L`isolement chez les « psy »
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L`isolement chez les « psy »
Vol. 7 no 1 janvier 2005 L’isolement chez les « psy » Un éditorial de Charles Roy, Président SOMMAIRE L’isolement chez les « psy » 1 L’Assemblée générale de l’Ordre : Un sprint de 50 minutes 2 CSST : Préparation des actions politiques 3 Association québécoise des psychologues en CLSC : Un cadre de pratique en première ligne 3 Michelle Larivey (1944-2004) Des psychologues témoignent 4 La carrière exceptionnelle de Michelle Larivey 5 L’héritage de Michelle Larivey 6 Approche narrative : Un des fondateurs de passage à Montréal 9 Le psychologue en lien avec les firmes de Programmes d’aide aux employés 10 Projet de règlement sur le Comité d’inspection professionnelle 12 Nouvelles du C.A. 13 Départ de deux membres du Conseil d’administration 13 Nouvelle équipe d’aviseurs légaux 14 Augmentation des plaintes portées au Syndic 15 L’isolement relié à la nature de leur profession est une difficulté fréquemment évoquée par les psychologues. D’entrée de jeu, ce métier repose principalement sur le format de rencontres entre deux personnes, le clinicien et son client, derrière des portes closes. Et il comporte des risques importants, auxquels les psychologues sont souvent peu conscientisés, contrairement aux pompiers ou astronautes qui eux, savent très bien à quoi s’attendre dans l’exercice de leurs fonctions. Aussi, faut-il prendre les moyens nécessaires pour identifier et gérer ces risques - dont celui de l’isolement - auxquels sont confrontés les psychologues cliniciens. Le psychologue peut généralement recevoir beaucoup de gratification de la part de ses clients, en lien avec l’impact bénéfique de son travail : changement, mieux-être ou même guérison. Mais la reconnaissance et l’appréciation témoignées par les clients peuvent aisément masquer l’envers de la médaille. Pensons tout d’abord aux premières années de pratique vécues dans le doute et le questionnement, face à la complexité de l’humain et à la diversité des problématiques. Le praticien mettra généralement plusieurs années avant d’atteindre un minimum d’assurance professionnelle, voire d’aisance clinique. Mais même ce stade atteint, le défi reste de taille. Car le psychologue demeure seul. Seul pour porter l’envers de sa gratification. Seul, pour porter sa propre humanité. Sa plus grande solitude est peut-être liée à la lourdeur du rôle qu’il a à exercer, celui d’être en quelque sorte un modèle positif au plan humain : à cause de ce rôle, il pourra être peu enclin à avouer ses questionnements ou faiblesses à ses pairs. Je me souviens, durant mes premières années de pratique, avoir senti qu’il fallait quasiment être parfait pour pouvoir éthiquement avoir le droit d’exercer ce métier, et qu’à défaut de l’être, cela signifiait presque de ne pas mériter d’être psychologue. Un important facteur de solitude est lié à la capacité limite d’exercer la fonction thérapeutique et d’encaisser la pression psychologique. Une publication de l’Association canadienne pour la santé mentale et portant sur l’épuisement professionnel, relatait le risque élevé de « burn-out » pour les personnes dont le travail est de nature relationnelle. Et ce risque augmente significativement lorsqu’il s’agit de contacts relationnels intenses, comme pour les praticiens de la relation d’aide qui côtoient quotidiennement la détresse humaine. Une recommandation était faite à l’effet de mesurer et baliser sa capacité limite de contacts relationnels dans une semaine, en tenant compte non seulement des heures d’entrevues mais également des rapports sociaux en général. 7400, boul. Les Galeries d’Anjou, bureau 410 Anjou (Québec) H1M 3M2 (514) 353-7555 ou 1-877-353-7555 [email protected] L’isolement chez les « psy » Le transfert idéalisant du client ne facilite pas la tâche au thérapeute quand vient le moment pour celui-ci de regarder son ombre, de contacter ses vulnérabilités. Car cette vulnérabilité existe du fait même que les psychologues sont eux aussi des humains. Du fait qu’ils connaissent eux aussi parfois des périodes de détresse au cours de leur vie. J’apprenais, l’an passé, la triste nouvelle du suicide d’une jeune psychologue de la région de Québec. Et combien de souffrance cachée chez les psychologues ! Ce côté plus humain est cependant tabou : nous hésitons à en parler, à le dévoiler, par crainte de l’inadéquacité, de l’incompétence. C’est ce tabou qui condamne bon nombre de psychologues à l’isolement. J’avais été assez étonné, il y a quelques années, par la lecture d’un ouvrage sur le risque du métier de thérapeute. Le bouquin « A perillous calling », de M. B. Sussman (1995), m’a tout de même rassuré en démontrant que le travail quotidien au contact de la souffrance morale entraîne réellement des impacts qui peuvent s’avérer lourds de conséquences. Les titres de chapitres sont très évocateurs à cet effet : le thérapeute en zone de combat, le thérapeute et ses propres maux, « pathologisation » de la vie, l’impact émotionnel du travail, les risques liés au travail auprès des suicidaires, et bien d’autres. « Faced with repeated stories of cruelty and perversion, therapists may develop a bleak view of human nature, become fearful and less trusting of others, and experience a sense of separatedness and alienation from family, friends, or coworkers » (p. 2). Et puis il y a le risque de se retrouver dans la situation du « cordonnier mal chaussé ». Car après avoir consacré son énergie à traiter la souffrance de ceux qu’il côtoie au quotidien, il se peut que le praticien n’ait plus tellement le goût de s’occuper de la sienne propre ni d’aller fouiller dans ses zones sombres. Sussman rappelle que les psychologues sont eux aussi exposés à vivre les problématiques traitées dans leurs bureaux. Si je relate ces propos, ce n’est pas dans le but d’être négatif ou défaitiste. Mais plutôt dans le but d’inviter à alléger ce fardeau moral qui peut peser lourd à certaines périodes de notre vie professionnelle, particulièrement si nous croyons être seuls à vivre ces situations. Je recommande d’ailleurs fortement la lecture du bouquin « A perillous calling » à tous ceux qui ont envie d’un peu de validation et de réconfort par rapport à la dimension personnelle de la profession. Et l’antidote par excellence à l’isolement, c’est le contact. Le contact avec ses pairs, dans un but de soutien, de validation et de normalisation. C’est également le soutien moral que l’on va chercher auprès de ses proches ou de ses amis, bien que par moment, ce ne soit pas facile. Il faut cependant ne pas oublier de bien gérer les besoins sociaux, afin de ne pas provoquer une surcharge de stress relationnel, comme le recommande l’Association canadienne de santé mentale. Il ne faut pas oublier non plus l’appui professionnel que l’on peut obtenir via les formations, ou l’implication associative, tout en bénéficiant de l’occasion d’échanger avec ses pairs. Mais à mon point de vue, l’un des meilleurs antidotes consiste à accepter tout simplement d’être des humains nous aussi. Une des façons privilégiées de contacter notre humanité se réalise à travers une démarche psy- 2 Suite chothérapeutique. La psychothérapie personnelle s’avère une stratégie gagnante pour le clinicien en ce qu’elle lui permet d’accueillir sa propre vulnérabilité, et de continuer son processus évolutif en tant qu’humain. Il s’agit à mon sens d’une façon très précieuse de se ressourcer personnellement et qui, du même coup, permet de nourrir la flamme du clinicien. Se retrouver soi-même sur la chaise du client permet d’avoir une attitude plus humble avec nos clients, en nous rappelant que nous faisons partie de la même aventure humaine. Au moment où j’écris ces lignes, j’ai à accueillir dans mon humanité une nouvelle qui me touche profondément, soit celle du décès d’une collègue, Michelle Larivey. Ce départ me rappelle que la souffrance et la mort font aussi partie de ma vie, en tant que psychologue et que cette vie passe d’ailleurs très rapidement. Ce qui me rappelle qu’il faut la goûter et la vivre le plus intensément possible. 3 Ce bulletin vous a intéressé ? SVP ne le jetez pas au panier. Faites-le plutôt circuler auprès de vos collègues psychologues Par ce geste simple, vous contribuerez au développement de votre Fédération. Pour devenir membre de la Fédération des psychologues du Québec : Communiquez avec notre secrétariat au (514) 353-7555 ou 1-877-353-7555 Courriel : [email protected] Télécopieur : (514) 355-4159 Site WEB : http://www.provirtuel.com/fpsyq.html Ce bulletin est publié par la Fédération des psychologues du Québec. Les articles sont sous la responsabilité de leurs auteurs. La reproduction des textes est autorisée avec mention de la source. Vos textes, sur tout sujet d’intérêt pour les psychologues, sont bienvenus. Prochaine date de tombée : vendredi le 25 février 2005. Merci à : Annie Benoit, Manon De Chatigny, Claude collaboration à ce bulletin. Coordination : Bernard Uhl Lautman et Marie-Josée Morin pour leur