La droite désespère
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La droite désespère
Samedi 13 Mai 2006 CLEARSTREAM. La droite désespère Pour une classe politique déjà passablement déconsidérée, les réactions des Français frappent comme une gifle. Les effets de l'affaire qui empoisonne le sommet de l'Etat sont ravageurs. Et le risque du populisme et du vote extrémiste grandit encore. C'EST UN BILLET qu'Alain Lambert a signé sur son blog. Celui qui fut ministre du Budget, entre 2002 et 2004, imagine une conversation qui pourrait avoir lieu actuellement dans un bistrot de la Mayenne de sa jeunesse. « Quand est-ce qu'on en change ? » demande un client. « De qui parle-t-il ? » interroge un nouveau venu, qui n'a entendu que la question. « De Premier ministre », répond le patron. « De président », suggère sa femme. « Des deux », avance un troisième. Conclusion démoralisée de l'ex-ministre Lambert, désormais sénateur : « Tout est dit. Ainsi va la France. Au bord de la crise de nerfs. En attendant qu'un souffle soudain parte et balaie le régime. » Sale temps dans la majorité. Il y a six mois, c'était les émeutes dans les banlieues. Il y a un mois, la crise du CPE. Depuis quinze jours, c'est l'affaire Clearstream qui a pris le relais. Sur fonds de révélations quasi quotidiennes, le trio infernal Chirac-Villepin-Sarkozy se déchire sur la place publique ; le ministre de l'Intérieur soupçonnant le Premier ministre de n'avoir rien fait pour empêcher une « misérable machination » à son égard. Alors que les Français, face à ce scandale qui ébranle de plus en plus d'institutions, sont partagés entre incompréhension, rejet de la droite, voire de la classe politique dans son ensemble, le moral est bas dans les rangs de la majorité. A l'Assemblée, les députés UMP, qui n'ont plus en tête que leur réélection dans un an, sont déprimés. Mardi, un élu du Haut-Rhin, Jean-Luc Reitzer, est venu pousser un coup de gueule devant micros et caméras, rapportant les propos de la « base dégoûtée » : « Dites à vos amis de Paris qu'ils arrêtent leurs conneries. » « La machine à perdre est en route » Député du Val-d'Oise, Axel Poniatowski tire également la sonnette d'alarme : « Jusqu'à il y a quelques jours, nos électeurs étaient interrogatifs. Ils sont maintenant dans un processus de dégoût, rapporte ce proche de Raffarin. Si on ne connaît pas très vite la vérité, la machine à perdre est en route. » « Je sens que l'extrême droite reprend du poil de la bête », prévient Damien Meslot (Territoire de Belfort). Il n'est pas le seul à exprimer cette crainte d'un vote qui favoriserait une nouvelle fois le Front national. « C'est très mauvais, ajoute Thierry Mariani (Vaucluse) . Les gens ne font pas de détails. Cela accrédite l'idée du grand panier de crabes. » Aujourd'hui, alors que Jacques Chirac réaffirme depuis Vienne (Autriche) que l'affaire « n'affaiblit pas la France » (lire page 9) et que Dominique de Villepin fait comme si tout continuait à aller normalement, c'est un volet politique très important qui se jouera. Intervenant devant les cadres de l'UMP, la « victime » Nicolas Sarkozy (qui a rencontré hier soir Villepin pendant quarantecinq minutes) exprimera son « sentiment sur la situation » politique dans laquelle il se trouve. Doit-il quitter le gouvernement ? Nombre de ses amis l'en pressent : ils estiment que désormais le scandale n'épargne plus personne et qu'il pourrait amoindrir ses chances pour la présidentielle de 2007. Etrange retournement révélateur du climat délétère et explosif ambiant : le week-end dernier, sous l'impulsion des proches du patron de l'UMP, c'était la question du départ de Villepin de Matignon qui se posait. Après la fin de non-recevoir exprimée mercredi par le président à une solution qui, au final, aurait beaucoup arrangé Sarkozy, c'est la démission du ministre de l'Intérieur qui est maintenant sur la table. Ludovic Vigogne Avec l’aimable autorisation du Parisien