Conférence - Conseil Economique Social
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Conférence - Conseil Economique Social
Conférence : « Le Développement à l’Ere des Marchés » l’International Society for Markets and Development Casablanca - 22 mai 2012 Monsieur le Président de l’International Society for Markets and Development, Mesdames et Messieurs, Je tiens à remercier le président Samuel Bonsu pour son invitation à l’ouverture de la 12ème conférence de l’International Society for Markets and Development et d’avoir choisi le Maroc et plus précisément la ville de Casablanca pour organiser cette conférence. Le programme de votre conférence est extrêmement riche et promet des échanges très intéressants, mais j’espère que votre emploi du temps vous permettra aussi de prendre le temps de découvrir un peu Casablanca et cela d’autant plus que beaucoup d’entre vous viennent de loin et que pour certains c’est leur premier séjour au Maroc. Votre conférence se tient à un moment où le monde traverse une succession de crises particulièrement graves, allant de la crise immobilière aux Etats-Unis, à la crise financière mondiale, puis à la crise économique et enfin à la crise des dettes souveraines. Même si certains pays s’en sortent mieux que d’autres, la sortie générale de crise ne semble pas être pour tout de suite. Ces crises ont révélé les excès d’un système financier globalisé dont les flux sont largement plus élevés que les flux commerciaux ; un système qui s’est progressivement détaché de l’économie réelle, utilisant des instruments de plus en plus sophistiqués, voire opaques et qui échappe à la régulation des Etats sans pour autant qu’une régulation mondiale ne lui soit applicable. Le déficit d’éthique et de gouvernance des flux financiers ont animé de nombreux mouvements sociaux qui ont exprimé leur indignation face à une situation marquée par l’arrogance de l’argent facile à un moment ou une grande partie de la population subie les effets de la crise économique et à un moment d’accroissement des inégalités sociales; une situation marquée par la non reddition des comptes de ceux tenus pour responsables de cette crise ; une situation ou les classes moyennes et en particulier les jeunes sont durement touchés par le chômage et l’inégal accès à l’éducation, la santé et aux services publiques de base ; une situation ou l’équité et la justice sociale n’ont pas été au rendez-vous. Ces crises et l’austérité qui les accompagne posent des défis sociaux sans précédent ; les capacités limitées des Etats ne permettent plus de faire face à des situations sociales difficiles ; dans le même temps, la montée de l’individualisme et le chacun pour soi ne favorisent pas la cohésion sociale et la solidarité. L’augmentation rapide de la population âgée dans certaine société, en raison d’une espérance 1 de vie croissante ou le pourcentage important des jeunes dans d’autres sociétés, en raison d’une natalité forte, mettent la question de la solidarité générationnelle au cœur de beaucoup de débats. Mesdames et Messieurs, Dans une conjoncture caractérisée par des mutations économiques et sociales rapides et une tentation forte de repli sur soi et de protectionnisme, le Maroc a fait le choix d’un libéralisme décomplexé et assumé fondé sur la libre entreprise. L'investissement privé est encouragé comme un moteur de la croissance, contribuant à créer des emplois, à stimuler les exportations, à accroître la productivité et développer l'innovation. De même, l’ouverture sur le monde a été considérée comme un levier du développement. L’élargissement de l’accès aux marchés a été renforcé grâce à l’entrée en vigueur de nombreux accords internationaux (le Maroc offre aux investisseurs un accès en libre échange à un marché de 55 pays représentant un milliard de consommateurs et 60% du PIB mondial) et aux mesures de développement et de modernisation des infrastructures, comme soutien à la compétitivité globale du pays. Le pari qui est fait est que ce modèle de croissance ouvert sur le monde, pourrait d’une part profiter aux consommateurs en termes de prix et pourrait d’autre part permettre d’accélérer le développement économique par une spécialisation accrue, en fonction des avantages comparatifs du Maroc, par une diffusion plus large de la technologie et du savoir et par une stimulation de l’innovation par le biais de la concurrence et des gains de productivité. Sur le plan politique, le Maroc, sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a misé au cours des dernières années sur une dynamique de réformes internes qui ont en commun la volonté d’inclusion de groupes ou catégories vulnérables: inclusion politique à travers l’accent mis sur les droits de l’homme et la réconciliation avec le passé (Instance équité et réconciliation), inclusion genre à travers la réforme de la moudawanna et la promotion des droits de la femme, inclusion culturelle à travers la réconciliation avec l’Amazighité comme composante de l’identité nationale et inclusion économique et sociale à travers la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (Initiative Nationale de Développement Humain) et les programmes sociaux lancés. Cette dynamique a trouvé sa consécration dans la nouvelle Constitution qui constitue aussi bien l’aboutissement des réformes engagées que le début d’une nouvelle ère de réformes profondes qui prépare le Maroc de demain. Cette nouvelle Constitution a, dans les domaines économique, social et environnemental, défini un cadre qui fait la synthèse entre la liberté économique et la cohésion sociale dans une perspective de développement durable. Elle conforte les principes du libéralisme économique, en réaffirmant la liberté d’entreprendre et le droit de propriété individuelle et en consolidant la liberté de marché par le principe de la libre concurrence. Mais en même temps, elle consacre les principes politiques de bonne gouvernance et de participation des citoyens à la gestion des affaires publiques et affirme les valeurs d’une société solidaire, permettant à ses citoyens de jouir de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale. Mesdames et Messieurs, Dans la continuité de cette dynamique de réformes, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a installé le Conseil Economique et Social, le 21 février 2011. Ce Conseil est une assemblée constitutionnelle indépendante assurant des missions consultatives auprès du Gouvernement et les deux Chambres du Parlement. Il Compte 99 membres représentant la pluralité des forces vives du Maroc (experts de différents horizons et régions, représentants d’organisations syndicales, professionnelles et d’associations actives dans les 2 domaines économiques, sociaux et environnementaux). Le CES est un cadre qui favorise le renforcement du dialogue social et civil et constitue une tribune officielle d’expression de la Société Civile organisée et un relai de la société civile auprès de l’exécutif et le législatif. Les premiers travaux du Conseil ont accordé la priorité aux sujets de la Charte Sociale et de l’emploi des jeunes. Le CES a également publié des rapports concernant la gouvernance des services publics, l’inclusion des jeunes par la culture et l’économie verte comme opportunité de création de richesses et d’emplois. Le CES considère qu’Il a vocation, à travers ses travaux, à être une force de propositions aussi bien en matière de développement économique, de compétitivité ou d’innovation que d’amélioration du pouvoir d’achat, de réduction des disparités sociales et territoriales ou de développement durable. Le Maroc vit des mutations sociales importantes sous l’effet de la transition démographique, d’une urbanisation rapide, de l’ouverture sur le monde sur le plan économique mais aussi culturel via les NTI. Ces mutations génèrent des conséquences sur le lien social particulièrement la famille, sur les valeurs liées à la citoyenneté et au vivre-ensemble et la confiance entre les personnes et dans les institutions de médiation politique ou sociale. Les défis liés à la réduction des inégalités (de revenu et de capacité), au développement d’une protection sociale adaptée à cette nouvelle réalité ou à la relance de l’ascenseur social font de la cohésion sociale un sujet de grande actualité. Construire une société qui soit à la fois industrieuse et solidaire, qui valorise le travail productif et intègre les personnes et les groupes vulnérables, qui récompense la prise de risque, le mérite et l’effort et garantit l’égalité des chances entre ses membres se situe au cœur des politiques de développement durable du pays. Dans ce contexte, le Conseil Economique et Social a mené une réflexion sur le sujet et a adopté récemment un rapport intitulé « Pour une nouvelle Charte sociale : des normes à respecter et des objectifs à contractualiser ». (Disponible sur le site web du CES : www.ces.ma) Cette Charte Sociale est considérée comme une réponse aux mutations que connaît le Maroc, une réponse dynamique suffisamment flexible pour s’adapter à des réalités complexes et changeantes ; une réponse qui met l’accent non pas sur des droits nouveaux mais sur les droits opposables déjà convenus entre les acteurs de la société ; une réponse qui tient compte des attentes de la population en ce qui concerne l’application effective de ces droits et le respect de l’autorité de la loi ; une réponse qui cherche à mobiliser l’ensemble des parties prenantes et à les responsabiliser. Les objectifs de cette nouvelle charte sociale est de développer la confiance en un avenir commun et sûr pour tous, bâtir une société de responsabilités partagées, renforcer les mécanismes de la participation et de la bonne gouvernance, développer le dialogue et l’engagement social et civique et consacrer les droits et principes opposables et œuvrer pour leur effectivité. Cette charte sociale s’appuie sur un référentiel cohérent consolidant les droits fondamentaux existants, sur un système de suivi de l’effectivité de ces droits et la conclusion de contrats sociaux sur la base de négociation libre entre les parties prenantes et la réciprocité des intérêts et des responsabilités. Le référentiel de droits et principes opposables proposé par la Charte Sociale s’articule autour de six volets principaux notamment : 1. 2. 3. 4. 5. 3 Accès aux services essentiels et au bien-être social, Savoirs, formation et développement culturel, Inclusion et solidarités, Dialogue social, dialogue civil et partenariats innovants, Protection de l’environnement, 6. Gouvernance responsable, développement et sécurité économique et démocratie sociale. Les 39 droits et/ou principes d’action recensés dans ce référentiel doivent être considérés comme un tout indivisible, interdépendant et complémentaire. Ils sont accompagnés de 92 objectifs associés à 250 indicateurs de suivi de la mise en œuvre du référentiel. Ce Référentiel pourrait avoir le statut de grille d’analyse pour la conception, la mise en œuvre, l’évaluation et l’amélioration de l’ensemble des politiques publiques et privées, et pour la concertation, le dialogue social et le dialogue civil. Chaque droit, principe ou objectif du Référentiel a vocation à donner lieu à des Grands Contrats, qui sont nécessaires pour impulser des partenariats entre les différents acteurs et faire émerger des projets concertés à la hauteur des défis économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Mesdames et Messieurs, En conclusion, je voudrai souligner qu’à un moment ou la circulation des capitaux, des biens et des personnes n’a jamais été aussi développée, nous observons, dans de nombreux pays parmi les plus développés, des voix qui s’élèvent pour appeler au repli sur soi, au repli nationaliste pour défendre leurs intérêts personnels ou catégoriels, corporatistes ou nationaux. La globalisation a favorisé le développement d’une conscience universelle qui transcende les frontières nationales ou de classes sociales. En cela, elle crée les conditions d’une mobilisation mondiale et d’un partenariat autour des questions de développement, même si les moyens mobilisés restent largement insuffisants. Mais il n’en demeure pas moins, qu’elle suscite de nombreuses craintes de par certains excès et de par le fait que les gains ne sont pas automatiques (dépendent fortement de la réussite de réformes), ne sont pas sur le court terme et sont inégalement répartis. Elle suppose le renforcement des mécanismes de régulation mais aussi de solidarité pour accompagner le développement de capacités nationales et de redistribution vers les pays les plus vulnérables. Le Maroc a fait le choix de l’insertion dans la mondialisation en essayant de tirer profit de ses spécificités et de ses atouts. Il y a gagné en stabilité politique, en adhésion des populations et en soutien à de la croissance durable. Je vous remercie pour votre attention et vous souhaite plein succès dans vos travaux et un bon séjour au Maroc. 4