Lettre à l`association des amis du lycée Xp

Joël Kérouanton
34 rue de Saintonge
44600 Saint-Nazaire
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Le 18 février 2014,
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à Saint-Nazaire
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Chers membres du Lycée xp,
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Lycée expérimental de Saint-Nazaire
17 bld René Coty
BP 272
44600 Saint-Nazaire
J’ai bien reçu votre invitation pour la soirée de soutien du 20 février 2014, mais à
cette date je serai loin de Saint-Nazaire. Ce qui ne m’empêche pas de manifester, à
vos côtés, l’inquiétude légitime ressentie face à la machine administrative et
sécuritaire.
Sachez que votre établissement, ce « contre-emplacement », dirait Michel Foucault,
cette « utopie concrète » par où passent toutes les secousses de la société, cette
« République d’enfant » que vous fabriquez tous les jours a tout mon soutien et bien
plus.
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Ayant épisodiquement passé trois années dans vos murs, lors d’une résidence
d’écriture (2009-2012), j’ai bien saisi que le geste éducatif se jouait pour beaucoup
hors les murs. C’est à la pointe de Pennetin, à deux reprises, que nous avons finalisé
le livre Balises Xp, fruit de notre travail commun. Et c’est en minibus que nous nous
sommes rendus. Je comprends bien que ce que nous avons réalisé il y a 2-3 ans,
nous ne pourrions le vivre en ce moment.
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Votre situation est ubuesque, et vous n’êtes pas les seuls dans ce cas : l’hôpital de
La Borde, haut lieu de la psychothérapie institutionnelle, fief de personnalités comme
Jean Oury, Fernand Deligny, Felix Guettary et Gilles Deleuze, a fermé dernièrement
sa cuisine, une cuisine au coeur même de la pédagogie d’ensemble. Pourquoi la
cuisine a-t-elle fermé ? Pour des raisons d’hygiène et de sécurité. D’aucuns diraient :
pour des raisons d’Assurance. Aucun problème pendant 40 ans et pof, tout d’un coup
plus rien. C’est bien un monde sécuritaire qui nous entoure, et qui va nous étouffer si
l’on y résiste pas intelligemment et en grand nombre. Une future « association des
amis du lycée expérimental » est, de mon point de vue, une excellente chose pour
répondre aux coups de butoirs à-venir.
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En épluchant vos mètres d’archives pour rédiger le 3e et dernier livre en écho au
Lycée xp, je suis tombé sur une lettre du sociologue François Dubet. Petit bijou
d’historiographie d’éducation, cette lettre jaunie et manuscrite disait l’importance pour
le Lycée xp de ne pas se considérer en marge, mais au centre. Au centre du système
éducatif. Au centre des préoccupations pédagogiques nationale. Au centre de la
recherche éducative et de l’éducation populaire. Au centre de la ville. Au centre. Ce
n’est peut-être pas un hasard si le Lycée xp s’appelait « le centre » au moment de
ses premiers pas. Et c’est bien cette posture qui doit nous habiter quand on parle du
Lycée xp : la proposition d’une vision éducative, d’une vision du monde pourrait-on
dire.
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Même si la vie quotidienne dans ce lieu épuise et le sens parfois échappe, il n’en
reste pas moins une belle et nécessaire tentative. Ce lieu de recherche m’a permis
d’écrire, de penser, de rencontrer. Ou plutôt : ce sont les rencontres, permises par ce
fonctionnement en co-gestion, qui m’ont autorisé, au sens symbolique du terme, à
écrire et à penser. Et ce n’est pas rien, car depuis maintenant 18 mois que je ne suis
plus « expérimentalien », je n’ai cessé, avec d’autres et toujours avec certains
d’entre-vous, de déployer ce travail défriché dans votre lieu. Que ce soit le « SAS de
lecture », les soirées « Imagine ! » ou le projet « Pas de côté ! », ces mises en scène
de dispositifs d’éducation populaire aux confins de la littérature et des arts du
spectacle ont été initiés au Lycée xp et se déploient maintenant dans la ville de
Saint-Nazaire et ailleurs. Ce ne sont que d’infimes exemples, vus du petit bout de ma
lorgnette, de ce que « l’expérimental » de ce Lycée peut produire, grâce à un subtil
dosage entre rigueur et imagination.
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En osant un inventaire, j’émet l’hypothèse que mille et une expériences initiées au
Lycée xp depuis 32 ans auraient germés, par pollinisation, dans les villes de France
et de Navarre, dans les écoles de la République, dans les universités, dans les lieux
ouverts aux questions d’émancipation. Alors bien sûr, ça n’est pas du goût de tous,
ce genre de pollinisation provoque des allergies, parfois carabinées. Mais ça se
soigne avec le temps. Et ils s’habitueront.
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Cet après-midi j’ai pris un verre à la Casbah après une réunion Imagine ! A chaque
entrée dans ce Lycée, toujours la claque d’une liberté sans nom.
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Tenez bon la barre, ça sent le printemps !
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Joël (un ami du lycée expérimental)