Les cartels de la drogue

Transcription

Les cartels de la drogue
DOSSIER NUMERO : AA 34578-54AZE
Les cartels colombiens
Quand on utilise le terme "cartel" pour qualifier les trafiquants, il faut bien faire attention. En effet, le
terme « cartel » est une sorte de bricolage utilisé par la DEA pour l’acte d’accusation du procès de
Carlos Lehder (17.11.1988). L’avantage principal pour les américains est que l’opinion publique et les
médias vont pouvoir coller une étiquette sur les tonnes de cocaïne qui inondent les USA. En fait, le
cartel de Medellin n’en est pas un, car Escobar, les Ochoa, Lehder et Gonzalo Rodriguez Gacha n’ont
qu’une alliance informelle. Ce « cartel » est en fait formé de 200 groupes d’individus dont l’alliance
repose davantage sur le bénéfice mutuel que la coercition.
Le cartel de Medellin
Comme son nom l'indique, son "QG" est Medellin, mais surtout la région de l'Antioquia. Il en effet très
important de mentionner ce détail. En effet, les habitants de cette région, les paisas, sont élevés dans
le culte de la réussite sociale et de l'argent, ils ont des dons exceptionnels en affaires, un goût
immodéré pour ce qui est ostentatoire et un don paternaliste. C’est pour cette raison que les patrons de
la cocaïne joueront les protecteurs de la population (Pablo Escobar a par exemple fait construire 500
maisons pour des récupérateurs de la décharge municipale de Medellin). Cela va aussi passer par
l’appartenance à des partis politiques. Ainsi, Carlos Lehder fonde en 1982 le Movimiento Latino
nacional, rebaptisé ensuite Movimiento Latino socialista, où il fustigera les USA et la CIA, les FMN
américaines et la classe politique colombienne corrompue qui vole l’argent du peuple ; il instaurera
également les « samedis patriotiques » à Armenica et dans les villages voisins, qui sont des sortes de
journées civiques où la population locale réunie dans des hangars se voit offrir des cours
d’alphabétisation, des paniers de victuailles, des billets de tirage au sort pour des TV ou des maisons.
Lehder jouait également au parrain en réglant les frais d’hôpital ou de scolarité des familles les plus
démunies. En quelques mois, son mouvement a ainsi balayé les partis traditionnels et les vieux
caciques de la région. A la même époque, les trois autres tentaient de rénover le parti libéral . Par
exemple, Pablo Escobar était inscrit à Medellin dans le mouvement de rénovation libérale qui
préconisait la lutte contre le clientélisme et la corruption politique. De même, Escobar avait créé la
corporation « Medellin sans taudis » qui construisait des logements bon marché ( construction du «
quartier Pablo Escobar » ) et finançait des équipements sportifs à Medellin et dans les environs.
Tant que les parrains en restent au niveau local, cela ne gêne personne, mais lorsqu'ils vont vouloir
s'immiscer dans la politique institutionnelle, Escobar et Lehder vont alors être traités de
narcotrafiquants. Face au succès des thèses de Lehder, la classe dirigeante lui a fait payer cher en
aboutissant en 1983 à la demande d’extradition de la part des USA. Lehder ne sera finalement arrêté et
extradé aux USA qu'en 1986.
Le cartel de Medellin va progressivement se désintégrer à partir de 1984, lorsque Pablo Escobar va
mener une guerre contre les représentants de l'Etat colombien (assassinats, enlèvements...). Mais
l'épreuve de force sera la lutte sanglante contre le cartel de Medellin, à partir de 1988. Peu à peu, les
principaux associés sont arrêtés (Lehder), se rendent (Escobar, frères Ochoa) ou sont tués (lieutenants
d'escobar). En ce qui concerne l'évasion d'Escobar de sa "cathédrale" d'Envigado. On pense en fait
que cette fuite a été volontairement provoquée pour rendre plus facile sa liquidation. En effet, quel
aurait été le bénéfice de s’évader d’un endroit où il pouvait faire ce qu’il voulait et diriger ses affaires !
On peut aussi penser que l’arrivée de nouvelles troupes aux abords de la prison lui ont fait croire que la
DEA voulait l’enlever. Enfin, le fiasco de sa poursuite a pu être un piège tendu par les adversaires
politiques du président Gaviria (qui est pour l'arrêt de la guerre à la cocaïne). Enfin, Escobar a
également été lâché par ses associés qu’il rackettait. Avec la mort d'Escobar, le 2 décembre 1993, on
peut dire que le cartel de Medellin était désintégré. C'était donc tout bénéfice pour celui de Cali.
1
Le cartel de Cali
Le cartel de Cali est plus petit que celui de Medellin, mais aussi plus discret et moins meurtrier. Il
contrôle New York, la Californie, Houston, Chicago et Mexico. Sa cohésion et son homogénéité en font
des interlocuteurs potentiels. Son leader est Gilberto Rodriguez Orejuela, pharmacien de formation qui
s’est mis à exporter massivement et est également devenu banquier. C’est un homme raffiné,
intelligent, passé maître dans la haute voltige financière et réputé fin stratège (on l’appelle « le joueur
d’échecs »). Il est aidé de son frère Miguel Angel, et de l’économiste José Santacruz Londoño (à la tête
des réseaux de New York et en Californie en 1975). Le cartel compte aussi un certain nombre de
familles proches du pouvoir et de la bonne société. Si l’on a peu parlé du cartel de Cali, c’est parce que
ses membres n’ont jamais fait de politique, la bourgeoisie de Cali n’a jamais voulu d’une ville qui
devienne comme celle de Medellin ; Les Rodriguez financent équitablement les partis libéraux et
conservateurs, parrainent des fondations,... Les liens du cartel avec la Police de Cali sont assez étroits.
Gilberto Rodriguez a ainsi acheté la Police après lui avoir demandé de virer tous les marginaux. De
temps à autres, il lui abandonne des labos dont il ne se sert plus ou lui donne également l’occasion de
saisir des dizaines de kilos de cocaïne qui avaient en fait été mal raffinés à la suite d’erreurs de
chimistes. Outre la corruption de la Police, le cartel a acheté la Sûreté colombienne ainsi que le DAS,
dont son chef, la général Maza Marquez, s’est comme par hasard toujours montré pugnace dans sa
lutte contre le cartel de Medellin (et pas celui de Cali !!).
Le cartel de Cali est donc tout le contraire de celui de Medellin : une ville propre, une mafia bourgeoise
parfaitement intégrée, respectée et discrète qui sait acheter les bonnes personnes, intelligente ( les
narcos de Medellin sont peu éduqués alors que ceux de Cali ont fait des études supérieures et
appartiennent à la bourgeoisie de la ville). Le cartel de Medellin est plutôt allié aux soldats alors que
celui de Cali à des aides au sein delà Police et de l’Etat.
C'est lors de la guerre contre le cartel de Medellin que celui-ci va montrer toute la force des liens qu'il a
tissé avec les autorités. Ainsi, lorsqu'une formidable campagne de répression est menée contre les
trafiquants, en 1988, c’est Maza Marquez, promu général et patron du DAS qui va s’en occuper, et tout
naturellement s’attaquer au cartel de... Medellin. Sachant que les policiers ne peuvent réellement
capturer ou tuer les parrains, ils vont enlever ou torturer leurs parents proches, liquider des jeunes.... ce
à quoi les parrains vont répliquer violemment en mettant à prix les têtes des policiers. Dans cette
confusion, les policiers vont en fait en profiter pour régler leurs comptes entre eux et même chose entre
les policiers et l’armée. C’est donc une période sanglante de revanches où on en profite pour tout
mettre sur le dos du cartel de Medellin, pendant que le cartel de Cali continue d’exporter des tonnes de
cocaïne, vers Miami par exemple, sans être trop inquiété et avec l’aide du général Maza Marquez qui
se voit investir de pouvoirs exceptionnels. Enfin, lors de la campagne présidentielle de 1990, 3
candidats sont assassinés et c'est tout naturellement que le tout puissant Maza Marquez fait des
Extraditables les meilleurs coupables !
2