la Venus Hottentote EDMONT Anouk Cecile Raoul

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VENUS NOIRE
Après les succès de L'Esquive et de La Graine et le mulet, le
réalisateur Abdellatif Kekiche nous présente dans son film sorti le 27
octobre dernier, le destin tragique de Saartjie Baartman : la Venus
Noire.
Swatche, baptisée Saatjie Baartman, est d'origine bochimane
d'Afrique du Sud. Atteinte de stéatopygie (fesses surdimensionnées) et
de macronymphie (organes sexuels protéburants), elle attire les regards et
embarque pour l'Angleterre en 1810, où les exhibitions d'êtres humains
hors normes ou de sauvages exotiques sont à la mode. Présentée en cage,
sous un prétexte zoologique, elle erre de foires en cirques d'Europe sous
le surnom de « Vénus Hottentote ». Par la suite, elle fera l'objet de
prostitution dans les cabarets de Paris et sera contrainte de montrer ses
attributs physiques dans les salons libertins ou les amphithéâtres.
Malgré ses talents en danse, en chant et en musique, elle devient surtout une bête de foire dans ces
spectacles érotico-exotiques. Après le public des salons, en mars 1815, transformée en objet d'étude, la Vénus
Noire est exposée nue devant les yeux des scientifiques et des peintres, afin de donner avec précision « les
caractères distinctifs de cette race curieuse ». En avril 1815, ils présentent un rapport dans lequel ils comparent
son visage à celui d'un orang-outang et ses fesses à celles des femelles des singes mandrills.
Le 29 décembre 1815, minée par l’alcool, Saartjie Baartman, meurt
d'une pneumonie. Considérée comme « un morceau de viande » durant
toute sa vie, la Vénus Noire l'est également après sa mort jusque dans sa
dépouille. Elle est disséquée par l’anatomiste Georges Cuvier pour trouver
le chaînon manquant entre le singe et l'homme.... Son cerveau, ses organes
génitaux, son squelette, ainsi qu’un moulage de son corps seront exposés
au Musée de l’homme à Paris jusqu’en 1976.
L’Afrique du Sud demanda la restitution de sa dépouille et ce n'est
que le 29 avril 2002 que Sawtche sera inhumée avec dignité.
C'est dans les livres qu'Abdellatif Kekiche fit la rencontre de Saartjie Baartman, une histoire qui le
bouleversa et le questionna comme il le raconte: « Elle prolongeait mes interrogations sur le regard qu'on
porte à l'autre. J'avais trouvé dans son parcours une façon de questionner le monde sans être, je l'espère,
moralisateur ». Et si Vénus Noire dérange, c'est sans doute parce qu' Abdellatif Kekiche ne voulait pas faire de
l'histoire de Swatche un film romanesque, abordant cette histoire sous l'angle de la reconstitution par respect
pour elle. Abdellatif Kekiche joue sur les longueurs et les scènes qui mettent mal à l'aise. Les spectateurs sont
dans une position inconfortable: « Sur ce film, c'était presque une ligne de conduite : la Vénus noire ne devait
pas être un film agréable. Ne pas enjoliver les choses, même par l'émotion. Enlever toute idée de
divertissement. ».
Yahima Torres, interprète de la Vénus Noire, fait preuve d’une grande beauté dans un jeu intransigeant.
Communiant l’abandon et la force, ce rôle lourd en émotions fortes, exige une maîtrise de différents arts.
En revanche le réalisateur insiste sur le fait qu'il n'a pas eu une volonté d' accuser ou de dénoncer mais de se
questionner: « Pourquoi cette femme a-t-elle accepté de souffrir autant ? Comment un homme a-t-il pu la
disséquer après sa mort contre sa volonté ? Comment arriver à une telle barbarie ? »
Cécile Raoul et Anouk Edmont