Rififi dans le baseball japonais
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Rififi dans le baseball japonais
TOPIC Décembre 2004 Rififi dans le baseball japonais Les entreprises montantes dans le commerce en ligne... … acteurs de la crise dans le baseball japonais Il y a du rififi dans le monde du baseball japonais. Et ce n’est pas rien lorsque l’on connaît l’engouement des Japonais pour ce sport. Depuis leur lancement voilà près de 60 ans, les douze équipes de baseball ont toujours été aux mains des grands groupes nippons. Mais cette épopée pourrait avoir une fin. Livedoor a été la première à jeter un pavé dans la mare en venant réveiller la vieille league de baseball qui allait s’assoupissant depuis une dizaine d’années. Son offensive a été suivie par celle de Rakuten et de Softbank, deux entreprises qui « surfent » sur la vague du commerce en ligne. Les mouvements qui s’opèrent dans ce sport sont très révélateurs des évolutions en cours dans le paysage des entreprises japonaises. Le premier coup de théâtre a eu lieu l’été dernier lorsque deux équipes, Orix Blue Wave et Kintetsu Buffaloes ont été obligées de fusionner, une première dans le monde bien huilé du baseball japonais! Le second a eu lieu ces derniers mois suite aux déboires des groupes Daiei et Seibu tous deux à la tête d’une équipe mais, qui n’ont plus les moyens de les financer. Les deux championnats du baseball professionnel, composés de Ce sport, traditionnellement aux mains six équipes chacun ont vu le jour en 1950. Jusqu’à cette année, trois de ces équipes étaient détenues par des entreprises privées du secteur de l’industrie,… ferroviaire, deux par des quotidiens majeurs et les autres par des groupes traditionnellement très influents dans l’industrie japonaise. Véritable vitrine publicitaire, ces équipes ont toujours fait partie de la politique de communication des groupes qui les détenaient. D’ailleurs, la plupart … résiste mal aux d’entre elles portent le nom de leur sponsor majoritaire. Pendant quarante difficultés ans, période de vaches grasses pour les firmes nippones, le baseball a financières de ses connu son heure de gloire. Mais, leur longue traversée du désert a plongé principaux les comptes de certaines équipes et les taux d’audience dans le rouge. En sponsors,… dix ans, le nombre de leurs sponsors est passé de 400 à moins de 100. Parmi ces derniers, des entreprises phares sont « sur la sellette » … Daiei et Seibu en et n’en n’ont pas fini avec les difficultés financières. Daiei par exemple, tête troisième grande enseigne de supermarchés, n’est plus aujourd’hui que l’ombre d’elle-même. Ses investissements dans l’immobilier lui ont été fatals après l’éclatement de la bulle et le recul de ses parts de marché a fini de l’achever. Le Premier Ministre M.Koizumi a déjà essayé de la renflouer mais peine perdue. En octobre, ses créditeurs, devant le montant astronomique de sa dette (6,79 milliards d’euros), l’ont obligée à faire appel, de nouveau, à l’arbitrage de l’Etat (ou plutôt de l’IRCJ, structure de défaisance japonaise instaurée en 2003). Symbole de sa chute : elle se voit aujourd’hui contrainte de céder son équipe de baseball (Daiei Hawks) achetée à prix d’or en 1989. Autre dinosaure à bout de souffle : Seibu Railway Corp., qui a bâti un empire dans le secteur ferroviaire d’abord puis dans l’hôtellerie et la distribution. Kokudo, sa filiale, a décidé de vendre les Seibu Lions suite aux délits d’initiés dont elle a été reconnue coupable et aux difficultés financières rencontrées par sa maison mère. Quant à Kintetsu, autre compagnie de chemins de fer, en mauvaise santé financière, elle cède la majorité de ses parts à Orix, société de crédit, dans la nouvelle équipe née de la fusion. C’est dans ce contexte que sont survenues les propositions de L’éclaircie pourrait bien venir de jeunes Livedoor, Rakuten et Softbank. Le succès de ces trois entreprises est représentatif de la nouvelle vague d’entrepreneurs japonais. Services en entrepreneurs… ligne, business modèles novateurs : voilà leur priorité. Ils s’inscrivent en décalage par rapport à la génération des dirigeants qui ont fait la réussite du Japon voilà vingt ans. Comme leurs prédécesseurs toutefois, ils consolident leur société autour de leur personnalité. Au mois d’août, Livedoor, quasi inconnue du grand public, a … mais le monde du créé la surprise en proposant de lancer une nouvelle équipe de baseball baseball reste un cercle très fermé où (une première en soixante ans !). Etablie en 1996, la société a triplé ses ventes annuelles depuis trois ans à 99 millions de dollars, après avoir il ne fait pas bon être trop atypique… réussi à devenir un acteur important sur le créneau des services en ligne. Livedoor est cotée en Bourse (marché « Mothers » qui regroupe 121 start-ups) depuis 2000 comme sa rivale Rakuten et multiplie les acquisitions depuis lors. Mais trop jeune, dirigée par un patron au parcours atypique très loin de l’establishment japonais (il a choisi d’arrêter ses études à l’université de Tokyo pour créer sa propre entreprise et éviter d’entrer dans le « carcan » du système japonais), Livedoor faisait figure de vilain petit canard dans le monde très fermé des vieux caciques du business nippon et des joueurs. Son fondateur … d’où la Takafumi Horie, 31 ans, génie iconoclaste, a en tout cas, réussi un coup déconfiture de de maître dans sa communication en bousculant le monde du baseball Livedoor,… mais cela n’aura pas suffi. L’insistance des supporters (qui ont soutenu la première grève jamais organisée par les joueurs) pour que le championnat continue d’être disputé entre deux leagues de six équipes a pourtant conduit les instances dirigeantes à combler le vide laissé par la fusion Oryx/Kintetsu. Il leur fallait créer une nouvelle équipe. Mais pas avec n’importe quelle société à sa tête (et surtout pas avec Livedoor). Rakuten, fondé en 1997, s’est fait un nom depuis qu’il est … et le succès de devenu le numéro 1 des sites d’e-commerce sur l’Internet japonais grâce Rakuten, plus à ses 37 000 petites boutiques rassemblées dans sa galerie marchande. proche de Son président Hiroshi Mikitani, 39 ans, appartient à « l’establishment » l’establishment,… japonais (Même université (Hitotsubashi) que Hiroshi Okuda, chairman de Toyota, et MBA à Harvard). Quelques années chez IBJ (Industrial Bank of Japan), passage incontournable pour se construire un réseau très puissant de relations dans les cercles d’affaires japonais lui ont permis de gagner leur confiance. Il en récolte aujourd’hui les fruits. Son profil très … ou de Softbank qui a déjà 20 ans d’expérience et est donc plus « respectable ». Mais Livedoor n’a pas dit son dernier mot. Ces remaniements du baseball sont à l’image des secteurs qui ont le vent en poupe : commerce en ligne et télécom « politiquement correct » et sa récente admission au Keidanren (équivalent du MEDEF français) en ont fait le candidat idéal. La nouvelle équipe Tohoku Rakuten Golden Eagles devrait bénéficier de la force de frappe de son portail Rakuten Market, qui aura vu défiler en 2004 sept millions de clients pour près de dix millions de produits vendus. Mikitani veut profiter de cette plate-forme pour vendre les tickets, les produits dérivés et la diffusion en ligne des matchs. Autre symbole : le 24 décembre prochain, Softbank sera le second fournisseur de services en lignes à haut débit à pénétrer le monde du baseball en rachetant au groupe Daiei 98% de ses parts dans l’équipe des Daiei Hawks. Initialement banque spécialisée dans les valeurs Internet et éditeur de logiciels, Softbank s’est ensuite diversifié dans les télécoms. Il a acheté récemment le troisième opérateur du secteur Japan Telecom Co. Comme Mikitani, le fondateur de Softbank est une figure emblématique de cette nouvelle génération d’entrepreneurs. Masayoshi Son, 47 ans, d’origine coréenne, a créé sa société en 1981. Vingt ans plus tard, il concurrence avec succès Nippon Telegraph and Telephone Corp., ancien monopole d’Etat, après avoir consolidé sa position dans l’Internet rapide grâce à sa prise de participation dans Yahoo ! et à l’établissement de Yahoo ! Japan en 1996. La volonté de rachat des Daiei Hawks (pour un montant de 722 millions d’euros) ne constitue que la partie émergée d’une stratégie qui devrait lui permettre de devenir un acteur majeur des télécommunications. En 2005, la valse des équipes pourrait bien continuer. Livedoor malgré son échec face à Rakuten, ne s’est pas départi de ses ambitions. Et la récente annonce du retrait de Seibu, prévu pour l’an prochain laissera à nouveau une place vacante à la tête d’une équipe. Livedoor a déjà annoncé qu’elle était prête à la prendre. Ces trois entreprises reflètent la montée en puissance du commerce en ligne sur le segment BtoC au Japon (En 2003, il avait encore augmenté de 63% par rapport à 2002). Le nombre d’utilisateurs de l’Internet au Japon est de 77,3 millions ce qui porte le taux de pénétration de l’Internet au-delà des 60%. En outre les supports de l’accès à Internet se diversifient très rapidement, favorisant ainsi la création de nouveaux services. Rakuten, Softbank et Livedoor ont su percevoir ces évolutions. Il n’est donc pas étonnant qu’elles aient pris pied dans le monde du baseball lorsque l’on connaît les enjeux en terme d’image que ce sport véhicule auprès des consommateurs japonais. L.B Bonne année aux fidèles lecteurs du topic et à bientôt dans l’année du Coq ____________________________________________________ A vos agendas : le 8 février 2005 se tiendra, à Paris, notre colloque annuel, « L’Asie en 2005 ». Baseball et milieux d’affaires japonais Central League Pacific League Equipes de baseball Groupes majoritaires Secteur d’activité principal Localisation Chunichi Dragons Chunichi Media Nagoya Hanshin Tigers Hanshin Railways Transport Osaka Hiroshima Carp Chugoku Media Hiroshima Yakult Swallows Yakult Agroalimentaire Tokyo Yokohama Bay Stars TBS Chaîne de télévision Yokohama Yomiuri Giants Yomiuri Media Tokyo Chibba Lotte Marines Lotte (Coréen) Agroalimentaire Chiba Fukuoka Daiei Hawks Daiei Distribution Fukuoka Orix Buffaloes Orix Services financiers Kobe Nippon Ham Fighters Nippon Ham Agroalimentaire (viande) Tokyo Seibu Lions Seibu Railways Transport Tokorosawa Tohoku Rakuten Golden Eagles Rakuten Commerce en ligne Sendai Chiffres clés (2004) Livedoor Rakuten Softbank BB Création 1996 1997 1981 Nombre de filiales 31 10 280 Effectifs 1436 734 4 300 Capitalisation (euros) 434 millions 387 millions 10 milliards