Licence en Droit L1

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Licence en Droit L1
Licence en Droit L1
Introduction au droit (droit civil)
Semestre 1
Corrigé no 1
Patricia Vannier
Maître de conférences à l’Université Paris 1
01V - 1-4101-CT-PA-01-14
Rappel du sujet théorique : L’abus de droit
La notion d’abus de droit est aujourd’hui largement utilisée en droit civil en droit commercial en droit
du travail ou en procédure pour sanctionner des situations aussi diverses que l’abus du droit de
propriété, l’abus en matière licenciement , l’abus de majorité ou encore l’abus du droit d’agir en
justice.
Cette notion destinée à sanctionner des comportements au départ licites s’est d’abord imposée dans
notre droit à propos du droit de propriété, droit pourtant considéré comme absolu.
En effet, l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que : « Le but de
toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces
droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ».
Ainsi consacré, le droit de propriété a également une place fondamentale dans le code civil où il est
défini à l’article 544 comme étant « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus
absolue pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».Le droit de
propriété est donc considéré comme le droit réel le plus parfait, comme un droit absolu qui ne peut
subir que les limites résultant de la loi ou des usages. Cependant, il résulte de la jurisprudence, qu’il
peut aussi, être limité, en cas d’abus de droit.
Cependant, aucun article du code civil ne vise expressément l’abus de droit.
Il importe donc de déterminer comment s’est imposée en droit, cette notion qui ne souffre
actuellement aucune contestation qu’il s’agisse de sa reconnaissance (I) ou de ses conditions de mise
en œuvre (II)
I La reconnaissance de la notion d’abus de droit
La notion d’abus de droit, ignorée du code Civil et controversée en doctrine a néanmoins été consacrée
par la jurisprudence.
A Les controverses doctrinales sur la notion d’abus de droit
Le code Civil, tel que rédigé au lendemain de la Révolution française n’a fait aucune place à la notion
d’abus de droit.
Pourtant rapidement cette notion devait être invoquée devant les juges, dans des litiges opposant des
propriétaires voisins.
Une partie de la doctrine a alors réagi en considérant que la notion même d’abus de droit était un nonsens, puisque l’on ne saurait à la fois être dans le cadre de l’exercice d’un droit et abuser de ce droit.
C’est notamment la position qui a été défendue par PLANIOL.
MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE
MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
JOSSERAND a néanmoins relevé que les deux notions n’étaient pas antinomiques et que la notion
d’abus de droit peut être retenue lorsqu’il y a méconnaissance de la finalité sociale du droit.
C’est ainsi que conformément à la conception finaliste de JOSSERAND, la jurisprudence a retenu que
l’exercice du droit de propriété avait pour limite la satisfaction d’un intérêt sérieux et légitime.
B La consécration jurisprudentielle de la notion d’abus de droit
La cour de cassation a retenu dès 1855, la notion d’abus de droit dans une décision DOERR rendue le
2 mai 1855 (D. 1856 II p.9).
Le tribunal de SEDAN dans un jugement SAVART en date du 17 décembre 1901, a aussi retenu la
notion d’abus de droit.
L’arrêt de principe en la matière reste cependant l’arrêt Clément BAYARD rendu par la chambre des
requêtes de la cour de cassation, le 3 août 1915.
Depuis cette décision la notion d’abus de droit n’a plus été contestée tant en doctrine qu’en
jurisprudence.
Le domaine d’application de cette notion a d’ailleurs aujourd’hui largement dépassé son domaine
d’application initial.
Initialement appliquée au droit de propriété, elle a d’abord été étendue à tous les droits démembrés du
droit de propriété, pour ensuite être retenue en matière commerciale (exemple abus de majorité), en
matière contractuelle (rupture abusive d’un contrat) ou encore en matière de procédure (abus du droit
d’ester en justice).
II Les conditions de mise en œuvre de l’abus de droit.
Pour sanctionne l’abus de droit il a fallu que la jurisprudence en dégage les critères et la sanction à
mettre en œuvre.
A Les critères de l’abus.de droit
Pour pouvoir être utilement invoqué, l’abus de droit doit reposer sur certains critères lesquels ont été
dégagés pour que l’utilisation de cette notion ne devienne pas elle-même abusive et que l’exercice des
droits subjectifs reste toujours préservé dans le code Civil, La notion d’abus n’étant pas consacrée par
un article du code civile, c’est sur le terrain de l’article 1382 du code Civil que cette notion a
quelquefois été retenue.
Toutefois, la mise en œuvre de cette notion ne saurait reposer sur la seule exigence d’une faute. En
effet, ce qui est sanctionné c’est l’utilisation d’un droit. C’est donc un acte objectivement licite qui
dans le cadre de l’abus de droit va engager la responsabilité de son auteur. L’intention de nuire par
l’exercice d’un droit est donc apparue comme le critère essentiel de la mise en œuvre de cette notion.
La jurisprudence a précisé ce critère, en indiquant que l’exercice d’un droit devait avoir pour limite la
satisfaction d’un intérêt sérieux et légitime.
B Les sanctions de l’abus.de droit
La sanction de l’abus de droit se traduit le plus souvent, par une condamnation à des dommages et
intérêts, condamnation destinée à compenser le préjudice subi, par la victime de l’abus.
Elle peut également se traduire par une réparation en nature si cela est possible.
Enfin, dans le cas d’exercice abusif d’actions en justice, les juridictions prononcent aussi des peines
d’amende.
Toutefois, avant de prononcer des sanctions, les juges restent prudents dans l’appréciation de
l’intention de nuire ou du détournement du droit par rapport à sa finalité initiale.
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