Quelles réformes pour le pacte de stabilité

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Quelles réformes pour le pacte de stabilité
Quelles réformes pour le pacte de stabilité ?
Une révolution ou de simples aménagements ?
« Nos propositions introduisent une plus grande logique économique dans la
mise en oeuvre du pacte, tout en renforçant la surveillance et l'application effective »
Joaquin Almunia (commissaire aux Affaires Economiques et Monétaires)
Cette annonce de Joaquin Almunia, donne le ton de la réforme mais laisse planer
le doute sur son ampleur. Alors que nombre des détracteurs du Pacte de Stabilité et
de Croissance (PSC) en réclament une réforme en profondeur, voire son abrogation,
cette annonce, bien qu’imprécise, fait davantage penser à une évolution qu’à une
révolution. Etabli le 17 juin 1997 à Amsterdam, le PSC avait pour objectif d’être un
instrument favorisant la stabilité économique et la coordination des politiques
budgétaires entre les états membres. Pour cela il devait imposer une discipline
budgétaire - en contenant les déficits et en réduisant la dette à moyen terme - et un
contrôle de l’inflation pour que la politique budgétaire soit coordonnée avec la
politique monétaire.
Néanmoins, quatre Etats (la France, l’Allemagne, le Portugal, l’Italie) et
aujourd’hui officiellement la Grèce annoncèrent en 2002, qu’ils dépasseraient le
critère des 3% du PIB autorisés par le PSC. La suspension des « procédures pour
déficits excessifs » suite à la rencontre de l’Ecofin en novembre 2003 donna le signal
de la faillite du PSC dans sa forme originale et de la nécessité de le réformer. Ce
dernier avait en effet perdu toute crédibilité. L’exception dont avaient bénéficié
certains pays « fautifs » était trop systématiquement revendiquée et risquait de le
devenir à l’avenir.
Les pays « fautifs » invoquèrent, en l’occurrence, la situation économique atone
qui caractérisait leurs économies, indiquèrent que le respect des critères était
impossible à l’époque et que tout effort en ce sens aurait gravement handicapé les
économies nationales. Cependant, le PSC n’interdisait aucunement les politiques
destinées à soutenir une activité économique déprimée. Il considérait seulement que,
préalablement au soutien de l’économie en basse conjoncture, les pays devaient se
créer des marges de manœuvre lorsque la croissance était importante (politique
contra-cyclique) comme l’ont par exemple fait les Etats-Unis. Néanmoins, la France
sous le gouvernement Mr Jospin (on se souvient de l’affaire de la cagnotte fiscale au
printemps 2000) a mis en place une politique pro-cyclique (pour consolider une
reprise encore faible ou répondre à des exigences politiques), ce qui laissa peu de
marge lors du renversement du cycle économique en 2002 qui entraîna le déficit au
delà des 3% autorisés.
Plusieurs reproches ont été adressés au PSC et certains d’entre eux guident les
évolutions projetées par la Commission européenne, mais qui doivent être encore
débattues.
Parmi les possibilités de réforme qui n’ont pas été privilégiées par la
Commission, on trouve le retrait de certaines dépenses des critères de Maastricht
et donc du PSC. Ces dépenses, que sont l’investissement et le financement de la
« recherche et développement », favorisent la croissance et suivent donc l’un des
objectifs du PSC. Ce serait cependant ouvrir la boite de Pandore, dans la mesure
où les Etats devraient arriver à s’accorder sur les investissements qui doivent être
défalqué du pacte (le débat avait déjà été houleux à ce sujet lors de la création du
PSC). De plus, cela serait une porte ouverte sur de nombreux excès qui
contreviendraient à l’autre objectif du PSC : la stabilité. Par ailleurs, certains
considèrent que les dépenses militaires d’un pays contribuent à la défense du
territoire et des intérêts de l’ensemble des pays membres et ne doivent pas, pour
cela, être incluses dans la prise en compte du déficit.
Le premier axe de réforme envisagé consisterait, dès lors, à inciter les
gouvernements à faire des efforts en période de croissance, et ainsi développer des
mécanismes stabilisateurs automatiques. Cela pourrait être fait de plusieurs
manières :
- Un engagement moral des pays. Néanmoins l’exemple des dérives précédentes
laisse à penser que ce dernier ne serait pas suffisant.
- Un raisonnement en terme structurel (on ne tiendrait pas compte des variations
budgétaires liées aux cycles économiques).
- Un mécanisme de récompense des pays les plus vertueux (ce dernier semble
avoir la préférence de la Commission)
Un second axe consisterait à se centrer sur la dette des pays et moins sur leurs
déficits, ce qui libérerait une marge de manœuvre supplémentaire (en fonction des
modalités finales retenues) pour la gestion de la politique économique avec
cependant, l’obligation à moyen terme d’une diminution sensible de la dette.
Le dernier axe évoqué est d’inspiration keynésienne puisqu’il consisterait en un
allègement des circonstances exceptionnelles qui sont nécessaires pour le non
engagement des procédures de déficit excessif lors d’un déficit supérieur à 3%. Alors
qu’auparavant il était nécessaire de connaître deux trimestres successifs de récession
(croissance négative), il suffirait à présent de se trouver dans une situation de
« ralentissement prolongé »1 de l’activité économique (ce projet est combattu par la
Banque Centrale Européenne).
Il y a certes des projets de réforme. Cependant, on ne peut parler de révolution,
loin de là. De plus, si comme l’exprimait Joacquim Alumina, ces réformes visent à
introduire une plus grande logique économique, on peut néanmoins s’interroger sur
les motivations qui les soutendent. En effet, il est possible de faire deux
interprétations des axes de réforme donnés. La première est celle de l’introduction
d’une plus grande flexibilité et de logique économique dans la gestion de la politique
économique. Cela suppose aussi une plus grande responsabilité de la part des Etats
et des gouvernements qui restent toujours susceptibles d’utiliser la politique
1
Le Monde, édition du 14/09/2004
budgétaire pour des motifs électoraux (forte hausse des dépenses et multiplication
des cadeaux budgétaires dans l’année précédant les élections). L’autre interprétation
probablement plus vraisemblable est celle d’une réforme « de forme », c’est à dire un
nouvel habillage du pacte de manière à restaurer sa crédibilité.
Avec les informations disponibles à l’heure actuelle, il n’est pas possible de
trancher entre ces deux optiques ni même d’être sûr qu’une troisième voie ne puisse
voir le jour. Les déclarations contradictoires et les mesures en demi-teintes doivent
néanmoins inciter à la prudence quant à l’espoir d’une réforme en profondeur du
pacte ; que ce soit dans le sens d’une plus grande rigidité ou au contraire, d’une plus
grande liberté de politique économique.
Benoît MASQUIN
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