Sardou, père et fils, une scène de famille
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Sardou, père et fils, une scène de famille
EN SCÈNES Xavier Mortimer L’hebdo urbain pour vivre et consommer malin aux Mathurins N°191 - DU JEUDI 9 AU MERCREDI 15 OCTOBRE 2008 - ÉDITION PARIS & 1ÈRE COURONNE www.ParuVenduParis.com Xavier Mortimer nous emporte dans sa rêverie et on se laisse charmer PAGE 11 par sa maîtrise du jeu. EN CAPITALES “Barack Obama in Paris” Peintures, photographies, sculptures, téléconférence en direct avec les États-Unis et débats autour de Barack Obama, PAGE 7 à la Dorothy’s gallery dans le 11e. Sardou, père et fils, une scène de famille Le Cent Quatre ouvre samedi Après deux ans de travaux, les anciennes pompes funèbres de la Ville de Paris se transforment en un établissement artistique unique au monde. Tout le programme de l’inauguration du samedi 11 octobre. PAGE 6 SPORT & FORME Top départ des 20kms de Paris ! 20.000 coureurs seront au départ de la célèbre course pédestre de Paris, le dimanche 12 octobre, aux pieds de la Tour Eiffel. PAGE 16 © SYLVI À LA UNE M L’hebdo des bons plans et des petites annonces - 09 Octobre 2008 ichel Sardou joue pour la première fois aux côtés de son fils Davy dans Secret de famille, une comédie de mœurs grinçante écrite spécialement pour lui et à sa mesure par Éric Assous et mise en scène par Jean-Luc Moreau, au Théâtre des Variétés. Père et fils dans la vie, les voici père et fils à la scène dans Secret de famille, poursuivant en quelque sorte la longue dynastie des Sardou, comédiens et bateleurs depuis 1850, s’inscrivant dans la lignée des Brasseur ou des Bouglione. Michel Sardou incarne Pierre, parolier à succès de chansons, qui, divorcé, a élevé seul son fils, qui doit bientôt épouser Clémence, une blonde superbe dont il est follement épris. Seulement voilà : la belle Clémence n’est pas si pressée de se retrouver la bague au doigt car elle n’est pas amoureuse du fils mais du père ! Un personnage ambigu dans lequel il se glisse avec délectation, ravi de renouer avec les planches après ses précédents essais (Bagatelles, Comédie privée et L’homme en question). Toutefois, il nous a semblés intéressant de rencontrer Davy Sardou pour découvrir ce comédien qui mérite d’être plus connu, de connaître ses impressions, son parcours, ses aspirations et le regard qu’il porte sur la carrière de son père. ✒ Interview recueillie par Dominique PARRAVANO Davy Sardou “SECRET DE FAMILE” AU THÉÂTRE DES VARIÉTÉS Vous avez raté un numéro de ParuVendu ? Consultez-le ou téléchargez-le chaque semaine gratuitement sur 4 “Au théâtre, mon père est très humble...” www.ParuVenduParis.com Vous sortez du succès d’Oscar, pièce mise en scène par Philippe Hersen, avec Bernard Farcy, Chantal Ladesou, Vincent Moscato... au Théâtre du Gymnase. Quels souvenirs gardez-vous de cette pièce de Claude Magnier, qui avait 50 ans d’existence ? J’en garde un très bon souvenir. Cela m’a permis d’être vu sur une grande scène parisienne dans un grand succès populaire car ma précédente pièce Arsenic et vieilles dentelles de Joseph Kesselring je l’avais jouée au Théatre de la Tête d’Or à Lyon. Vous remontez sur scène avec votre père. Quels sentiments éprouve-t-on lorsque l’on donne la réplique à son père ? Je ne savais pas s’il allait accepter mon idée de jouer avec lui. Tout s’est fait simplement et, sur scène, le courant passe entre nous deux, très naturellement. Quand je joue, je ne pense pas que c’est mon père. Je suis dans mon rôle. On dissocie le côté travail du côté famille. Et puis, j’ai plus de pièces que lui à mon compteur ! (rires) C’est la seconde fois car la première fois c’était dans L’homme en question de Félicien Marceau, mise en scène par Jean-Luc Tardieu… Sauf que dans cette pièce nous jouions le même personnage. En fait, on ne jouait pas ensemble, on se croisait. Là, nous sommes vraiment ensemble. Et, cette pièce fut surtout la première que vous ayez jouée en France car ce qu’on ne sait pas toujours c’est qu’à 20 ans, vous avez suivi des cours de théâtre à New York. Pour quelles raisons êtes-vous parti aux USA ? C’est un choix et un rêve de gosse. Mon père voulait que je sois bilingue. J’y suis resté quatre ans. Beaucoup de mes idoles sont américaines et le cinéma américain m’a bercé. Et puis, dans nos métiers, beaucoup de choses s’y passent. C’est un vrai foisonnement artistique, un bouillonnement culturel permanent. Ils font beaucoup de lectures de jeunes auteurs l’après-midi, il y a beaucoup de show-case. Quand on a 20 ans, c’est une formidable expérience car, du coup, je suis bilingue. C’est d’autant plus enrichissant d’apprendre mon métier que ce n’est pas ma langue maternelle. Et, prouesse, à 20 ans, vous jouiez déjà Les Créanciers de Strindberg au Sanford Meisner Theater New York... Oui, tout à fait, ce fut ma première pièce avant de jouer en 1999 Les Trois Soeurs de Anton Tchekov, mise en scène par George Loros, au Pantheon Theater New York où j’ai remplacé au pied levé un comédien. Comment votre père, qui voue une passion au métier difficile et exigeant de comédien, a-t-il réagi lorsqu’il vous a vu sur scène aux USA pour la première fois ? Il a eu très peur car lorsqu’il est venu, il est arrivé le premier dans la salle et le public arrive très tard aux USA. Il a angoissé à l’idée que je puisse jouer devant une salle vide car il est venu à la seconde représentation et toute l’énergie était un peu retombée. Il était très fier avec ma mère et mon frère. Toutefois, mon père est très pudique et peu expansif. Mais, j’avoue que de me voir, avec des béquilles, jouer en anglais dans un tout petit théâtre défraîchi l’a bluffé ! En France, vous avez joué des pièces plus légères, de boulevard comme Oscar, Copier/Coller de Jean-Marie Chevret, ou Arsenic et vieilles dentelles de Joseph Kesselring et aujourd’hui Secret de famille. Quel est votre genre de prédilection ? Les deux me plaisent. Il n’y a pas un genre plus facile qu’un autre. Je suis sensible au texte, à l’écriture. J’aime autant Molière, Shakespeare, Hugo ou Musset qu’Anouilh, Feydeau ou d’autres auteurs plus contemporains. Allez-vous vous voir réciproquement sur scène ? Mon père est toujours venu me voir quand il a pu et moi également. On aime se voir sur scène. C’est important pour nous d’échanger, d’avoir l’avis de l’autre sans flagornerie. Un mot justement sur Eric Assous, l’auteur de Secret de famille ? Je l’aime beaucoup. J’aime son écriture. Il y a plein d’intrigues, d’ellipses avec un vrai sens de l’intrigue. C’est très bien écrit, subtile, très drôle avec un vrai sens du comique de situation. Il est très souple et à l’écoute des comédiens. Qu’est-ce qui vous a plu dans cette pièce outre le fait de donner la réplique à votre père ? C’est un régal car c‘est beaucoup plus méchant qu’un vaudeville parce qu’on rit d’une situation amorale. Oscar vous a-t-il aidé à endosser ce rôle ? Ah oui ! Bien sûr ! Beaucoup ! Là, c’est un jeune homme amoureux très candide et naïf. C’est sa première claque amoureuse. Puise-t-on des choses personnelles ? Tout à fait ! Surtout quand on s’est fait plaquer ! Je pense que c’est très difficile de jouer la rupture quand on ne l’a pas vécue. qu’il doit tous les soirs jouer juste. C’est pour lui un moteur car c‘est un art à la fois créatif et collectif. Il sait qu’il faut se mouiller, aller au fond de soi et chercher son jeu dans le regard de l’autre. Il était vidé après les répétitions. Il a conscience que c’est un métier plus exigeant et difficile que celui de chanteur et qu’on l’attend au tournant ! “ Pour faire carrière, être “fils de” ne change rien. Le talent n'est pas héréditaire. (...). Certains deviennent artistes par conviction et d'autres par dépit... Seul le temps peut dire si on mérite sa place dans ce métier... Il a d’ailleurs l’air de prendre du plaisir... Mon père se délecte à jouer ce genre de comédie avec des armes comme la mauvaise foi et le mensonge. Et, de penser que sa future belle-fille est amoureuse de lui –ce qui le met dans une situation impossible avec son fils qui ignore tout ça– l’amuse beaucoup ! Je trouve qu’il se libère et qu’il se laisse de plus en plus aller sur scène. Depuis quand avez-vous cette passion du théâtre ? Oh ! Depuis tout jeune, cela doit être dans les gènes ! J’allais au théâtre avec mes parents. Je me souviens du Canard à l’orange avec Jean Poiret, de L’amuse-gueule avec Daniel Auteuil ou de Double Mixte. Je regardais Au théâtre ce soir à la télé. À New-York, j’allais sans arrêt au théâtre. J’étais boulimique de pièces. C’est une vraie passion. Vous avez tourné dans Black and White de James Toback, Blind Date et The Bum de Greg Egan. Aimeriez-vous faire davantage de cinéma ? Ce furent mes premiers tournages professionnels. J’en garde un souvenir fabuleux. Oui, j’aimerais faire davantage de cinéma. J’aime Patrice Leconte, Bertrand Blier, Jean Genet, Olivier Dahan... J’ai fait surtout beaucoup de téléfilms comme Crédit pour un meurtre pour TF1, Profils Criminels sur M6, Navarro, Léa Parker, etc. Espérer, extraite de l’album Du plaisir… Oui, c’est vrai. J’ai adoré surtout faire le clip avec Bernard Schmitt car j’ai pu sécher deux semaines de vacances pour le tournage ! Quant à la chanson Espérer, extraite de l’album Du Plaisir, c’est un peu un hasard. Il cherchait une musique et on l’a commencé ensemble. Quel regard portez-vous sur la carrière de votre père ? C’est un exemple de carrière irréprochable. C’est quelqu’un qui a toujours gardé son intégrité artistique. Il a toujours fait ce qu’il a aimé, n’ayant jamais cédé aux facilités, à la mode. C’est un exemple de longévité et de constance dans la qualité des chansons. Et, c’est quand même l’une des plus belles voix du métier ! Oui, quelle voix ! Et, sa voix a bien évolué. J’ai adoré sa voix surtout à la fin des années 80 et au début des années 90. Quelles sont les chansons préférées de votre père ? J’adore des chansons qui n’ont pas spécialement été, pour certaines, des gros tubes comme L’acteur, Le successeur, Putain de temps, Vladimir Ilitch, Il était là dans ce fauteuil, Une fille aux yeux clairs ou plus récemment Les yeux de mon père. Vous aimez les chansons qui ont davantage trait à la filiation… Oui, c’est vrai forcément, cela a plus d’écho chez moi surtout des chansons comme L’acteur, Le successeur, Il était là dans ce fauteuil. J’avoue qu’elles sont magnifiques. Enfin, êtes-vous satisfait de votre parcours ? Je le trouve insuffisant. Toutefois, je suis content de mon évolution. J’adore ce métier. Je ne veux pas m’arrêter de travailler. Je veux toujours me laisser surprendre et découvrir. La mise en scène me plairait. Est-il plus difficile de faire carrière quand on est un "fils de", et, en ce qui vous concerne, un "petit-fils et arrière petit-fils de" ? Cela facilite plein de choses, bien entendu, surtout au niveau des connexions, des réseaux dans le métier. C'est sûr qu'en cela, on bénéficie d'un sacré raccourci. Mais, pour faire carrière cela ne change rien. Le talent n'est pas héréditaire. Ce n'est pas parce que votre père sait bien chanter que vous chantez forcément bien ! Cela représente aussi beaucoup d'inconvénients car les gens sont médisants. Certains deviennent artistes par conviction et d'autres par dépit... Seul le temps peut dire si on mérite sa place dans le métier. Le métier de chanteur ne vous attire pas ? Non, car il y aurait forcément trop de lien direct avec mon père et j’aime les mêmes choses que lui. Par contre, j’adore les comédies musicales. J’ai vu Cabaret, Le roi lion et bien d’autres. PHOTOS © AGENCE ANGELI “SECRET DE FAMILE” THÉÂTRE DES VARIÉTÉS Du plaisir ! Aller voir Michel Sardou au théâtre peut apparaître comme une hérésie pour l’intelligentsia. Toutefois, c’est mal connaître le pedigree de l’artiste quand on sait qu’il a commencé par une formation d’acteur dramatique et que le théâtre a toujours été une viscérale passion assumée très tard. Au même titre qu’on n’a jamais pardonné à Sardou d’être un chanteur de droite, comme une offense aux bonnes mœurs, le milieu artistique et médiatique a du mal à accorder à Michel Sardou le droit d’exister sur les planches d’un théâtre. «On l’attend au tournant» lâche même son fils. En chansons, l’intelligentsia le décréta infréquentable, respirant la démagogie, puant le bon sens, avançant à l’instinct, le résumant à quelques couplets incendiaires qu’il ne referait pas aujourd’hui. Mais on n’est pas toujours l’homme de ses chansons, comme il l’a chanté. Qu’importe, Sardou, indocile, n’en fait qu’à sa tête et il sait au fond de lui, qu’il bénéficie d’un fort soutien populaire. Au théâtre, on l’attend au tournant. C’est le jeu. C’est de bonne guerre. Une guerre qu’il est prêt à livrer, lui qui a l’habitude des malentendus car n’est pas comédien qui veut et Sardou le sait. Il sait qu’au théâtre, la discipline est exigeante et que chaque soir le ton doit être juste et ne souffre pas l’imprécision, l’àpeu près des jours chagrins. Le revoilà donc dans sa quatrième pièce, Secret de famille, une comédie de mœurs grinçante écrite spécialement pour lui par Éric Assous, donnant la réplique à son fils Davy, poursuivant la longue dynastie des Sardou, comédiens et bateleurs depuis 1850. Michel Sardou incarne Pierre, parolier à succès de chansons, qui, divorcé, a élevé seul son fils, qui doit bientôt épouser Clémence. Seulement voilà, la belle Clémence n’est pas amoureuse du fils mais du père ! Un personnage ambigu dans lequel Michel Sardou se glisse avec délectation. Sardou, dans la peau d’un autre, comme pour se reposer de son image de chanteur... Certains estimeront que sa composition n’est que le reflet de son image. L’artiste est lucide. Il joue sur les tableaux. Plaire, déplaire... au fond, ça l’amuse. Et, il s'amuse dans cette comédie amorale où une vérité à demi avouée ne cesse d’en cacher une suivante prête à imploser. Se refilant mine de rien la patate chaude (qui est l'amant de la belle, vive et pétillante Clémence ? ), les comédiens, cornaqués par le metteur en scène JeanLuc Moreau, d'une parfaite sincérité, s'en donnent à cœur joie, faisant éclater les rires d'un public conquis après les avoir fait grincer. Eric Assous conduit sa comédie comme Agatha Christie et ses Dix petits nègres en déplacant la suspicion de l'un à l'autre avec un vrai sens du suspens. Son humour allégrement grinçant et vachard fait mouche avec des répliques à l’emporte-pièce face à une langue de bois, des mensonges et des quiproquos qui cherchent à sauver la mise, laissant le soin au metteur en scène d’affiner la palette des sentiments et autres ressentiments dans une gamme subtile d'attitudes et de gestes qui en disent long sur les comportements contradictoires et complexes des mœurs familiales, amicales, du couple et du métier de la chanson. La conscience boîteuse, Michel Sardou se régale de cette situation amorale avec des mimiques outrées, des expressions outrepassées, des attitudes indignées ou gênées. Michel Sardou fait son miel des dialogues d'Eric Assous qui use avec un plaisir gourmand de l'autodérision, de l'image de chanteur patibulaire et taciturne qui lui colle à la peau. Quant à Davy Sardou, qui compte à son pedigree plus de pièces que son père, son jeu, qui ressemble à celui qu'il incarnait dans Oscar, est juste et efficace. Il endosse à merveille le costume de l'amoureux candide et naïf qui doute et souffre. Une bonne comédie sans prétention, mise en scène avec allégresse, qui demande du souffle et du jarret. Et, Michel Sardou n’en manque pas, continûment en scène, entouré d'une excellente distribution, dont l’admirable Laurent Spielvogel. “ Sa composition est ici et là le reflet de son image. Il joue sur les tableaux. Plaire, déplaire... Au fond, Sardou, ça l’amuse !” L’hebdo des bons plans et des petites annonces - 09 Octobre 2008 la chance de rencontrer des professeurs avec lesquels je me suis bien entendu. Pour l’anecdote, le jour du décès de ma grand-mère, j’ai signé mon premier contrat de théâtre. ✒ Dominique PARRAVANO En bas, de gauche à droite : Jean-Luc Moreau (metteur en scène), Elisa Servier, Michel Sardou, Mathilde Penin. En haut, de gauche à droite : Laurent Spielvogel, Davy Sardou et Rita Brantalou. À gauche, l’équipe de “Secret de famille”. Ci-dessus, Michel et Davy Sardou sur la scène du Théâtre des Variétés. QUAND ? Du mardi au samedi à 20h30. Matinées : samedi à 17h30 et dimanche à 17h00. OÙ ? Théâtre des Variétés, 7 boulevard Montmartre, Paris 2e. Tél. : 01 42 33 09 92. 5