Chapitre 10
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Chapitre 10
Société Astronomique du Valais Romand Et ta sœur, elle lance aussi des trucs sur la Lune ? par Pascal Reichler Chapitre 10 - Mercury et Gemini ___________________________________________________________________________________________ L'aigle retrouve ses plumes Au début des années 60, Spoutnik et ses bip bip, l’aboiement supraterrestre de la petite Laika et Gagarine, l’Homo Sovieticus tournicotant autour de la planète modèlent l’histoire de la conquête spatiale. Les démonstrations de savoir-faire des Russes laissent à penser qu’une guerre atomique entre les deux blocs est possible, voire probable et que les soviétiques porteraient l’enfer nucléaire là où ils le voudraient. L’orgueil technologique en berne et le spleen au rouge, l’aigle américain volette au ras du colza. demandera que nous unissions tous nos efforts. » . Les Russes ne mesurent pas l’importance de ce texte, dans lequel le successeur de Korolev, Vassili Michine, situe aujourd’hui l’origine de l’échec soviétique. Alors que la nation américaine s’apprête à restaurer sa dignité dans un effort commun, les autorités du Kremlin, persuadées de la supériorité naturelle des techniciens de Tyuratam, n’accordent ni l’attention ni les crédits nécessaires au développement d’un projet de longue haleine. Seules ont comptés et compteront les premières spectaculaires, les batailles de prestige à courte échéance. La balle est offerte aux américains. Les marches à gravir Trois programmes spatiaux seront nécessaires pour atteindre le but fixé par Kennedy : Mercury, Gemini, Apollo. Pour comprendre l’utilité de ces trois étapes, il faut avoir à l’esprit la difficulté et le canevas de la mission : Envoyer des astronautes vers notre satellite, les y déposer et les ramener sains et saufs sur Terre à bord d’un unique véhicule exige sur le papier le lancement d’une charge de 120 tonnes qu’on accélèrera jusqu’à ce qu’à la vitesse dite de libération (11000 m/sec ou 40000 km/h) afin qu’elle s’abstraie de l’attraction terrestre. Le 25 mai 1961 John Fitzgerald Kennedy, président à peine élu, prononce un discours visionnaire et volontariste devant le Congrès américain: « Je crois que cette nation devrait s’engager à réaliser, avant la fin de cette décennie, l’objectif d’envoyer un homme sur la Lune et de le ramener sain et sauf sur la Terre. Aucun autre projet spatial à notre époque ne sera plus imposant pour l’humanité tandis qu’elle décide si oui ou non le monde est libre, ni plus important pour l’exploration de l’espace à long terme ; aucun ne sera non plus aussi difficile et aussi onéreux à accomplir…. Il ne s’agira pas du voyage sur la Lune d’un seul homme ; il s’agira de celui d’une nation tout entière. Car l’y envoyer Très vite on abandonne l’idée de lancer en une seule fois un vaisseau capable d’un tel aller et retour. Le projet de la fusée géante Nova offrant la poussée nécessaire et suffisante de 6000 tonnes au décollage est jugée irréaliste. Le véhicule sera pourtant bien propulsé en une fois, mais comportera 2 modules : l’un chargé d’amener l’équipage de trois hommes dans la banlieue de la Lune puis de rester en orbite autour de notre satellite et l’autre destiné à l’alunissage de deux des astronautes et à leur retour vers le véhicule en attente. Les deux modules seront ensuite ramarrés pour le voyage du retour. On économise ainsi plus de 50% du poids, mais on se frotte à des techniques nouvelles : le rendez-vous et l’assemblage de véhicules dans l’espace. l Au fil des programmes Mercury et Gemini, les ingénieurs de la NASA vont mettre au point la fusée Saturn-5 pour propulser un véhicule de 45 tonnes. Saturn-5 est de nos jours encore la fusée la plus Et ta sœur, elle lance aussi des trucs sur la Lune ? Chapitre 10, page 2 ____________________________________________________________________________________ puissante en termes de poids de charge utile propulsée. Le programme Mercury : de 1958 à 1963 ; 9 vols, dont 6 habités. Bien qu’initié avant le discours de JFK, ce programme est la première marche vers le triomphe d’Apollo 11. Mercury vise à la satellisation d’astronautes, à l’étude de leurs réactions physiologiques et psychologiques et à l’entraînement des techniques de récupération des capsules habitées. Lancés par des fusées Atlas ou Redstone, les vaisseaux Mercury ne pèsent que 1500 kilos pour 3 mètres de haut. Ils ne seront pas réputés pour un confort exagéré. Les astronautes y sont à demi allongés, les jambes repliées dans le fond de la capsule. Si le premier saut de puce suborbital de Shepard, quelques semaines après le vol de Gagarine, peut alors sembler dérisoire à l’aune des succès russes, il est néanmoins le prélude à une marche en avant implacable. Deux ans et huit A gauche, l'astraunaute John Glenn, 41 ans, après son premier vol orbital à bord de la capsule Mercury, à droite, le sénateur John Glenn, 77 ans, après son deuxième et dernier vol spatial à bord de la navette Discovery. vols plus tard, les américains maîtrisent le manège spatial à 22 orbites et les routines d’atterrissage. Ils sont prêts à passer à l’étape suivante. Le programme Gemini : du 8 avril 1964 au 15 novembre 1966 ; 12 vols dont 10 habités. On ne peut sauter du modeste programme Mercury à Apollo sans l’étape Gemini. Au menu: l’essai des techniques de rendez-vous et d’arrimage de deux aéronefs en orbite, le perfectionnement des procédures d’atterrissage, les sorties d’astronautes dans l’espace et le développement de leur capacité à effectuer des opérations à l’extérieur ainsi que l’étude de leur comportement lors de vols de longue durée. C’est à cette période que les Etats-Unis prennent la tête dans la course à l’espace. Les douze vols de Gemini seront quasiment autant de succès et de premières. Les vaisseaux habités sont lancés par des fusées Titan-2 alors que des Atlas propulsent les cible de l’arrimage : des fusées Agena. En décembre 1965 Gemini 6 rejoint Gemini 7 en orbite pour la première rencontre de deux vaisseaux dans l’espace. Du côté soviétique, les programmes Vostok et Voshkod donnent encore le change. Le 18 mars 1965 La capsule Mercury avec sa tour de sauvetage et la signature des six astronautes qu'elle a amené dans l'espace : Alan Shepard, Virgil Grissom, John Glenn, Scott Carpenter, Walter Schirra et Gordon Cooper. L'aligator affamé, c'est ainsi que l'équipage de Gemini 9 surnomma sa cible, une fusée Agena qui ne s'était pas séparée correctement de sa coiffe de lancement. Chapitre 10, page 3 Et ta sœur, elle lance aussi des trucs sur la Lune ? ____________________________________________________________________________________ le camarade Leonov devient ainsi le premier piéton de l’espace, en restant une vingtaine de minutes en dehors de la capsule. Ce sera la dernière grande première (hi, hi, hi) pour les russes. Ce coup de propagande est obtenu au détriment de la sécurité de l’équipage : pour réaliser des vols habités par plusieurs cosmonautes, on a tout bonnement éliminé les sièges éjectables pour lesquels il n’y avait plus de place… Ce chant du cygne aurait pu être bien plus dramatique, puisqu’à son retour dans la capsule Voshkod 2, Leonov s’est retrouvé coincé par sa combinaison devenue trop large ! Sans l’assistance de ses coéquipiers, il lui eut été impossible de rentrer dans le vaisseau spatial. De leur côté, les américains alignent les succès. Aux commandes des modules Gemini évoluent des astronautes aux noms bientôt immortels Edwin Aldrin, Neil Armstrong, James Lowell ou John Young qui aura la plus longue carrière d’astronaute avec ses 20 ans de vols spatiaux , un alunissage et le pilotage de la première navette spatiale. Le 16 mars 1966, un cap décisif est franchi lorsque l’équipage de Gemini 8 réussit l’arrimage avec une fusée cible. C’est une manœuvre–clé des futures missions lunaires. Gemini 12, la dernière oeuvre du programme en est le brillant condensé: rendez-vous John Young en orbite et assemblage de deux modules, trois sorties dans l’espace et nombreuses orbites autour de la Terre. L’ensemble du programme a permis d’établir le record de durée de vol spatial, de réaliser les premiers rendez-vous orbitaux et le premier assemblage de deux vaisseaux. Le niveau auquel sont parvenus les membres de la NASA permet alors de passer au programme final, le programme Apollo. à suivre... La capsule Gemini