Deux contre-exemples à la conjecture de Borsuk
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Deux contre-exemples à la conjecture de Borsuk
Deux contre-exemples à la conjecture de Borsuk Timo Jolivet Ce texte comporte trois parties : 1. Description de la conjecture de Borsuk 2. Développement du premier contre-exemple 3. Développement du deuxième contre-exemple 1. Présentation du problème. Donnons-nous une partie S de Rd bornée et de diamètre non nul. Combien faut-il de morceaux pour partitionner S de sorte que chaque morceau de la partition soit de diamètre strictement inférieur à celui de S ? Cherchons d’abord une borne inférieure pour le nombre de morceaux en fonction de d. En considérant l’ensemble ∆ des d + 1 sommets du simplexe P {(x0 , . . . , xd ) ∈ Rd+1 : i xi = 1 et xi > 0 pour tout i} ⊂ Rd , on se rend compte que tout sous-ensemble de ∆ non réduit à un point est de diamètre 1, et comme le diamètre de ∆ est aussi de 1, il faut donc au moins d + 1 morceaux pour découper ∆ comme décrit plus haut. On peut regarder ce qui se passe dans le plan pour mieux visualiser le problème en considérant l’ensemble des trois sommets d’un triangle équilatéral de côté 1. On vient de voir pour une partie de Rd , d + 1 morceaux sont nécéssaires dans le cas général. La question qui se pose maintenant est de savoir si d + 1 morceaux suffisent. C’est la question que Karol Borsuk se posa en 1933 (voir la fin de [2]), qui finalement demeura sous le nom de “Conjecture de Borsuk”. Par commodité, le nombre minimal de morceaux nécéssaires pour découper S en sous ensembles de diamètre non nul et inférieur à celui de S sera appelé b(S), le nombre de Borsuk de S. On définit aussi le dème nombre de Borsuk par b(d) := max{b(S) : S ⊂ Rd et 0 < diam(S) < ∞}, le plus petit entier b(d) tel que toute partie de Rd admette une partition de b(d) parties réduisant le diamètre. Ce qui a été vu plus haut peut donc être résumé par b(d) > d+1, car b(∆) = d+1. La conjecture de Borsuk se traduit alors par le fait que b(d) = d + 1 pour tout entier naturel non nul d. 1 Les trois premiers cas. La conjecture est vraie pour d = 1, 2 et 3. Le cas d = 1 se montre très aisément : pour une partie S de R, on considère le segment [a, b] recouvrant S et de même diamètre que S. Les deux ensembles suivants constituent une partition convenable : a+b a+b et S∩ ,b . S ∩ a, 2 2 Le cas d = 2 se montre en utilisant un résultat intermédiaire : toute partie S de diamètre fini et non nul du plan peut être recouverte par un hexagone régulier particulier que l’on peut découper en trois parties de diamètre strictement strictement inférieur à diam(S), et faire faire correspondre ce découpage au sous-ensemble recouvert par l’hexagone. S diam(S) Découpage d’une figure du plan en trois parties On peut raisonner de la même manière pour d = 3 que pour le plan en considérant un octahèdre tronqué d’une certaine manière. Nous ne prouverons pas ces deux derniers résultats en détail mais des démonstrations rigoureuses sont présentées dans [3]. Le cas général. Karol Borsuk a prouvé que b(S) = d + 1 si S est la boule unité {x ∈ Rd : |x| 6 1}, qui est la partie de Rd de diamètre 1 de plus gros volume et Oded Schramm a prouvé en 1988 que pour d assez grand, b(d) 6 (1, 23)d . Le résultat de Borsuk tient aussi si S et convexe et symétrique par rapport à son centre, ou si S est convexe et lisse. Intuitivement, ceci peut laisser penser que la conjecture de Borsuk est vraie pour tout d. En 1963, Jeff Kahn √ et Gil Kalai démontrèrent (voir [4]) que pour d assez grand, on a b(d) > (1, 2) d , ce qui contredit la conjecture de Borsuk étant donné que cette valeur dépasse largement d + 1 lorsque d tend vers ∞. Ce résultat fournit alors un contreexemple en dimension 1325. De nombreux efforts on été faits par la suite pour essayer de trouver un contre-exemple dans une dimension plus petite. 2 Voici un tableau récapitulatif de l’amélioration successive des dimensions des contre-exemples : • • • • • • • dimension dimension dimension dimension dimension dimension dimension 1325 : 946 : 561 : 560 : 323 : 321 : 298 : Kahn et Kalai, [4] Nilli, [5] Raigdoriski, [6] Weissbach, [7] Hinrichs, [8] Pikhurko, [9] Hinrichs et Richter, [10] Notons qu’il a été démontré que la conjecture est fausse pour tout d > 298. (Historiquement : de 298 a 320 : Hinrichs et Richter, de 321 à 322 : Pikhurko, de 323 à 560 : Hinrich et pour d > 561 : Raigorodskii.) La réponse au problème est donc loin d’être complète. On ne sait pas ce qui se passe dans le cas général pour 4 6 d 6 297, et un contre-exemple dans les “basses” dimensions pourrait tout à fait exister. Une autre question intéréssante serait de trouver un équivalent lorque d −→ ∞ du nombre de Borsuk. En effet, le meilleur encadrement dont on dispose pour l’instant est √ (1, 2) d 6 b(d) 6 (1, 23)d , valable pour d assez grand, ce qui laisse encore beaucoup de place à des progrès éventuels. 3 2. Contre-exemple en dimension 561 et minoration de b(d). Les idées présentées ici sont dues à Raigorodskii et Weissbach (voir [6] et [7]) qui ont amélioré les résultats obtenus par Nilli [5]. On va construire un ensemble de dimension 561 et minorer le nombre de parties nécéssaires pour partitionner cet ensemble en sous-ensembles de diamètre strictement inférieur. Cette minoration permettra de conclure. Théorème. Soient q = pℓ avec p premier et ℓ un entier naturel non nul, n := 4q − 2 et d := n2 = (2q − 1)(4q − 3). Il existe S ⊂ Rd tel que 2n−2 b(S) > Pq−2 n−1 . i=0 i La preuve (assez longue) de ce théorème peut être structurée en trois étapes qui correspondent à la construction successive de trois ensembles Q, R et S, dont le dernier vérifie l’énoncé du théorème. Preuve. Fixons tout d’abord les notations que nous utiliserons le long du raisonnement. Si x = (x1 , . . . , xn ) est un vecteur de Rn , alors Mx désigne la matrice (xi xj )16i,j6n et on note Ux le vecteur (xi xj )i>j des d = 12 n(n − 1) coordonnées de la partie triangulaire strictement supérieure de la matrice Mx . Remarquons que l’on peut interpréter la matrice Mx comme un vecteur de Rn×n , et donc que l’on peut définir un produit scalaire pour les vecteurs x, Mx et Ux en utilisant le produit scalaire usuel, ce qui donne pour x, y ∈ Rn hx, yi = n X i=1 xi yi , hMx , My i = X xi xj yi yj 16i,j6n et hUx , Uy i = X xi xj yi yj . 16i<j6n (I) Considérons maintenant l’ensemble Q := {x ∈ {−1, 1}n : x1 = 1 et #{i : xi = −1} ≡ 0 mod 2} ⊂ Rn , qui comporte 2n−2 points. Comme chaque vecteur a n = 4q − 2 coordonnées et que le nombre de celles qui sont égales à −1 est pair, il vient que pour x, y ∈ Q, on a hx, yi = 4q − 2 − 2#{i : xi 6= yi } ≡ 2 mod 4. Disons que deux vecteurs x et y sont quasi-orthogonaux si |hx, yi| = 2. Toute la suite de la preuve est basée sur le lemme suivant que nous démontrerons plus tard. 4 Lemme. Si Q′ ⊂ Q ne contient pas de vecteurs quasi-orthogonaux, alors q−2 X n−1 ′ |Q | 6 . i i=0 (II) La deuxième étape de notre construction est l’ensemble 2 R := {Mx : x ∈ Q} ⊂ Rn . La première colonne de chaque Mx ∈ R étant le vecteur x ∈ Q, on en déduit que R a aussi 2n−2 éléments, comme Q. Pour Mx et My dans R, on calcule hMx , Mx i = = n X n X i=1 j=1 n X xi xj yi yj xi yi i=1 n X xi yi i=1 = hx, yi2 > 4, ce qui est vrai car on a prouvé plus haut que hx, yi ≡ 2 mod 4 si x, y ∈ Q. Par conséquent, Mx et My auront un produit scalaire minimal de 4 si et seulement si x et y sont quasi-orthogonaux, d’où le fait, (en vertu du lemme), qu’un sous ensemble R′ ⊂ R ne contenant pas de vecteurs Mx , My tels que P n−1 hMx , My i = 4 est de cardinal inférieur à q−2 i=0 i . (III) Le dernier ensemble qui va constituer le contre-exemple voulu est S := {Ux : x ∈ R} ⊂ Rd , dont le cardinal est encore une fois de 2n−2 , car à chaque Ux correspond un unique x puisque la matrice Mx est symétrique. Aussi, on a 4 6 hMx , My i = n + 2hUx , Uy i, c’est à dire n , 2 avec égalité si et seulement si x et y sont quasi-orthogonaux. On se sert de cela pour montrer que la distance entre deux vecteurs de S hUx , Uy i > 2 − q hUx − Uy , Ux − Uy i = q hUx , Ux i + hUy , Uy i − 2hUx , Uy i q n n = 2 + 2 − 2hUx , Uy i q 6 2 n2 + n2 − 2 5 est maximale si et seulement si x et y sont quasi-orthogonaux. Cela implique donc que tout ensemble S ′ ⊂ S de diamètre strictement inférieur à celui de Pq−2 S est est de cardinal inférieur à i=0 n−1 i . Une borne inférieure du nombre minimal d’éléments d’une partition de S telle que chaque élément de celle-ci soit de diamètre strictement inférieur à celui de S est donnée par le quotient du nombre d’éléments de S par le nombre d’élements maximal dans chaque morceau. Tout cela signifie que 2n−2 b(S) > m(q) := Pq−2 n−1 , i=0 i ce qui achève la démonstration du théorème. N’oublions pas que nous avons admis le lemme et démontrons-le sans plus attendre. Preuve du Lemme. On établit d’abord un résultat général sur un certain type de polynômes : la fonction k−2 (k − 2)(k − 3) · . . . · (k − q + 1) P (k) := = (q − 2)! q−2 est polynômiale, de degré q − 2 et donne un entier pour tout entier k. L’enter P (k) est divisible par p si et seulement si k n’est congruent ni à 0 ou à 1 modulo q. On rapelle que p est le nombre premier tel que q = pℓ . On va comparer le nombre de p-facteurs dans le numérateur et le dénomiteur de la fraction. Le dénominateur a autant de p-facteurs que (q − 1)! car tous les produits de q − 1 entiers de classes résiduelles distinctes et non nulles modulo q ont le même nombre p-facteurs. (Cela est du au fait que si x ≡ y ne sont dans la classe nulle modulo q, alors ils ont le même nombre de pfacteurs. Cela se prouve en écrivant a = b + spℓ avec b non divisible par pℓ , ce qui montre que si pm divise b, alors m < ℓ. On a donc que pm divise a, et l’argument marche aussi pour b.) Si k ≡ 0, 1 mod q, alors le numérateur l’est aussi. Comme c’est un produit de q − 1 entiers de classe non nulle modulo q, il a le même nombre de p-facteurs que le dénominateur et donc le quotient n’est pas divisible par p. En revanche, si k n’est pas congru à 0 ou 1 modulo q, alors le numérateur admet un (unique) facteur qui est divisible par p = q ℓ . Ses facteurs seront soit dans la classe des entiers non divisibles par p soit dans la classe des entiers ayant moins de p-facteurs que pℓ . Il y a donc plus de p-facteurs dans le numérateur que dans le dénominateur, d’où le fait que le quotient soit divisible par p. Soit maintenant Q′ ⊂ Q ne contenant pas de vecteurs quasi-orthogonaux. Nous allons majorer le cardinal de Q′ . Soient x et y deux vecteurs distincts 6 de Q′ . Comme x1 = y1 = 1 et que x 6= y, on a −(4q − 3) 6 hx, yi 6 4q − 3, et vu que le nombre 14 (hx, yi + 2) est entier (car hx, yi ≡ 2 mod 4), il vient −(q − 2) 6 1 4 (hx, yi + 2) 6 q − 1. Servons-nous du résultat préliminaire que nous avons montré plus haut. Pour y ∈ Q′ , le polynôme à n variables x1 , . . . , xn défini par 1 (hx, yi + 2) 1 4 Fy (x) := P ( 4 (hx, yi + 2)) = q−2 est de degré q − 2 et à valeurs entières. Si x = y, alors Fy (x) = 1 n’est pas divisble par p. Pour x 6= y, Fy (x) n’est pas divisible par p si et seulement si 1 1 4 (hx, yi + 2) est congru à 0 ou 1 modulo q, c’est à dire si 4 (hx, yi + 2) vaut 0 ou 1. (Voir l’inégalité plus haut pour s’en convaincre.) Cela n’arrive que si x et y sont quasi-orthogonaux, ce qui est impossible selon la définition de Q′ . L’entier Fy (x) est donc divisible par p si x ∈ Q′ \{y}. Le fait que x, y ∈ {−1, 1}n simplifie les choses : on a x1 = 1 et x2i = 1 pour tout i donc les polynômes (que nous appelerons Gy (k)) obtenus en développant les Fy (x) et en simplifiant l’expression en remplaçant x1 et x2i par 1 vérifieront les mêmes propriétés de divisibilité que les Fy (k). Démontrons par l’absurde que les polynômes {Gy : y ∈ Q′ } sont linéairement indépendants sur Q. Supposons qu’il existe des rationnels P αy (que l’on peut supposer entiers et non tous divisibles par p) tels que y∈Q′ αy Gy (x) = 0. Alors pour tout y ∈ Q′ , l’évaluation de Gy en x = y montre que tous les αy sont divisibles par p, (car Fy (y) ne l’est pas), ce qui contredit les hypothèses faites sur les αy . Les polynômes Gy (x) étant sans carrés (par construction), ils sont des combinaisons linéaires de monômes sans facteur carré de degré au plus q − 2 en les n − 1 variables x2 , . . . , xn . Comme ces monômes constituent un base de l’espace vectoriel E des polynômes sans facteurs carrés à n − 1 variables de degré au plus q − 2 et que les Gy (x) sont linéairement indépendants, le nombre de polynômes Gy (x) (qui est égal à |Q′ |) est borné par la dimension de E, qui est égale au nombre monômes de degré au plus q − 2 en n − 1 Pde q−2 n−1 variables plus 1, c’est à dire i=0 i . Le lemme est donc prouvé. Le contre-exemple. Grâce au théorème, on peut construire le tableau suivant duquel on peut enfin tirer des informations sur b(d) : q d m(q) 2 15 16 3 45 25, 6 4 91 44, 5 5 153 78, 6 7 323 245, 3 7 8 435 431, 8 9 561 758, 3 11 861 2320, 9 On voit que l’on a presque un contre-exemple en dimensions 15 et 435, mais il faut aller jusqu’à q = 9 = 32 pour en obtenir un en dimension 561. En effet, on a m(9) = 758, 3 > d + 1 = 562, et comme m(9) est le nombre minimal du nombre de morceaux qu’il faut pour partitionner S en parties de diamètre plus petit, cela constitue bel et bien un contre-exemple. Minoration de b(d). Rapellons tout d’abord un petit résultat d’analyse : n pour un entier naturel non nul n, on a n! < en ne . En effet, on sait que R k+1 Pn−1 log(n − 1)! = k=2 log k, et comme log(k) < k log tdt, il vient Z n log tdt = n log n − n + 1 log(n − 1)! < 1 n log n−n+1 ⇐⇒ (n − 1)! < e n n en log n = e = e , n e d’où le résultat escompté en multipliant l’inégalite par n. Nous sommes maintenant en mesure de donner une majoration de m(q) = q−2 X 4q − 3 i=0 i ce qui donne 4q (4q)! < q = q q q!(3q)! 4q 4qe 4q 4q 2 256 q e < q , q 3q = e 27 qe qe 3qe 3q e 2n−2 b(d) > m(q) = Pq−2 i=0 Aussi, pour q > 3, on a e > 4q−3 64q 2 i 27 16 q . 13d = 13(2q − 1)(4q − 3) = 65q 2 + 65(q − 2)(3q − 1) > 64q 2 , et en résolvant une équation du second degré, q q 1 d q = 58 + d8 + 64 > 8 Ces trois inégalités et une approximation numérique fournissent la minoration désirée : pour d assez grand, on a e b(d) > 13d 27 16 r d 8 > √ √ e (1, 202) d > (1, 2) d . 13d La toute dernière inégalité est valable pour d grand car 1, 202 > 1, 2. 8 3. Contre-exemple en dimension 323 et codes sphériques. En 2002, Aicke Hinrichs proposa dans l’article [8] un contre-exemple en dimension inférieure à tout ce qui avait déjà été trouvé. Cette construction va être reprise ici, à l’exception d’un résultat déjà connu auparavant (plus de détails seront fournis dans la preuve). Nous allons prouver qu’il existe au moins un ensemble inclus dans R323 dont le nombre de Borsuk est strictement supérieur à 561, et donc que la conjecture de Borsuk est fausse pour d allant de 323 à 560. Introduisons quelques définitions de base de la théorie dite des codes sphériques. On note Ωd la sphère unité {x ∈ Rd : |x| = 1}. Un code sphérique est un sous ensemble fini C de Ωd . Si S ⊂ [−1, 1[ et hx, yi ∈ S pour tous x, y ∈ C disctincs, on dit alors que C est un S-code (sphérique). L’entier naturel A(d, S) désigne le cardinal maximal d’un S-code quelconque de Ωd et A(d, S, X) le cardinal maximal d’un S-code quelconque de X ⊂ Ωd . Proposition 1. Soient S 6= ∅ un sous-ensemble fini de [−1, 1[ et X ⊂ Ωd . Posons n := d(d + 3)/2, α := max(S ∩ [−1, 0[ et β := min(S ∩ [0, 1[). Si α + β < 0, alors deux inégalités suivantes sont vraies : b(n − 1)A(d, S\{α, β}) > A(d, S) et b(n − 1)A(d, S\{α, β}, X) > A(d, S, X). La démonstration n’est pas très compliquée une fois que l’on a défini les objets sur lesquels raisonner (qui constituent en fait toute l’idée du raisonnement). Preuve. Soit C ⊂ Ωd un S-code tel que |C| = A(d, S). Un tel ensemble existe car on peut toujours trouver des codes à un élement et que toute partie finie non vide de N est majorée. Donnons-nous aussi une base orthonormée de Rn = Rd(d−1)/2+2d que nous notons (ei )di=1 , (fi )di=1 , (gi,j )16i<j6d . Le dernier ingrédient est l’application Φ : Rn −→ Rd , x = (x1 , . . . , xn ) 7−→ Φ(x) définie par d d X X X p √ 1 Φ(x) = √ ei x2i + −α − β xi fi + 2 xi xj gi,j . 1 − α − β i=1 i=1 16i<j6d Cette application est injective (indépendance linéaire des ei , fi et gi,j ) et également bien définie car α + β < 0. Un calcul ayant faussement l’air lourd donne : (on ne se sert que de la formule donnant le carré d’une somme) hΦ(x), Φ(y)i = (hx, yi − α)(hx, yi − β) − αβ . 1−α−β 9 Il s’ensuit que hΦ(x),p Φ(y)i est minimal si et seulement si hx, yi ∈ {α, β}, et donc que la distance hΦ(x), Φ(x)i + hΦ(y), Φ(y)i − 2hΦ(x), Φ(y)i est maximale si et seulement si hx, yi ∈ {α, β}. Cela entraine le fait que pour que la distance entre deux points Φ(x) et Φ(y) de C soit égale à diam(Φ(C)), il faut et il suffit que hx, yi ∈ {α, β}. Ainsi, tout sous-ensemble de Φ(C) de diamètre strictement inférieur à diam(Φ(C)) ne contiendra pas de tels points. Notons que l’image de Ωd par Φ est contenue dans l’hyperplan de dimension n − 1 des vecteurs tels que la somme des coordonnées des ei soit égale à 1 (car on a hx, xi = 1 si x est dans Ωd ). Considérons maintenant une partition de Φ(C) de b(n − 1) ensembles de diamètre strictement plus petit. L’injectivité de Φ permet d’affirmer l’existence d’une partition de C en b(n − 1) sous-ensembles dont chacun est un S\{α, β}-code, en vertu de ce que nous avons établi plus haut. Chacun de ces sous-ensembles étant de taille au plus A(d, S\{α, β}), on obtient b(n − 1)A(d, S\{α, β}) > |C| = A(d, S). Comme X ⊂ Ωd , la deuxième égalité se prouve exactement de la même manière. Proposition 2. Si X = Ω24 ∩ (i) (ii) (iii) √ 2 24 8 Z , A(24, {− 12 , 12 }, X) A(24, {− 12 , A(24, {−1, − 12 , 1 4, 1 4, 1 2 }, X) 1 2 }, X) alors : 6 25 6 325 6 350. Nous allons raisonner à peu près de la même manière que dans la démonstration du lemme de la partie précédente, cest à dire en considérant une famille de polynômes linéairement indépendants dont le nombre minore le cardinal des codes sphériques en question. Preuve. (i) Pour un {− 12 , 12 }-code C ⊂ X, considérons les polynômes de degré au plus 1 donnés pour c ∈ C par Pc (x) := 2hx, ci + 1. Ils sont √ à coefficients dans Q( 2). Aussi, on a Pc (c) = 3 (car c est sur la sphère unité), Pc (x) = 0 si hx, ci = −1/2 et Pc (x) = 2 si hx, ci = 1/2. Montrons par l’absurde que les polynômes {Pc : c ∈ C} sont linéairement indépendants sur √ d’entiers non tous pairs {αc , βc ∈ Q : c ∈ C} Q( 2). On √ P suppose l’existence tels que c∈C (αc + βc 2)Pc = 0. La contradiction est obtenue en évaluant cette somme succesivement en chaque point de C : on trouvera à chaque fois que 3αc et 3βc sont combinaison linéaire à coefficients entiers de 0 et de 2, ce qui est contraire aux hypothèses faites sur les αc et les βc . Le cardinal de √C est donc forcément inférieur à la dimension de l’espace vectoriel sur Q( 2) de dimension 25 des polynômes de degré au plus 1 à 24 variables. 10 (ii) On considère les polynômes définis par Qc (x) := (2hx, ci−1)(4hx, ci−1). L’argument est similaire à celui utilisé pour (i) : on a Qc (c) = 3 et Qc (x) est pair si x 6= c et c est un élément d’un { 14 , ± 12 }-code. Le cardinal d’un tel √ code est donc inférieur à la dimension de l’espace vectoriel sur Q( 2) des 25 25 polynômes de degré au plus 2 à 24 variables, qui vaut 2 + 1 = 325. (iii) Soit C ∈ X un {−1, 14 , ± 12 }-code. Considérons deux sous-ensembles de C : on note C1 l’ensemble des points de C dont le point antipodal n’est pas dans C et C2 ⊂ C\C1 l’ensemble contenant un point de chaque paire de points antipodaux de C. (On rappelle que deux points sont antipodaux (sur une sphère) si la droite qu’ils définissent passent par le centre de la sphère. Le produit scalaire de deux points antipodaux vaut −1. En effet, si x = (x1 , . . . , xd ) est antipodal à y = (−x1 , . . . , −xd ) = −x, leur produit scalaire vaut −(x21 +. . .+x2d ) = −1. L’ensemble C1 ∪C2 est donc un { 14 , ± 12 }code. Aussi, on n’a jamais hx, yi = 14 pour x, y ∈ C2 car sinon on aurait hx, −yi = − 14 , où −y désigne le point antipodal de y, qui appartient bien à C. (i) et (ii) entrainent donc que |C| = |C1 | + 2|C2 | 6 325 + 25 6 350, ce qui achève la démonstration de la proposition. Ces deux propositions permettent de conclure. On a également besoin d’un résultat (que nous admettrons) démontré au chapitre 14 du livre [11] : il existe un sous-ensemble C dudit “réseau de Leech” (de dimension 24) tel que C ⊂ X et C soit un {−1, 0, ± 12 , ± 14 }-code de cardinal 196560, où X est l’ensemble de la proposition 2. Cela implique que A(24, {−1, 0, ± 12 , ± 14 }, X) > 196560. En utilisant la deuxième inégalité de la proposition 1 et le (iii) de la propostion 2, on trouve : 196560 b(323) > = 561, 6 > 561. 350 11 Références [1] M. Aigner & G. M. Ziegler : Proofs from THE BOOK, 3e édition, Springer-Verlag (2004), 85–90. [2] K. Borsuk : Drei Sätze über die n-dimensionhale euklidische Sphäre, Fundamenta Math. 20 (1933), 177–190. [3] B. Grünbaum : Borsuk’s problem and related questions, Proc. Symp. Pure Math. 7 Amer. Math. Soc (1963), 271–284. [4] J. Kahn & G. Kalai : A counterexample to Borsuk’s conjecture, Bulletin Amer. Math. Soc. 29 (1993), 60–62. [5] A. Nilli : On Borsuk’s Problem, Jerusalem Combinatorics ’93, Contemporary Mathematics 178, Amer. Math. Soc. (1994), 209–210 [6] A. M. Raigorodskii : On dimensionality in the Borsuk problem, Uspekhi Mat. Nauk 52 (1997), 181–182. [7] B. Weissbach : Sets with large Borsuk numbers, Contributions to Algebra and Geometry 41 (2000), 417–423. [8] A. Hinrichs : Spherical codes and Borsuk conjecture, Discrete Math. 243 (2002), 253–256. [9] O. Pikhurko : Borsuk’s conjecture fails in dimensions 321 and 322, eprint : arXiv:math.CO/0202112 (2002). [10] A. Hinrichs & C. Richter : New sets with large Borsuk numbers, Discrete Math. 270 (2003), 135–146. [11] J. H. Conway & N. J. A. Sloane : Sphere packings, lattices and groups, Springer (1999), chapitre 14. 12