Denis Frémond - Sibman Gallery
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Denis Frémond - Sibman Gallery
Denis Frémond Sibman Gallery Damned freezing Sibman Gallery 28, Place des Vosges 75003 Paris - France +33 1 42 76 95 10 www.sibmangallery.com [email protected] Denis Frémond Sibman Gallery Damned freezing Novembre 2010 1 Les hommes de Cro-Magnon ne bénéficiaient pas de toutes les avancées techniques d’aujourd’hui, travaillaient sans chevalet dans des ateliers improvisés au fond de grottes, se passaient d’essence de térébenthine et d’huile de lin, fabriquaient leurs châssis eux-mêmes avec des branches grossières, tendaient là-dessus une peau brute de renne sur laquelle ils essayaient de représenter un bouquet de fleurs, s’énervaient, finissaient par tout détruire pour finalement dessiner des animaux sur les parois de leurs grottes, en désespoir de cause. Semaine plutôt décevante sur le plan atelier. Je ne crois pas être encore sorti de ma période de doute (je suis allé jusqu’à porter onze vestons différents au cours d’une même séance). J’ai par ailleurs refait plusieurs fois l’essai de travailler vêtu de mes chemises à carreaux, dans l’idée encore d’évaluer les effets que cela produit sur mon travail. La gêne est tout de même très évidente : je persévère pendant une heure avant de me changer et de poursuivre la séance dans mes chemises unies. Quand je raconte cette expérience, on me demande simplement pourquoi alors je n’essaye pas les rayures. Je ne sais pas si on s’intéresse vraiment à ma peinture. Mon addictologue m’a été recommandé par un ami qui sort d’une cure de trois ans avec lui et a réduit de 80% sa consommation d’ocre jaune. Samedi dernier, livraison à l’atelier de sept cents tubes d’ocre jaune, que j’ai aussitôt jetés par la fenêtre. Puis achat à la FNAC de trentecinq exemplaires des «Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée» de Neruda. Bonne semaine dans l’ensemble, à l’exception de dimanche : en me pavanant dans l’église russe de la rue Daru j’ai trébuché sur le bord d’une petite estrade, un tube d’ocre jaune présent dans ma poche intérieure a explosé, et le soir j’ai mangé trente tartines de pain de mie sans croûte avec du sirop d’érable et du poulet (infecte). 2 Idée pour un tableau (variante d’une idée déjà notée) : au premier plan un personnage assène des coups à un autre personnage à l’aide d’un singe congelé qu’il tient par la queue, tandis qu’au second plan on devine la scène d’un théâtre où se déroule la représentation d’un ballet intitulé «A la recherche du temps perdu» sur un chorégraphie d’un dénommé Duvall (dans la première idée le personnage du premier plan ne donnait pas de coups mais plongeait sa tête dans un gâteau, et le chorégraphe ne s’appelait pas Duvall mais Winckaeshall). Penser à trouver un titre genre «Madame Bovary» ou «Moïse sauvé des eaux». Je songe parfois à la vieille question de savoir ce qui explique l’absence de vélomoteur dans ma peinture, et pourquoi mes personnages ne sont jamais motorisés, question à laquelle je n’aurai jamais de réponse. La Rapsodie Espagnole de Maurice Ravel... Trouble profond, cet après-midi, en écoutant cette oeuvre à l’atelier. Elle fait surgir une Andalousie imaginaire. L’hispanisme ravélien est plus rêvé que scientifique... c’est plus proche de Carmen que de l’Amour Sorcier. J’aime ces premières mesures obsédantes à quatre notes de l’ouverture (Prélude à la Nuit), cela semble si espagnol, on les trouve pourtant dans le Qui tollis et l’Agnus Dei de la Messe Hongroise du Couronnement de Liszt. Mais dans cette Rapsodie la répétition et l’orchestration lui donnent une couleur andalouse... Je suis globalement satisfait de mon addictologue. Certes mes troubles obsessionnels compulsifs sont encore là mais je dois dire que j’entrevois la possibilité d’améliorations prochaines, concernant notamment les troubles les moins handicapants tels que s’asseoir sur une bouche d’aération, l’achat de tubes d’ocre jaune, acheter des exemplaires du Journal de Kafka ou exécuter des roulades chez les gens. n Largo con fuoco - 120x120 cm 3 Je n’ai pas toujours été peintre, pas toujours voulu l’être. L’enfant peu concentré, rêveur, folâtre, lisait la poésie en prose de Rilke, interrompait le cours d’histoire pour déclarer que jamais la guerre ne serait une discipline olympique, que Joséphine de Beauharnais se faisait flamber des chimpanzés à l’armagnac. Elève fantasque donc, aux interventions inopinées. Garçon subjectif. Je mènerais une brillante carrière de sentimental, peut-être hésiterais-je un temps avant de m’y résoudre, pencherais-je vers le music-hall, la peinture... Longtemps je n’ai pas aimé Rachmaninov. J’avais du mal à écouter la masse qu’il impose souvent dans ses oeuvres, du mal à apprécier la richesse de ses concerti, j’entendais mieux ses Vêpres par exemple, ou la légèreté de la Polka Italienne. Je n’étais pas vraiment adepte du piano. A côté de ça, je me demande aussi quelle place occupe Rachmaninov aujourd’hui dans l’histoire de la musique. Alors que ses contemporains cherchaient à élargir les horizons musicaux, à inventer un nouveau langage musical, il écrivait de la manière la plus classique qui soit. On ne sait finalement pas quels compositeurs restent dans nos mémoires. Ceux qui posent les clous, ou ceux qui les enfoncent?... Bref, aujourd’hui je frissonne en écoutant sa cinquième étude-tableau opus 39. Idée de titre pour un tableau : «Léon Tolstoï chahuté par des majorettes dans une petite gare de Sibérie», titre maintes fois envisagé, jamais utilisé, à cause de sujets généralement trop éloignés de l’idée, comme mes scènes de rues à New York ou mes intérieurs de brasseries à Montparnasse. 4 Satisfaction inattendue mardi à l’atelier, notamment à cause d’un T-shirt bleu foncé que je n’avais plus mis depuis des années pour peindre, et dont j’ai redécouvert les effets. Résultat : une sensation de planer tout au long de la séance, joyeuse exécution d’une toile représentant André Gide déguisé en Garde suisse et frappant Oscar Wilde à l’aide d’un gigot d’agneau. Vers 18h j’ai troqué ce T-shirt pour un veston en tweed, gratté ma toile et tenté de peindre un autre sujet, sans conviction : une nature morte au singe congelé. Bon. Le lendemain, séance normale dans une blouse écossaise. Au téléphone, un ami a tenté de me rassurer en me parlant d’un pyjama de chez Agnès B. qui produirait des effets intéressants. A voir. Rêve : Depuis l’intérieur d’un lieu immense je regarde un paysage urbain qui ressemble à celui de mes tableaux. Maman est à mes côtés. Elle porte un ensemble magnifique de chez Rohmer (Eric Rohmer est couturier dans ce rêve), elle m’entraîne parmi des gens, me présente, s’enquière de mon opinion sur eux, me désigne des célébrités que je ne connais pas. Tout le monde porte des vêtements fabriqués me dit-on par les habitants d’une vallée du Népal. Et l’on se plaint ici ou là, ce qui consterne Maman. Alors, à la hâte, elle s’ingénie à rendre la joie, apparaissant à cet effet dans des tenues voyantes, dévidant en tous sens de gigantesques rouleaux d’une matière rougeâtre comparable une fois par terre à de la cendre, criant sur son passage : «Dégagez, dégagez!»... Des autos tamponneuses de fête foraine sillonnent ce vaste lieu. A bord de l’une d’elles je crois reconnaître Eric Rohmer. Maman murmure : «Il fait des serviettes de bain aussi»... n Béla Bartók - 81x100 cm 5 6 n Come dance with me - 146x114 cm n Libre association - 114x146 cm 7 8 n Boulevard Poissonnière - 92x73 cm n Get off of my cloud - 80x80 cm 9 n Silent night - 80x80 cm 10 n First song - 73x92 cm 11 What ? n School memories 80x80 cm 12 13 n Time flies (left) - 146x228 cm 14 n Time flies (right) - 146x228 cm 15 n Sous le jour - 130x162 cm 16 n Dialogue du vent et de la mer - 120x120 cm 17 18 n Day by day (left) n Day by day - 130x162 cm 19 n Béla Bartók 1 - 81x100 cm 20 n Come dance with me II - 92x73 cm 21 n Like a stranger (opus 2) - 120x120 cm 22 n La rencontre - 120x120 cm 23 n Unité secrète - 81x100 cm 24 n Soul light II - 89x116 cm 25 26 n Chronique solitaire - 100x100 cm n Soul light - 81x100 cm 27 n Sous la lumière - 100x100 cm 28 Denis Frémond est né au Havre en Avril 1950. Diplômé de l’Ecole Boulle (Paris), il vit et travaille aujourd’hui à Paris. 1986 1987 1987-2005 1990 1999-2005 2003-2006 2004-2006 2006-2008 2009-2010 Premier album : la grande fièvre (Albin Michel) Deuxième album : Sentimental (Dargaud), «Grand prix» du Salon du Livre de Genève Reçoit le prix du «meilleur album» au festival de la Bulle d’Or à Lyon, et le «prix du Premier Album» au festival d’Angoulême Galerie Corinne Le Monnier Le Havre Salon d’Automne Paris Galerie Robert Honfleur Galerie Rollin Rouen Sibman Gallery Paris St Art, Strasbourg Sibman Gallery Art Miami Sibman Gallery Art London Sibman Gallery Galerie Ariel Sibony, Paris Art London Galerie Ariel Sibony Art Miami Galerie Ariel Sibony Galerie Ariel Sibony, Paris Art London Galerie Ariel Sibony Sibman Gallery www.sibmangallery.com [email protected] Photographe : Jordan Sitbon - Imp. Sitbon & Associés 01 48 47 30 00 28, Place des Vosges 75003 Paris - France +33 1 42 76 95 10