1 Pratiquer la sanction éducative
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1 Pratiquer la sanction éducative
CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 1 Pratiquer la sanction éducative : perspectives ouvertes par la circulaire n° 2011-111 du 1er août 2011 Bruno ROBBES Maître de conférences en sciences de l'éducation Université de Cergy-Pontoise/IUFM de Versailles Laboratoire EMA (École, mutations, apprentissages) - EA 4507 Après avoir situé les enjeux d’une pratique de la sanction et de l’exercice de l’autorité dans le contexte sociétal actuel, je préciserai la notion de sanction éducative, en m’appuyant notamment sur ses buts et ses caractéristiques tels que les travaux d’Eirick Prairat les ont mis en évidence. Partant de ces er repères, je proposerai une « lecture » de la récente circulaire n° 2011-111 du 1 août 2011 (Bulletin Officiel spécial n° 6 du 25 août 2011). 1. Des enjeux de l’exercice de l’autorité et d’une pratique de la sanction dans le contexte sociétal actuel Lorsqu’on évoque l’exercice de l’autorité aujourd’hui, on oscille entre laisser-faire et répression, autoritarisme et refus d’intervenir. Parce que plusieurs discours sur (et pratiques de) l’autorité coexistent, définir ce dont on parle est indispensable, car trop souvent encore, le sens commun confond l’autorité avec un pouvoir de contrainte, l’associe à un recours possible à la force. En ce sens, j’ai nommé « autorité autoritariste » la relation où le détenteur d’une fonction statutaire exerce une domination sur l’autre afin d’obtenir de lui une obéissance inconditionnelle, sous la forme d’une soumission. J’ai également qualifié d’ « autorité évacuée » la tendance, répandue dans notre société actuelle et dans les métiers de l’éducation, à refuser l’idée même d’autorité et son exercice, justifiée par son caractère prétendument illégitime et anti-éducatif. J’ajoute immédiatement que parler d’autorité à propos de ces deux conceptions n’est qu’un artifice de langage, car ni l’une ni l’autre ne relèvent de l’autorité. L’ « autorité autoritariste » est abus de pouvoir, l’ « autorité évacuée » déficit d’exercice d’autorité. En conséquence, ces deux types d’attitudes comportent des risques pour l’enfant ou l’adolescent. La première barre tout échange entre sujets (donc tout processus éducatif) par l’exercice de la violence ; la seconde est finalement indifférente à l’éduqué puisqu’elle le laisse livré à lui-même, l’oblige à se chercher seul ses propres limites. En considérant le jeune comme un sujet prématurément responsable de ses actes, donc en ne créant pas les conditions éducatives, pédagogiques, didactiques pour qu’il s’exerce à accéder progressivement à la responsabilité sur sa propre vie et dans ses relations aux autres, l’autorité dite « évacuée » suppose le processus éducatif achevé en s’abstenant d’y participer. Tout l’enjeu de ce que j’ai appelé « l’autorité éducative » va consister à maintenir quoiqu’il arrive la relation d’éducation, ce qui passe par d’abord par la posture de l’éducateur (conviction de l’éducabilité du jeune, volonté, désir ?), mais aussi la CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 2 possibilité (je pense au problème de la formation professionnelle des enseignants) du détenteur de l’autorité statutaire d’influencer celui sur lequel son autorité s’exerce. Certains propos d’enseignants que j’ai recueilli – et que vous connaissez – montrent que l’autorité reste connotée péjorativement et que son exercice relèverait d’autres professionnels (« je ne suis pas entrée dans l’enseignement pour faire le flic », « ce qui m’énerve c’est d’avoir à passer du temps à faire la police »). Modifier ses représentations de l’autorité afin d’appréhender ce qu’est l’autorité éducative est un préalable. Ainsi, cette autorité éducative n’est pas un « mal nécessaire » de la relation humaine. Elle est un fait institutionnel (l’existence de places distinctes crée de fait des relations d’autorité) et une relation qui se construit dans et par l’action (« celui qui fait autorité… n’est pas autoritaire. C’est la compétence qui fait l’autorité et les enfants ne s’y trompent pas. Encore faut-il que cette autorité se traduise par des actions observables » (Oury & Pain, 1972, p. 305) ). Elle est surtout un lien anthropologique consubstantiel de l’existence de l’espèce, un trait distinctif sélectionné devenu une relation fondatrice de l’humanisation, en même temps qu’un principe régulateur du lien social (Marcelli, 2003). L’autorité a pour fonction d’assurer la continuité générationnelle, de donner des clés d’entrée dans le monde déjà là, des clés de compréhension du monde à la génération qui vient, de lui ouvrir « doucement la scène du monde » (Locke, repris par Prairat, 2010, p. 43). Et Prairat poursuit : « l’éducateur est celui qui permet au nouveau venu d’être de ce monde, il l’accueille et l’introduit dans l’ordre symbolique de l’humain », car « on n’entre jamais seul dans le monde. (C’est une) vérité anthropologique ». De cette place, qu’il le veuille ou non, tout personnel dans une institution est d’abord un adulte aux yeux des jeunes, avant d’être identifiés par son statut. Sa place est donc double au plan symbolique, générationnelle et institutionnelle. Elle situe l’adulte/professionnel dans une position asymétrique. De sa place générationnelle (adulte/jeune), l’adulte signifie qu’il existe une différence d’âge entre lui et le jeune et qu’à ce titre, il est le dépositaire d’une culture et le garant du respect des interdits anthropologiques fondateurs de toute vie sociale (interdit d’inceste, de meurtre, de parasitage). Par exemple, c’est au nom de l’interdit de meurtre (de violence) que tout adulte de l’établissement va intervenir lorsqu’il observe des propos ou actes sexistes, discriminatoire des garçons à l’égard des filles. C’est au nom de l’interdit d’inceste que l’on interviendra si l’expression de préférences dans les relations entre jeunes ou avec les adultes (qui relèvent de la sphère privée) envahissent l’espace public. Par sa fonction institutionnelle (chef détablissement, personnel vie scolaire, enseignant/élève), le professionnel dispose d’un statut qui détermine son rôle dans l’institution, sa mission particulière, distincte mais complémentaire de celle d’un autre. Ce rôle déterminé par le statut relève de la définition même de l’école comme lieu d’enseignement.1. 1 Il se rapporte aux missions premières de l’école, du professeur : « Instruire les jeunes qui lui sont confiés, (…) contribuer à leur éducation et (…) leur assurer une formation en vue de leur insertion sociale et professionnelle » (circulaire n°97-123 du 23 mai 1997). CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 3 Au plan général, cette double place d’adulte/professionnel renvoie à la problématique du non négociable, c’est-à-dire à la capacité à poser et à tenir un cadre contenant porteur de limites structurantes. Encore faut-il au préalable que le non négociable soit précisé, défini, explicité et connu de tous2. Le non négociable se distingue du négociable, par le fait qu’il s’applique à l’adulte/professionnel comme au jeune/élève et qu’il ne peut être remis en cause ni par l’un, ni par l’autre. C’est en s’appuyant sur ce non négociable que l’adulte/professionnel peut déterminer les situations où il aura à poser un acte – geste ou parole d’autorité – par lequel il cherchera à arrêter net l’acte transgressif ou la discussion permanente. L’enjeu consiste à demeurer dans un acte d’autorité éducative, acte non autoritariste, mais qui signifie un « non » sans ambiguïté ni remord. Une fois l’acte posé, une reprise éducative est possible dans un temps différé. Etre à sa place d’adulte/professionnel, c’est donc être garant de ce non négociable et bien sûr, se l’appliquer à soi-même. A propos de la question du respect dans la relation avec le jeune, cela signifie par exemple adopter cette posture éthique fondamentale que j’ai appelée le « respect initié par l’adulte ». J’écris à ce propos : « Le respect du jeune pour l’adulte ne se développera que si l’adulte, dans une première intention, fait le premier pas avant de l’attendre de l’autre. Il naît d’une posture éthique « primordiale » de l’adulte : c’est sa position générationnelle qui, parce qu’elle lui donne de fait une antériorité sur le jeune, l’oblige à prendre l’initiative de transmettre le respect sans condition préalable » ; « Un tel respect a une valeur « d’exemple » et d’ « identification », qui engage les jeunes à la réciprocité. Enfin et c’est peut-être l’essentiel, le respect initié par l’adulte témoigne de la considération qu’il porte aux jeunes » (d’après Robbes, 2010, p. 187). Si l’on évoque maintenant les enjeux d’une pratique de la sanction dans le second degré, le problème se pose dans des termes assez proches de ceux employés à propos de l’autorité : malgré la circulaire n°2000-105 du 11 juillet 2000, qui a marqué une rupture importante et a constitué un indiscutable progrès s’agissant de la mise en oeuvre des sanctions3, nous oscillons entre des mesures répressives plus répandues que les sanctions éducatives, l’absence d’intervention ou l’impuissance. Dans certains établissements, les règlements intérieurs s’emplissent d’interdictions de plus en plus strictes, d’échelles de sanctions inapplicables (et inappliquées) ou de permis à points (qui sont en fait une accumulation d’interdits, puisque devoirs et droits ne sont pas articulés) et qui ne fonctionnent pas pour les élèves les plus en difficulté de comportement. Des enseignants souvent démunis reproduisent des pratiques punitives traditionnelles peu efficaces, puisque ce sont toujours les mêmes élèves qui recommencent et sont punis. 2 Exemples de formulations du non-négociable dans la classe. Interdit d’inceste : « ici, je ne suis l’enseignant d’aucun élève en particulier, mais celui de tous les élèves ». Interdit de meurtre (de violence) : « ici, on échange, mais pas n’importe comment. On est entre être humains et on est là pour vivre ensemble ». Interdit de parasitage et fonction institutionnelle : « Ici, c’est une classe. Le professeur enseigne et l’élève apprend ». 3 Puisqu’elle a distingué punitions scolaires et sanctions disciplinaires, introduit quatre principes fondamentaux du droit qui régissent les institutions judiciaires dans tout pays démocratique (légalité des fautes et des sanctions, contradictoire, individualisation, proportionnalité). CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 4 Quelques publications permettent de prendre la mesure de la situation actuelle : l’ouvrage du sociologue Pierre Merle (2005), L’élève humilié. L’école, un espace de non-droit ? Un ouvrage du psychologue belge Benoît Galand (2009) au titre lui aussi évocateur : Les sanctions à l’école et ailleurs. Serrer la vis ou changer d’outils ? Enfin, le 6 avril 2010, à l’occasion des Etats Généraux de la sécurité, le quotidien Le Monde titrait : « L’exclusion, principale réponse à la violence scolaire ». Il indiquait que chaque jour de classe, 95 collégiens ou lycéens étaient définitivement exclus de leur établissement scolaire et plus de 2000 écartés temporairement. J’ai moi-même recueilli des propos d’enseignants tout à fait éloquents (« ces élèves ne sont pas dignes d’être enseignés par moi », « cet élève n’a rien à faire dans notre établissement »). Des professeurs revendiquent ainsi de limiter leur métier à enseigner des savoirs qu’ils détiennent et abdiquent parfois toute ambition pédagogique, au prétexte que l’autorité professorale n’est pas acquise d’emblée ou que l’élève réel ne correspond pas l’élève attendu. Cette position, dont l’exclusion de classe ou d’établissement constitue l’acte emblématique, contrevient au respect de l’obligation scolaire. Elle aboutit à nier l’essence du métier de professeur (transmettre l’héritage des savoirs) et la fonction sociale de l’école : faire apprendre tous les élèves, pas seulement ceux dont la connivence culturelle avec l’école en fait des jeunes aux comportements conformes aux attentes des professeurs. Au plan fonctionnel, il s’agit d’articuler le droit disciplinaire des élèves4 avec le droit à l’éducation. Comme vous le savez sans doute, ce constat est à l’origine de la dernière circulaire n° 2011-111 du 1er août 2011. En disant cela, je ne dis pas qu’il n’y ait pas des situations (notamment d’urgence) où l’exclusion (ou plus subtilement, la sortie de classe) n’est pas nécessaire. Mais pour une institution de formation, exclure ne peut pas être une fin en soi. Elle doit toujours se poser la question du sens de l’exclusion : Pourquoi j’exclus ? L’acte posé peut-il permettre au jeune d’évoluer positivement dans son comportement, de se remettre au travail ? Comment l’inclure à nouveau dans la collectivité ? Il s’agira donc de trouver des modalités de sanction qui, tout en marquant l’infraction, vont permettre au jeune de raccrocher à l’institution. Ces questions qui touchent au sens de la sanction me conduisent maintenant à préciser la notion de sanction éducative. 2. La notion de sanction éducative Eirick Prairat (1997) définit la sanction (ou la punition) « au sens large comme l’acte par lequel on rétribue un comportement qui porte atteinte aux normes, aux lois, aux valeurs ou aux personnes d’un groupe constitué » (p. 11). Il précise que derrière la sanction ou la punition, il y a toujours une intention de l’adulte qui sanctionne ou punit. Cette intention dépasse l’acte et lui donne sens5. 4 Sur cette notion, voir Obin, J.-P. (1999). La sanction éducative (pp. 1-5). Site de Jean-Pierre Obin [En ligne]. http://www.jpobin.com/pdf6/1999lasanctioneducative.pdf 5 Prairat distingue quatre formes de punition, associées à quatre postures corporelles : - la punition-expiation / le corps meurtri (la douleur, faire mal à l’auteur) ; - la punition-signe / le corps marqué (montrer du doigt, inscrire) ; - la punition-exercice / le corps dressé (répétition, faire, refaire et encore refaire) ; CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 5 Pour lui encore, quand celui qui sanctionne est dans la répétition du même et que cela n’a aucun effet sur le comportement de celui qui est sanctionné, la sanction ne fait plus sens. Il faut alors réfléchir à autre chose. Parce que l’action de punir n’a de sens que s’il en résulte quelque chose de bon pour l’enfant (donc si elle s’intègre au processus d’éducation) et parce que le but premier de l’éducation est de libérer, non de soumettre ou d’asservir, Prairat développe la notion de sanction éducative. 21. Les buts de la sanction éducative La sanction éducative poursuit une triple finalité : éthique, politique, sociale. Finalité éthique. L’école étant un lieu d’apprentissage et de formation, elle est un lieu d’exercice, c’est-à-dire un lieu où le droit à l’erreur de l’apprenant est reconnu, un lieu où sont amortis, et non supprimés, les effets des actes des élèves. La transgression, sous certaines conditions, fait donc partie du processus de « construction du sujet sociomoral » (Prairat, 2003, p. 78). La sanction est mise en oeuvre pour aider à un moment donné un sujet singulier à grandir, à être davantage auteur de lui même. Elle « est un moyen de promouvoir l’émergence de la liberté d’un sujet en lui imputant les conséquences de ses actes » (p. 79). « Il ne s’agit donc pas d’attendre que l’élève (ou l’enfant) soit responsable mais de le sanctionner de telle manière qu’advienne en lui un sujet responsable » (p. 80). Finalité politique. « La sanction vise à rappeler la primauté de la loi (l’ordre symbolique structurant constitué par les règles sociales du groupe) et non la prééminence des adultes (détenteurs de l’autorité statutaire) » (Prairat, 2003, p. 80). Le risque ici, c’est la réactivation du pouvoir du maître, le règne de l’arbitraire, l’exercice de la violence de l’adulte sur l’enfant. « Devenir éducateur, nous dit Prairat, c’est précisément renoncer aux sirènes du pouvoir pour devenir le garant d’une loi à laquelle on est soi-même soumis » (p. 81). La loi fait lien entre un « je » et un « tu » pour faire advenir un « nous ». La finalité politique de la sanction est de rappeler la loi pour préserver l’identité et la cohésion du groupe. La sanction doit ainsi permettre à l’élève de retrouver sa place dans le groupe. Finalité sociale. La sanction est un coup d’arrêt à la spirale du « faire mal/se faire mal », non une contre-violence censée annuler une violence première. Elle consiste à laisser une trace psychique, pas à se venger. L’éducateur doit assumer un « non », loin des pièges de la séduction (dire « oui » toujours). La sanction est un moyen par lequel un enfant élabore sa culpabilité, se réconcilie avec lui-même puis avec l’autre. Elle travaille sur la prise de conscience de la faute commise. Elle vise « à réorienter un comportement pour renouer le lien social que la transgression a défait (…) à réinscrire le coupable dans le jeu social de la réciprocité et reconstruire le lien social blessé (en redonnant) à la victime (sa) place pleine et entière » (Prairat, 2003, p. 83). En ce sens, il est généralement inefficace de demander à un élève qu’il s’excuse sur le champ. La formulation d’excuses sincères sera le résultat d’un travail éducatif, qui parfois prendra du temps (Robbes, Schrèque, 2010). L’éducateur sera amené à distinguer dans ses actions celles indispensables immédiatement, de celles relevant d’un processus de fond inscrit dans le court, le moyen, le long terme. - la punition-bannissement / le corps évincé (renvoyer, mettre au piquet, exclure). CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 6 22. Les principes (ou caractéristiques) de la sanction éducative Selon Prairat toujours, la sanction éducative comprend quatre caractéristiques : Principe de signification. La sanction éducative s’adresse à un sujet. En conséquence, la pratique de sanctions collectives est anti-éducative. « Elle détruit l’autorité du maître qui, en l’utilisant, démontre en fait son impuissance à pratiquer la justice » (Dottrens, 1960, p. 76, cité par Prairat). En conséquence, la sanction éducative ne s’inscrit pas dans une logique du spectaculaire ou de la dissuasion. « Il ne s’agit pas de faire voir mais de donner à penser » (p. 86). De plus, elle appelle la parole, éventuellement ritualisée : revenir sur la transgression et ses conséquences, demander, écouter, expliquer ce qu’on refuse. Même s’il n’est jamais sûr du résultat, l’éducateur doit faire un effort de pédagogie pour la faire comprendre. La sanction éducative est donc tournée vers l’avenir d’un sujet considéré comme éducable. Principe d’objectivation. « On ne punit pas l’intégrité d’une personne mais un acte particulier (…) commis dans une situation particulière. On ne sanctionne pas un voleur mais un vol, on ne punit pas un tricheur mais une tricherie » (p. 88). On ne sanctionne donc pas des intentions. On n’est pas dans l’accusation sans fin, puisqu’on sanctionne pour ne plus avoir à le faire. Principe de privation. La sanction éducative « peut être privation de l’exercice d’un droit », à condition que les droits et les devoirs de chacun soient lisibles à l’école. Elle peut être « privation d’usage, interdiction d’activité, mise à l’écart temporaire… Il s’agit de priver le contrevenant des avantages de la communauté » (p. 89). « Le ressort de la sanction éducative est la frustration » (p. 90), pas l’humiliation. Principe de socialisation. « La sanction doit s’accompagner d’un geste du coupable à l’attention de la victime ou du groupe (…) geste d’apaisement, de bonne volonté qui manifeste le souci de rester solidaire ». Il faut souvent inciter le coupable à faire ce geste qui « peut prendre différentes formes : une petite déclaration, un mot d’excuse, un engagement… ». « En acceptant une procédure réparatoire, le contrevenant signifie ses nouvelles intentions, son envie de rester membre du groupe ou de renouer des liens avec la victime » (p. 91). 3. Quelles perspectives ouvertes par la circulaire n° 2011-111 du 1er août 2011 (Bulletin Officiel spécial n° 6 du 25 août 2011)6 La nouvelle circulaire vise clairement à faire baisser le nombre de conseils de discipline et d’exclusions définitives. Pour cela, elle fait un certain nombre de rappels utiles et comprend trois nouveautés réglementaires, qui renforcent incontestablement l’esprit du texte précédent dans le sens d’une pratique de la sanction éducative. Cependant, la nouvelle circulaire impose un changement 6 J’ai développé une analyse approfondie de cette circulaire sur le site du Café Pédagogique (Robbes, 2011, 21 novembre). CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 7 majeur dans les prérogatives du chef d’établissement qui vient contredire le sens de ce bel édifice. Trois remarques générales avant de reprendre ces points en détail. Premièrement, le thème du harcèlement est très présent dans le texte, comme en écho aux mesures ministérielles prises suite au récent rapport d’Éric Debarbieux7. Deuxièmement, la nouvelle circulaire renforce le caractère de juridicisation8 des procédures disciplinaires… … à travers les précisions entourant la convocation éventuelle du conseil de discipline, l’articulation entre procédures disciplinaire et pénale, procédures disciplinaire et civile (p. 11-13) ou encore l’insistance sur la nécessité de traces écrites en cas de refus du chef d’établissement de saisine du conseil de discipline lorsqu’une demande écrite émane d'un membre de la communauté éducative (« il notifie par écrit à l'intéressé sa décision de refus motivée », p. 11) ou lorsqu’il notifie la sanction à 9 l'élève voire à son représentant légal, « par pli recommandé le jour même de son prononcé » . Le recours de plus en plus fréquent des chefs d’établissement à de solides conseils juridiques ne va-t-il pas dès lors s’imposer, face à des personnels ou des parents10 qui connaissent de mieux en mieux leurs droits et en usent ? Troisièmement, le nouveau texte s’accompagne d’une seconde circulaire relative au règlement intérieur11. Celle-ci prévoit la mise en place d' « une charte des règles de civilité », adoptée par le conseil d'administration en même temps que le règlement intérieur, qui en reprend les principaux éléments sous une forme simplifiée. On peut s’interroger sur l’introduction d’une telle charte. Qu’apporte-t-elle de plus que le règlement intérieur ? Observons que seul ce dernier est en mesure de contenir des règles de droit. Or, les règles de civilité ne sont pas des règles de droit. À travers la charte des règles de civilité, s’exprime la volonté du rédacteur d’inclure dans l’école une préoccupation sociétale sur laquelle les adultes sont actuellement très portés, ce qui ne manquera pas d’entraîner de vifs débats entre eux et avec les jeunes. Néanmoins, cette charte aura l’avantage d’objectiver ce que les adultes attendent des élèves dans ce domaine. 11. Trois nouveautés réglementaires 7 Observatoire international de la violence à l’école pour UNICEF France (mars 2011). À l’école des enfants heureux… enfin presque. Une enquête de victimation et climat scolaire auprès des élèves du cycle 3 d’écoles élémentaires [En ligne]. http://www.unicef.fr/userfiles/UNICEF_FRANCE_violences_scolaires_mars_2011.pdf Voir également : http://www.education.gouv.fr/cid57417/la-lutte-contre-le-harcelement.html 8 La juridicisation consiste à rapprocher les textes réglementaires de l’Éducation nationale des principes généraux du droit. 9 « En vertu de la loi du 11 juillet 1979, la sanction notifiée à l'élève doit être motivée, sous peine d'être irrégulière. Concrètement, cette obligation légale est respectée si la notification de la sanction est accompagnée des motifs écrits, clairs et précis, de fait et de droit qui en constituent le fondement. Les mentions des voies et délais de recours (voir en annexe) contre les sanctions prononcées, soit par le chef d'établissement, soit par le conseil de discipline, doivent toujours figurer sur la décision susceptible de faire l'objet d'un recours, à peine d'inopposabilité des délais de forclusion » (p. 13). 10 Voir cet ouvrage récent rédigé par une avocate : Piau, V. (2011). Les droits de l’élève. À l’école, au collège, au lycée. Paris : François Bourin Éditeur. 11 er Circulaire n° 2011-112 du 1 août 2011, publiée au Bulletin Officiel spécial n° 6 du 25 août 2011 relative au règlement intérieur dans les établissements publics locaux d'enseignement. CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 8 L’exclusion temporaire de la classe Elle vient s’ajouter aux deux autres types d’exclusions relevant des sanctions disciplinaires : l’exclusion temporaire de l’établissement et l’exclusion définitive. La circulaire présente aussi l’intérêt de distinguer les quatre types d’exclusions possibles et d’en préciser les modalités de mise en œuvre. Ainsi, l’exclusion ponctuelle d’un cours relève d’une punition scolaire et est encadrée. Un point engage les professeurs qui pourrait s’avérer difficilement tenable en pratique : « Toute punition doit faire l'objet d'une information écrite du conseiller principal d'éducation et du chef d'établissement » (p. 5). Les trois types d’exclusion suivants sont intégrées à l’échelle réglementaire des sanctions disciplinaires : l'exclusion temporaire de la classe, l'exclusion temporaire ou l'exclusion définitive de l'établissement (p. 6). Remarquons : la distinction claire entre exclusion de cours (punition scolaire) et exclusion de classe (sanction disciplinaire) ; pour l’exclusion de classe, la double obligation d’accueil de l’élève dans l’établissement et de concertation préalable de l’équipe pédagogique et éducative. Il y a d’une part, l’institutionnalisation d’une pratique de certains établissements dénommée « exclusion-inclusion » et d’autre part, un levier d’action qui doit permettre au chef d’établissement de réunir les personnels concernés autour de situations concrètes d’élèves, avec la visée explicite d’aboutir à la mise en place d’une sanction éducative. L’exercice du droit de sanction ne doit pas compromettre le droit à l’éducation. C’est ce principe qui justifie de limiter l’exclusion temporaire de l’établissement à huit jours. Il justifie que la circulaire ne recommande pas l’exclusion définitive, précisant qu’elle « peut avoir des conséquences préjudiciables à la scolarité de l'élève et apporte rarement une solution durable au problème posé ». Pour les mêmes raisons, le texte prévoit la possibilité d’une mesure alternative aux sanctions, « dans l'hypothèse d'une exclusion temporaire de la classe ou d'une exclusion temporaire de l'établissement ou de l'un de ses services annexes ». Cette mesure est proposée à l’élève par le chef d’établissement ou le conseil de discipline et doit recueillir son accord, à condition que les sanctions aient fait l’objet d’une décision dûment actée. La vigilance s’impose ici, quant au respect de la procédure et au risque de peine multiple. La finalité de cette mesure alternative aux sanctions, qui relève du régime juridique de la mesure de responsabilisation, répond bien à l’exigence de sanction éducative12. Soulignons toutefois l’ambigüité et le risque de confusion à propos d’une mesure considérée à la fois comme une sanction (voir cidessous et dans le décret l’article R 511-13 I et II) et comme une alternative à la sanction (article R 511-13 III). La mesure de responsabilisation 12 Elle « doit permettre à l'élève de manifester sa volonté de s'amender à travers une action positive (…), afin de développer chez lui le sens du civisme et de la responsabilité ». CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 9 Bien qu’amalgamée aux travaux d’intérêt général dans l’esprit des responsables politiques et de l’opinion publique, la mesure de responsabilisation traduit une volonté forte d’accompagner l’élève sanctionné afin qu’il poursuive son travail scolaire, ne devienne pas décrocheur. Il s’agit là d’une véritable nouveauté dans l’espace scolaire. Cette mesure étant basée sur le volontariat parce qu’elle n’est pas à proprement parler d’intérêt scolaire, des échanges auront donc lieu entre le chef d’établissement et les parents des élèves mineurs. Bien que délicats à conduire, ils peuvent néanmoins être l’occasion d’un véritable dialogue à finalité éducative. On peut faire l’hypothèse que l’une des causes possible d’incompréhension tiendra à des divergences d’interprétation de la « dignité » de certaines tâches jugées dégradantes par des familles, mais qui pourraient entrer dans le cadre des mesures de responsabilisation : ramassage de papiers dans la cour, nettoyage de murs tagués, balayage du réfectoire…, par exemple. Les bases de l’échange à propos de la mise en œuvre de la mesure s’appuieront sur le régime juridique qu’indique le texte. La création d'une commission éducative dans chaque établissement La sous-partie indiquant en quoi consiste cette commission éducative est incluse dans la partie III du texte, qui comprend les mesures de prévention et les mesures d’accompagnement des sanctions (p. 16). Arrêtons-nous un instant sur ces dernières. Conformément à l’esprit général de la circulaire, l’objectif consiste à permettre la poursuite du travail scolaire, afin d’éviter la survenue du décrochage chez des élèves pouvant connaître des difficultés de comportement13. Prévues au règlement intérieur, ces mesures doivent être mises en place en cas de sanction d'exclusion temporaire de la classe, et « il est vivement recommandé qu'il en soit de même en cas d'exclusion temporaire de l'établissement ». La circulaire met alors l’accent sur le rôle de l’équipe éducative dans la mise en place et le suivi de ces mesures, sous la responsabilité du chef d’établissement qui dispose là d’une base légale pour la réunir14. Quant à l’élève, présent dans l'établissement pendant le temps scolaire en cas d’exclusion de classe, il « doit pouvoir rencontrer un membre de l'équipe éducative afin d'être placé en position de responsabilité »15. La création d’une commission éducative dans chaque établissement institutionnalise et définit les contours d’une pratique conseillée16, répandue dans ceux ayant davantage avancés que les autres sur les alternatives aux mesures exclusivement répressives. L’objectif est d’apporter une réponse proportionnée à des transgressions d’élèves sans recourir systématiquement au conseil de discipline. 13 « Prévenir tout risque d'échec scolaire et d'aggravation d'une situation souvent difficile à vivre pour l'élève et sa famille » et « préparer la réintégration de l’élève » (p. 16). 14 « Il appartient au chef d'établissement de veiller à ce que l'équipe éducative prenne toute disposition pour que cette période d'exclusion soit utilement employée afin d'éviter un retard préjudiciable au déroulement de la scolarité (thèmes de cours à travailler conformes aux programmes officiels ; devoirs à remettre à échéance fixe, etc.). 15 Le texte rappelle l’existence de mesures d’accompagnement spécifiques : dispositifs relais ; établissements de réinsertion scolaire ; mesures élaborées en partenariat avec d'autres services (services sociaux, éducatifs et de santé de proximité, programmes de réussite éducative). 16 La circulaire n° 97-085 du 27 mars 1997 relative aux mesures alternatives au conseil de discipline, mentionnait la possibilité d’instaurer une commission « destinée à favoriser le dialogue avec l’élève et à faciliter l’adoption d’une mesure éducative personnalisée ». CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 10 Observons qu’à l’inverse du conseil de discipline, elle ne comporte aucun représentant des élèves « de droit », même si elle peut « inviter toute personne qu'elle juge nécessaire à la compréhension de la situation de l'élève, y compris un élève victime de l'agissement de ses camarades ». La commission éducative a deux missions principales. 1. « La recherche d'une réponse éducative personnalisée » chez l’élève « dont le comportement est inadapté aux règles de vie dans l'établissement ou qui ne répond pas à ses obligations scolaires ». 2. « lorsque surviennent des incidents graves ou récurrents (…) elle peut participer, en lien avec les personnels de santé et sociaux de l'établissement, à la mise en place d'une politique claire de prévention, d'intervention et de sanctions pour lutter contre le harcèlement en milieu scolaire et toutes les discriminations »17. L’examen de ses compétences situe clairement la commission éducative comme une alternative à la sanction, par la recherche d’un engagement de l’élève sur « des objectifs précis et évaluables en termes de comportement et de travail scolaire ». Ici, l’engagement peut être « oral ou écrit, signé ou non » et il n’est pas « soumis à sanction au plan juridique ». Ceci peut vouloir dire que si l’engagement de l’élève s’apparente à un « marché », il ne doit pas relever d’un chantage qui s’exercerait sur lui. L’établissement a cependant un devoir de « mise en place d'un suivi de l'élève par un référent ». Plus généralement, la commission éducative « assure le suivi de l'application des mesures de prévention, d'accompagnement et des mesures de responsabilisation ainsi que des mesures alternatives aux sanctions ». Cette importante compétence devrait constituer l’objet principal de ses travaux. Quant aux parents, ils disposent de droits d’informations18 et de « rencontre » d’un responsable de l'établissement. Remarquons enfin que dispositif est ouvert, permet l’adaptation et l’inventivité, puisque « le règlement intérieur de l'établissement peut reconnaître à la commission éducative des compétences complémentaires ». 12. Un changement majeur dans les prérogatives du chef d’établissement Cette circulaire serait une indiscutable avancée si un point ne venait semer la confusion dans sa cohérence d’ensemble. Dès son préambule, elle affirme le caractère automatique (c’est-à-dire « obligatoire ») de l’engagement d’une procédure disciplinaire en cas de violence verbale à l'égard d'un membre du personnel de l'établissement ou en cas d'acte grave à l'égard d'un membre du personnel ou d'un élève19. Il en est de même s’agissant de la saisine automatique du conseil de discipline en cas de violence physique à l'égard d'un membre du personnel (p. 1). Désormais, le chef d’établissement sera dans l’obligation de se soumettre à cette procédure. Dans le cas contraire, il encourt une procédure disciplinaire interne pour faute professionnelle, qui peut déboucher sur une sanction de sa hiérarchie20. 17 Ici, la commission éducative semble en partie empiéter sur les prérogatives des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (Circulaire n° 2006-197 du 30 novembre 2006, relative au comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté). 18 « Le représentant légal est informé de la tenue de la commission, entendu et associé ». 19 Les faits concernés sont précisés : « harcèlement d'un camarade ou d'un membre du personnel de l'établissement, dégradations volontaires de biens leur appartenant, tentative d'incendie, introduction d'armes ou d'objet dangereux, racket, violences sexuelles, etc. » (p. 10). 20 Loi Le Pors du 13 juillet 1983. CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 11 Ces modifications contredisent la philosophie générale de la circulaire sur plusieurs aspects. Remarquons tout d’abord que si le chef d’établissement doit engager une procédure disciplinaire ou saisir le conseil de discipline dans les situations précitées, ces démarches ne préjugent en rien du fait qu’il y aura ou non sanction. Cependant, « le principe d’individualisation de la réponse disciplinaire » peut sembler fragilisé. Le rédacteur ne s’y trompe pas, lorsqu’il estime nécessaire de rappeler qu’il demeure (p. 1-2). Ensuite, ces dispositions contreviennent à l’usage d’appréciation de la gravité de la situation par le chef d’établissement, qui avait cours jusque-là. Le pouvoir d’appréciation des situations violentes ou graves par le chef d’établissement se trouve de fait amoindri, au profit de celui des personnels ou des familles d’élèves victimes, sans trancher pour autant la question d’une définition indiscutable de la violence verbale, physique ou de l’acte grave. C’est d’ailleurs impossible, car la violence comporte une dimension irréductiblement subjective, mais aussi culturelle et idéologique21. Ces mesures font mine de régler définitivement les questions de définition des faits et du pouvoir d’appréciation de leur gravité à la place des protagonistes, alors que dans une société régie par des valeurs démocratiques comme la nôtre, celles-ci doivent pouvoir donner lieu, dans une certaine mesure, à des débats contradictoires prenant en compte des faits singuliers situés dans leur contexte. Toujours à propos du conseil de discipline et préalablement à sa saisine, le texte recommande encore au chef d’établissement, d’une part, de s'entourer « de l'avis de l'équipe pédagogique et éducative pour rechercher la réponse la mieux adaptée » (p. 11), et d’autre part, de ne pas hésiter à le réunir « en dehors des cas où cette formalité est obligatoire », c’est-à-dire dans des cas où la sanction encourue n’est pas l’exclusion définitive22. L’objectif est d’offrir « un cadre solennel permettant à l'élève comme à ses parents de prendre pleinement conscience de la portée des actes reprochés » (p. 7). S’il s’agit de ritualiser une parole qui revient sur la transgression et ses conséquences, demande, écoute, explique ce qu’on refuse, nous sommes bien dans la pratique d’une sanction éducative23. Si par contre une logique du spectaculaire ou de la dissuasion l’emporte, nous basculons dans l’illusion d’une efficacité supposée de la sanction exemplaire, alors qu’avec la sanction éducative, « Il ne s’agit pas de faire voir mais de donner à penser »24. En outre, il est étonnant que le conseil de discipline soit qualifié de « formalité » par le rédacteur, comme s’il préjugeait d’une décision qui n’est jamais sûre, dans un sens du meilleur comme du pire. Un conseil de discipline n’est jamais une formalité pour l’élève mis en cause et pour son établissement, pas plus que pour ceux qui l’accusent ou qui doivent juger son acte. 21 Pain, J. (2000). La violence institutionnelle ? Aller plus loin dans la question sociale (pp. 133-155). In Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 24,1, Bruxelles : De Bœck, p. 136. 22 « La réunion du conseil de discipline ne doit plus être réservée aux cas pour lesquels une exclusion définitive est envisagée » (p. 7). 23 Prairat, 2003, p. 87. 24 Ibid, p. 86. CRDP de l’Académie d’Aix-Marseille – Éducation & Devenir Le système éducatif en questions – Autorité et sanctions mercredi 23 novembre 2011 – IUFM La Canebière – Marseille 12 Une dernière remarque concerne l’écart de traitement entre l’adulte victime (automatiquement concerné par la saisine du conseil de discipline en cas de violence physique) et le jeune victime (où l’on n’évoque que la notion d’ « acte grave » en l’associant à l’engagement d’une procédure disciplinaire, sans mentionner de violence physique ou de conseil de discipline). Du côté des élèves comme des parents, il n’est pas certain que cette différence d’approche de l’adulte victime et du jeune victime donne l’image d’une institution scolaire agissant avec équité et justice. 4. Bibliographie Galand, B. (coord.) (2009). Les sanctions à l’école et ailleurs. Serrer la vis ou changer d’outils ? Bruxelles : éditions couleur livres (Changements pour l’Egalité – mouvement sociopédagogique). Le Monde, 6 avril 2010. Marcelli, D. (2003). L’enfant chef de la famille. L’autorité de l’infantile. Paris : Albin Michel. Merle, P. (2005). L’élève humilié. L’école, un espace de non-droit ? Paris : PUF. Oury, F., & Pain, J. (1972). Chronique de l’école caserne. Paris : Maspéro. Prairat, E. (1997). La sanction. Petites méditations à l’usage des éducateurs. Paris : L’Harmattan. Prairat, E. (2003). La sanction en éducation. Paris : PUF (Que sais-je ?). Prairat E., « L’autorité éducative au risque de la modernité », in Prairat E. (dir.), L’autorité éducative : déclin, érosion ou métamorphose, Nancy, PUN, 2010, pp. 3952. Robbes, B. (2010). L’autorité éducative dans la classe. Douze situations pour apprendre à l’exercer. Paris : ESF. Robbes, B. (2011, 21 novembre). Pratiquer la sanction éducative. Des perspectives ouvertes et des ambiguïtés de la circulaire n° 2011-111 du 1er août 2011 (pp. 1-9). Site du Café pédagogique [En ligne]. http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/11/21112011_Pratiquersanct ioneducative.aspx (page consultée le 21 novembre 2011). Robbes, B., & Schrèque, M.-F. (2010, décembre). Le conseil en pédagogie institutionnelle dans la classe. De l’intention didactique à la transformation de soi par la socialisation. Penser l’éducation, 28, 89-109.