recette de cuisine

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recette de cuisine
RECETTE DE CUISINE
Depuis quelques temps, c’est à moi que revient le soin de préparer le déjeuner
dominical qui réunit la famille : parents, grand-mère, frère, belle-sœur et neveux.
Avant c’était mamie qui régalait la tribu. Bonne cuisinière Mamie. Fallait bien,
car ma pauvre Mère, nullissime en cuisine, savait à peine faire cuire un œuf. A
nous, ses garçons, elle disait toujours « je n’interviendrais jamais dans vos
couples, sauf si je vous entends dire – on mangeait mieux chez ma Mère – parce
que là ce serait vraiment se moquer du monde ».
C’est donc Mamie qui faisait la cuisine quand il y avait invitation ou repas du
dimanche ou fêtes carillonnées. C’est d’ailleurs d’elle que je tiens mon amour de
la cuisine. Je me souviens particulièrement des dimanches matins, pendant que
le reste de la famille se sanctifiez à l’office de 11 heures, et Mamie préparait le
poulet du dimanche. Pas ceux emballés que l’on trouve aujourd’hui, non, ceux
qui avaient encore quelques duvets et qu’il fallait bucler. Ceux qui n’étaient pas
vidé. Je revois ma Grand-Mère plonger la main dans le fondement de la bête et
ressortir délicatement el foie, le gésier et surtout cette petite poche verte qui
contenait le fiel. Toute la difficulté était de ne pas percer cette masse
tremblotante à la couleur intense. Si un peu de ce liquide nauséabond se
rependait, le gout de la volaille pouvait en être altéré. J’étais donc fixé sur la main
de la cuisinière et je la regardais ressortir en douceur la pince humaine tenant
habillement la boule malodorante.
La cérémonie du poulet se poursuivait par le ligotage de la bestiole et
l’introduction dans le four chaud pour une grosse heure. Ensuite venait la
préparation des pommes de terre coupées en petit dés, qui seraient revenues
au dernier moment dans une sauteuse oh combien beurrée. Et puis se serait la
confection de la sauce de salade qui allait accompagner tout ça. Sauce au citron
et à l’ail ; mais alors vraiment à l’ail. On en mangeait jusqu’au soir de l’ail. Mais
le paradoxe, c’est que l’on adorait tous ça.
Quant au dessert, c’était variable selon l’humeur. Le pâtissier du coin,
fournisseur officiel de la bonne bourgeoisie locale, nous régalais des religieuses,
millefeuille et autre tête de nègre. Mais quand Mamie était très en forme, elle
puisait dans ses souvenirs de cuisine d’outre-manche. Sa belle-Mère, image
victorienne du col en dentelle jusqu’au bas de la jupe noire, lui avait appris et
transmis des recettes toute britanniques et souvent étonnamment bonnes. Le
pain d’épice au levain était une de celle-là. Rien de très compliqué : de la farine,
du lait, du sucre, du beurre. Mais ce qui donnait ce qui donnait un goût inimitable
étaient les fruits secs et les épices que l’on mélangeait la préparation. Ah
l’angélique confite mélangé aux raisins et aux abricots secs et à l’écorce
d’orange. Et la cannelle, le clou de girofle qui embaumait la cuisine. Sans oublier
le coup de main. Il parait que tout est dans le coup de main. Il faut la plonger
dans le saladier, la main, afin de pétrir l’ensemble et laisser ensuite reposer
pendant une heure. Ma Grand-Mère avait des gestes précis que j’ai si souvent
observés. Je les reproduis aujourd’hui avec la même envie de bien faire et de
régaler la famille. La nouvelle génération qui partage notre table désormais et
friande de ce vieux dessert. Si Mamie aujourd’hui est dispensé de faire, elle n’est
pas avare de commentaires. Dieu merci, ma mission dominicale trouve grâce à
ses yeux. Elle est tellement heureuse de constater que son savoir-faire à certes,
sauté une génération, mais a trouvé une solide relève avec son petit fils à qui elle
a transmis les traditions. Quant à a pauvre Mère, elle reste médusée par mes
aptitudes culinaires.
J’aimerais bien que les neveux viennent voir leur oncle trimer devant les
fourneaux. Mais là, c’est pas gagné.
Disons le haut et fort, consols et tablettes sonne sans doute le glas des traditions
culinaires des familles.