Introduction Introduction - Musée des beaux

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Introduction Introduction - Musée des beaux
LES PAY SAGES DAN S LA PEIN TU R E O R IEN TALISTE DU 19e SIEC LE
e-- C olette Depierre, conservateur en chef du patrimoine honoraire
par M arie
19 Février 2013
Introduction
...« L'O rient, soit comme image, soit comme pensée, est devenue pour les intelligences
autant
auta
nt que pour les imaginations une sorte de préoccupation générale ».
C 'est ce qu'écrit Victor Hugo dans la « Préface » à son recueil de poèmes « Les O rientales »,
en janvier 1829.
L'O rient, c'est l'ensemble des pays de l'aire arabo-islamique comprenant la Turquie, le
Proche-O rient et l'Afrique du N ord. En 1829, ce sont essentiellement des pays qui
appartiennent à l'Empire ottoman ou quidépendent plus ou moins directement de lui.
L'O rient est en effet une préoccupation pendant tout le 19ème siècle
*dans
*dan
s le domaine de l'histoire récente et contemporaine
1829, 2 conflits ont opposé l'Empire ottoman à la France
Avant 1829
*l'expédition d'Egypte suivie de la campagne de Syrie de l'été 1798 à l'été 1801. C ette
expédition a été un échec militaire pour la France, mais elle a cependant « ouvert l'Egypte à
une présence française durable, surle plan technique etculturel « (cf. HenriLaurens).
*la lutte de la Grèce pour son indépendance (1821 – 1830), soutenue par la France.
Après 1829, un autre conflit va avoir lieu avec la R égence d'Alger, qui, en droit, est encore
une province de l'Empire ottoman :
la guerre de conquête de l'Algérie quiva durer pendant plusieurs décennies, à partir de juillet
1830 et quisera suivie de la conquête de la Tunisie en 1881
Tous ces conflits ont pour conséquence d' »ouvrir » cet espace oriental aux voyageurs
européens, notamment aux artistes et aux écrivains.
*dans le domaine littéraire
La plupart des écrivains les plus célèbres du 19ème siècle ont été préoccupés par l'O rient
au point qu'ils ont ressenti la nécessité de faire le voyage et en ont publié le récit ou leurs
souvenirs :
=C hateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem , 1811
=Lamartine, Voyage en O rient, 1835
=M axime du C amp, Souvenirs etpaysages d'O rient, 1848
=Flaubert, Voyages, (extraits de son « Journal », publié en 1948)
=N erval, Voyage en O rient, 1851
=Gautier, Voyage pittoresque en Algérie, 1845. C onstantinople, 1852
=M aupassant, Au Soleil, 1881-1884. La Vie errante, 1890
=Loti, C onstantinople, 1892 ; Le D ésert; Jérusalem , 1895 ; La G alilée, 1896
Ils ont écrit d'autres ouvrages, romans, poésies inspirées par l'O rient mais il ne s'agit pas ici
de faire l'inventaire de ces œ uvres. C es écrivains ont des relations avec les artistes qu'ils
rencontrent dans des soirées, dans des salons, dans des cafés (quelques cafés « orientaux »
1
à Paris), des cénacles, à la période romantique. Les artistes lisent les récits de ces écrivains
avant ou pendant leur propre voyage.
*dans le domaine des connaissances académiques
Dès la fin du 18ème siècle, l'orientalisme, (au sens du savoir scientifique), connaît un
essor formidable qui va croissant jusqu'à la période romantique, au point que la
France est alors en tête de l'Europe dans ce mouvement général.
Vers 1830, l'orientalisme constitue le domaine de l'enseignement le plus attractif des études
anciennes ou étrangères et au cours du 19ème siècle, les études arabes et persanes
prennent une extension importante. C es nouvelles connaissances, d'abord propagées dans
les publications spécialisées, sont ensuite diffusées à travers des encyclopédies, des
dictionnaires, voire même des revues destinées à un plus large public.
O n ne se limite pas aux recherches livresques ou à l'étude des textes. Des
expéditions, des missions sont envoyées sur le terrain : expéditions militaires et scientifiques
en Egypte (1798-1801) ; en M orée (1829-1831) (actuel Péloponnèse) ; en Algérie (18391842).
D'autres missions archéologiques et scientifiques sont financées par les services de l'Etat au
Proche-O rient et en Afrique du N ord. Pour la plupart de ces missions, on recrute un ou deux
artistes pour exécuter les dessins.
C e rapide panorama permet de mieux comprendre le climat intellectuel dans lequel vivaient
les artistes et s'élaboraient leurs œ uvres.
Paysages au 19ème siècle
Parallèlement à cet intérêt pour l'O rient quis'est maintenu tout au long du 19ème siècle, les
artistes ont manifesté d'autres préoccupations, d'ordre esthétique, dans leur conception du
paysage.
Dans la tradition classique, le paysage est subordonné à la peinture d'histoire, le genre placé
le plus haut dans la hiérarchie des sujets par l'Académie des Beaux-Arts. Au cours du 19ème
siècle, il se libère de cette place qu'on lui a assignée. Pour les artistes romantiques, le
paysage apparaît comme porteur d'émotions ou de drames (orages, montagnes, tempête).
Pour les artistes naturalistes, à partir des années 1830, il devient intéressant pour lui-même :
les peintres s'attachent à figurer son caractère propre (le site, les éléments naturels qui le
composent) et se soucient de traiter l'atmosphère lumineuse.
M ais pour les uns et les autres, ils ont peint des paysages inspirés de la réalité, donc qu'ils
ont découverts eux-mêmes au cours de leur voyage au Proche
Proche-- O rient ou en Afrique du
N ord, voyage facilité par le contexte historique et les progrès des transports (2
exemples : à partir de 1842, service maritime régulier entre l'Europe et l'Inde, avec voie
terrestre pour traverser l'Egypte ; à partir de 1889 : liaison entre Biskra et le littoral algérien).
L'expérience du voyage pour les artistes détermine un autre rapport à la nature, plus direct et
plus durable : traversée de régions entières à cheval le jour; hébergement sous la tente la
nuit. (cf. Delacroix : »on se sent un autre être, on est un hom m e au m ilieu des vastes plaines
rem plies de fleurs etd'herbes quis'exhalaientsous les pieds de nos chevaux»).
Les œ uvres présentées ici représentent des paysages très différents, inspirés de
l'expérience orientale de plusieurs artistes, à partir des années 1830.
2
harenton-- Saint
nt-- M aurice, Seine, 1798 – Paris, 1863
1863))
Eugène DELAC R O IX (C harenton
Biographie
Eugène Delacroix naît le 26 avril 1798 à C harenton-Saint-M aurice, dans la Seine. Son
père assurait de hautes fonctions au sein de l'Etat : ministre des Affaires étrangères sous le
Directoire, puis ambassadeur, enfin préfet. Sa mère, V ictoire O eben-R iesener, appartient à
une famille de célèbres ébénistes. A la mort de son père, Eugène, quin'a que 7 ans, s'établit
à Paris avec sa mère. C ette dernière meurt à son tour en 1814 : Eugène va habiter chez sa
sœ ur, dont le mari avait été ambassadeur en Turquie. A 17 ans, il entreprend une formation
artistique : dans l'atelier de Guérin, peintre néo-classique, puis à l'Ecole des Beaux-Arts
(1816), où il rencontre Géricault et Bonington.
Très jeune, (il a 24 ans), Delacroix partage les idées de la nouvelle génération. Il
fréquente les réunions de jeunes artistes chez M onsieur Auguste qui leur fait le récit de ses
voyages en O rient. Il rencontre des intellectuels et des écrivains du nouveau courant
romantique. Lui-même, d'ailleurs, écrit des articles sur l'art ou sur des artistes qu'il estime
particulièrement. Il rédige un journal pendant plusieurs périodes de sa vie (plusieurs volumes).
Et sa correspondance est très abondante.
O riginaire de la haute bourgeoisie, Delacroix a une vie mondaine et des relations
privées (notamment sa relation avec M adame de Forget, une Beauharnais très proche du
futur N apoléon III) qui peuvent avoir facilité parfois l'évolution de sa carrière, du moins après
1848. Il aura ainsiplusieurs commandes officielles importantes :
Avant 1848 :
*1826 : C onseil d'Etat
*1838-1847 : Palais Bourbon
*1840-1846 : Bibliothèque du Luxembourg
Après 1848 :
*1850-1851 : Galerie d'Apollon, au Louvre
*1851-1854 : Salon de la Paix, à l'Hôtel de V ille
Pour les commandes de décoration d'édifices religieux, il en a eu dès 1819-1821,
mais la plus célèbre reste celle de la chapelle Saint-Sulpice, à Paris, de 1849 à 1861.
Delacroix a exposé régulièrement au Salon parisien de 1822 à 1859 ; après 1859, il
expose chez des marchands de tableaux. Ses thèmes sont d'inspirations variées : sujets
d'histoire, sujets religieux, portraits, scènes de la guerre gréco-turque, sujets puisés dans la
littérature romantique, natures mortes. Son œ uvre divise la critique et le public amateur dès
son 1er envoi au Salon parisien, en 1822 (« La Barque de Dante »). 2 courants d'opinions
opposées s'affrontent : les « Anciens » ou N éo-C lassiques et les « M odernes » ou
R omantiques. Les institutions artistiques officielles, assez conservatrices, n'apprécieront
guère Delacroix. C 'est la raison pour laquelle d'ailleurs, malgré ses relations, il n'entrera à
l'Institut qu'en 1857.
Parmises sujets de prédilection, les thèmes orientaux d'abord inspirés par la littérature
romantique et la lutte du peuple grec pour son indépendance, puis, à partir de 1832, des
thèmes inspirés par son voyage au M aroc. 1832 est en effet une date très importante dans la
vie et l'œ uvre de Delacroix. Il accompagne le comte de M ornay au M aroc, dans une mission
diplomatique destinée, pour la France, à s'assurer la neutralité du sultan dans la guerre de
conquête de l'Algérie. Il ne séjourne que 6 mois en Afrique du N ord, mais désormais, les
toiles peintes à partir des croquis de ses albums, notés au cours de son voyage, s'ajoutent
régulièrement à ses nombreux autres tableaux. (80 tableaux sur des thèmes d'Afrique du
3
N ord). Il a découvert un O rient différent de celuiquil'avait déjà attiré dans la littérature, dans
les récits ou les œ uvres des autres. Après 1832, il intégrera dans ses œ uvres des éléments
inspirés de la réalité et une lumière déterminée par une observation directe.
L'année de sa mort, il peint encore 2 tableaux à sujets marocains. Atteint d'une
maladie quine cesse de s'aggraver depuis l'âge de 38 ans, il tente de se guérir par le repos
dans une maison de campagne (C hamprosay), s'acharne à travailler, toujours -Delacroix est
un très grand travailleur. Il meurt dans son appartement parisien, rue de Fürstenberg, le 13
août 1863. (Aujourd’huimusée Delacroix)
Vue de Tanger, 1832
Aquarelle
H : 16cm ; L : 20,5cm
Dijon, M usée des Beaux-Arts
SiDelacroix est considéré comme un des grands peintres orientalistes du 19e siècle -sinon le
plus grand-, il n'est pas à proprement parler un paysagiste : on ne connaît pas de tableaux
représentant de « purs » paysages parmiles œ uvres inspirées par son voyage au M aroc et en
Algérie. Pourtant, Delacroix se révèle sensible au paysage. Il note par exemple dans ses
Souvenirs d'un voyage dans le M aroc : « Au m ilieu de cette nature vigoureuse, j'éprouve
des sensations pareilles à celles que j'avais dans l'enfance ».
C 'est en fait à travers les dessins de ses albums et de ses carnets, remplis au cours de son
voyage, que Delacroix consigne les traits et les couleurs de certains paysages traversés, ou
de villes visitées.
Parmi ces villes, Tanger où Delacroix accoste pour la première fois au M aroc et dont il dit
alors qu'il est encore sur le bateau : »L'aspect de cette ville africaine m 'a causé un vif
sentim entde plaisir».
C ette vue de Tanger a été exécutée au cours d'un des trois séjours de l'artiste dans la ville en
1832 :
-du 25 janvier au 6 mars,
-du 12 avril au 15 mai,
-du 3 au 10 juin
Tanger comptait à l'époque environ 7000 habitants (aujourd'huiplus de 600 000 h). Delacroix
a figuré les principales constructions de la ville : la kasbah (ou forteresse), en haut à gauche,
dont il note qu'elle est placée « com m e une vedette au-dessus du port», les fortificat
cati
ions
crénelées au second plan qui descendent vers la mer et dont un pan s'adosse au relief à
gauche, la médina au centre, « resserrée dans une petite vallée ». Il a dû esquisser cette vue
d'un point en hauteur, au cœ ur de la médina, probablement de la terrasse d'une maison.
Avec une grande maîtrise de l'aquarelle (que l'artiste a perfectionnée lors de son voyage en
Angleterre en 1825), il dispose seulement quelques couleurs sur différents plans (vert de la
verdure, teinte dorée des murailles, brun de la végétation fanée, bleu de la mer), pour
construire le cadre de la ville. Et par contraste, il met en lumière, au sens propre du terme, les
maisons et édifices cubiques de la médina, dont le blanc vif l'avait frappé, en utilisant le
papier « en réserve ».
Avec ses qualités de synthèse et d'observation, Delacroix exprime ici l'impression ressentie
devant le site de Tanger : « l'adm irable aspectd'une ville m oresque ».
Prosper M AR ILHAT (Vertaizon, Puy de Dôme, 1811- Thiers, 1847)
4
Biographie
M arilhat naît à Vertaizon (Puy de Dôme) le 26 mars 1811 dans une famille bourgeoise (son
père est banquier) quile destine à une carrière dans la coutellerie ; luichoisit l'apprentissage
de la peinture, d'abord à Thiers, puis à Paris, vers la fin de 1829, dans l'atelier de l'artiste
C amille R oqueplan.
C 'est ce dernier qui, un an plus tard, le recommande au baron de Hügel, un riche naturaliste
allemand qui cherche un dessinateur pour l'accompagner en O rient. Pendant deux ans, de
1831 à 1833, M arilhat et l'équipe du baron de Hügel vont voyager en Grèce, en Syrie, au
Liban, en Palestine et en Egypte. A leur retour au C aire, M arilhat quitte Hügel qui veut
poursuivre son périple en Inde. M arilhat revient donc en France en mai1833.
Désormais, excepté les séjours annuels, réguliers, en Auvergne et deux voyages en Italie
(1835) et en Provence (1836), M arilhat ne quitte plus Paris. Déjà souffrant pendant son
voyage en O rient, et jamais complètement remis depuis son retour, il tombe malade (certains
biographes parlent de syphilis) ; la prise de fortes doses de médicaments aurait aggravé les
signes d' »irritation maladive » déjà apparus quelques années auparavant. En 1846, il perd
complètement la raison. Il reçoit une pension du gouvernement mais meurt l'année suivante,
le 14 septembre 1847, à l'âge de 36 ans.
L'œ
L'
œ uvre
Le voyage en O rient fut très formateur pour le jeune M arilhat (il n'a que 20-21 ans). Il
dessine beaucoup pour le baron de Hügel, mais il recommence ses dessins pour se
constituer « une collection de souvenirs », comme il le dit lui-même, qui lui ont inspiré des
sujets de tableaux jusqu'à sa mort. Il découvre d'autres pays, une autre lumière.
De 1831 à 1844, il expose au Salon parisien des paysages de France et d'O rient où il montre
un soucidu rendu exact de la nature, tout en maîtrisant sa composition dans la tradition des
maîtres classiques qu'il admirait : Poussin, C laude Gellée, dit Le Lorrain.
A partir de 1834, où il est remarqué au Salon pour ses quatre vues d'Egypte, M arilhat est
accueilli par les R omantiques comme l'un des leurs et considéré comme l'un des pionniers
de l'orientalisme.
Paysage d'Egypte au soleil couchant, vers 1840 - 1844
Huile sur toile
H : 1,60 m ; L : 2,30m
C lermont-Ferrand, M usée Bargoin
C e tableau, d'assez grandes dimensions, a été réalisé au cours des années 18401844, vraisemblablement d'après ses souvenirs : dans une lettre où il évoque les environs du
C aire, M arilhat note le contraste entre l'aridité du désert et (je cite) « de l'autre part, vers le N il,
des cham ps couverts d'une verdure brillante (…) et, de tem ps en tem ps, de charm antes
pièces d'eau, restes de l'inondation, m iroitant au sein de cette verdure, des jardins couverts
d'arbres épais etnoirs...»
mais réalisé aussià partir de dessins et d'études faits pendant son voyage en Egypte. Il est
constitué de plusieurs plans donnant la profondeur
1er plan : la rive où est assis un personnage,
2éme plan : le plan d'eau (le N il, probablement),
3ème plan : l'autre rive, bordée d'arbres majestueux,
arrière- plan : la silhouette d'une mosquée
lointain : le ciel embrasé par le soleil couchant
La lumière dorée du crépuscule irradie tous les éléments : eau, ciel, terre, végétation, figure
humaine et crée ainsi l'unité et l'harmonie de ce paysage, construit par ailleurs dans un jeu
5
équilibré d'horizontales (les rives, l'horizon) et de verticales (les arbres et les minarets de la
mosquée).
C ette composition très élaborée est assez classique, mais ce n'est pas un paysage
idéalisé : les arbres et la végétation sont nettement identifiables, dessinés avec une très
grande précision, notamment sur la rive du premier plan. Les éléments proprement orientaux
(architecture de la mosquée, costumes des personnages, arbres et végétation exotiques)
sont intégrés sans ostentation dans ce paysage illuminé et serein.
Adrien DAU Z ATS (Bordeaux, 1804- Paris, 1868)
Biographie
N é et élevé à Bordeaux, Dauzats, dont le père travaille dans un théâtre de la ville,
apprend à dessiner en réalisant des décors de théâtre. En 1827, commence pour lui une
longue collaboration avec le baron Taylor qui lui ouvre voyages et missions en France, en
Espagne, et au Proche-O rient.
D'abord, en 1827-1828, il visite différentes régions de France pour préparer les planches de
la publication dirigée par le baron Taylor « Voyages pittoresques de l'ancienne France ».
Puis, en 1830, pendant 6 mois, d'avril à octobre, il accompagne le baron Taylor en
Egypte pour obtenir de M éhémet Ali l'envoi de l'obélisque de Louqsor. Les membres de la
mission parcourent le pays (Le C aire, la vallée du N il, le Sinaï), puis la Palestine et la Syrie. Le
récit de ce voyage intitulé « Q uinze jours au Sinaï» et signé par Alexandre Dumas père sera
publié 9 ans plus tard.
En 1835, il est chargé officiellement, toujours avec le baron Taylor, de réunir en
Espagne des tableaux espagnols pour l'ouverture d'un nouveau département au Louvre.
R epéré par les milieux dirigeants, il est choisipour accompagner, en 1839, le fils aîné du roi,
Ferdinand d'O rléans, dans une expédition militaire de 2 mois en Algérie connue sous le nom
d'Expédition des Portes de Fer.
Dauzats expose aux Salons parisiens de 1831 à 1867. D'emblée, ses paysages et
vues d'architecture ont été appréciés pour l'exactitude de leur dessin et leur coloris brillant.
Si, pour des raisons de santé, il renonce aux voyages lointains après 1840, il puise
cependant jusqu'à la fin de sa vie (1868), dans le riche corpus de ses dessins et aquarelles
exécutés sur le motif pour réaliser des tableaux à thèmes orientaux qui le placent parmi les
peintres orientalistes romantiques les plus intéressants de sa génération.
M onastère de Saintente -C atherine, M ont Sinaï, 1845
Huile sur toile
H : 1, 30 m ; L : 1, 04m
Paris, M usée du Louvre
Après un séjour de plusieurs semaines au C aire, le baron Taylor, Dauzats et leurs
guides partirent pour le Sinaï début juillet 1830. La traversée du désert et de la chaîne
montagneuse du Sinaï, quidura 3 semaines, fut pénible.
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(Je cite un extrait de « Q uinze jours dans le Sinaï») : «...Enfin, à l'un des détours de cette
vallée, nous nous arrêtâm es m uets de surprise et d'adm iration. Les m ontagnes les plus
m agnifiques de ton et de form e se dessinaient devant nous, dans leur sévère nudité, sur un
ciel d'un bleu céleste ». et un peu plus loin : » au détour d'un énorm e rocher, quim asquait
l'horizon, nous nous trouvâm es au pied de la m ontagne Sainte-C atherine, élevée com m e une
reine au-dessus de ses voisines. A gauche, se dressait, la dépassant de toute la cim e, le
m agnifique Sinaï, et sur le revers oriental du m ont sacré, nous apparaissait le couvent,
puissante forteresse ...»
Au premier plan, le peintre se fait le témoin d'une tradition particulière, presque
cocasse : l'un des voyageurs s'apprête à accéder au couvent, hissé grâce à un palan jusqu'à
une des fenêtres, la porte étant réservée au patriarche. Tous les membres de la caravane,
Egyptiens et Français, portent le costume local, mieux adapté aux conditions climatiques.
Le panorama grandiose a été régulièrement décrit, parfois dessiné, dans les récits de
voyage des écrivains et des artistes du 19ème siècle quiont visité ce site exceptionnel.
Dans ce tableau, Dauzats place l'horizon très haut, souligne les verticales des parois et des
accidents de la roche, accuse l'ombre profonde dans la partie gauche, pour mettre encore
plus en lumière les montagnes les plus hautes et la forteresse du monastère. La caravane qui
s'est arrêtée au pied des murailles est écrasée par les masses des reliefs.
O n retrouve là certaines caractéristiques du style de Dauzats : puissants effets
pittoresques, chromatisme sobre, dramatisation de la lumière, figures humaines dominées
par une nature imposante et impressionnante : on est là devant une belle œ uvre romantique.
C e monastère est à 1570 mètres d'altitude. Selon la tradition, il a été construit à
l'emplacement du Buisson Ardent, au pied des plus hauts sommets du Sinaï. En 330, Sainte
Hélène y édifia une chapelle dédiée à la Vierge, qui devint bientôt un lieu de pèlerinage. Le
monastère lui-même fut fondé en 527 par l'empereur byzantin Justinien.
Jean--Léon GER O M E (Vesoul
Vesoul,, 1824 – Paris, 1904)
Jean
Biographie
Jean-Léon Gérôme naît à Vesoul le 11 mai1824.
Les années 1840 sont celles de l'apprentissage. Il part à Paris en 1840, entre dans
l'atelier de Paul Delaroche qui lui apprend à soigner ses arrière-plans et les costumes des
figures. A l'Ecole des Beaux-Arts, il devient l'élève de Gleyre qui lui enseigne la clarté de la
composition et la pratique du mélange des couleurs pour les conserver fraîches et claires.
Peut-être subit-il l'influence de Gleyre quia passé 7 ans au Proche-O rient ? Gérôme déclarait
en effet dans sa jeunesse : « L'O rient était le plus fréquent de mes rêves ».
Au cours de cette période, il voyage en Italie (R ome, Florence), montrant plus d'intérêt pour
l'étude des paysages que pour les visites des musées et des palais.
En 1847, il expose un tableau représentant une scène de genre transposée dans l'Antiquité
grecque où l'on cerne déjà l'intérêt de Gérôme pour ce qu'on appellerait aujourd'hui « la
reconstitution historique ». C ertains peintres le suivront et on parlera de « N éo-Grecs », de
« Pompéistes » (gladiateurs).
Au cours des années 1850, il fait plusieurs voyages importants :
*1853 : d'abord, voyage en Europe de l'Est, puis à C onstantinople (pour étudier
les types ethniques des populations de ces pays en vue de réaliser un grand tableau
historique : « Le Siècle d'Auguste » (commande d'Etat). La critique le qualifie de « peintre
ethnographe ».
*1856 : voyage en Egypte avec un groupe d'amis : 4 mois sur le N il chassant,
7
dessinant
4 mois de séjour au C aire
A son retour à Paris, il expose 5 œ uvres sur l'Egypte (dont « La Plaine de Thèbes »).
Les années 1860 sont marquées par le succès et la reconnaissance officielle :
*1861-1862 : il voyage au Proche-O rient:Egypte, Palestine, Syrie
*1863 : il se marie avec la fille d'un célèbre éditeur d'estampes, Goupil
*1863 : il est nommé à l'Ecole des Beaux-Arts
*1865 : il est élu à l'Institut et reçoit une commande impériale
*1868-1869 : il voyage en Egypte (1869 : il est invité à l'inauguration du canal
de Suez)
Au cours des année
années
s 1870, il voyage à nouveau en O rient : 1871, 1872, 1874,
1875 : (C onstantinople, Asie M ineure), 1873 (Espagne et O uest de l'Algérie), après s'être
réfugié dans le travail pendant la guerre franco-prussienne et la C ommune de Paris.
A partir de 1874
1874, il tente des voies nouvelles dans son travail : il introduit les fauves
dans le vaste répertoire de ses sujets (exemple du lion dans le désert qui a influencé le
Douanier R ousseau dans « La Bohémienne endormie »). Il se met à la sculpture (son 1er
groupe sculpté est exposé à l'Exposition U niverselle de 1878). Q uelques années plus tard, il
réinterprète d'anciennes traditions en exécutant des sculptures polychromes.
Pendant la dernière période de sa vie, il voyage peu, excepté en Italie et en
Andalousie. M ais il travaille toujours beaucoup. Touché par une succession de deuils, dans sa
famille ou parmi ses amis, il déclare « être fatigué de sa vie » (1903). Le 10 janvier 1904, il
meurt pendant son sommeil.
L'artiste, considéré à son époque comme l'un de plus grands peintres, recevait dans son
atelier le tout Paris artistique, littéraire et mondain, où il comptait de nombreux amis. Il
fréquentait le salon de la Princesse M athilde et était un habitué de la résidence impériale de
C ompiègne. Les marques d'honneur officielles consacrent cette célébrité. Ses œ uvres se
vendaient en France, mais aussià l'étranger, en particulier aux Etats-U nis. Goupil, son beaupère, reproduisit par la gravure, de nombreux tableaux de Gérôme qui le firent connaître
auprès du grand public. C ependant, Gérôme a été longtemps banni des travaux des
historiens d'art pour s'être montré hostile à l'art impressionniste, mais depuis une
quarantaine d'années, les chercheurs américains se sont intéressés à Gérôme et l'ont
réhabilité : aujourd'hui, il compte parmiles artistes les plus notables de l'histoire de la peinture
orientaliste.
(2 exemples : il s'est opposé à l'organisation d'une exposition consacrée à M anet à l'Ecole
des Beaux-Arts. Il a condamné le legs C aillebotte à l'Etat, legs composé de peintures
impressionnistes, 1895-1897).
Haute-- Egypte, 1857
La Plaine de Thèbes en Haute
Huile sur toile
H : 76, 8 cm ; L : 1, 31 m
N antes, M usée des Beaux-Arts
C e tableau représente un paysage désertique fermé à l'horizon par la ligne violette des
montagnes. U ne palmeraie et quelques palmiers isolés dans le lointain constituent la seule
végétation dans ce vaste espace. C ependant, on y voit des traces de la vie humaine passée :
ère-au 1er plan, une base de colonne et une pierre gravée d'hiéroglyphes et surtout, à l'arrière
plan, les silhouettes des colosses détachés sur le ciel. Les hommes contemporains sont
aussi présents dans cette grande étendue désolée : ils conduisent une caravane sur une
piste pierreuse (moitié droite du tableau). U n ciel émaillé, immense et bleu, animé d'un vol
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d'oiseaux, s'éclaire d'une lumière jaune à l'horizon.
Gérôme a évité la monotonie dans la disposition de la lumière et dans le traitement de
la matière : d'abord, il alterne horizontalement des zones d'ombre et des zones de lumière ;
ensuite, il oppose la peinture lisse du paysage où se fondent des tons éteints aux touches
visibles et irrégulières du 1er plan. M ais l'ensemble compose un camaïeu de
beiges/ocres/bruns clairs.
C ette œ uvre exprime bien la petitesse de l'homme écrasé par l'immensité du désert :
les hommes, assis à dos de chameau ou à dos d'âne, debout pour guider les bêtes, sont
minuscules. L'artiste insiste aussi sur leur solitude : les éléments mis en valeur dans le
paysage par les dimensions ou l'éclairage sont des vestiges en pierre, des restes indifférents
et morts d'un ancien passé vivant. C ette sensation d'isolement a dû impressionner Gérôme
qui, selon M oreau-Vauthier, toute sa vie, « futincapable de supporterla solitude ».
C e paysage représente les environs de Thèbes où Gérôme était passé au cours de
er
son 1 voyage en 1856. Il avait en effet effectué, par le N il, en bateau, le circuit DamiettePhilae. Il a donc vu cette ville célèbre de l'Antiquité égyptienne, centre archéologique déjà
important au 19ème siècle. Son dessin sur le même thème, conservé aussi au musée de
N antes, est évidemment une étude faite sur le terrain. Les colosses se dressent sur la rive
O uest du N il ; ils représentent Amenhotep III (1417- 1379 avant J.C .). A l'époque de
l'occupation romaine en Egypte, on croyait que c'étaient les statues de M emnon : le nom est
resté.
Depuis la fin du 18ème siècle, ces statues monumentales, parmi les monuments les
plus célèbres de l'Antiquité égyptienne, ont été à maintes reprises dessinés ou peints par des
O ccidentaux et ont constitué -comme d'autres vestiges- des symboles de fragilité des
civilisations condamnées à disparaître. L'ouvrage du comte de Volney, paru en 1791, « Les
Ruines ou M éditations surles révolutions des em pires » a durablement imprégné les esprits.
nt-- M aurice, 1876)
Eugène FR O M EN TIN (La R ochelle, 1820 – Saint
Biographie
Eugène Fromentin naît le 24 octobre 1820, dans une famille bourgeoise provinciale ; son
milieu familial, souvent rigide, la monotonie de sa vie à La R ochelle, enferment le jeune
Eugène dans le rêve et la lecture.
A Paris, où il va faire ses études de droit, il s'intéresse à la littérature romantique, aux
nouvelles idées (M ichelet, Q uinet). Dans les années 1840, il fait le choix de la peinture, entre
dans l'atelier de C abat, et se met à étudier la nature sur le motif. Dès cette période, il montre
une double prédilection pour les orientalistes et les paysagistes, qui influera sur ses
recherches picturales plus tardives.
*U n 1er et bref voyage en Algérie au printemps 1846 lui révèle qu'il peut peindre un
O rient original.
*U n 2ème voyage en Algérie, de septembre 1847 à mai 1848, dans l'Est et dans le
Sud-Algérien, l'amène à de nouvelles conceptions sur la lumière (le gris), sur l'espace pictural
(il peindra plus grand), sur les hommes (il s'efforcera de mieux les étudier).
*U n 3ème voyage en Algérie a lieu après son mariage, en 1852- 1853 : il part avec sa
femme, fait un long séjour dans la M itidja, puis, seul, va à Laghouat où il reste 2 mois, au
cours de l'été 1853.
9
Après son retour, il publie « U n Eté dans le Sahara » en 1856, et « U ne Année dans le Sahel »
en 1858.
De 1847 à la fin des années 1860, Fromentin exécute des tableaux d'après ses
nombreuses études dessinées et peintes en Algérie. Au cours des années 1850 et 1860, il
connaît un grand succès. En 1863, son roman autobiographique est bien accueilli. Sa vie
mondaine de 1860 à 1869 reflète sa réussite. C ependant, Fromentin est insatisfait : il
supporte mal qu'on apprécie le pittoresque dans ses œ uvres ; il voudrait se libérer du
« genre » pour atteindre le « général » et cherche en permanence de nouvelles voies pour y
parvenir.
Ses dernières années sont marquées par de nouveaux voyages :
* 1869 : Egypte : il est invité à l'inauguration du canal de Suez et expose
des tableaux à thèmes égyptiens après 1871
*1870 : Italie (Venise)
* 1875 : Belgique et Hollande (1876 : il publie « Les M aîtres d'Autrefois »,
ouvrage sur les peintres hollandais).
Le 27 août 1876, il meurt assez brutalement, après une maladie de quelques jours.
Les études, les publications sur l'orientalisme, depuis une trentaine d'années, confirment que
Fromentin, comme il l'avait souhaité dans sa jeunesse, a peint effectivement un O rient
original.
U ne R ue à ElEl-Aghouat, 1859
Huile sur toile
H : 1, 42 m ; L : 1, 03m
Douai, M usée de la C hartreuse
Voicila vue d'une rue quimonte, formant une légère courbe entre les arêtes vives des
hauts murs des maisons à terrasses, construites en terre séchée. C 'est le début de l'aprèsmidi, à l'heure la plus chaude. U n soleil ardent éclaire la moitié gauche de la rue, tandis que le
côté droit est à l'ombre. C 'est sur ces 2 zones de lumière bien distinctes que se fonde la
composition du tableau. U n groupe d'hommes s'est regroupé à l'ombre ; les corps sont
allongés dans toutes les positions à même le sol en pierre de la rue, assis sur le seuil des
maisons, adossé contre le mur. Dans le ciel, plane un rapace.
Le champ chromatique est réduit, mais précis : camaïeu d'ocres et de beiges aux
multiples nuances pour les éléments d'architecture et leurs ombres ; blanc pour les
vêtements des hommes (burnous, gandourah, voiles) et pour l'encadrement des portes
souligné de chaux ; bruns rares pour les ouvertures et une veste d'homme ; bleu pour une
gandourah indigo et bleu clair pour le ciel. C ette unité de tons, cette sobriété des couleurs
crée une harmonie subtile et suggère de manière convaincante que (citation de Fromentin)
« La réverbération du sol etdes m urs estépouvantable ».
Dans son livre « U n Eté dans le Sahara », Fromentin évoque la tentative des hommes
pour échapper à cette chaleur épouvantable : « Tu vois sortir (…) de grandes figures pâles,
m ornes, vêtues de blanc, avec l'air plutôt exténué que pensif; elles arrivent les yeux
clignotants, la tête basse, et se faisant, de l'om bre de leur voile, un abripour tout le corps,
sous ce soleil perpendiculaire. L'une après l'autre, elles se rangent au m ur, assises ou
couchées quand elles en trouventla place ».
Baudelaire a écrit, à propos de ce tableau : « Je m e surprends à envier le sort de ces
10
hom m es étendus sous ces om bres bleues, et dont les yeux, qui ne sont ni éveillés, ni
endorm is, n'exprim ent, sitoutefois ils exprim ent quelque chose, que l'am our du repos et le
sentim entdu bonheurqu'inspire une im m ense lum ière ».
El-Aghouat est une oasis située sur un promontoire rocheux, au revers de l'Atlas
saharien, à l'entrée du Sahara. C 'est en juin et juillet 1853, donc en plein été, que Fromentin y
séjourne. En arrivant dans la ville, l'artiste décrit les stigmates des combats terribles qui ont
eu lieu 7 mois auparavant pour vaincre la résistance des habitants, après le siège de l'armée
coloniale. Le lieutenant quil'accueille à El-Aghouat luidit que, sil'assaut ne « coûta que peu
de m onde à l'arm ée française, la lutte quise prolongea dans la ville et se répéta de m aison
en m aison, futdésespérée de la partdes Arabes (…) etterrible seulem entpoureux.Surles 2
m ille et quelques cents cadavres qu'on releva les jours suivants, plus des 2/3 furent trouvés
dans la ville » .C ette image de repos, d'abandon dans le sommeil donnée dans cette vue de
Laghouat est donc la vision que le peintre choisit de conserver de cette oasis du Sud.
Souvenir d'Algérie, 1874
Huile sur toile
H : 1, 11 m ; L : 1, 52 m
Dublin, N ational Gallery of Ireland
Paysage d'Algérie représentant une scène de chasse au faucon, qui avait lieu en hiver ; les
faucons étaient enfin apprivoisés en décembre et étaient relâchés fin février, après la saison
de chasse.
U n vaste plan d'eau s'étend entre des collines couvertes de végétation. Il reflète le
bleu tendre, mêlé de mauve, du ciel immense, légèrement nuageux. Au 1er plan, quelques
touffes d'alfa parsèment la rive où 3 cavaliers attendent l'évolution de la chasse : un faucon,
en effet, s'apprête à attaquer une outarde dans le ciel.
La richesse des vêtements des cavaliers du 1er plan, la qualité du harnachement de
leur monture (selle ornementée, tapis de selle, pompon suspendu au collier), la couleur des
chevaux (blanche et noire), tout indique que ces hommes sont des chefs féodaux.
O n retrouve dans ce tableau, peint près de 20 ans après ses voyages en Algérie, les
principales caractéristiques des paysages de scènes de chasse de Fromentin :
*prédilection pour la lumière se traduisant ici par l'importance du ciel et son
reflet dans l'eau,
*attrait pour l'horizontalité des grands espaces qui lui rappelaient les paysages
de son enfance
*goût pour l'immobilité (les cavaliers galopant pour suivre le vol du faucon sont
presque à l'arrière-plan du tableau.
L'artiste écrit à propos de la lumière dans « U ne Année dans le Sahel » : « ce quim e
ravit, c'est la précision qu’'elle donne aux contours et de tous les attributs propres à la
grandeur, le plus beau, selon m oi, c'estl'im m obilité ».
La chasse au faucon était un privilège de l'aristocratie arabe. Selon le général
Daumas et le spahi Jules Gérard, tueur de lions, le faucon constituait une marque de
distinction en elle-même ; certains chefs se déplaçaient constamment avec leur faucon, sans
intention de chasser ; d'autres considéraient que les traces d'excréments de faucon sur leurs
burnous étaient le signe de leur appartenance à l'aristocratie. La chasse au faucon pouvait
réunir des dizaines, voire des centaines (200, 300) d'hommes, dont les fonctions étaient
déterminées : oiseleurs, cavaliers, maîtres de vol.
Fromentin a représenté de nombreuses chasses de l'aristocratie arabe, rendant
hommage à cette vie qu'enviaient beaucoup d’officiers français de l'armée coloniale, souvent
eux-mêmes d'origine aristocratique, et qui étaient les interlocuteurs privilégiés du peintre
11
dans ses déplacements, en dehors des villes du littoral. M ais, quand il peint cette variante, en
1874, la vie aristocratique est en plein déclin. La réforme de l'administration et de la justice a
limité les fonctions des grandes familles à celles de modestes fonctionnaires. L'historien
Ageron précise que leurs nouveaux revenus ne leur permettaient plus d'assurer les aumônes
et les dépenses liées à l'hospitalité que l'autorité coloniale continuait à leur imposer (jusqu'au
20ème siècle). C es familles s'étaient donc appauvries et ruinées.
N arcisse BER C HER E (Etampes, 18191819- Asnières, 1891)
Biographie :
N arcisse Berchère est né à Etampes et mort à Asnières en 1891.
Il étudie la peinture dans l'atelier de C harles R émond, où il se lie d'amitié avec Eugène
Fromentin. Bien que n'appartenant pas au groupe de l'Ecole de Barbizon, il subit l'influence
de Théodore R ousseau, C amille C orot et Jules Dupré avec lesquels il partage leur conception
nouvelle du paysage.
Après un voyage en Espagne en 1847, il effectue plusieurs séjours en O rient :
*1849-- 1850 : 1er voyage de deux ans en Syrie (Liban, Palestine) et en Egypte
*1849
comme dessinateur de l'archéologue numismate Louis C aignart de Saucy.
*1856
1856 : 2e voyage en Egypte et dans le Sinaï avec Léon Belly, puis en HauteEgypte avec Gérôme et le sculpteur Bartholdi.
*novembre
1861-- avril 1862 : 3e voyage en Egypte comme dessinateur,
novembre 1861
engagé par Ferdinand de Lesseps pour rendre compte des travaux de la 1ère phase de
construction du canal de Suez. Il réunit 68 plans, dessins, aquarelles dans un album qu'il
remet à Lesseps qui l'offre à son tour à N apoléon III (cet album aurait été détruit dans
l'incendie du Palais des Tuileries en 1871.
Berchère publie en 1863 un ouvrage sur ce séjour : « Le D ésert de Suez » et « C inq m ois
dans l'isthm e » qu'il dédie à Fromentin.
*1869 : 4e voyage en Egypte, lors de l'inauguration du canal de Suez, comme
membre de la délégation officielle accompagnant l'impératrice Eugénie (avec d'autres
artistes : Frère, Tournemine, Gérôme, Fromentin).
A partir de 1851 et jusqu'en 1881, les œ uvres que l'artiste expose au Salon parisien
sont essentiellement consacrées à des scènes ou des paysages d'O rient et font de lui un
peintre répertorié comme « orientaliste ».
En O rient, sans date (années 1870 - 1880 ?)
Huile sur toile
H : 39 cm ; L : 30cm
R ennes, M usée des Beaux-Arts
C e tableau représente vraisemblablement le temple de Louxor construit par Amenhotep, à
l'initiative d'Aménophis III pour le culte d'Amon (14e siècle avant J.C ) et agrandi au siècle
suivant par R amsès II. O n reconnaît les puissantes colonnes à chapiteaux papyriformes
fermés supportant entablement et corniche ornés de hiéroglyphes. U ne salle de ce temple,
quin'était pas encore dégagé lors du passage de Berchère en Haute-Egypte en 1856, avait
été transformée par les R omains en chapelle impériale. Deux colonnes à chapiteau corinthien
et des peintures murales subsistaient et sont partiellement reproduites par l'artiste.
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Le temple était alors également occupé par des habitants de Louxor que Berchère
représente icidans leur vie quotidienne. Par les couleurs de leurs vêtements (rouge et bleue),
ils donnent vie au paysage dominé par l'immense ciel bleu du désert.
C ependant, ce n'est pas sur les hommes que l'artiste veut attirer notre attention, mais sur
les éléments architecturaux mis en relief par de forts contrastes lumineux. La juxtaposition
des vestiges de deux Empires prestigieux (Antiquité égyptienne, Antiquité romaine) nous
rappelle la fragilité des œ uvres humaines mais nous invite aussi à réfléchir sur les causes de
leur disparition. C omme pour « La Plaine de Thèbes » de Gérôme, la démonstration du
célèbre ouvrage, publié en 1791, « Les Ruines ou M éditations sur les Révolutions des
Em pires », écrit par Volney à son retour d'un voyage en Syrie et en Egypte, et réédité en
1868, en 1869, continuait au 19e siècle encore à nourrir la pensée des artistes.
Léon BELLY (Saint
nt-- O mer, 1827
1827-- Paris, 1877)
Biographie :
Léon Belly naît à Saint-O mer le 23 mars 1827 dans une famille bourgeoise aisée : sa
mère est la fille d'un armateur de Dunkerque ; son père, capitaine d'artillerie, meurt l'année
suivante. C 'est donc sa mère quil'élève seule. Elle s'installe à M etz en 1836, puis à Paris en
1842. A partir de 1845, Belly rejoint sa mère à Paris pour passer le concours d'entrée à
l'Ecole polytechnique et ainsi, luifaire plaisir.
M ais le jeune Belly semble plus s'intéresser à la pratique artistique. Il apprend la miniature (sa
mère était miniaturiste) ; il copie des œ uvres au Louvre ; il voyage en province avec son ami
et critique d'art Emile M ichel et, quelques années plus tard, il séjourne à Barbizon. Il y
rencontre Théodore R ousseau et Troyon, dont il apprendra beaucoup et qu'il considérera
comme ses maîtres. D'ailleurs, tout au long de sa carrière, il viendra régulièrement séjourner à
Barbizon ou à Fontainebleau pour étudier sur le motif avec des paysagistes du groupe.
Belly voyage, en Europe : Hollande (1848-1850), Italie (N ord : automne 1850 ; R ome,
Florence, Sicile : 1852-1853), Angleterre (Londres : 1857), en O rient également.
Son 1er voyage en O rient a lieu en 1850-1851. Il part comme dessinateur dans le cadre d'une
mission scientifique dirigée par L. F. C aignart de Saulcy, chargée d'étudier la géographie du
Bassin de la mer M orte. Après l'Italie du N ord et la Grèce, les membres de la mission visitent
la Syrie, la Palestine, l'Egypte, où Belly visite Le C aire et Alexandrie. Il revient en France au
cours de l'été 1851.
M ais ce voyage n'a pas satisfait complètement le peintre : il veut séjourner plus
longtemps en Egypte, et notamment au C aire pour connaître les gens, et s'attarder devant
les sites pittoresques .Il repart en octobre 1855 pour un séjour d'un an. Il s'est installé dans le
palais de Soliman Pacha, dans le vieux C aire. En 1856, il visite le Sinaï, la Basse Egypte,
remonte le N il jusqu'à Assouan avec d'autres artistes français (Gérôme, Berchère, Imer et le
sculpteur Bartholdi).
Deux ans plus tard, de l'automne 1857 jusqu'au printemps 1858, il fait un 3ème et dernier
voyage en Egypte.
En 1862, il se marie avec Laure K lose, petite fille de l'industriel alsacien Samuel
K œ chlin. Désormais, il n'y a plus de voyages ; Belly fonde une famille de 3 enfants, 2 fils et 1
fille quinaîtront entre 1863 et 1872. Il achète une propriété en Sologne pour y faire construire
un château où il séjourne avec sa famille une partie de l'année, à partir de 1871, quand il ne
vit pas dans son hôtel particulier parisien. M ais cette vie nouvelle, quiaurait dû être heureuse,
ne dure pas. En 1872, Belly tombe malade (paralysie progressive des membres) ; en 1876, il
13
perd sa mère et l'année suivante, il meurt à son domicile parisien.
Belly a envoyé régulièrement des œ uvres aux Salons parisiens à partir de 1853 et plusieurs
de ses tableaux ont été présentés aux Expositions U niverselles de 1855, 1867, 1878.
1878, c'est aussi l'année où une exposition rétrospective de ses œ uvres a été organisée à
l'Ecole des Beaux-Arts par l'Association des Artistes, présidée par le baron Taylor, en
hommage posthume.
Vue de C houbrah (Le C aire), 1862
Huile sur toile
H : 72, 5cm ; L : 93 cm
Le C aire, C lub des diplomates
Sous une voûte de verdure, un groupe de chameliers a fait une halte et se repose, profitant
de la fraîcheur de l'ombre et de l'eau de la crue du N il.
A l'arrière-plan, une caravane passe à proximité d'un village construit en terre où l'on
distingue les masses blanches de la coupole du tombeau d'un saint, du minaret d'une
mosquée.
La profondeur est suggérée par une succession de plans, constitués alternativement de
zones de zones d'ombre et de zones éclairées. Deux couleurs dominent : les ocres du sol,
de l'architecture, des chameaux et le vert profond des frondaisons qui envahissent la partie
supérieure du tableau. U n ciel presque mauve et quelques taches blanches, rouges (coiffures
des hommes), bleues (gandourah des chameliers, eau du N il), enrichissent la palette de ce
paysage.
Belly révèle ici son appartenance au mouvement paysagiste français de l'Ecole de
Barbizon. Les sycomores du 1er plan sont bien individualisés et on peut voir les
anfractuosités de leurs troncs noueux, la rugosité de l'écorce ; les formes des branches sont
précisément dessinées et surtout le feuillage se déploie dans le jeu des rayons du soleil.
Dans plusieurs courriers à sa mère, lors de son 2ème voyage en O rient, Belly
témoigne de sa prédilection pour ce type de paysage : « Plus on approche du N il et plus le
paysage devient m erveilleux : des arbres superbes, les racines baignées dans ces im m enses
lacs, se reflètentavec la plus parfaite exactitude dans les eaux tranquilles (...) » « le ciel d'une
pureté sereine, d'une tendresse ! En un m ot, l'harm onie la plus douce avec la lum ière la plus
étincelante » (27 octobre 1855). Q uelques mois plus tard, il écrit : « J'espère, à m on retour,
trouverRousseau contentde m on travail ; ce sera m a m eilleure récom pense.»
O n peut supposer que R ousseau a été satisfait, car ce tableau est un hommage à la
conception de la nature de son maître et un véritable hymne à l'arbre.
Dans les années 1850, C houbrah était un carrefour routier important, emprunté par les
caravanes, entre Le C aire et Alexandrie.
C 'était aussi le site du pavillon de plaisance du khédive et de l « Allée de C houbrah », lieu
célèbre de promenade avant les constructions dans le cadre des grandes transformations
urbaines du khédive Ismaïl. Aujourd'hui, C houbrah est un des quartiers les plus denses du
C aire, où résident 5 millions d'habitants.
ctor-- Pierre HU GU ET (Le Lude, Sarthe, 1835
V ictor
183535- Paris, 1902)
Biographie
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O n ne connaît pas les détails de la vie de Victor Huguet.
O n sait qu'il a commencé sa formation dans l'atelier du peintre Emile Loubon, à M arseille
(Loubon lui-même a voyagé en Palestine, en Syrie et probablement en Algérie) et qu'il a
bénéficié des conseils de Fromentin, à Paris. Loubon et Fromentin, ayant tous deux voyagé
en O rient, ont pu luidonner envie de partir à son tour. En tout cas, en 1852, il va en Egypte.
En 1853, il accompagne le peintre de marine HenriDurand-Brager en C rimée, avant le siège
de Sébastopol. Et plus tard, en 1861, il part en Algérie avec Jules M agy.
Si, de 1859 à 1863, il expose au Salon parisien des vues d’Egypte, de 1863 à 1888, il
envoie régulièrement des scènes inspirées de ses séjours en Algérie : caravanes, chameaux,
chevaux, chasses, marchés, douars, campements, bords de rivières...ainsi que des
paysages de la steppe ou des Aurès, où, comme la plupart des artistes de son temps,
Huguet s'attache à traduire la lumière du Sud.
aqueduc
e),
), vers 1868
R estes d'un aque
duc romain aux environs de C herchell (Algérie
Huile sur toile
H : 1, 06 m ; L : 1, 60m
R ouen, musée des Beaux-Arts
C e tableau n'est pas daté, mais il a été exposé au Salon parisien de 1868 ; il a donc été
réalisé dans les années 1860 (voyage en Algérie en 1861).
Paysage dominé par les vestiges d'un aqueduc romain, longé par un chemin montant vers
une colline à gauche. Au premier plan, quelques touffes d'herbes sont parsemées sur une
terre desséchée. A l'arrière-plan, bande horizontale bleutée : lointain ou mer ?
U ne famille nomade gravit le chemin : en tête, marchent des enfants et des jeunes
filles ; viennent ensuite deux dromadaires dont l'un porte le palanquin rouge où les femmes
s’abritent pendant le voyage. Deux hommes en burnous beige et turban avancent à côté des
bêtes.
La rangée des arches, la caravane et la lumière du soleil suivent toutes trois la même
oblique, ce qui confère une certaine stabilité à la composition. Harmonie aussi dans les
couleurs chaudes, presque en camaïeu -beiges, ocres, gamme de bruns- rehaussées de
quelques taches rouges (vêtements des fillettes, palanquin). L'opposition est ailleurs, entre
cette simple famille arabe nomade et la grandeur de la civilisation antique prés de laquelle elle
passe.
En menant la conquête et l'occupation de l'Algérie, l'Etat français et son armée ont fait
référence au modèle de R ome dont on découvrait les traces et les ruines, en pénétrant à
l'intérieur du pays : même combat de la civilisation contre la barbarie, même volonté de
domination par la force pour assurer la paix, même projet de mettre en valeur le territoire en
créant des routes, des ouvrages d'art et des colonies agricoles.
V ictor Huguet témoigne ici de cette attention portée aux vestiges de R ome à laquelle la
France doit succéder. Jacques Frémeaux, chercheur en sciences sociales, écrit en 1984
dans un article sur la question : « D ans ces m éditations (esthétiques), l'Arabe apparaît
com m e en contrepoint de la grandeur de la civilisation antique, com m e une im age de
l'abandon ».
C e pont franchissant l'oued Bellah avait 288 mètres de longueur et 26 m de hauteur
maximale. Sa partie supérieure s'est écroulée jusqu'au niveau des arches d'entretoisement
qui subsistent encore et qui devaient empêcher les déformations des piles. C e n'était donc
pas un aqueduc à 2 niveaux. Il date vraisemblablement de l'époque d'Hadrien (117- 138
après J.C .) et devait amener l'eau à C aesarea, actuelle C herchell, ville construite par Juba II
(52- 23 avant J.C .) pour en faire la capitale de son royaume de M aurétanie.
15
1821-- Paris, 1911)
Félix Z IEM (Beaune, 1821
Biographie :
Félix Ziem est né à Beaune en 1821 et est mort à Paris en 1911. Il commence sa
formation à l'Ecole des Beaux-Arts de Dijon, mais, ne pouvant poursuivre ses études à Paris,
il part dans le sud de la France. Dès lors, commence pour luiune longue série de voyages en
Europe et en O rient :
*1841 : Italie où il découvre Venise et l'atmosphère méditerranéenne,
*1842-- 1843
1843-- 1844 : Autriche, Allemagne, R ussie, Pologne
*1842
*1850 : Hollande
*1852
*1852 : Angleterre
*de 1842 à 1897: Italie
*1854,1856
1854,1856 : Egypte
*1857-- 1858 : Algérie
*1857
*1859 : Tunisie
1855-- 1856 : Turquie
*1848 ?, 1855
A Paris, il est en contact avec les paysagistes de l'Ecole de Barbizon (il peint la forêt
de Fontainebleau). M ais il consacre l'essentiel de son travail d'atelier à peindre
C onstantinople et Venise dans les multiples effets lumineux des divers moments de la journée
et des différentes saisons de l'année, surtout Venise que Ziem choisit comme sujet de
prédilection et lieu de séjours réguliers.
Très tôt, Ziem se constitue une clientèle quine cesse de croître, à tel point qu'il néglige
souvent de participer au Salon parisien : célèbre en France et à l'étranger, il peint des milliers
d'œ uvres (peintures et aquarelles) pour satisfaire la demande. Aujourd'hui, les œ uvres de
Ziem sont présentes dans de nombreux musées, en Europe (dans des musées de province
français et au Petit Palais, à Paris), en Amérique du N ord et du Sud, et même en Asie
(Japon).
Les Eaux douces d'Asie, à C onstantinople, sans date
Huile sur toile
H : 54cm ; L : 84 cm
R ennes, M usée des Beaux-Arts
C ette toile représente l'un des sites les plus pittoresques et les plus fréquentés des
environs de C onstantinople, appelé « Les Eaux douces d'Asie » pour l'une des rives et
« Les Eaux douces d'Europe » pour l'autre. Gérard de N erval nous en donne une
description proche de l'œ uvre de Ziem: « une prairie délicieuse et coupée d'eaux vives. Les
bois éclaircis avec art jetaient leur om bre par endroits sur les hautes herbes. (...) La prairie
étaitcouverte de m onde.Les teintes variées des costum es nuançaientla verdure com m e les
couleurs vives des fleurs surune pelouse au printem ps.»
O n ne peut dater cette œ uvre car l'artiste, comme beaucoup d'autres, a peint des tableaux
jusqu'à la fin de sa vie à partir de dessins et d'aquarelles réalisés « sur le motif », des années
auparavant. Ziem a peint de nombreuses vues de C onstantinople, aujourd'hui conservées
dans des musées français ; deux d'entre elles d'ailleurs portent le même titre que celle de
R ennes (C hantilly, Paris).
Le tableau est composé de bandes horizontales sur lesquelles se découpent les
frondaisons d'arbres jaunes et ocre-rouges. L'horizontalité marquée de ce tableau (les rives,
16
le fleuve, la silhouette de la ville) suggère le climat paisible que viennent goûter les
Stambouliotes, assis à l'ombre dans l'herbe parsemée de fleurs. Au-delà du paysage précis
représenté, le sujet du tableau semble être le flamboiement des couleurs, posées par petites
touches toutes en nuances pour figurer la végétation du 1er plan, les feuillages des arbres et
les costumes des hommes. Les bleus du fleuve et du ciel, loin d'être des couleurs froides,
illuminent les éléments du paysage. U n écrivain critique d'art, Théophile Gautier, définit bien
les qualités de Ziem : »D 'instinct, il choisit le point de vue particulier, l'effet rare, l'heure
caractéristique, la couleur étrange etspéciale » et « sur le fond réel de la nature, il faitchanter
com m e un chœ uraérien les m élodies de la couleur».
Au 20 e siècle, pour son biographe (Pierre M iquel), le style pictural de Ziem – palette
claire ou lumineuse, touches fractionnées – peut être qualifié de « pré-impressionniste ».
Gustave GU ILLAU M ET (Paris,
s, 1840 – Paris, 1887)
Biographie
Gustave Guillaumet est né le 26 mars 1840 à Paris. L'aisance de sa famille (son père
est teinturier à Puteaux) lui permet, à l'heure des choix professionnels, de faire des études
artistiques d'abord dans les ateliers de Picot et de Barrias, puis en 1857, à l'Ecole des
Beaux-Arts, avec Abel de Pujol pour maître. Lors du concours pour le Prix de R ome, en
1861, il est lauréat du 2ème prix (section « paysage »). L'année suivante (1862), il décide de
partir en Italie à ses frais, mais finalement, sur le chemin, il choisit d'aller en Algérie. Il se
retrouve à Biskra, immobilisé par une crise de paludisme. Soigné à l'hôpital militaire, il a le
temps de découvrir le Sud-Algérien où il reviendra séjourner une dizaine de fois, son dernier
voyage datant des années 1883-1884.
Après son 1er voyage, il expose au Salon parisien de 1863, une œ uvre quiconnaît un
grand succès : « Prière du soirdans le Sahara ».Désormais – et jusqu'à sa mort-, ses envois,
presque réguliers au Salon, seront constitués d'œ uvres inspirées par l'Algérie. Peut-être
grâce au soutien du conservateur Léonce Bénédite, l'Etat lui achète plusieurs œ uvres,
aujourd'huiau musée d'O rsay et dans plusieurs musées de province.
Fromentin, déjà, avait été séduit par le Sud : les Aurès avec Biskra, l’Atlas saharien et
ses oasis, Bou-Saâda et Laghouat, dite la porte du désert. M ais, lié au monde des officiers
de l'armée coloniale, il avait partagé leur admiration pour la vie des chefs féodaux de cette
région et c'est elle qu’ 'il avait évoquée dans ses tableaux. Guillaumet, lui, s'efforcera de
traduire la lumière, avec le plus de vérité possible, autant dans ses paysages quasidésertiques que dans ses vues de ksours. Il témoignera également des scènes humbles de
la vie quotidienne des populations du Sud.
Le Désert ou Le Sahara, 1867
Huile sur toile
H : 1, 10 m ; L : 2 m
Paris, M usée d'O rsay
Le Sahara, titre d'origine
Paysage aride, nu, désolé, composé d'une bande horizontale où se profile (au 1er plan
et au centre) la carcasse décharnée d'un chameau. A l'horizon, une lumière jaune et or
embrase le ciel là où le soleil vient de disparaître, laissant deviner l'apparition d'un mirage. La
profondeur du tableau est uniquement suggérée par la superposition de 3 bandes colorées,
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de la plus foncée dans la partie inférieure (bleue pour le sol), à la plus claire sous l'horizon
(mauve).
C e tableau est audacieux par son dépouillement (pas d'objets inutiles), par sa
simplicité dans la composition (rien ne distrait notre regard de la figure centrale du squelette),
par sa puissance d'évocation puisque cette représentation de la mort animale nous renvoie à
notre propre finitude et peut symboliser la lutte entre l'Homme et la N ature. D'ailleurs, voiciun
extrait des « Tableaux algériens » de Guillaumet sur le crépuscule (le choix de ce moment du
jour n'est pas dû au hasard, évidemment) :
« D ans l'atm osphère lim pide et sans brum e, on voit luire un disque de flam m e qui
s'abaisse lentem ent vers l'horizon.Le soleil, au term e de sa course, lance à la terre un adieu
suprêm e (…) Une dernière fois, tout enflam m é, il terrasse le regard ; puis, hardim ent, plonge
dans l'im m ensité, laissant après luicette m agnifique auréole, dont la décroissance rend son
départsim élancolique, etque la plaine reflète un m om entencore (…)
C 'estl'heure m ystérieuse où les ténèbres épaississentleurs voiles, où les couleurs se m êlent,
où les contours se noient, où toute chose s'assom brit, où toute voix se tait, où l'hom m e, à la
fin du jour, laisse flottersa pensée devantce quis'éteint, s'efface ets'évanouit».
ontfort-- sur
sur-- R isle, Eure, 1849 – R ouen, 1928)
Albert LEBO U R G (M ontfort
Biographie
Albert Lebourg est né à M ontfort-sur-R isle, petite commune de l'Eure, en N ormandie., le 1er
février 1849. Trois rencontres sont déterminantes pour sa carrière de peintre :
*celle d'un artiste local quidessine et peint d'après nature, dont l'exemple le décide à
devenir peintre plutôt qu'architecte. Il entre alors à l'école municipale de peinture et de dessin
de R ouen.
*celle d'un collectionneur qui achète une de ses œ uvres et lui propose de devenir
professeur de dessin à la Société des Beaux-Arts d'Alger. Lebourg accepte et part en Algérie
en octobre 1872. IL restera à Alger jusqu'en 1877 -excepté un bref séjour dans l'intérieur du
pays-.
*celle d'un jeune peintre lyonnais, Jean Seignemartin, presque du même âge que lui(il
mourra de phtisie, en 1875, à 27 ans), dont les études seront pour Lebourg « une
révélation ».Il luiapprend l'emploidu blanc pur et de la toile sans préparation...
De retour à Paris, Lebourg entre en contact avec les Impressionnistes et participe à deux de
leurs expositions (en 1879 et 1880), mais c'est au Salon des Artistes Français qu'il expose à
partir des années 1880.
Il perd sa femme alors qu'il a 45 ans (en 1894) et, trente ans plus tard, il est atteint de
paralysie et arrête de peindre. Il meurt à R ouen le 6 janvier 1928.
Les critiques d'art quil'ont connu parlent de luicomme un homme timide, réservé, modeste :
à plus de 30 ans, il va suivre les cours de Jean-Paul Laurens. Toujours inquiet, « il trouve
presque tout m auvais dans ses toiles, m ais tout m eilleur chez autrui». C ependant, il
s'attribue une qualité « le sens inné des accords etdes rapports de tons ».
U ne R ue à Alger, 1875
Huile sur toile
H : 45, 5 cm ; L : 37 cm
R ouen, M usée des Beaux-Arts
C 'est « Une Rue d'Alger» que Lebourg a représentée ici, baignée d'une lumière
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éblouissante, même si le bleu du ciel est légèrement troublé de vapeurs ouatées. Dans la
partie gauche, s'élève une grande maison traditionnelle (porte surmontée d'un arc
outrepassé, petites ouvertures, terrasse), dont le rez-de-chaussée est occupé par des
boutiques. Les commerçants ont bricolé des stores pour protéger leurs magasins et leurs
étalages de l'ardeur du soleil. Dans la partie droite, une femme, accompagnée de deux
enfants marche du côté de la rue à l'ombre, une charge sur la tête.
C e n'est pas l'aspect pittoresque de la rue qui intéresse ici Lebourg : d'ailleurs, la
maison ottomane, par exemple, a perdu son aspect d'origine puisque sa façade est percée
de fenêtres européennes. Les éléments empruntés à la réalité ne sont pas identifiables :
marchandises, charge sur la tête de la femme, enfants, sont traités avec des touches
rectangulaires, franches, souvent sans mélange de tons (noirs des encadrements des
ouvertures, bruns des volets, rouges des marchandises et de la figure de la femme...). Les
zones d'ombre sont claires (touches jaunes juxtaposées à touches blanches). Les coups de
pinceau sont visibles.
Le vraisujet ici, c'est la lumière et la manière de la traduire, particulièrement la lumière
réfléchie par un mur blanc. Le peintre emploie un blanc franc, presque pur (emprunt à
Seigne- martin) qui exprime l'intensité puissante de la lumière méditerranéenne. C ette
blancheur fortement présente au M aghreb et qui justifie le nom d' « Alger la Blanche » était
d'emblée remarquée (et notée) par les artistes dans leur correspondance ou leur récit de
voyage : Delacroix, à Tanger, R enoir à Alger.
Auguste R EN O IR (Limoges
moges,, 1841 – C agnes, Alpes
Alpes-- M aritimes, 1919
1919))
Biographie
R enoir naît à Limoges le 25 février 1841 dans une famille modeste de 7 enfants ; son
père est tailleur ; sa mère ouvrière en robes. En 1844, la famille s'installe à Paris. Dans les
années 1850, le jeune R enoir est en apprentissage chez un peintre en porcelaine et,
parallèlement, il prend des cours de dessin dans une école. Puis, il travaille dans un atelier de
décoration de stores.
C 'est à partir de 1861 qu'il commence vraiment sa vie d'artiste : il entre dans l'atelier
de Gleyre, puis en 1862, à l’Ecole des Beaux-Arts. Il fait alors la connaissance de Sisley,
Bazille, M onet. Il travaille parfois avec ses amis dans la forêt de Fontainebleau ou sur les
bords de la Seine.
C 'est juste après la guerre de 1870-1871 où il est mobilisé, qu'il peint quelques
tableaux orientalisants (« Parisiennes habillées en Algériennes », « Portrait de M adame
Stota ») et quelques années plus tard, une copie de la « N oce juive » de Delacroix qu'il
admire. Il participe aux 2éme et 3éme expositions des Impressionnistes, en 1876 et 1877,
mais sa participation ne sera pas régulière.
Plusieurs événements intéressants pour
notre sujet surviennent dans les années 1880. Il rencontre Aline C harigot, jeune couturière qui
lui sert de modèle, qui deviendra sa femme et qui l'accompagnera en Algérie lors de son
2ème voyage en Algérie. Son 1er voyage en Algérie a lieu en effet en mars-avril 1881, puis,
après un voyage en Italie, il en fait un 2ème en 1882, à nouveau en mars-avril, sur conseil de
son médecin. Il prévoit de rester 15 jours. Il y reste finalement 6 semaines.
Dès son 1er séjour à Alger, R enoir, qui est venu découvrir « le pays du soleil » et une
atmosphère différente de celle de Paris, est enthousiasmé par la fertilité de la terre, la
douceur du climat et par la luxuriance de la végétation qu'il exprime dans 2 paysages des
environs d'Alger : « Le R avin de la femme sauvage » et « C hamp de bananiers ».
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C hamp de bananiers, 1881
Huile sur toile
H : 51,5cm ; H : 63,5cm
Paris, M usée d'O rsay
C ette toile date de 1881, donc du 1er voyage en Algérie de R enoir, au cours
duquel l'artiste s'est attaché à peindre principalement des paysages des environs
d'Alger. Elle représente une vue de bananeraie dans M ustapha inférieur où R enoir habitait,
selon certaines sources, dans le Jardin d'Essaidu Hamma, selon d'autres sources, devenus
aujourd'hui deux quartiers dans le sud d'Alger. A la fin du 19e siècle, des colons européens
ont importé des variétés de pays étrangers, notamment des bananiers d'Amérique du Sud et
ont testé leur culture et leur rentabilité commerciale. Les bananes se vendaient à Alger, mais
difficilement transportables, elles ne pouvaient être exportées : c'est la raison pour laquelle on
a dû abandonner leur culture.
La vue plonge légèrement dans la masse dense
dense des feuillages de bananiers qui
occupent presque toute la surface du tableau ; dans la partie inférieure, des touffes
d'herbe ne laissent aucun vide entre les troncs des arbres ; dans la partie supérieure, Alger,
d'un blanc éclatant, émerge d'un camaïeu de bleus : bleus du ciel, de la mer, des collines à
l'est. L'artiste a dit un jour : »En Algérie, j'aidécouvertle blanc ».
R enoir a travaillé la matière picturale avec des touches, des hachures, des
che
he: des bleus, du jaune, de l'ocre,
empâtements, en utilisant une palette extrêmement ric
he
du rouge au milieu de verts aux multiples nuances et quelques notes blanches pour créer la
sensation de lumière. Il n'y a plus de perspective ni de valeurs conventionnelles pour
suggérer la profondeur. C 'est la peinture seule (la matière), qui, en saturant la toile,
exprime la luxuriance de la végétation.
Paul LER O Y (Paris, 1860 – Paris, 1942)
Biographie
Paul-Alexandre-Alfred Leroy naît le 27 décembre 1860 à Paris ; son père, appelé pour
ses affaires en R ussie, emmène en 1864 sa famille à O dessa où le jeune Leroy passe
enfance et adolescence jusqu'à 17 ans. En 1874, il entre à l'Ecole des Beaux-Arts de la ville
et, quelques années plus tard, finit sa formation à Paris, à l'Ecole des Beaux-Arts (C abanel) et
le soir, chez Adolphe Yvon. Il se lie alors à Georges Landelle, fils du peintre orientaliste
C harles Landelle (leurs 2 familles séjourneront parfois ensemble en Algérie).
Ses débuts dans la peinture sont très vite marqués par des succès et des achats
officiels. Sa réussite au Prix de R ome (3ème grand prix en 1882 ; 2ème premier grand prix
en1884) lui permet d'obtenir des bourses de voyage, d'abord pour l'Italie, où il découvre les
œ uvres des grands maîtres, et aussil'art byzantin, ensuite pour l'O rient.
*En 1884, son 1er voyage en O rient dure 4 mois pendant lesquels il visite
C onstantinople et l'Egypte : il en rapporte des études, des céramiques qu'il fera figurer dans
les décors orientaux de ses tableaux et surtout le désir de retourner en Afrique du N ord.
*En 1885, il découvre l'Algérie et la Tunisie, notamment Alger et la région de
Biskra où il retournera en 1887, 1889, 1891 et 1892.
Il participe régulièrement aux Salons parisiens en envoyant des tableaux sur l'Algérie,
des portraits, des scènes religieuses ou mythologiques dans lesquelles il introduit des
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éléments de la vie algérienne contemporaine. Les décors religieux qu'il exécute pour
plusieurs églises révèlent l'influence de l'art byzantin qui l'avait impressionné à R avenne et à
Istanbul.
En 1904, il se marie et séjourne en Algérie une dernière fois. En effet, après la
naissance de ses enfants, ses déplacements se limiteront aux provinces françaises. Le
peintre travaille toujours mais les commandes sont moins nombreuses pendant la 2ème
partie de sa vie, malgré le regain d'intérêt pour les peintres orientalistes lors de l'Exposition
coloniale de 1931. Il tombe malade en 1941 et meurt le 15 juin 1942.
Paul Leroy, amide Dinet, avait appris l'arabe avec luià l'Ecole des Langues orientales ;
ensemble, ils faisaient des traductions et s'intéressaient à l'art islamique dont la préservation
était l'un des objectifs de la Société des Peintres orientalistes qu'ils ont fondée en 1893, avec
d'autres artistes comme Girardet, Lunois, Perret, Bompard, C ottet etc...
Sa fille, Sacha Leroy, lui a consacré un ouvrage, très précieux pour connaître sa vie et les
conditions de sa production picturale.
L'O ued à Biskra, vers 1885
Huile sur toile
H : 54, 5 cm ; L : 65, 2 cm
Brest, M usée des Beaux-Arts
Tableau représentant l'oued Biskra, dans les environs de l'oasis du même nom, située
dans les Aurès. Le paysage est schématiquement composé de 4 bandes superposées,
légèrement obliques ou horizontales. Au 1er plan, des galets animent la composition, par la
diversité de leurs couleurs et la variété de leurs dimensions. Au-dessus, un immense espace
désolé et écrasé de soleil, s'étend entre ciel et eau.
Tout est subtilité dans ce paysage : les reflets du ciel dans l'oued bleu et clair ; le
camaïeu de beiges et d'ocres pâles pour figurer le désert ; quelques traits d'ocre foncé
suggérant un léger relief ; les tons mauves et roses de la montagne se profilant à l'horizon. N i
trace de vie, niombre, mais émerveillement devant la sobriété, l'harmonie et la sérénité de ce
paysage (on est loin de la vision dramatique du désert de Guillaumet où désert = mort). M ais
ce paysage a un aspect quelque peu irréel aussi par la juxtaposition du désert, par essence
aride, et de cette eau pure.
Selon Sacha Leroy, ce paysage aurait été réalisé au cours du 2ème voyage de Paul
Leroy à Biskra, en novembre 1885. L'auteur note à son propos :
« La charm ante vue d'un oued aux eaux transparentes peuplées de cailloux ronds et polis
com m e des dragées, retient longuem ent ses pinceaux aux touches légères et fondues, aux
délicates notations de couleurs nuancées ».
Elle précise aussique cette région avec «le désert, ses sables d'or, les m ontagnes de l'Aurès,
toujours roses dans la lum ière légère, produisirent sur Paul Leroy une im périssable
im pression ».
1907))
Eugène GIR AR DET (Paris,
s, 1853 – Paris, 1907
Biographie
Eugène-Alexis Girardet est né à Paris le 31 mai 1853, dans une famille où l'on
comptait des artistes depuis le 18ème siècle. Son grand-père, d'origine suisse, était venu
s'installer à Paris au début du 19ème siècle ; son père, Paul, avait exécuté des gravures
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représentant des épisodes de la guerre coloniale en Algérie ; ses oncles, K arl et Edouard
Girardet, avaient voyagé en Egypte et en avaient rapporté des sujets de tableaux ; l'un d'eux
connaissait même le Sud Algérien. Plus tard, ses 4 frères deviendraient peintres ou graveurs.
Tout naturellement, Eugène entra à l'Ecole des Beaux-Arts, dans l'atelier de Gérôme,
mais il eut « une indigestion de ces académ ies » et préféra aller étudier d'après nature ces
pays dont lui avaient parlé ses oncles. En 1874, il partit au M aroc et en Algérie, en passant
par l'Espagne. Les paysages et la vie en Afrique du N ord l'enthousiasmèrent et constituèrent
désormais les principaux sujets de sa production picturale.
Bien que fixé à Paris, il partait souvent au M aghreb
*1875 : M aroc et Algérie
*1877 : Tunisie
*1877-1878 : M aroc et Algérie
*1880 : Sud-Algérien
Il fit encore 8 voyages au M aghreb, mais visita aussil'Asie mineure et, en 1898, l'Egypte et la
Palestine.
Il présenta régulièrement aux Salons parisiens ses tableaux pittoresques sur la vie des
populations du Sud-Algérien quieurent du succès (Salons parisiens de 1875 à 1889, puis de
1904 à 1906. Société N ationale des Beaux-Arts de 1890 à 1903). Il participa également aux
expositions de la Société des Peintres orientalistes, dont il était membre (de 1896 à 1906). La
Société des Peintres O rientalistes organisa d'ailleurs une exposition rétrospective de ses
œ uvres en 1908.
Bou-- Saâda, avant 1898
C aravanes dans les dunes de Bou
1898 : date de l'exposition nantaise à l'occasion de laquelle le tableau a été acheté
Huile sur toile
H : 67, 7 cm ; L : 1, 08m
N antes, M usée des Beaux-Arts
U ne caravane, au sortir d'un défilé montagneux de l'Atlas saharien, gravit le versant
d'une dune. U n vieillard à dos de chameau et une fillette conduisant un âne avancent en tête
de la file. Le vieillard, protégé du soleil par le turban et le burnous, tient un bâton pour diriger
l'animal. La petite fille, vêtue d'une longue robe rouge, a un visage souriant encadré d'un
voile blanc ; elle tient un chien en laisse et marche derrière l'âne qui porte les ustensiles de
cuisine et du bois mort. A l'arrière-plan, à gauche, arrive la suite de la caravane, chameaux,
ânes et hommes, précédée de 2 femmes portant, l'une un fagot sur le dos, l'autre, un enfant
dans ses bras.
Pour représenter les teintes variées des roches, le peintre a juxtaposé de multiples
touches de couleurs (orangé, vert, ocre, gris, beige, jaune...) et pour indiquer l'intensité du
soleil, il traite les ombres dans des verts, des bleus qui contrastent fortement avec le sable
jaune des dunes. Q uelques touffes de végétation épineuse, franchement vertes, donnent un
peu de fraîcheur à ce paysage aride et écrasé de chaleur sous un ciel pur. Les ombres claires
ou traitées à partir de contrastes de couleurs complémentaires sont des emprunts à
l'Impressionnisme, mais il n'y a pas ici dissolution des formes. A l'occasion de l'exposition
rétrospective des œ uvres d'Eugène Girardet, Léonce Bénédite écrit à propos de la technique
du peintre pour rendre l'atmosphère éblouissante du Sud-Algérien : « Sa palette s'éclaircit, sa
vision s'exalte et s'égaie ; sa brosse courait, plus rapide et plus alerte, pour traduire toutes
ces sensations exquises de lum ière etde couleur».
Dans les années 1890, l'appauvrissement des populations musulmanes, leurs
conditions de vie de plus en plus misérables faisaient débat dans la classe politique : en mars
1891, le Sénat constitue une commission d'enquête qui, pendant 53 jours, se déplace dans
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toute l'Algérie. Selon l'historien C harles-R obert Ageron, « Les sénateurs furentim pressionnés
par l'unanim ité des dépositions m usulm anes et la protestation m uette des m iséreux ». Dans
son rapport, Jules Ferry écrivait : « N ous les avons vues, ces tribus lam entables que la
colonisation refoule, que le séquestre écrase, que le régim e forestier pourchasse et
appauvrit...Il nous a sem blé qu'il se passait là quelque chose qui n'est pas digne de la
France, quin'estnide bonne justice, nide politique prévoyante ».
C onclusion
V isions donc très diverses, voire contrastées, de paysages orientaux tant dans leur nature
propre (le désert, le champ de bananiers, par exemple) que dans le style pictural des artistes,
style lui-même lié à leur sensibilité, à leurs préoccupations personnelles et à l'évolution de la
conception du paysage et de la peinture au 19e siècle, dont nous parlera Patricia PlaudDilhuit au cours des 2 prochaines séances.
M arie C olette Depierre.
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