Actualité - Le Matin Dimanche
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Etonnant, l’usurpation d’identité sur Internet n’est pas une infraction pénale Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’usurpation d’identité n’est pas punie en Suisse. Raphaël Comte, le conseiller aux Etats (PLR/NE), demande au Conseil fédéral de changer la loi. C’est un vide juridique étonnant. La loi suisse punit le fait de s’approprier les documents d’identité ou d’accéder au système informatique d’autrui. Mais rien ne stipule qu’il est interdit de se faire passer pour quelqu’un d’autre sur Internet. En clair, pirater le mail ou le profil Facebook d’un autre est punissable. Mais ouvrir carrément un nouveau compte à son nom ne l’est pas. Or, avec les progrès technologiques, notre vie est de plus en plus virtuelle et les problèmes liés à cette question ne feront qu’augmenter. Raphaël Comte (PLR/NE) en est convaincu et il tire donc la sonnette d’alarme dans une motion. Il demande au Conseil fédéral de considérer l’usurpation d’identité comme un délit pénal. «Aujourd’hui, explique le conseiller aux Etats, si quelqu’un se fait passer pour autrui sur Internet, il peut être puni pour escroquerie ou pour atteinte à la personnalité en cas de diffamation. Mais l’usurpation d’identité n’est même pas considérée comme une circonstance aggravante alors qu’elle prouve une certaine préméditation. » Raphaël Comte laisse au Conseil fédéral le soin de concocter le détail de l’infraction. Y compris les sanctions: «Il faudrait un système avec des amendes et/ou des peines privatives de liberté», précise-t-il. Le conseiller aux Etats fait cette proposition dans le cadre d’un groupe de Le conseiller aux Etats fait cette proposition dans le cadre d’un groupe de travail du PLR – où siège notamment la conseillère d’Etat vaudoise Jacqueline de Quattro – sur la sécurité des moyens modernes de communication. Un papier de position plus complet devrait arriver prochainement. Les spécialistes acquiescent En attendant, Sébastien Fanti, avocat spécialisé dans les nouvelles technologies, applaudit des deux mains la proposition de Raphaël Comte: «Je dénonce ce vide juridique depuis longtemps, commente-t-il. Car de nos jours, un acte de ce type peut détruire la vie de quelqu’un. » Reste évidemment la question de l’efficacité d’une telle loi. Après tout, les réseaux sociaux ou les messageries les plus populaires sont aux Etats-Unis. «Il est clair que Facebook ou Tweeter ne coopèrent jamais, ajoute le spécialiste. Mais cela ne signifie pas qu’il est inutile de légiférer. » Sébastien Fanti est convaincu qu’une loi serait très utile pour tous les sites Internet hébergés en Suisse et qu’elle serait assez efficace pour les plaintes en Europe. Concernant les Etats-Unis, il y a d’autres moyens d’agir. «D’abord, il faut mener toute une réflexion sur le délai de conservation des données. En Suisse, nous venons de l’augmenter de 6 à 12 mois. Mais s’il faut obtenir une commission rogatoire pour retrouver l’utilisateur d’un site espagnol et que la victime ne porte plainte qu’au bout de quelques mois, ce sera difficile d’obtenir réparation. Il y a aussi la question des moyens, comme les logiciels espions. Acceptera-t-on que la police puisse fouiller dans l’ordinateur d’un suspect?» Faut-il encore suspecter quelqu’un… «Sinon, on peut compter sur la naïveté des gens», sourit Sébastien Fanti en racontant une affaire récente en Valais. Une personne avait ouvert anonymement un blog pour se moquer d’une autre. «Nous lui avons envoyé un mail pour lui dire qu’elle avait gagné deux entrées à la foire du Valais et qu’il suffisait de cliquer sur un lien pour qu’elle les récupère. En fait, c’est son adresse IP et donc son identité que nous avons trouvées par ce biais. » Le modèle français François Charlet, juriste suisse spécialisé en droit des technologies de l’information, appuie lui aussi la nécessité d’une loi sur l’usurpation d’identité. «L’Union européenne avance sur ce dossier. Et plusieurs de nos voisins ont déjà franchi le pas, notamment la France, rappelle-t-il. C’est le modèle à suivre. » Notre grande voisine a mis en place l’usurpation d’identité pour les numéros de téléphone, y compris pour les adresses IP, les signatures numériques… Et à la clef, des sanctions sévères pouvant aller jusqu’à 15 000 euros et un an de réclusion. «Il ne s’agit pas de punir un ado qui se fait passer pour un conseiller fédéral du moment qu’il ne fait rien de mal. Mais, au moins, obtenir une circonstance aggravante lorsque des actes graves ont été commis», assure-t-il. L’usurpation d’identité commence à poser problème dans le débat public. Un faux Daniel Brélaz, le syndic de Lausanne, sévit depuis des années sur Facebook. Et récemment, Thomas Minder, le conseiller aux Etats schaffhousois, s’est plaint de l’apparition de certains arguments contre la migration de masse sous son nom et sa photo, alors qu’il militait pour la position inverse. Le conseiller national Jean Christophe Schwaab (PS/VD) avait déjà déposé une interpellation allant dans le même sens. Mais le Conseil fédéral avait estimé qu’il n’y avait aucune raison de légiférer. Avec la motion Comte, le Parlement pourrait bien contraindre les sept Sages à agir. Fabian Muhieddine