Cas clinique : Mme H et sa fille Sonia

Transcription

Cas clinique : Mme H et sa fille Sonia
Cas clinique : Mme H et sa fille Sonia
Présentation
Mme H a 24 ans. Elle apparait souvent négligée en jogging trop ample et en débardeur quel que soit le temps. Elle semble
n’éprouver ni le chaud, ni le froid. Elle peut aussi apparaitre très maquillée, « métamorphosée », court vêtue mais comme travestie
dans des vêtements trop serrés, contrariant ses mouvements plus volontiers masculins.
Elle est repérée par l’assistante sociale car elle se retrouve plusieurs fois sans solution d’hébergement. Cette professionnelle essaie
de comprendre la situation mais les contacts sont épisodiques et Mme surgit toujours dans son bureau en urgence, en fin d’aprèsmidi et souvent en fin de semaine avec une demande impérieuse. Cependant elle ne maintient jamais le contact en continu. Dès
qu’une solution est entrevue, elle disparait, trouve une » bonne âme » pour la recueillir quelques jours puis se retrouve à nouveau
dans une impasse et resollicite.
L’assistante sociale tente toutefois de reconstituer ce qui peut apparaitre comme le puzzle de sa vie tant la jeune femme est rétive à
trop se dévoiler. Elle fera également le lien avec les institutions qui l’ont accueillie et suivie dans tout son parcours chaotique.
Mme H est la 3 ème enfant d’une fratrie de 6. Elle a été placée à l’âge de 12 ans suite à un signalement scolaire pour absentéisme.
Sur le plan scolaire, elle était décrite comme très éparpillée. Elle se montrait fréquemment injurieuse avec ses enseignants ou
adoptait des comportements équivoques dès l’âge de 11 ans, alors qu’enfant, elle est plutôt décrite comme inhibée et en retrait.
Elle aura beaucoup de mal à rentrer dans les apprentissages et bénéficiera d’un parcours SEGPA ; elle s’engage dans une formation
de CAP Employé de collectivité mais elle abandonne peu de temps avant l’examen.
Dans le dossier, il est fait état de maltraitance de la part du père sur l’ensemble de la fratrie, découverte suite à une mesure
d’accompagnement éducatif en milieu ouvert.
Sa mère est présentée comme une femme prenant peu d’initiatives, sans doute déficitaire, très dégradée physiquement. Elle
souffre d’une obésité qui entrave son autonomie. Elle n’a pas d’emploi. On apprend que cette mère a disparu du domicile familial
sur une période de plusieurs mois, laissant les 6 enfants à la charge du père. Lors de cet évènement, Mme H devait avoir 3 ans.
Son père est décrit comme un homme qui pouvait être serviable à l’extérieur mais tyrannique à la maison. Violent et alcoolique, il
régnait en maître sur l’ensemble de la famille. Il y a eu des suspicions d’abus sexuels sur Mme H mais qui n’ont pas pu être
démontrés.
Mme H a déjà subi 2 IVG avant sa majorité (15 et 17 ans)
Deux tentatives de suicide sont notées peu de temps avant chaque IVG.
Cela a donné lieu à des hospitalisations mais qui n’ont pas permis de soins réguliers du fait du refus catégorique de Mme.
A 18 ans, elle rompt brutalement avec sa famille d’accueil (qu’elle avait par ailleurs mis à mal par des fugues et divers passages à
l’acte, vols… durant tout l’accueil) et retourne un temps chez ses parents. Elle en repartira très vite pour s’installer avec un petit ami.
Il se montre violent. Les séparations et les retrouvailles se succèdent. Entre 2 séparations, elle multiplie les rencontres amoureuses
passagères et les lieux d’hébergement.
On apprend qu’elle a déjà eu un fils, qui doit avoir aujourd’hui 5 ans. Il a été confié à une famille d’accueil à 3 ans. Elle raconte que
ce placement a été vécu douloureusement, ne le comprend pas. Elle parle de cet enfant avec enthousiasme, donne des détails
comme si elle partageait son quotidien, explique se battre pour le récupérer, assure que l’enfant la réclame et souffre de cette
séparation. L’assistante sociale s’avère convaincue que cette jeune mère maintient un lien étroit avec ce petit garçon tant la maman
en parle bien. Or, après avoir pris contact avec ses collègues du service d’Aide Sociale à l’enfance, il s’avère que le discours des
professionnels est quelque peu différent : après diverses tentatives des travailleurs sociaux d’accompagner la jeune mère (en vain,
faute d’adhésion minimale), le placement est devenu inévitable.
Elle n’a pas vu son fils depuis plus de 3 mois car elle ne respecte pas la régularité de ses droits de visite mais peut, à certains
moments, revendiquer très fortement sa place de mère et s’investir dans des démarches juridiques pour récupérer la garde de son
enfant avant de tout abandonner du jour au lendemain. Face à son acharnement durant une période pour reprendre son fils, il avait
même été envisagé un retour avec une mesure éducative mais Mme ne s’est pas présentée aux convocations quand le projet a pris
forme (cela correspond à sa nouvelle grossesse pour Sonia).
Sa dernière grossesse (de Sonia) est découverte tardivement et les délais pour envisager une IVG sont dépassés. C’est dans ce
contexte qu’elle a contact avec une sage-femme de PMI. Cette dernière tente tant bien que mal de maintenir le contact pour le suivi
de grossesse mais Mme change régulièrement de secteur géographique au gré de ses rencontres et teste la volonté et
l’acharnement des professionnels à maintenir un lien avec elle. Elle laisse en effet toujours des pistes pour être retrouvée mais
entretient le professionnel dans un équilibre précaire. Dès qu’une relation semble s’amorcer, elle envahit le professionnel de
demandes immédiates et impérieuses jusqu’à l’exaspération et le découragement. La grossesse inquiète, mobilise et la situe dans
une toute puissance très jouissive. L’enfant à naitre est évoqué en lien avec sa propre histoire : elle veut faire mieux que sa mère,
elle veut que l’enfant ait ce qu’elle n’a pas eu, qu’il soit le plus heureux de la terre. Elle espère que ce sera une fille pour l’habiller
comme une princesse, lui mettre des jupes qui tournent et des nœuds roses et mauves dans les cheveux. Néanmoins, elle n’a rien
préparé pour accueillir ce bébé : aucun achat, aucun vêtement, aucune économie… elle n’a rien anticipé de cette naissance sur le
plan matériel. Durant cette période, tout le monde oublie qu’elle a déjà eu un autre enfant car il n’apparait plus dans le discours.
Elle accouche d’une fillette, Sonia, sous péridurale, et l’enfant reste en couveuse quelques jours en néonatalogie tandis que la jeune
mère reste hospitalisée plus longtemps que prévu faute de lieu d’hébergement pour elle et son nourrisson. Elle assure les soins
primaires de façon correcte quoiqu’un peu mécanique. Elle lui parle peu mais dort avec son bébé couché sur son ventre. Pour la
maternité, Mme H fait preuve d’un maternage adapté compte tenu de l’étayage important de l’équipe. Du fait, rien n’est
particulièrement signalé sur cette situation. On parle d’une relation fusionnelle avec sa fille. Le père de l’enfant ne vient pas à la
maternité. Questionnée à ce propos, Mme se contente de dire sans affect apparent qu’il n’y a plus de père.
Séquence d’observation 5 mois plus tard de la relation mère-enfant
Mme et sa fille sont finalement hébergées chez le nouveau petit ami de Mme H. Les observations de la maternité étant plutôt
positives, seule une puéricultrice de la PMI lui rend visite régulièrement et il est demandé à Mme H d’amener l’enfant rencontrer le
médecin de PMI une fois par mois.
C’est dans le cadre d’une de ces visites que la puéricultrice fait l’observation qui va suivre :
Sonia, 5 mois est dans les bras de sa mère pour le biberon. Sa maman ne la regarde pas. L’enfant boit très vite tout le biberon. Elle a
le regard vague, ne cherche pas à toucher sa mère. Une fois le biberon terminé, l’enfant continue de téter l’air et sa mère lui arrache
la tétine en disant : « y a plus rien ».
Sonia se met à hurler. Ses pleurs s’apparentent à des cris de douleurs, elle se cambre, tout le corps maigre de Sonia est arquebouté,
les veines du cou saillantes.
La maman ne parvient pas à l’apaiser et veut lui donner un autre biberon car elle pense qu’elle a encore faim. Pour aller préparer
cet autre biberon, elle pose l’enfant brusquement dans les bras de la puéricultrice et part. Cette dernière prend l’enfant et la cale
fermement sur sa poitrine avec les bras, en la rassurant par la parole. Sonia s’apaise instantanément et se met à regarder autour
d’elle, à revenir sur le visage de celui qui la porte, à lui toucher le visage… son corps se relâche totalement. On peut la poser.
Sa mère revient et pose le biberon puisque l’enfant ne pleure plus. Elle regarde sa fille à distance en exprimant son
mécontentement d’avoir refait un biberon pour rien. Elle la traite de « capricieuse, comme son père ». Puis la maman sourit et
s’approche rapidement de sa fille en s’écriant « oh, ma chérie, viens voir maman qu’elle t’embrasse ». Sonia se met à s’agiter : bras,
pieds, tout est en mouvement et elle parait désarticulée. La maman l’interprète comme une invitation et se met à l’embrasser,
d’abord sur le bout des doigts puis sur la bouche et le front. Elle le chatouille, en enfonçant les doigts dans les côtes de la fillette.
Sonia évite le contact visuel avec sa mère pendant cette scène et appuie son regard sur un point lointain. Elle régurgite en jet. La
maman s’arrête net. Elle part en disant qu’elle va se laver, qu’elle en a marre.
L’enfant gémit et s’arque boute de nouveau. Elle attrape sa tétine et fait un jeu « entrer/sortir »avec la tétine jusqu’à
endormissement.
QUESTIONNEMENT AUTOUR DE CE CAS CLINIQUE
Après cette observation, la professionnelle est inquiète et perçoit que son action n’est pas suffisante. Elle s’ouvre à ses collègues et
à sa hiérarchie de ses questionnements.
- que peut-on penser de cette situation
-quel(s) risque(s) pour l’enfant s’il n’y a pas de soutien à la parentalité
-quel type de prise en charge peut- on proposer
-qu’existe –t-il dans l’Yonne pour ce type de prise en charge
-quels problèmes ce type de situation nous pose-t-il, quelles limites éventuelles
-nouvelles pistes à envisager

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