Assurance takaful L

Transcription

Assurance takaful L
L’ASSURANCE TAKAFUL EN FRANÇE ET AU MAROC
Hicham EL HABBOULI
Doctorant
ED SHOS
Rennes I
Contrat – Assurance takaful
L’adaptation de l’assurance conventionnelle à la sharia (droit islamique) fut
encouragée durant la seconde moitié du vingtième siècle par des initiatives
menées à l’échelle internationale1.Il en est ainsi de la première Conférence
internationale
sur
l’économie
islamique
(La
Mecque,
1976).
Mais,
la
contribution la plus importante est celle du Grand Conseil des oulémas
musulmans (Académie de l’organisation de la conférence islamique) tenu à
Jeddah en 1985 et qui a abouti à un accord sur l’assurance portant sur les
éléments suivants :
- le contrat d’assurance commerciale, tel que le pratiquent les compagnies
d’assurance commerciale, comporte une part importante d’incertitude, qui le
rend insuffisant. Il est par conséquent prohibé ;
- le contrat alternatif respectant les principes des transactions islamiques est
le contrat d’assurance coopérative. Celui-ci est construit sur les principes de
contribution
volontaire
et
d’assistance
mutuelle.
Ces
considérations
s’appliquent aussi à la réassurance, qui doit également être fondée sur les
principes d’assistance mutuelle ;
1
R.Ghueldre,C-Edelamare-Deboutteville, A.Makhlouf : Le Takaful : l’assurance sharia-compatible,
Actualités Lamy Assurances, n° 215avril 2014, p.1.
- l’académie appelle les pays musulmans à fonder des coopérations mutuelles
dans le domaine de l’assurance et de la réassurance2.
A l’heure actuelle presque tous les jurisconsultes musulmans sont d’accord
pour
considérer
que
deux
formes
d’assurance
sont
admissibles,
si
les
placements sont des actifs conformes à la charia3 :
-
L’assurance mutuelle, car elle est basée sur la contribution volontaire et sur
l’assistance mutuelle dans un but de droiture et de vertu ;
-
L’assurance sociale, car elle implique une coopération sociale et une protection
mutuelle sans recherche de profit.
L’alternative islamique à l’assurance conventionnelle se nomme Takaful, terme
arabe dont l’étymologie dérive de Kafalah qui signifie « garantie mutuelle ».4
Forme islamique d’assurance mutuelle, le Takaful est un accord entre membres
d’un groupe donné et aux intérêts communs, appelés participants, qui décident
collectivement de se garantir les uns les autres contre un certain nombre de
revers
ou
de
pertes
potentiels,
clairement
définis
dans
l’accord,
par
l’intermédiaire d’un fonds commun alimenté par les ressources de chacun des
membre du groupe et qui doit servir à indemniser les participants5.
Le fonds est investi conformément au droit islamique et sa gestion avisée doit
procurer des profits. Il s’agit donc d’une entraide solidaire par l’intermédiaire
d’une mutualisation des risques et des ressources6.
Swiss Ré : L’assurance dans les pays émergents -présentation et perspectives de l’assurance
islamique, Swiss Re, Sigma n° 5/2008.
2
3
Id.
4
R.Ghueldre,C-Edelamare-Deboutteville, A.Makhlouf : op.cit.
5 F.
6
Guéranger : Finance islamique- Une illustration de la finance éthique, p 189 et 190, Dunod Paris, 2009.
Id.
I.
Les principes de l’assurance Takaful
L’assurance islamique renvoie à tous les concepts d’assurance islamique, tandis
que le Takaful général (Non Vie) et le Takaful famille (Vie) concerne certains
modèles particuliers d’assurance, séparant les fonds des preneurs d’assurance
et des actionnaires7.
A. Les principes inhérents à l’établissement d’un fonds Takaful
Le fonds Takaful implique :
-
La séparation des fonds des preneurs d’assurance et ceux des actionnaires :
l’opérateur n’est qu’un manager des contributions de la communauté des
sociétaires et doit calculer toutes les charges d’exploitation et les faire supporter
par le fonds.
-
L’engagement à distribuer les bénéficies techniques aux preneurs d’assurance : la
compagnie Takaful s’engage à redistribuer les bénéfices à ses sociétaires ;
-
L’évitement des actifs non conformes à la charia : L'investissement doit être
essentiellement effectué dans des actions cotées de sociétés dont l'activité n'est
pas incompatible avec la charia. Est ainsi exclu l'investissement dans des sociétés
dont l'activité principale concerne les secteurs du tabac, de l'alcool, des produits
à base de porc, des services de la finance conventionnelle (banque, assurance,...),
de l'armement et de la défense, du jeu et du divertissement (casino, jeu de hasard,
cinéma, pornographie, musique,...)8. Les sociétés Takaful doivent également
respecter les trois filtres financiers pris en considération à ce jour par le « Sharia
7
8
Swiss Ré : op.cit.
C.Mouhammed Patel membre d’ACERFI (Audit, Conformité Et Recherche en Finance Islamique), disponible
sur- www.acerfi.org.
Board du Dow Jones Islamic Market ». Ce système de filtres financiers permet de
ne pas investir dans des sociétés trop endettées9.
-
La création d’un conseil de surveillance de la charia, qui supervise les opérations
d’assurance et contrôle leur conformité à la charia : les conseils de la charia
peuvent être internes à chaque société, comme c’est le cas dans les pays du Golfe
ou centralisés au niveau d’un pays, comme en Malaisie.
B. L’opérateur Takaful
L’opérateur TAkaful, en général une société anonyme, perçoit une commission
proportionnelle fixe (cotisation de Wakala), une commission basée sur les résultats
(Moudaraba), ou une combinaison des deux. En cas de déficit de souscription,
l’opérateur Takaful n’a pas le droit de le couvrir. Il doit à la place octroyer un prêt sans
intérêt (Qard Hassan), qui sera remboursé par les futurs excédents du
pool de
souscription. La durée du contrat Takaful doit aussi être précisée. Enfin, les preneurs
d’assurance sont les participants à l’assurance vie Takaful, aussi nommée Takaful
famille10.
Les produits Takaful sont vendus par des entreprises entièrement islamiques, dont
toutes les opérations commerciales sont effectuées conformément à la charia. Sinon, ils
peuvent aussi être commercialisés par le guichet islamique d’une institution financière
conventionnelle, via une fenêtre Takaful (Takaful window), qui permet aux clients
d’acheter des produits et des services conformes à la charia. Ces institutions peuvent
aussi vendre des produits classiques11.
9
M.H.Douceret : Le Takaful en France demain : fiction ou réalité ?, Thèse professionnelle MBA ENASS, p.19,
2010.
10
Swiss Ré : op.cit.
11
Ibid.
Pour l’assurance Vie (Takaful famille), un le fonds d’investissement doit être alimenté.
Les contributions que versent les assurés participants alimentent un fonds de garantie
comme dans le cas du Takaful général (dommages) afin de se couvrir contre les risques,
mais aussi une composante d’épargne et d’investissement qui viendra alimenter un
compte d’investissement du participant. Cette part de la contribution ne fait pas partie
de la couverture mutuelle de risque. Elle sert à construire un capital qui sera distribué
aux participants ou à ses ayant droits à l’expiration du contrat. La part qui va au fonds de
garantie qui sert à assurer le risque est moins importante que la partie qui va à l’épargne
et la constitution d’un capital. S’il est admis que la partie risque est considérée comme
une donation irrévocable et conditionnelle, la partie épargne est la propriété de
l’épargnant et c’est pourquoi il dispose d’un compte d’investissement du participant, ce
qui n’existe pas dans le Takaful général. L’épargnant ne peut être dépossédé de ses
droits et ne transfert pas de manière irrévocable sa propriété au fonds. Le fonds Takaful
d’investissement n’est donc pas détenu collectivement mais individuellement par les
participants12.
L’opérateur a la responsabilité de réaliser des investissements profitables pour cette
partie de la contribution Takaful. Les excédents dégagés par le fonds de garantie lorsque
le montant des primes est supérieur aux indemnisations et aux réserves constituées,
reviennent aux assurés participants. De leur côté, les excédents dégagés par les activités
d’investissement sont partagés par les assurés participant et l’opérateur suivant un ratio
établi au préalable13.
Que ce soit pour le Takaful général ou pour le Takaful famille, les droits de propriété des
fonds ne sont jamais transférés à l’opérateur. Cela veut dire qu’en cas de liquidation de
12
M.H.Douceret : : op.cit, p.23.
13
Ibid p.24.
l’opérateur, ses créanciers ne peuvent pas solliciter les actifs du fonds gérés par
l’opérateur afin de récupérer leur dû14.
La rémunération des opérateurs est fonction du modèle d’exploitation choisi.
 Les différents modèles d’exploitation
Le critère de distinction des différents modèles d’assurance Takaful est la manière dont
se répartissent les bénéfices techniques entre la société et ses assurés15.
La plupart des sociétés d'assurance Takaful s'organisent selon quatre modèles : Wakala
et Moudharaba, le contrat combinant entre les deux et le Waqf :
- Le Modèle Wakala (basé sur la cotisation) : l’idée de base est que l’adhérent à un
système de solidarité verse par tranches une somme donnée entre 20 et 60 ans. S’il
décède avant l’âge de la retraite, les héritiers légitimes reçoivent le montant du principal
versé jusqu’à la date du décès, les bénéfices accumulés à cette date et la somme que le
décédé aurait payé s’il avait vécu jusqu’à l’âge de 60 ans16;
- Le Modèle Moudharaba (participation aux bénéfices) : cette technique prône le
partage équitable des risques et des bénéfices, en associant le prêteur et l’emprunteur.
C’est une technique utilisée également dans le domaine bancaire. Cette forme de finance
associative qui inspirera le système de commandite en droit français, relève d’une
logique similaire à celle du capital risque popularisé par la «nouvelle économie»17 ;
14
Id.
15
Ibid p.24.
16
R Bouchoul et A.Chenini : les perspectives de l’assurance islamique dans les pays émergents – cas
de l’Algérie, les sociétés d’assurances Takaful et les sociétés d’assurances traditionnelles entre la
théorie et l’expérience pratique, Faculté des sciences économiques, commerciales et sciences de
gestion Université de
Sétif – Algérie, 25
et 26 avril 2011, disponible sur : www.univ
ecosetif.com/seminars/Takaful/24.pdf.
17
Ibid.
- Modèle Hybride ( Wakala/Moudharaba ): la pratique la plus courante au Moyen
orient est une combinaison des deux premiers contrats, Wakala pour la gestion
technique et Moudharaba pour l’investissement ;
Certaines
autorités
de
réglementation
internationales telles l’AAOIFI
financière
et
des
organisations
recommandent le modèle hybride, car il permet
de tirer parti des points forts des deux modèles. C’est d’ailleurs la pratique la
plus
courante
au
Moyen-Orient
:
wakala
pour
la
gestion
technique
et
Moudaraba pour l’investissement18.
- Modèle Waqf : Présent au Pakistan, ce modèle prévoit le versement d’une
contribution initiale par l’opérateur au fonds Takaful. Les assurés y versent des
contributions supplémentaires, qui sont ensuite utilisées pour régler les sinistres.
L’opérateur reçoit une commission de souscription fixe. Quant aux assurés, ils reçoivent
les fonds restants dans le pool lorsque tous les sinistres ont été réglés19.
II.
L’introduction du Takaful au Maroc et en France
A. Au Maroc
Il importe de décrire la vision du Maroc par rapport à la finance islamique et ensuite
présenter les principaux axes du projet de loi intégrant le contrat Takaful dans le code
des assurances.
1. Finance islamique au Maroc
Le Maroc a évolué à plusieurs points de vue sauf en ce qui concerne la finance islamique.
L’intérêt de l’Etat pour cette branche ne s’est manifesté que récemment. Il a fallu attendre
18
M.H.Douceret : op.cit, p.26.
19
Ibid.
2007 pour voir les premiers produits alternatifs20proposées par les banques conventionnelles.
Cette expérience s’est vouée à l’échec et ce, en raison de l’absence d’une approche intégrée
de la finance islamique. Ainsi, à ce jour, les produits bancaires alternatifs sont commercialisés
avec des produits d’assurance conventionnelle.
Depuis 2012, il y eut un regain d’intérêt pour la finance islamique porté par l’avènement d’un
gouvernement dirigé par un parti islamiste21, par la demande populaire22et finalement par le
contexte international morose marqué par un assèchement des liquidités et une augmentation
du risque systémique. Cette nouvelle vague s’est ainsi concrétisée par la préparation et la mise
en place de trois textes légaux :
-
Le projet de loi n° 103-12 relative aux établissements de crédit et
organismes
assimilés,
dont
un
chapitre
est
consacré
aux
banques
participatives23 ;
-
la loi n°119-12 modifiant et complétant la loi n°33-06 relative à la
titrisation de créances et la loi n°24-01 relative aux opérations de
pension.
Cette
loi
consacre
une
partie
aux
produits
obligataires
islamiques
Sukuks)24 ;
-
Un projet de loi n° 059-13 modifiant et complétant la loi n° 17-99 portant
code des assurances de loi sur le Takaful 25;
20
Appellation officielle des produits banciares islamiques (Ijara, Moucharaka et Mourabaha).
21
Parti Justice et Développement (PJD).
22
Selon une enquête CDVM-IFAAS en 2011 79% des marocains seraient très intéressés par la
finance islamique-Enquête annexée à une étude
du CDVM intitulée : Sukuk, quel potentiel de
développement au Maroc?, disponible sur www.cdvm.gov.ma.
23
Texte en instance d’approbation par le parlement
24
Loi promulguée par le Dahir n°1-13-47 du 13 mars 2013 et publiée au B.O n° 61184 du 5/9/2013.
25
Texte en instance d’approbation par le Conseil du Gouvernement
En analysant les trois textes, deux constats majeurs se dégagent. Premièrement,
l’Etat marocain n’a opté pour une loi globale dédiée à la finance islamique et
partant, on peut déduire l’absence d’une vision intégrée de l’Etat pour le
secteur de la finance islamique. Deuxièmement, ces projets de loi sont à
différents niveaux d’avancement. Ainsi, la loi sur les Sukuks est déjà en vigueur,
le projet de loi sur les banques participatives est en instance d’approbation par
le parlement et enfin le projet de loi sur le Takaful n’est encore approuvé par le
Conseil
du
Gouvernement.
Ce
scénario
risque
de
rendre
les
nouvelles
dispositions moins effectives et partant risque de reproduire la même méfiance
actuelle envers les produits alternatifs.
Aussi, la complémentarité entre les trois blocs de la finance islamique est d’une
importance capitale pour la réussite de la finance islamique au Maroc. En effet, afin de
commercialiser des financements immobiliers, une banque de détail islamique a besoin
de contrats Takaful. Pour fructifier les primes collectées, les compagnies Takaful ont
recours à des placements dans les Sukuks ainsi que dans les fonds d’investissements
islamiques. Ces derniers sollicitent les acteurs institutionnels comme les banques et
compagnies d’assurance pour leur financement.
2. Présentation des principaux axes du projet de loi n° 059-13 intégrant le contrat d’assurance Takaful
dans le code des assurances
Le projet de loi donne des définitions précises pour certains concepts de
l’assurance Takaful. Il s’agit du concept «Assurance Takaful » défini par l’article
2
du
projet
de
conformément aux
entre un groupe de
loi
comme
étant « l’opération
d’assurances
fonctionnant
préceptes de la Charia, basée sur le don et sur l’entraide
personnes physiques ou morales appelées participants qui
contribuent mutuellement dans l’objectif de couvrir les risques prévus au
contrat d’assurance Takaful ».
Le texte précise qu’en assurance Takaful, le risque est supporté par la
collectivité
des
participants,
l’entreprise
d’assurances
et
de
réassurance
percevant une rémunération au titre de la gestion de l’assurance Takaful.
Aussi,
certains
principes
de
base
concernant
l’assurance
Takaful
ont
été
introduits. Il s’agit de l’avance Takaful qui consiste à obliger l’entreprise
d’assurance
gestionnaire
de
l’opération
d’assurance
Takaful
de
combler
d’éventuels déficits générés par cette opération par des avances sans intérêts.
Ces avances sont récupérables sur les excédents futurs. De même, les excédents
techniques et financiers réalisés dans le cadre de l’assurance Takaful sont
répartis entièrement entre les participants après déduction, le cas échéant, des
avances Takaful. La répartition de ces excédents techniques et financiers ne
peut avoir lieu qu’après constitution des différentes provisions et réserves.
Le projet de loi introduit également le principe de la spécialisation des
entreprises d’assurances agréées pour pratiquer les opérations d’assurance.
Ainsi, l’agrément pour les opérations d’assurances Takaful ne pourra être
accordé à une entreprise agréée pour d’autres opérations d’assurances, ce qui
exclut
la
possibilité
conventionnelles.
Les
de
créer
des
compagnies
guichets
existantes
Takaful
désirant
au
sein
aborder
d’assurances
le
marché
Takaful devront créer des entités juridiques distinctes.
A l’instar de la Malaisie, le projet de loi a attribué la certification
de la
conformité des opérations à un Comité à la Charia pour la Finance. Ce comité
est créé au sein du Conseil Supérieur des Ouléma.
Concernant l’obligation d’information à la charge de l’assureur,
le projet de loi
dispose
les
que
le
rémunération de
contrat
d’assurance
Takaful
doit
prévoir :
modes
de
l’assureur au titre de la gestion de l’assurance Takaful et le
montant de cette rémunération, les modalités de répartition des excédents
entre les participants ainsi que la politique de placement de l’entreprise
d’assurances et de réassurance.
2. En France
Le développement en France de la finance islamique en général et
de
l’assurance islamique en particulier est intiment lié à la résolution de la
question
se rapportant à la compatibilité du droit français avec les principes de
l’assurance islamique. Mais, la question essentielle de la compatibilité ne met
pas obstacle à l’émergence d’un marché de niche de l’assurance islamique.
1. Compatibilité du droit français avec les principes de l’assurance islamique
Outre le fait qu’il partage avec la Sharia des principes semblables (comme la
prohibition de l’usure, l’encadrement du jeu, le principe de l’objet déterminé ou
déterminable des conventions, le respect des bonnes mœurs, etc.), le droit
français
contient
de
nombreuses
dispositions
permettant
d’accommoder
la
finance islamique, que ce soit en matière de gestion collective ou plus
généralement en matière de financement corporate26.
Ainsi, des aménagements juridiques ont été amorcés par une note de l’AMF
datant du 17 juillet 2007 qui admet le recours à des critères extra-financiers
pour sélectionner les actifs dans lesquels investit un OPCVM se déclarant
conforme à « la loi islamique». Ce texte constitue l’une des premières prises de
position, si ce n’est la première, d’une autorité française visant directement la
finance. D’autres textes se sont succédé, telles les dernières instructions fiscales
du 24 août 2010 relatives aux contrats nommés les plus utilisés27.
26G.Saint
Marc :La finance islamique : une
Bulletin Joly Bourse, 01 avril 2009 n° 2, P. 153.
27
alternative
pour
financer
l’économie
O.Rochdahou : la réception de la finance islamique en France, Revue Banque n° 759, Avril 2013.
française ?,
Cependant, à ce jour aucune mesure afférente à l’assurance Takaful n’a été
prise par les pouvoirs publics français.
En dépit
de l’absence d’un cadre
juridique spécifique à l’assurance Takaful, la
question de la compatibilité du droit des assurances français avec la charia
demeure une question d’appréciation ou d’interprétation, à la charge des
conseils de la charia. Ces derniers peuvent de décider si un produit conforme à
la loi nationale, est également conforme à la charia.
Ainsi, concernant l’exigence de cantonnement des actifs imposée par la sharia
et non prévu en droit français, il est néanmoins possible de recourir à un
cantonnement contractuel pour se conformer au mieux aux exigences du droit
islamique.
Une
telle
solution
paraît
opportune,
même
si
les
participants
demeurent exposés au risque de faillite28.
Par rapport à la définition du champ des garanties, la couverture
de
certains
risques spécifiques et plus précisément le cas du suicide pose problème en
assurance Takaful. La levée de cet obstacle peut être d’ordre contractuel. Ainsi,
en France, un assureur possède toujours la faculté de commercialiser des
produits ne comportant pas de garantie décès. Il en est ainsi de l’offre de
produits d’épargne sharia compatibles proposée par Allianz Life Luxembourg
ou encore du contrat Takaful famille distribué par la société d’assurance vie
Swiss Life29.
Pour l’assurance vie, la question de la compatibilité est moins difficile. En effet,
de nombreux contrats vie en euros ne comportent pas d’autre garantie de taux
qu’une garantie à 0%. Les sommes versées en supplément de la prime résultent
28
R.Ghueldre,C-Edelamare-Deboutteville, A.Makhlouf : op.cit.
29
Ibid.
uniquement d’un partage de bénéfices entre l’assureur et l’assuré. La prime
elle-même n’est pas soumise à un partage de sort. Les contrats en unités de
compte quant à eux, au regard de leur mécanisme financier, sont totalement
compatibles avec les règles islamiques30.
2. Marché de l’assurance islamique en France
Le Takaful peut constituer un moyen efficace pour intégrer dans l’assurance
vie, une partie non négligeable de
population française à savoir la population
musulmane31.
Certes, en matière d’épargne, la cible est restreinte et le marché potentiel est
probablement un marché de niche. Les musulmans de France ne sont pas
majoritairement fortunés et par conviction, peu portés sur l’épargne. Mais il
existe des segments dans cette population qui sont assurément en capacité
d’épargne32.
Pour
réponde
aux
besoins
de
segment
de
la
population,
les
assureurs
européens ont commencé à s’intéresser au marché de l’assurance Takaful.
Le premier produit d’assurance Takaful distribué en France est le contrat
« Sharia Compliant» présenté en 2009 par
Allianz Life Luxembourg sur l’île de
la Réunion.
En 2012,
Swiss Life, a lancé son contrat « Salam-Epargne & Placement ». Ce
contrat de type multi-supports est adossé à la Sicav Salam-Pax, fonds de fonds
30
M.H.Douceret: op.cit, p.71.
31
D’après un rapport publié en juillet 2013 par l’Institut national d'études démographique intitulé
« Sécularisation ou regain religieux : la religiosité des immigrés et de leurs descendants », la
population musulmane en France est estimé entre 4,3 millions de musulmans et 3,98 millions, soit,
une hypothèse moyenne, 4,1 millions.
32
Ibid : op.cit.p.78.
comprenant des OPCVM conformes aux principes de la finance éthique et
islamique33.
Un autre assureur luxembourgeois Vitis Life, a lancé en début de l’année 2014,
un contrat dénommé « Amâne Exclusive Life »34.
Les cibles principales des deux contrats d’assurance-vie sont avant tout les aux
résidents
français
de
confession
musulmane.
Mais,
ils
peuvent
également
concerner les personnes intéressées par la finance islamique, qui se veut
éthique, responsable et non-spéculative.
Les deux contrats sont certifiés par le Comité Indépendant de la Finance
Islamique en Europe.
Le montant minimal de la prime pour l’accès au contrat « Salam » de Swiss Life
est fixé à 3000 euros, tandis que le contrat « Amâne » de Vitis Life est réservé à
une clientèle fortunée, puisque le montant minimal de souscription est fixé à
250 000 euros35.
On constate donc, que les acteurs présents sur le marché de l’assurance Takaful
sont des opérateurs étrangers et la grande majorité des acteurs français est en
situation d’attentisme et d’observation.
L’absence des assureurs français est justifiée par la crainte d’encourir une perte
d’image liée à la commercialisation d’un produit communautaire à caractère
religieux et partant risque d’être en contradiction avec la règle de la laïcité.
33
Swiss Life : Communiqué de presse, 4 juillet 2012, disponible sur - www.swisslife.f
34
Fiche produit disponible sur : www.vitislife.com.
35
Ibid.
Pourtant l'assurance Takaful obéit en effet à des préceptes moraux et non à des
principes religieux ; elle ne contrevient donc pas aux de notre pays. Par ailleurs
elle possède de nombreux points de convergence avec le droit français et il
semble relativement aisé de lever les contraintes pour pouvoir disposer des
outils nécessaires au lancement d’une offre Takaful36.
36
M.H.Douceret: op.cit, p.85.