été ensemble, profitons de découvrir quelques pages de la Bible trop souvent et trop longtemps laissées dans l’oubli ! C’est ainsi que ces prochains dimanches - et cela devrait nous mener au-delà de l’été 1 nous allons faire connaissance d’un peu plus près de ceux qu’on appelle les petits prophètes. Pourquoi petits ? Peut-être en contraste avec ceux qui seraient alors de grands prophètes, Esaïe, Jérémie, Ezéchiel et qui nous ont laissé des livres de 60, 50, 40 chapitres et plus. Peut-être aussi à cause de la tradition latine de la Bible, la Vulgate, qui les rassemble sous l’appellation de prophetae minores, ce qui nous amène tout logiquement aux petits prophètes. Il faudrait plutôt parler des Douze prophètes, puisque tel est leur nombre. Douze, un chiffre évidement riche de symbolique, douze comme les tribus d’Israël, douze comme les disciples ; douze, chiffre de la complétude. Aujourd’hui, nous avons bel et bien douze livres correspondant à ces douze prophètes, dont certains noms nous sont d’ailleurs tout à fait familiers : Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie. Mais il faut savoir qu’à l’origine, c’est-à-dire dans la Bible hébraïque, ils ne forment qu’un seul volume, qu’un seul livre et que ce n’est qu’ultérieurement qu’ils ont été en quelque sorte séparés les uns des autres pour nous donner aujourd’hui cette collection de petits livres allant d’un seul (Abdias) à quatorze chapitres (Osée). Des petits prophètes de tailles différentes, mais n’atteignant donc jamais la taille des grands cités plus haut. Nos douze prophètes sont présentés dans un ordre chronologique allant du 8 ème siècle au 6ème siècle avant JC ; autant dire que la période de « production » est étendue ; autant dire que les contextes dans lesquels interviennent ces prophètes sont eux aussi diversifiés. Certains sont issus du royaume d’Israël (Royaume du Nord) et d’autre du royaume de Juda (Royaume du Sud) - pour mémoire le grand royaume unifié d’Israël connu sous les règnes de David et de son fils Salomon a été partagé en deux dès la succession de Salomon ; dix tribus au nord forment le royaume d’Israël autour de la capitale Samarie et deux au sud le royaume de Juda avec Jérusalem comme siège royal. Il faut tout de même dire que cette période de deux siècles a constamment été marquée par de fortes tensions politiques, à l’interne comme à l’international. Tout bouge constamment dans cette région du monde, un royaume chasse l’autre, chacun cherche donc les meilleures alliances possibles, parfois au mépris de relations préexistantes. Et la pression n’est pas que politique, elle est aussi culturelle et religieuse : les idées circulent, les pratiques et les rites déteignent les uns sur les autres, le monde, pour une part du moins, est déjà un grand et vaste village. Ecartons donc de notre esprit l’image d’un peuple Elu unifié et se serrant les coudes dans une dévotion sans faille à son Dieu unique et trois fois béni. Si Hamlet, dans la pièce de Shakespeare peut dire qu’il y a quelque chose pourri au royaume de Danemark, on peut aussi dire qu’à cette époque-là il y avait quelque chose qui clochait sérieusement dans ces royaumes d’Israël et de Juda. Venons-en maintenant à Osée, premier de ces Douze prophètes, premier épisode de notre feuilleton de l’été ! Osée va « exercer » le métier de prophète durant environ 25 ans, au cours d’une période de plus en plus troublée qui se terminera par la mise à sac de la capitale Samarie par les troupes assyriennes. Osée voit se succéder sept rois sur le trône d’Israël, dont quatre seront renversés par un coup d’Etat. L’attitude de ces souverains face aux dangers internationaux sera changeante : l’un choisit la soumission, un autre la résistance, un troisième la riposte violente ; l’un deux fait alliance avec le voisin syrien au mépris des vieilles et ancestrales relations avec le royaume frère du sud, le royaume de Juda. Israël travers donc une crise politique profonde, une crise dans ses relations avec ses voisins immédiats. Mais cela ne suffirait certainement pas à faire émerger un prophète. Une crise bien plus grave encore affecte Israël : c’est sa relation avec Dieu qui ne va plus. S’il n’est pas pertinent ici de parler de divorce, il est tout-à-fait juste de parler d’infidélité, voire d’adultère. En effet, comme Osée le montre, le peuple succombe - et non seulement le peuple mais également ses dirigeants - succombe donc à l’attirance de la religion de Baal, divinité cananéenne censée assurer la fertilité des champs et la fécondité des troupeaux. 2 Ainsi donc, à côté du culte du Dieu de l’alliance, à côté du culte de ce Dieu qui a libéré son peuple de l’esclavage en Egypte, Israël se prosterne également devant l’idole cananéenne, une idole souvent représentée sous la forme d’un jeune taurillon. Osée n’hésite pas à assimiler cette infidélité à un adultère ou même à une prostitution. Et c’est là que le prophète Osée entre en scène, et cela de manière spectaculaire en épousant luimême une prostituée. Evidemment, on ne sait rien de la réalité historique de ce mariage ; peut-être ne s’agit-il que d’une allégorie, une forme de parabole, une de ces mises en scène pseudo autobiographiques dont les prophètes ont le chic. L’entrée en matière du livre d’Osée est quoiqu’il en soit plutôt rude : Le Seigneur dit à Osée : Va prendre pour femme une prostituée sacrée. Les enfants qu’elle te donnera seront des enfants de prostituée. En effet, les gens de ce pays se prostituent en adorant d’autres dieux que moi, le SEIGNEUR. Osée comprend et présente de manière originale le lien unissant Dieu à son peuple ; il en parle comme d’une relation intime marquée par une forte affection. L’image du couple exprime cette alliance unique entre Dieu et Israël. Dès lors, courtiser Baal, l’idole cananéenne, c’est commettre un adultère vis-à-vis de Dieu, cela revient à se prostituer. Oui, les faux dieux sont comme des amants, ce sont des rivaux pour le Seigneur. Au travers de ce mariage, Osée endosse donc ce que le peuple entier est en train de commettre ; il vit dans son quotidien, dans sa chair, dans son identité ce que le peuple vit dans sa propre relation avec le Seigneur. Le geste d’Osée est particulièrement fort et particulièrement parlant. Et le geste d’Osée ne s’arrête pas à son mariage avec une prostituée sacrée. Considérons les noms qu’il donne aux trois enfants nés de cette union : le premier s’appelle Jizréel, du nom d’un champ de bataille où beaucoup de sang fut versé ; la deuxième Mal-aimée, en signe de lassitude de Dieu vis-àvis de son peuple ; le troisième Pas-mon-peuple, parce que si Israël ne reconnaît plus le Seigneur comme étant son Dieu, comment Dieu peut-il continuer à considérer Israël comme étant son peuple ? L’affaire semble donc bien compromise : le peuple s’est détourné de Dieu ; Dieu se détournera-t-il vraiment de son peuple ? En fait, tout l’effort de Dieu va désormais viser à combattre l’infidélité de son peuple et à reconquérir son cœur. Non seulement Osée aura des enfants dont les noms pourraient être annonciateurs d’une rupture définitive - voilà qui devrait quand même réveiller les consciences - mais il va devoir se montrer sévère envers l’inconduite de sa femme. Si la perspective d’une répudiation n’est pas exclue, une espérance reste possible. Au final, on se rend compte que Dieu ne se lasse pas d’aimer et de pardonner ; envers et contre tout, il reste le Dieu de la réconciliation. Et la tendresse indéfectible de Dieu transparaît particulièrement dans la deuxième lecture qui nous a été faite, au chapitre 11 : Quand Israël était jeune, je l’ai aimé, et je l’ai appelé, lui, mon fils, à sortir d’Égypte ; j’ai appris à marcher à Éfraïm en le tenant par les bras. ; je l’ai guidé avec douceur, j’étais attaché à lui par l’amour, j’étais pour lui comme quelqu’un qui soulève son petit enfant tout contre sa joue ; je me baissais pour lui donner à manger. Oui, belle expression de l’affection de Dieu pour son peuple. Mais cette affection a un prix ; l’affection doit parfois s’accompagner de sévérité. L’infidélité d’Israël aura des conséquences lourdes pour le royaume : Le peuple d’Israël ne retournera pas en Égypte, mais ce sera l’Assyrie qui sera son maître. En effet, il a refusé de revenir vers moi. C’est pourquoi la guerre se répand dans ses villes, elle détruit ce qui les protège, elle démolit tout, parce qu’Israël fait de mauvais projets. Le royaume d’Israël, effectivement, va tomber sous les assauts des Assyriens - et cela marquera la fin de la carrière du prophète Osée. Voilà le prix ! Mais la tendresse de Dieu demeure : Je guérirai Israël de son infidélité. Je l’aimerai de bon cœur, car je ne suis plus en colère contre lui. Pour Israël, 3 je serai comme la rosée du matin, il fleurira comme un lys, il enfoncera ses racines dans le sol comme les arbres du Liban. Ses branches se développeront, il sera beau comme l’olivier, et il répandra l’odeur agréable des montagnes du Liban. Tout finirait donc pas un happy end ; tout cela pour en arriver là, diront certains. Ce n’est pas si simple. En fait le livre du prophète Osée a été publié afin de mettre en garde le royaume du Sud, le royaume de Juda, afin qu’il ne suive pas le même chemin que son frère du Nord. Et cette mise en garde va encore bien au-delà du seul destin de ces deux royaumes. N’avons-nous pas tous à entendre et réentendre cette exhortation à la fidélité envers Dieu ? Le livre du prophète Osée présente Dieu sous des traits inhabituels. Sur le fond de l’imagerie royale qui décrit les divinités à la manière des potentats de l’Antiquité, se détache le portrait original d’un Seigneur plein de bonté, de tendresse et de fidélité, comme un époux ou un père aimant. Bafoué, il est évidemment bouleversé ; il souffre, il réagit ; il menace, il supplie. C’est son amour gratuit et généreux qui motive sa jalousie à l’égard du culte de Baal. Le culte rendu au vrai Dieu prend son sens dans une relation de confiance conjugale ou filiale où tous les biens matériels sont donnés par surcroît. La mise en garde du livre d’Osée ne parvient-elle pas jusqu’à nous ? Notre dernière lecture s’est terminée par ces quelques mots : Celui qui a la sagesse comprendra tout ce qui vient d’être dit. Celui qui est intelligent en connaîtra le sens. Oui, les chemins du SEIGNEUR sont droits. Ceux qui lui obéissent marcheront dessus, mais ceux qui s’opposent à lui perdront l’équilibre. Amen. 4