Leçon n°2 : LES INSTITUTIONS DE LA V REPUBLIQUE La

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Leçon n°2 : LES INSTITUTIONS DE LA V REPUBLIQUE La
Leçon n°2 : LES INSTITUTIONS DE LA V REPUBLIQUE
La constitution de 1958 qui établit la V° République garantit le maintien de la démocratie
basée sur le principe de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Ainsi, le
Président de la République et le gouvernement détiennent le pouvoir exécutif, le Parlement
exerce le pouvoir législatif. (l) Enfin, il existe un organe de contrôle: le Conseil
constitutionnel. La répartition des pouvoirs entre ces différents organes montre le caractère
jusqu’à présent assez équilibré de notre régime que l'on peut qualifier de semi-présidentiel, ce
qui n'exclut pas des réformes comme la réduction du mandat présidentiel adopté par
référendum en septembre 2000.
(I) : le pouvoir judiciaire non évoqué dans la leçon est aux mains des tribunaux
I.Le pouvoir éxécutif: il est partagé entre le Chef de l'Etat qui siège à l'Elysée et le
Premier Ministre qui siège à Matignon (bicéphale)
A/Les pouvoirs du Président de la République
Elu au suffrage universel direct pour 5 ans (7 ans avant l’an 2000), il est le chef de l'Etat. Ses
attributions concernent les trois pouvoirs et la Nation:
1) Ses attributions vis à vis du Pouvoir exécutif
- il nomme le Premier Ministre et sur proposition de celui-ci les autres membres du
gouvernement.
- il préside le Conseil des Ministres
- il signe les décrets et les ordonnances du Conseil des Ministres.
- il nomme les préfets et les ambassadeurs
2) Ses attributions vis à vis du pouvoir législatif
- il promulgue les lois
- il peut consulter le Conseil constitutionnel (voir + loin)
- il peut convoquer l'Assemblée nationale en session extraordinaire à la demande du Premier
Ministre où de la majorité des députés
- il peut réunir le Parlement en Congrès pour réviser la Constitution
- il peut s'adresser directement au peuple par la voie du référendum sur les pouvoirs publics,
la ratification des traités et "sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de
la nation" (article 11)
- il peut dissoudre l'Assemblée nationale (art. 12)
3) Ses attributions vis à vis du pouvoir judiciaire
- il préside le conseil supérieur de la Magistrature, désigne son Président et nomme les hauts
magistrats
- il exerce le droit de grâce
4)Ses attributions vis à vis de la Nation
- il représente la France à l'étranger, négocie et signe les traités.
- il est le chef des armées (art 15)
- il peut recourir en cas de circonstances graves, aux pleins pouvoirs (article 16)
Comme nous pouvons le remarquer, les pouvoirs du Président de la République sont très
étendus. Grâce aux articles 11,12,16, il dispose en cas de difficulté de plusieurs cartes
maîtresses dans le jeu politique institutionnel. Bien plus que sous la IV° République, il a les
moyens d'arbitrer des problèmes, de mettre fin à des crises institutionnelles. Longtemps
l'opposition a considéré de tels pouvoirs comme exorbitants et on a qualifié la V°
République de "Monarchie républicaine"( Duverger).
B/Le gouvernement
1) Sa composition
Il est composé du Premier ministre, des ministres et des secrétaires d'Etat
2) Ses pouvoirs
- il « détermine et conduit la politique de la Nation »(article 20). Il dispose de
l'administration et de la force armée (article 20). Les décisions importantes sont prises par le
gouvernement réuni en conseil des ministres ( le mercredi à l'Elysée) sous la présidence du
chef de l'Etat:
- il adopte les projets de loi (transmis ensuite par le Premier ministre au Parlement)
3)Les pouvoirs propres au Premier ministre
- il dirige l'action du gouvernement
- il signe les décrets non délibérés en Conseil des Ministres
- il propose les ministres au Président de la République
- il peut engager sa responsabilité et celle du gouvernement sur un projet de loi en
vertu de l'article 49.3 (voir plus loin)
4)Les pouvoirs propres aux ministres
Chaque Ministre exerce un pouvoir hiérarchique sur les fonctionnaires de son ministère. Il est
responsable de l'organisation et du bon fonctionnement des services de son ministère. Il prend
des arrêtés ou des circulaires pour préciser l'application des lois ou réglementer l'organisation
de son ministère.
5)Les relations du Gouvernement avec l'Assemblée nationale
le Gouvernement tout entier est responsable devant l'Assemblée nationale en
vertu de l'article 49 et de ses divers alinéas qui permet à l' Assemblée nationale de
sanctionner un gouvernement en le faisant démissionner. Plusieurs cas se présentent:
- Premier cas: le gouvernement peut de lui-même engager sa responsabilité devant
l'Assemblée nationale sur son programme , sur un débat de politique générale (art 49.1)
ou à l'occasion d'un projet de loi (art 49.3). Dans ce cas, les députés peuvent avoir deux
attitudes:
* s'ils ne déposent pas de motion de censure, le gouvernement estime avoir la
confiance de l'Assemblée et le texte de loi ou le programme est adopté.
* Les députés peuvent, au contraire, déposer une motion de censure (dite
défensive). Si la censure est votée, le gouvernement est renversé et le texte de loi est
refusé. Si, à l'inverse, la motion de censure est rejetée, le gouvernement reste en place et le
texte est considéré comme adopté.
Cette procédure d'engagement de la responsabilité du gouvernement à propos d'un texte
permet au gouvernement d'obtenir qu'un projet de loi soit adopté rapidement et sans
discussion ni amendement de la part des députés.
- Deuxième cas: l'Assemblée nationale peut d'elle-même mettre en cause la
responsabilité du gouvernement par le dépôt d'une motion de censure (dite offensive
:article 49.2) A la différence de la motion de censure dite défensive, les députés ne peuvent
déposer une motion de censure offensive qu'une seule fois par session parlementaire
Pour être adoptée, une motion de censure doit franchir trois étapes:
* Le dépôt: la motion de censure doit être déposée par au moins 1/10ème des députés
qu'on appelle alors signataires.
* Le délai de réflexion: un délai de 48 heures appelé délai de réflexion doit s'écouler
entre le dépôt et le vote.
* Le vote: pour être adoptée, la motion de censure doit obtenir la majorité
absolue des membres composant l'Assemblée nationale soit 577:2 +1 = 289 voix
Si la motion de censure est votée, le Premier ministre est contraint de remettre au
Président de la République la démission du gouvernement(article 50). Le gouvernement est
ainsi renversé.
Comme nous pouvons le remarquer, les pouvoirs du Premier ministre et de son
gouvernement sont étendus mais ils comportent toutefois deux limitations majeures:
- Le Premier ministre est nommé par l'Elysée qui peut à tout moment le forcer à donner sa
démission
- Le gouvernement tout entier est responsable devant l'Assemblée nationale qui peut le
renverser en votant une motion de censure
La tâche du Premier ministre et du Gouvernement est donc délicate, ingrate et sujette au
mécontentement populaire. On l'a comparé à un "fusible" entre le Président de la République
et l'opinion publique du pays.
En conclusion, le pouvoir exécutif bicéphale institué par la constitution de 1958 ne
manque pas d’originalité. Au sommet de l’Etat il organise un subtil partage des pouvoirs
entre un président de la République investi d’un rôle d’arbitre et de régulateur et un
gouvernement chargé de déterminer et de conduire la politique de la nation sous l’autorité
d’un Premier Ministre soutenu par la confiance d’une majorité de députés à l’Assemblée
nationale. C’est ce subtil partage des pouvoirs qui a permis la cohabitation sans crise
majeure de Mitterrand et J Chirac entre 1986 et 1988, de Mitterrand et Balladur entre 1993
et 1995, de Jacques Chirac et Lionel Jospin entre 1997 et 2002. Jusqu’en 1986, l’existence
d’une Assemblée nationale et d’un Président de la République de la même "couleur" politique
réduisait le Premier Ministre au rôle de fidèle exécutant des directives du Président. Avec la
cohabitation, notre Constitution a révélé toute sa souplesse et la tendance à la
présidentialisation du régime s’est atténuée. Cependant la réduction du mandat présidentiel de
7 à 5 ans, en réduisant le risque de cohabitation, peut désormais renforcer à nouveau la
tendance à la présidentialisation du régime .
II.Le pouvoir législatif: il appartient au Parlement composé de deux chambres (législatif
bicamériste):
- le Sénat dont les membres siègent au Palais du Luxembourg
- l'Assemblée nationale dont les membres siègent au Palais Bourbon.
Les deux chambres examinent successivement les textes de loi déposés par le gouvernement
(projets de loi) ou bien déposées par les parlementaires (propositions de loi) au cours d'une
session unique de 9 mois qui débute en octobre avec un maximum de 120 jours de séances
(réforme de 1995). Tout texte de loi doit être voté en termes identique par les deux chambres
A/Le Sénat
1) Sa composition: 331 sénateurs élus au suffrage universel indirect pour 6 ans (au
lieu de 9 ans avant la réforme de juillet 2003). Le Sénat est renouvelable par 1/2 tous les 3 ans
(au lieu du 1/3 avant juillet 2003). Ce sont les grands électeurs (délégués des conseils
municipaux, conseillers généraux, députés) qui élisent les sénateurs.
2) Ses pouvoirs: Il examine les textes de lois, propose des amendements
(modifications), vote les lois et le budget de l'Etat. En cas de désaccord entre les deux
chambres sur le vote d’une loi et après un système de navette, c'est l'Assemblée nationale qui
a le dernier mot. Contrairement à l'Assemblée nationale, le Sénat ne peut renverser le
gouvernement, il n'a pas pour fonction de contrôler l'exécutif
3) Les pouvoirs propres au Président du Sénat:
Elu tous les trois ans par l'ensemble des sénateurs, il:
- nomme trois des neuf membres du Conseil constitutionnel
- assure l'intérim si le poste de chef de l'Etat est vacant
B/L'Assemblée nationale
1) Sa composition: 577 députés élus au suffrage universel direct pour 5 ans
(législature).Les modes de scrutin sont variables. Sous la V° République, on a utilisé le
scrutin uninominal majoritaire à deux tours sauf en Mars 1986 où le scrutin s'est déroulé à la
proportionnelle dans un cadre départemental à la plus forte moyenne (voir leçon suivante)
Elu pour 5 ans par l'ensemble des députés, le Président de l'Assemblée nationale nomme trois
des neuf membres du Conseil constitutionnel.
2) Ses pouvoirs
L’Assemblée nationale partage certaines fonctions avec le sénat telles que :
- discuter et voter les lois et le budget
- permettre l'expression des grands courants d'opinion qui traversent le pays à l'occasion des
débats qui accompagnent le vote des lois.
L’Assemblée nationale dispose cependant de deux pouvoirs qui lui sont propres
- contrôler l'exécutif avec la possibilité de renverser le gouvernement en votant le motion de
censure (articles 49 et 50).
- avoir le « dernier mot » après un système de navette lorsqu’il y a désaccord entre les deux
chambres sur le vote d’une loi.
En résumé, les pouvoirs de l'Assemblée nationale sont plus étendus que ceux du
Sénat mais ils comportent plusieurs limitations:
- L'utilisation par le gouvernement du 49.3 oblige les députés à approuver ou à désapprouver
en bloc un projet de loi sans avoir la possibilité de le discuter.
- Le gouvernement fixe le calendrier de travail des parlementaires et on examine en priorité
les projets de loi gouvernementaux à l'exception d'une séance par mois où chaque assemblée
décide (réforme de 1995)
- L'Assemblée nationale peut être dissoute par le Président de la République (article 12)
- Le Conseil constitutionnel peut annuler les lois votées par le Parlement.
III. Un organe de contrôle: le Conseil constitutionnel
A/Sa composition
Composé de neuf membres, il est renouvelable par 1/3 tous les trois ans( mandat non
reconductible) avec un Président nommé par le chef de l'Etat parmi les neuf et qui a voix
prépondérante en cas de partage.
Trois membres sont nommés par le Président de la République, trois par le Président
du Sénat, trois par celui de l'Assemblée nationale.
Les anciens Présidents de la République sont membres de droit
B/Ses attributions:
- Il veille à la régularité des élections et les annule si elles sont litigieuses.
- Il contrôle la conformité des lois à la Constitution quand il est saisi par le
Président de la République ou le Président du Sénat ou celui de l'Assemblée nationale ou 60
députés ou 60 sénateurs et ce avant la promulgation de la loi, annulant tout ou partie du texte
inconstitutionnel.
IV. Conclusion: un régime jusqu’à présent semi-présidentiel , souple, solide et qui
évolue
Sous la V° République, l'exécutif est plus fort que sous la IV° République. Le
Parlement a un rôle diminué, cependant, grâce au pouvoir que possède l'Assemblée nationale
de contrôler l'exécutif, il garde un poids politique important: notre régime est donc hybride
c'est à dire à mi chemin entre le régime présidentiel et parlementaire.
Après plus de 40 ans d’existence, la V° République est un des régimes qui atteint la
plus grande longévité. C’est un régime qui a surmonté des crises graves (Guerre d’Algérie,
mai 68), qui a fait preuve de sa capacité d’adaptation : conçue par et pour De Gaulle , il a
fonctionné avec tous ses successeurs non gaullistes. il a mis fin à l’instabilité
gouvernementale constatée sous la IV° République. Mis en place par des hommes de droite,
il a surmonté l’alternance de 1981 et résisté à trois cohabitations. Ces trois cohabitations
ont permis de vérifier la souplesse , l’équilibre et la solidité de nos institutions.
Consacrée par la durée, accepté par la majorité comme par l’opposition, la
Constitution peut toutefois évoluer comme l’a montré la réduction du mandat présidentiel
de 7 à 5 ans adoptée en septembre 2000 par référendum .
Cours actualisé en octobre 2004