les elastomeres en environnement spatial

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les elastomeres en environnement spatial
LES ELASTOMERES EN ENVIRONNEMENT SPATIAL
- AFICEP, ELASTOMECA, Senlis 2009 -
LES ELASTOMERES EN ENVIRONNEMENT SPATIAL
Tony DEMERVILLE(*), Franck SOSSON(*), Meryll SMITH (*,**)
*SMAC, 66 Impasse Branly 83130 La Garde FRANCE,
** Laboratoire MAPIEM, université du Sud Toulon var BP20132 83957 La Garde Cedex
RESUME
Les matériaux élastomères sont aujourd’hui largement
utilisés en tant que solutions antivibratoires, et ceci pour
des domaines d’activités très divers et variés, tels que
par exemple l’automobile, l’aéronautique, l’industrie,
…Or depuis quelques années, ces matériaux aux
propriétés d’amortissement élevées, ont trouvé leur
place entière dans un domaine d’application très
particulier : Le spatial.
La particularité de l’industrie du spatial tient tout
d’abord dans le niveau élevé d’exigence qualité
demandé pour chaque pièce embarquée : En effet la
moindre défaillance technique peut remettre en cause le
déroulement complet de la mission et il convient donc
de minimiser au maximum ces risques.
C’est ainsi que la société SMAC conçoit et réalise
depuis quinze ans, des pièces techniques en élastomère
pour l’industrie du spatial. Cette activité a commencé
avec des applications lanceurs pour lesquelles des
formulations spécifiques ont été développées, ceci afin
de réduire par exemple les forts niveaux de chocs
générés par les dispositifs pyrotechniques (séparation
d’étages, déploiement des panneaux solaires,….). Ces
succès ont alors conduit à intégrer au cœur même des
satellites des suspensions anti vibratoires à base
d’élastomère dont la fonctionnalité peut être double :
-Préserver l’intégrité des équipements face aux niveaux
vibratoires générés lors du lancement
-Filtrer les microvibrations générées par les mécanismes
« tournant » permettant d’orienter le satellite.
Dans le cas des applications lanceur, la durée de vie des
pièces est de quelques minutes, mais celle-ci peut aller
jusqu’à 10 ans dans le cas des satellites. Or, la
particularité du spatial vient également de
l’environnement extrême dans lequel travaillent les
pièces en élastomère : Cet environnement se caractérise
‐ 1 / 11 ‐ par l’association du vide, des radiations solaires
majoritairement, et du cyclage thermique, dont les
caractéristiques dépendent du type de mission (orbite
basse, orbite géostationnaire,….). Il se pose alors
naturellement la question de l’évolution des propriétés
de l’élastomère face à la sévérité d’un tel
environnement.
La question est d’autant plus délicate qu’aucune pièce
ne reviendra sur Terre pour être analysée après avoir
séjournée plusieurs années en orbite. Il faut donc réussir
à reproduire en laboratoire les effets de l’environnement
spatial pour bâtir des modèles de vieillissement, tout
ceci pour montrer que l’évolution de l’élastomère ne
remettra pas en cause la fonctionnalité de la pièce et le
bon déroulement de la mission.
Pour cela, SMAC en collaboration avec l’Université du
Sud Toulon Var, étudient l’effet de ces différents
facteurs sur des matériaux spécialement développés
pour les applications spatiales.
1.
INTRODUCTION
Les élastomères appartiennent à la grande famille des
polymères, mais comparés aux « classiques »
thermoplastiques et thermodurcissables, ceux-ci
présentent des propriétés très spécifiques : Ils sont en
effet à température ambiante très flexibles, élastiques,
étanches au gaz, et présentent un fort pouvoir
amortissant lorsque la formulation a été établie pour
cela.
C’est pourquoi aujourd’hui ces matériaux sont
largement utilisés pour traiter de problèmes vibroacoustiques, et pour de très nombreux domaines
d’activités (automobile, aéronautique, industrie,…).
Parmi les nombreuses solutions mises en œuvre, il y a
par exemple les amortisseurs viscoélastiques, les
batteurs dynamiques, les butées de chocs, les
revêtements visco-contraints,…
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- AFICEP, ELASTOMECA, Senlis 2009 -
Aujourd’hui, ces solutions antivibratoires à base
d’élastomère sont également utilisées dans un domaine
très particulier qui est celui de l’industrie spatiale :
Suspensions viscoélastiques et absorbeurs de chocs sont
montés à bord des lanceurs (par exemple ARIANE V)
mais aussi des satellites (Figure 1).
En Europe les premières applications spatiales utilisant
les matériaux élastomère sont apparues avec le lanceur
Ariane IV. L’utilisation
de pièces type
« caoutchoucs/métal » permet de protéger les
équipements électroniques « sensibles » contre les chocs
pyrotechniques (Figure 2) qui sont générés lors de la
séparation des différents étages du lanceur, mais aussi
lors du déploiement de certains mécanismes équipés de
dispositifs pyrotechniques (valves pyro, boulons
explosifs,…). Figure 1 : Exemples d’amortisseurs viscoélastiques
Par contre, comparées aux applications terrestres, les
applications spatiales se caractérisent par un
environnement très spécifique avec vide, radiations et
fortes amplitudes thermiques. Or aujourd’hui les effets à
long terme sur les élastomères ne sont pas très bien
connus, faute de réels retours d’expériences, et donc les
questions concernant la durée de vie des élastomères en
environnement spatial sont nombreuses.
Pour répondre à ces questions, une thèse cofinancée par
le CNES et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur vient
de débuter, et ce afin de prédire le comportement des
élastomères type « SMACTANE® » lorsqu’ils sont
exposés pendant plusieurs années dans un
environnement « spatial ».
2.
Pour obtenir cet amortissement de chocs, des absorbeurs
ont été mis au point à partir d’une formulation
élastomère appelée SMACTANE® (élastomère formulé
et mis en œuvre par la société SMAC). Comme le
montre la Figure 3, ces pièces sont constituées d’un
assemblage de différents éléments en aluminium, entre
lesquelles s’intercalent le SMACTANE®. Ces pièces
sont réalisées par moulage type compression transfert
après préparation des parties métalliques à adhériser.
LES ELASTOMERES : DES SOLUTIONS
ANIVIBRATOIRES POUR APPLICATIONS
SPATIALES
Grâce à leurs propriétés amortissantes, les élastomères
sont largement utilisés pour traiter des problèmes
vibratoires, y compris dans le domaine du spatial.
Historiquement, l’objectif premier fut de protéger les
équipements « sensibles » des chocs pyrotechniques
générés lors des phases de lancement. Puis peu à peu,
les élastomères ont été mis en œuvre pour des
applications satellites afin de traiter des problèmes de
vibrations et de micro vibrations.
2.1
Figure 2 : Exemples d’absorbeurs de chocs pour
applications spatiales
Figure 3 : Absorbeurs de chocs équipant ARIANE 5
Avec de tels dispositifs, les niveaux de chocs sont
réduits grâce à deux phénomènes :
Les absorbeurs de chocs
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-
Le premier est l’effet filtre mécanique « passe
bas » qui est obtenu grâce à la faible raideur de
l’absorbeur comparé à la raideur de la structure
environnante.
-
Le second est lié à l’utilisation d’un élastomère
présentant un « fort » amortissement sur une
large gamme de fréquence (Figure 4). A
l’intérieur du matériau, l’énergie cinétique est
convertie en chaleur, ce qui se traduit par
l’existence d’une hystérèse lorsqu’un effort
cyclique est appliqué au matériau (Figure 5).
Avec de tels absorbeurs, les niveaux de chocs peuvent
être diminués jusqu’à -40dB pour les hautes fréquences.
La figure 6 présente à titre d’exemple les performances
d’atténuation
obtenues
avec
des
absorbeurs
dimensionnés pour protéger le moteur d’orientation des
panneaux solaires de l’ATV (Automated Transfer
Vehicle).
Figure 4 : SMACTANE® 50, évolution de
l’amortissement (tan δ) en fonction de la fréquence
(courbe WLF)
La prédominance de l’un ou l’autre de ces deux
phénomènes est liée à la localisation de l’absorbeur par
rapport à la source du choc : A proximité de la source,
la mécanique ondulatoire est prédominante pour décrire
le choc et les élastomères à fort pouvoir amortissant y
trouvent tout leur intérêt. Puis au fur et à mesure que
l’on s’éloigne de cette source, la mécanique vibratoire
devient de plus en plus importante du fait de la réponse
dynamique des différents éléments de structure, et
l’intérêt des absorbeurs de chocs reposent alors sur leur
comportement type « filtre mécanique passe bas ».
Figure 6 : Exemple d’atténuation de chocs
Bien évidemment, de part la viscoélasticité des
élastomères, ces performances dépendent de la
température, du type et des niveaux de chocs à filtrer, et
il conviendra de choisir la formulation optimale, ainsi
que les raideurs à atteindre, en fonction de ces différents
paramètres.
2.2
Les amortisseurs antivibratoires
Pendant la phase de lancement, les satellites ainsi que
tous leurs équipements sont confrontés à un
environnement vibratoire critique, généré par les
différents moyens de propulsions mais aussi par des
effets aéro-élastiques (écoulement de l’air le long de la
structure) et acoustiques. Ces niveaux vibratoires
peuvent endommager irrémédiablement certains
équipements fragiles.
Figure 5 : Hystérèse obtenue lors d’un cycle de
traction/compression sur matériau élastomère
‐ 3 / 11 ‐ Pour les protéger, il existe une solution simple qui
consiste à les suspendre avec des amortisseurs
antivibratoires à base élastomère (Figure 7). On parle
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alors de « solutions passives », en opposition aux
solutions actives qui nécessitent d’être commandées
« électriquement » et ce qui en fait des solutions
complexes.
Figure 7 : Exemple d’un amortisseur viscoélastique de
centrale inertielle
Le principe de fonctionnement des amortisseurs
viscoélastiques est basé sur le comportement d’un
système masse / ressort à un degré de liberté (Figure 8).
Equipement
M, Ixx Figure 9 : Fonction de transfert d’un amortisseur
viscoélastique
Cette courbe, appelée courbe de transmissibilité,
possède deux points remarquables :
-
Le premier, appelé fréquence de résonance,
correspond à la fréquence pour laquelle
l’amplitude de la réponse de la masse est
maximale. Cette amplitude dépend de la nature
de l’élastomère utilisé, et plus particulièrement
de son pouvoir amortissant.
-
Le deuxième, appelé fréquence de coupure,
correspond à la fréquence pour laquelle
l’amplitude de la réponse de la masse
suspendue est égale à l’amplitude de
l’excitation.
Response
Amortisseur
K, δ Structure
Figure 8 : Amortisseur viscoélastique : Analogie avec
un système Masse/Ressort
La réponse de l’équipement lorsqu’une accélération
harmonique est appliquée au niveau de la structure, est
celle d’un filtre passe bas telle que présentée dans la
Figure 9 .
‐ 4 / 11 ‐ Lorsque la fréquence d’excitation est supérieure à la
fréquence de coupure, l’amortisseur joue son rôle de
filtre, puisque le niveau vibratoire de l’équipement est
inférieur à celui de l’excitation (la transmissibilité est
inférieure à 1). Et au plus la fréquence d’excitation sera
éloignées de la fréquence de coupure, et au plus les
niveaux vibratoires seront filtrés. A noter que la pente
du « filtre » dépend également de la nature de
l’élastomère : cette pente sera d’autant plus grande avec
un élastomère faiblement amortissant.
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Par contre, si la fréquence d’excitation devient
inférieure à la fréquence de coupure, alors l’amortisseur
devient amplificateur : les niveaux vibratoires vus par
l’équipement sont supérieurs à ceux injectés (la
transmissibilité est supérieure à 1).
Le travail du concepteur consistera alors à dimensionner
l’amortisseur de telle sorte que l’atténuation reste
suffisante, et ceci dans la plage de température spécifiée
ainsi que pour les différents niveaux spécifiés. Là aussi,
de part le caractère viscoélastique des élastomères, la
courbe de transmissibilité dépendra de la température et
des niveaux vibratoires injectés (amplitude et fréquence,
voir Figure 10).
Figure 11 : Amortisseur viscoelastique pour roue
d’inertie microsatellite
Le Tableau 1 suivant présente pour cette application
l’évolution de la fréquence de résonance de la
suspension en fonction de la température et de l’axe
sollicité.
Figure 10 : Evolution de la fréquence de résonance en
fonction du niveau vibratoire (en g)
La Figure 11 présente l’exemple d’un amortisseur
viscoélastique développé pour protéger les roues
d’inertie équipant les microsatellites de la filière
MYRIADE (plateforme développé par le CNES)
sinus 10g 5°C
sinus 10g 30°C
OX
fr Hz
97
61
OY
fr Hz
62
39
OZ
fr Hz
92
58
Tableau 1
La Figure 12 donne une courbe caractéristique d’un
essai de transmissibilité réalisé sur pot vibrant.
Figure 12 : Exemple de courbe de transmissibilité
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2.3
L’atténuation des micro-vibrations
Aujourd’hui, la sensibilité des instruments optiques
embarqués à bord des satellites d’observation est telle
qu’il est nécessaire de filtrer les micros vibrations
générées par les équipements « tournants » tels que les
roues d’inertie, les gyroscopes, les compresseurs….
Un moyen simple pour isoler ces équipements du reste
de la structure du satellite est d’intercaler un amortisseur
visco élastique entre cette équipement et la structure. Le
fonctionnement de cet amortisseur est exactement le
même que celui de l’amortisseur viscoélastique décrit
précédemment, sauf que dans ce cas précis, l’excitation
est générée par l’équipement suspendu, et il s’agit de
limiter la propagation de cette perturbation vers la
structure (Figure 13).
Equipement
M, Ixx Excitation
Amortisseur
Figure 14 : Exemple d’un amortisseur de microvibrations monté sur satellite d’observation (ref 1231S)
K, δ Comme le montre la Figure 15, la fréquence de
résonance de ces systèmes suspendus est relativement
basse (entre 10 et 30 Hz) afin d’assurer une diminution
suffisante des perturbations dont les premières raies sont
en général autour de 100 Hz.
Structure
Réponse
Figure 13 : Représentation schématique de
l’amortisseur de micro vibrations
La Figure 14 présente un exemple d’amortisseur (ref
1231S) dont le rôle est d’atténuer les micro-vibrations
générées par une roue d’inertie pour un satellite
d’observation.
Figure 15 : Fonction de transfert de l’amortisseur de
microvibrations (ref 1231S)
Il se pose alors le problème de pouvoir « encaisser » les
forts niveaux vibratoires rencontrés lors de la phase de
lancement, car basse fréquence est synonyme de forts
débattements et de forts taux de déformation. Un moyen
simple pour arriver à cela est de coupler la suspension
avec un système de butées en élastomère qui aura pour
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rôle d’encaisser les chocs et les vibrations générés lors
du lancement.
2.4
L’amortissement structural
Le dernier type d’application spatiale des élastomères
pour résoudre des problèmes antivibratoires est
l’amortissement structural. L’objectif est de limiter
l’amplification des différents modes, que ce soit des
modes de structure ou des modes d’équipement, afin de
limiter les perturbations du système global. Pour cela,
l’élastomère (en général sous forme de plaque ou de
film) est directement adhérisé sur la pièce à amortir, et
lorsque celui-ci est sollicité, l’énergie mécanique est
transformée en chaleur grâce aux propriétés intrinsèque
de l’élastomère.
Couches de
SMACTANE®
Figure 16 : Raidisseur amorti pour satellite
d’observation
La Figure 17 présente l’exemple de raidisseurs en
Titane qui sont amortis grâce à la présence de deux
couches d’élastomère type SMACTANE au centre de la
pièce : Lorsque la pièce est sollicitée en
traction/compression, des efforts sont transmis aux
parties élastomères qui travaillent alors essentiellement
en cisaillement, et qui absorbe ainsi une partie de
l’énergie mécanique.
Figure 17 : Pied Titane amorti pour structure optique
3.
LES ELASTOMERES FACE A
L’ENVIRONNEMENT SPATIAL
3.1
Complexité de l’environnement spatial
Comme montré avec les exemples précédents, les
élastomères sont des matériaux intéressants pour traiter
des problèmes vibratoires, que ce soit à l’aide
d’amortisseurs de chocs, de suspensions,….Vis à vis de
leur utilisation pour des applications spatiales, les
élastomères furent utilisés tout d’abord pour des
applications lanceurs dont la durée de vie est de
quelques minutes. Puis ces matériaux ont été utilisés
pour des applications satellites, dont la durée de vie peut
aller aujourd’hui jusqu’à dix ans.
Dans ce cas, contrairement aux applications lanceurs, la
connaissance de vieillissement des élastomères exposés
à cet environnement très spécifique devient obligatoire.
Il faut en effet pouvoir s’assurer que les performances
des pièces soient toujours tenues et ceci jusqu’à la fin de
la durée de vie du satellite. Cela passe par la
connaissance des mécanismes de vieillissement des
élastomères exposés à l’environnement spatial.
Aujourd’hui trois sources de vieillissement ont été
identifiées pour un élastomère exposé aux conditions du
spatial :
-
L’irradiation solaire,
-
Les fortes amplitudes thermiques,
-
Le vide.
Ces trois sources de vieillissement ont des conséquences
sur tous les matériaux polymères, et influencent
l’évolution de leurs propriétés en fonction du temps.
Pour traiter de ces problèmes de vieillissement, il est
fréquent d’utiliser le modèle d’Arrhenius qui décrit la
vitesse d’une réaction chimique en fonction de la
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température (Équation 1). A l’aide de cet outil et d’une
campagne de vieillissement accéléré, il devient possible
de prédire l’évolution d’une propriété en fonction du
temps et pour une température donnée.
Neoprene
Nirile
Polyurethane
TML %
8.62
10.48
1.87
RML%
8.52
10.24
1.16
CVCM%
1.94
4.12
0.16
Tableau 2
Équation 1 : Modèle d’Arrhenius
Mais dans le cas du vieillissement dans l’espace, cela
est plus complexe car il n’y a pas qu’un seul mécanisme
de vieillissement. De plus il faut prendre en
considération l’éventuelle combinaison de ces
mécanismes.
Pour essayer de comprendre ces mécanismes, un
doctorat cofinancée par le CNES et la région Provence
Alpes Cote d’Azur, vient de démarrer avec le
laboratoire MAPIEM de l’université de Toulon. Cette
étude commencera par un plan d’expériences complet
pour comprendre les effets des trois sources de
vieillissement aujourd’hui identifiées sur les
élastomères. Puis la combinaison de ces effets sera
étudiée, l’objectif final étant d’avoir un modèle de
prédiction des performances mécaniques des
élastomères en environnement spatial. La première
source de vieillissement étudiée est le vide, et voici
décrit ci-après les premiers résultats.
3.2
Vide et dégazage des élastomères
Le premier effet du vide sur les élastomères est de
libérer les molécules volatiles initialement contenues
dans celui-ci. Dès lors, le risque majeur est que ces
molécules se déposent sur des éléments sensibles tels
que les instruments optiques du satellite ou les
connections électriques.
De manière générale, les élastomères sont considérés
comme des matériaux «polluants » pour des
applications spatiales. Le Tableau 2 présente à titre
d’exemple les valeurs de dégazage obtenues avec les
élastomères standards.
‐ 8 / 11 ‐ D’après la norme ECSS-Q-70-02-A, pour qu’un
matériau puisse être utilisé pour une application
spatiale, il faut que son TML (Total Mass Loss) soit
inférieur à 1%, et son CVCM (Collected Volatile
Condensable Materials) inférieur à 0.1%.
Pour améliorer ces valeurs de dégazage, une première
possibilité est d’appliquer un pré-dégazage de la pièce
en élastomère avant que celle-ci ne soit intégrée dans le
satellite. Cette opération consiste simplement à placer la
pièce dans le vide (10-5 mbar, 125°C) afin de libérer les
composants volatiles et de les piéger. Le Tableau 3
présente l’effet du pré-dégazage sur le SMACTANE®.
Avant prédégazage
Aprés près
dégazage
ECSS-Q70-02-A
TML %
5.63
0.76
-
RML%
5.53
0.60
<1.0
CVCM%
0.79
0.07
<0.1
Tableau 3
Ces valeurs montrent l’efficacité de ce traitement
(24H00 passées à 125°C et 10-5 mbar) puisque, grâce à
celui-ci le SMACTANE® présente des taux de dégazage
en adéquation avec la norme ECSS-Q-70-02-A.
Néanmoins, ces résultats ont été obtenus avec des
échantillons d’épaisseur faible (inférieure à 2 mm). Or
en général, dans le cas d’un amortisseur, l’élastomère
est prisonnier d’une armature métallique et finalement
une grande quantité de composants volatiles reste prise
au piège dans le matériau, et le pré dégazage est
finalement peu efficace.
Cela est illustré par la Figure 18 : La courbe rouge
présente l’évolution de la perte de masse en fonction du
temps pour un amortisseur de chocs en SMACTANE®.
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Après 168 heures à 125°C et 10-5 mbar, la courbe de
perte de masse n’a toujours pas atteint d’asymptote et
l’élastomère continue à libérer des éléments organiques.
3.3 Les effets mécaniques du vide sur les élastomères
y La première étape de l’étude a été de regarder l’effet
du vide sur les propriétés mécaniques des élastomères
SMACTANEy® SP, et plus particulièrement de savoir si
le vide secondaire a des conséquences équivalentes au
vide primaire, ce qui permettrait de limiter les moyens
d’essais pour la suite de l’étude.
Les premières campagnes d’essais ont
comparer l’évolution des caractéristiques
(modules, résistance rupture, allongement
fonction du temps entre des échantillons
pression atmosphérique et des échantillons
vide primaire.
consisté à
mécaniques
rupture) en
placés à la
placés sous
Afin d’accélérer les phénomènes de vieillissement, 3
températures de travail ont été retenues : Température
ambiante, 60°C et 100°C.
La Figure 19 présente l’évolution des modules 100 et
300% en fonction du temps, à pression atmosphérique
(courbe noire) et sous vide primaire (courbe rouge).
Figure 18 : Essais de dégazage sur amortisseur en
SMACTANE
Finalement, la meilleure solution pour réduire le taux de
dégazage d’un élastomère est de travailler sur l’origine
même de ces polluants et donc sur la formulation de ce
dernier.
Ce travail d’optimisation de formulation vis-à-vis des
contraintes de dégazage a été réalisé sur le
SMACTANE®.
Après identification des éléments critiques vis-à-vis du
dégazage, ceux-ci ont été éliminés ou remplacés
amenant ainsi à une nouvelle formulation dénommée
SMACTANE® SP (SP pour SPace) possédant les
mêmes propriétés mécaniques que le SMACTANE®
mais ayant des taux de dégazage compatibles avec les
applications spatiales : RML=0,31% et CVCM=0,02%.
En parallèle, les procédés de mis en œuvre ont été
modifiés afin de permettre l’utilisation de cette
formulation pour le moulage compression et
compression transfert.
‐ 9 / 11 ‐ Figure 19 : Evolution des M100 et M300 sous pression
ambiante (noir) et sous vide primaire (rouge)
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Ces courbes montrent que le vide primaire accentue les
effets du vieillissement sur l’élastomère étudié. Par
contre cet effet est moins marqué à 100°C qu’à 60°C, ce
qui laisse penser qu’il y a deux phénomènes de
vieillissement rentrant en compétition.
y La deuxième campagne d’essais a pour objectif de
comparer l’effet du vide secondaire par rapport au vide
primaire sur différentes éprouvettes en SMACTANE®.
Le vieillissement sous vide secondaire a été réalisé
grâce au caisson à vide mis à disposition par ASTRIUM
(Figure 20).
Ces tendances montrent que le vide secondaire a un
impact un peu plus important sur la raideur des
amortisseurs que le vide primaire, environ +5% après 5
jours de vieillissement. Il faut noter que la campagne de
vieillissement n’a pas excédé 5 jours, et aujourd’hui se
pose la question de savoir si cet écart augmentera pour
des durées de vieillissement plus importantes. Cela fera
l’objet de campagnes d’essais ultérieures.
Par contre, comme le montre la Figure 22, cet écart de
comportement ne se retrouve pas sur les modules 100%
et 300% mesurés sur éprouvettes de traction.
Figure 20 : Echantillons en cours de vieillissement sous
vide secondaire
La Figure 21 présente, pour les trois températures
étudiées, l’évolution de la raideur des amortisseurs
vieillis sous vide primaire (courbe bleu clair) et vieilli
sous vide secondaire (courbe bleu foncé).
Figure 22 : Comparaison vide primaire (bleu clair) et
vide secondaire (bleu foncé) sur M100 et M300
Il semblerait que les écarts soient essentiellement
perceptibles pour les faibles taux de déformation.
Des analyses physico-chimiques complémentaires sont
en cours de réalisation afin de mettre en évidence les
mécanismes de dégradation dus au vide qui sont :
- L’évaporation des composants volatiles,
- Les phénomènes de désorption,
- Les cassures de chaines moléculaires.
Figure 21 : Comparaison vide primaire (bleu clair) et
vide secondaire (bleu foncé) sur la raideur d’une
suspension
‐ 10 / 11 ‐ 4.
CONCLUSIONS
Les matériaux élastomères peuvent être finalement
utilisés et adaptés pour des applications spatiales, et tout
particulièrement pour résoudre des problèmes
dynamiques. Il est néanmoins important de ne pas
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oublier que leur comportement mécanique dépend de la
température, de la fréquence et des taux de déformation
appliqués. C’est pourquoi il est nécessaire de spécifier
les conditions environnementales avec précision.
Aujourd’hui, il reste à comprendre les mécanismes de
vieillissement mis en jeu par cet environnement très
particulier qu’est l’espace, ceci afin de valider
l’utilisation de pièces fonctionnelles en élastomère pour
des missions de plus de 10 ans. C’est l’objectif fixé de
cette thèse qui a débuté en octobre 2009.
‐ 11 / 11 ‐