LISTE DE DÉCISIONS / LIST OF CASES 13 AVRIL 2011 / APRIL 13

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LISTE DE DÉCISIONS / LIST OF CASES 13 AVRIL 2011 / APRIL 13
LISTE DE DÉCISIONS / LIST OF CASES
13 AVRIL 2011 / APRIL 13, 2011
CONFÉRENCE SUR LA LOCATION IMMOBILIÈRE DE MONTRÉAL SÉANCE DE CLÔTURE /
MONTREAL REAL ESTATE LEASING CONFERENCE –
CLOSING SESSION
1. Axa Assurances inc. c. Toitures Trois étoiles inc. (CQ, 23 juillet 2010, J. Suzanne
Vadboncoeur)
2. Centre commercial Les Rivières ltée c. Jean bleu inc. (CS, 22 juillet 2010, J. Lise
Matteau)
3. GPM 10 GP inc. c. Laboratoire Analtech inc. (CQ, 18 juin 2009, J. Christian M.
Tremblay)
4. Standard Life Assurance Co c. Centre commercial Victoriaville ltée, [1999]
R.J.Q. 795 (C.S.) (AZ-99021306) (juge Marie-France Courville)
5. Épiciers unis Métro-Richelieu inc. c. Standard Life Assurance Co. [2001]
R.J.Q. 587 (C.A.) (AZ-50084690)
6. 151692 Canada Inc. c. Centre de loisirs de Pierrefonds Enr., 2005 QCCA 376
7. Indigo Books & Music Inc. c. Immeubles Régime XV inc. (CS, 22 mars 2010, J. Benoît
Emery)
Axa Assurances inc. c. Toitures Trois étoiles inc.
COUR DU QUÉBEC
« Chambre civile »
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
N° :
500-22-135173-071
DATE : 23 juillet 2010
______________________________________________________________________
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE SUZANNE VADBONCOEUR, J.C.Q.
______________________________________________________________________
AXA ASSURANCES INC.
Demanderesse
c.
TOITURES TROIS ÉTOILES INC.
et
165721 CANADA INC.
Défenderesses
______________________________________________________________________
JUGEMENT
______________________________________________________________________
JV0516
[1]
La demanderesse Axa Assurances inc. (ci-après « AXA »), une compagnie
dûment autorisée à exploiter une entreprise dans le domaine de l'assurance, réclame
des défenderesses Toitures Trois Étoiles inc. (ci-après « TOITURES ») et 165721
Canada inc. (le « PROPRIÉTAIRE ») la somme de 37 636$ suite aux dommages
survenus au local commercial de son assurée le 2 novembre 2004, pour lesquels elle
tient les défenderesses responsables.
[2]
TOITURES, l'entrepreneur chargé de remplacer une partie de la toiture de
l'immeuble appartenant au PROPRIÉTAIRE et où se situent les locaux de l’assuré, nie
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devoir ce montant, alléguant ne pas avoir effectué de travaux à la toiture le 1er
novembre 2004.
[3]
Il remet la faute sur le PROPRIÉTAIRE de la bâtisse, la codéfenderesse en
l'instance, l'accusant de ne pas avoir pris les moyens raisonnables pour éviter les
problèmes d'infiltrations d'eau et éviter que la toiture se détériore d'une façon telle
qu'elle cause l’inondation du 2 novembre 2004.
[4]
Pour sa part, le PROPRIÉTAIRE se déclare non responsable des dommages
causés par les infiltrations d'eau du 2 novembre 2004, invoquant la clause
d'exonération de responsabilité prévue à l'article 10.1 du bail, de même que l'absence
de subrogation en faveur de la demanderesse prévue à l'article 13.2 du même bail. Il
rejette la responsabilité sur la codéfenderesse TOITURES qui a fait les travaux à la
toiture de l'immeuble et a omis d'assurer l'étanchéité constante de ladite toiture durant
les travaux.
[5]
Le montant de la réclamation est admis par les parties.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[6]
Étant donné que le quantum est admis, le Tribunal a à décider de la seule
question de la responsabilité en regard des dommages occasionnés par d'importantes
infiltrations d'eau au local commercial de l'assurée de la demanderesse, la compagnie
de vente et de fabrication Sandora Limitée (ci-après « SANDORA »).
[7]
Comme questions sous-jacentes, le Tribunal a également à déterminer si la
clause 13.2 du bail constitue pour le locataire une renonciation implicite à un recours
subrogatoire et si la clause 10.1 du même bail constitue une clause d’exonération pour
le PROPRIÉTAIRE.
LES FAITS
[8]
En tout temps pertinent au présent litige, la demanderesse AXA assurait les
biens de SANDORA en vertu d'une police d'assurance portant le numéro 4319071
produite comme pièce P-1.
[9]
Le 4 octobre 2002, le PROPRIÉTAIRE signe avec SANDORA un bail
commercial portant sur un local d'une superficie approximative de 25 000 pieds carrés
dont 5 000 pieds en espaces de bureaux et 20 000 pieds devant servir à la production
et à l’entreposage des produts, le tout tel qu'en fait foi le bail P-9.
[10] Depuis 1999, TOITURES est le couvreur attitré du PROPRIÉTAIRE, lequel fait
appel à ses services plus de cinq fois par année, entre 1999 et 2004, pour réparer
certaines parties du toit.
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[11] SANDORA emménage dans le local du PROPRIÉTAIRE en décembre 2002.
Les locaux occupés par cette entreprise sont identifiés sur le plan P-10(A) et couvrent la
majeure partie de la section C et la section D de ce plan.
[12] Entre décembre 2002 et octobre 2004, monsieur William Drori, président de
SANDORA, connaît quelques légères infiltrations d'eau sans trop de conséquences.
Lorsque de telles infiltrations se produisent, il appelle le PROPRIÉTAIRE qui fait
immédiatement le nécessaire pour faire réparer et colmater la source d'infiltration par
TOITURES.
[13] Le 20 septembre 2004, monsieur Drori écrit au PROPRIÉTAIRE, à l'attention de
monsieur Ben Cohen, lui rappelant son engagement de faire refaire complètement le
toit afin d'éviter que des infiltrations d'eau continuent de causer des inconvénients à ses
employés qui se voient fréquemment obligés de déplacer les produits pour les mettre
en sécurité dans un endroit sec à chaque épisode d’infiltration causée par de fortes
pluies. L’inventaire et la machinerie de SANDORA sont menacés à chacun de ces
épisodes. Cette lettre est produite comme pièce P-8.
[14] La sœur de monsieur Cohen, Kathy Cohen, le rassure en l'informant, par lettre
du 22 septembre 2004 (annexée à P-8), que les travaux de réfection commenceraient à
la mi-octobre.
[15] De fait, les travaux commencent le 1er novembre 2004 alors qu'une équipe de six
ouvriers de TOITURES, dont le contremaître Pierre-Paul Boucher, s'amène très tôt le
matin.
[16] Après une brève inspection de la toiture et suite aux instructions données par
monsieur Giancarlo Bellini, administrateur de TOITURES, l'équipe commence la
montée des équipements et la sécurisation du chantier. Monsieur Bellini reste environ
une demi-heure sur le chantier ce matin-là.
[17] Selon le contremaître Boucher, cette opération prend toute la première journée
alors que monsieur Drori estime que les bruits excessivement fort entendus une bonne
partie de la journée du 1er novembre laissent plutôt croire que les ouvriers ont
commencé, dès cette première journée, à pelleter et à ramasser le gravier qui se
trouvait sur la toiture existante. Il dit d’ailleurs avoir vu tomber de la toiture de la
poussière, de la gravelle et des débris.
[18] Le lendemain, 2 novembre 2004, alors qu'il a plu abondamment toute la nuit,
monsieur Drori est informé tôt le matin qu'une forte inondation s'est produite et que c'est
le déluge dans l'entrepôt. Il s'y rend immédiatement, ses employés mettent des feuilles
de plastique sur les étagères afin d'éviter de trop détériorer les produits et monsieur
Drori contacte immédiatement monsieur Cohen sur son téléphone cellulaire.
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[19] Ce dernier appelle tout de suite monsieur Bellini qui dépêche un technicien sur
les lieux, lequel finit par trouver un moyen de colmater cette source d'infiltration
majeure. Selon monsieur Bellini, il s'agirait de monsieur Dissanto. Pour sa part, le
contremaître Boucher est d'avis que personne n'est monté sur le toit entre le 1er et le 3
novembre 2004 et que monsieur Dissanto ne se présente jamais sur les chantiers.
L’identité de la personne venue boucher temporairement la source d’infiltration le 2
novembre ne sera jamais éclaircie.
[20] L'équipe de TOITURES revient sur le chantier le 3 novembre au matin.
Monsieur Boucher dit avoir lui-même, le 3 novembre, colmaté partiellement la fissure
qui était la source de l'infiltration majeure ; il mentionne que tant l'intérieur que
l'extérieur du bâtiment ce jour-là étaient tels qu'il les avait laissés deux jours avant, soit
le 1er novembre.
[21] Monsieur Drori a contacté son assureur, la demanderesse en l'instance qui,
après vérification et enquête, a indemnisé son assurée, le locataire SANDORA. AXA
étant subrogée dans les droits de l'assurée, c'est à ce titre qu'elle poursuit les deux
défenderesses qu'elle considère responsables des dommages survenus lors de cette
inondation.
[22] AXA, par l'entremise de son expert en sinistre Michel Gagné qui est allé sur les
lieux le 5 novembre 2004, mandate l'expert Marc-André Ducharme, ingénieur de
profession, afin d’identifier les causes de cette infiltration du 2 novembre.
[23] Monsieur Ducharme se rend sur les lieux le 22 novembre 2004, examine tant
l'intérieur que l'extérieur et prend plusieurs photos, lesquelles sont annexées à son
rapport daté du 21 décembre 2004 et produit comme pièce P-4.
[24] Lors de sa visite, monsieur Ducharme a pu identifier les trois sources
d'infiltrations antérieures au 1er novembre 2004 qu'il identifie sur le plan de la toiture P10 (A) par des « xx » de même que sur les photos prises par lui à cette occasion.
[25] Ces trois zones d'infiltrations (antérieures au 1er novembre 2004) sont identifiées
par les flèches que l’on voit sur la photo # 2 : la première est près d’un col de cygne audessus d’un équipement mécanique, la seconde près du drain de toit et la troisième,
entre les deux précédentes, à un endroit où il n'y avait ni unité mécanique ni percée
dans la toiture. Quant aux deux nouvelles infiltrations, celles du 2 novembre 2004, elles
sont identifiées par les deux premières flèches venant de la gauche sur la photo # 5, et
par un cercle jaune sur le plan P-10 (A), presque au milieu de la largeur du toit dans la
section « C ».
[26] Monsieur Ducharme confirme que les faits relatés par monsieur Drori dans son
témoignage à l'audience sont exactement les mêmes que ce qu'il a entendu de lui lors
de sa visite du 22 novembre 2004.
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[27] Il estime par ailleurs peu probable que la pose de garde-corps ait pu prendre
toute la journée du 1er novembre à raison de six hommes.
[28] Il conclut en disant que compte tenu des infiltrations antérieures et de la
présence des ouvriers sur le toit le 1er novembre, il est probable que des opérations
effectuées sur la toiture lors de cette première journée, dont possiblement l'enlèvement,
même partiel, du gravier, aient causé ces infiltrations nouvelles et même aggravé les
trois sources d'infiltrations antérieures.
[29] Monsieur Ducharme termine son témoignage en disant que les règles de l'art en
ce domaine exigent que l'entrepreneur s'assure, à chaque soir en quittant le chantier,
que la toiture est étanche, peu importe l'étape des travaux. De toute évidence, conclutil, cette vérification n'a pas été faite et aucune mesure de sécurité temporaire n'a été
mise en place.
[30] La preuve démontre que dès 1999, TOITURES avait recommandé au
PROPRIÉTAIRE de remplacer la toiture au complet et avait fait une soumission en ce
sens (DT-3). Toutefois, après discussions entre monsieur Bellini et monsieur Cohen, ce
dernier décida que seule la section A serait remplacée.
[31] Une autre soumission fut présentée par TOITURES le 27 septembre 2004, soit
une semaine après la lettre d’avertissement P-8 de monsieur Drori (DT-4); elle
concernait cette fois la section B, la moitié de C (C-2), de même que les sections F et
G, tel qu’il appert de la soumission et du plan du toit qui y est annexé. Ce sont ces
travaux qui ont débuté le 1er novembre 2004.
[32] À ce propos, monsieur Bellini réfère à la facture de Roofmart (DT-2) pour
indiquer à la Cour qu’il a commandé les matériaux (isolant et papier goudronné) le 1er
novembre pour être livrés le 3 novembre.
[33] Suite à la lettre P-3 de monsieur Drori du 5 novembre 2004 tenant TOITURES
responsable des dégâts, TOITURES répond le 10 novembre 2004 (DT-5) et nie toute
responsabilité dans l’inondation survenue quelques jours plus tôt, invoquant que les
travaux proprement dits n’étaient pas encore commencés à cette date.
[34] Monsieur Bellini admet à l’audience qu’aucune mesure temporaire de sécurité
n’a été prise le 1er novembre puisque, justement, les travaux n’étaient pas commencés.
LES PRÉTENTIONS DES PARTIES
[35] AXA prétend que les deux défenderesses sont responsables des dommages
causés par l’inondation du 2 novembre 2004, TOITURES parce qu’elle n’a pas pris les
mesures de sécurité temporaires requises en quittant le chantier le 1er novembre 2004,
sachant qu’on annonçait de la pluie pour la nuit et le jour suivants, et le
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PROPRIÉTAIRE parce qu’il a tardé à faire refaire sa toiture et ce, malgré les
recommandations qui lui avaient été faites cinq ans auparavant.
[36] TOITURES soutient n’avoir aucune responsabilité dans cet incident puisque les
travaux n’étaient nullement commencés et que le gravier n’était pas encore enlevé de la
toiture le 1er novembre 2004. Elle jette le blâme sur le PROPRIÉTAIRE.
[37] Quant au PROPRIÉTAIRE, il se dit également non responsable, se référant à la
clause d’exonération de responsabilité 10.1 du bail P-9 et soulignant avoir vu à faire
réparer les portions de toit qui le nécessitaient, au fur et à mesure des besoins. La codéfenderesse invoque également la clause 13.2 du bail pour affirmer que la
demanderesse ne bénéficie d’aucune subrogation en sa faveur et qu’en conséquence,
elle n’a aucun recours valable contre elle.
[38] À son tour, la co-défenderesse rejette la responsabilité des dommages causés à
l’assurée de la demanderesse sur TOITURES pour ne pas avoir assuré l’étanchéité du
toit en quittant le chantier le 1er novembre 2004.
L’ANALYSE
[39] Conformément aux articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec, la partie
demanderesse doit démontrer au Tribunal, par une preuve prépondérante, le bien fondé
de ses prétentions. Ces articles se lisent comme suit :
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa
prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les
faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence
est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »
[40] Le présent litige en est un qui repose essentiellement sur des faits, d’où
l’importance de bien analyser la preuve et de bien évaluer la crédibilité des témoins.
[41] Mais il y a aussi deux questions de droit qui ont été soulevées, à savoir
l’application de la clause d’exonération de responsabilité du PROPRIÉTAIRE (# 10.1 du
bail P-9) et l’absence de subrogation en faveur de la demanderesse AXA en vertu de la
clause 13.2 dudit bail.
[42]
Il convient de citer ces deux clauses :
« ARTICLE 10 NON-RESPONSIBILITY OF LANDLORD
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10.1 Except if caused directly by the gross negligence of the Landlord or those
for whom the Landlord is responsible, the Landlord will not be liable nor
responsible in any way for any injury of any nature whatsoever that may be
suffered or sustained by the Tenant or any employee, agent or customer of the
Tenant or any other person who may be upon the Premises or the Land or for
any loss of or damage to any property belonging to the Tenant or to its
employees or to any other person while such property is on the Premises or the
Land and in particular (but without limiting the generality of the foregoing), the
Landlord will not be liable for any damage or damages of any nature whatsoever
to any such property caused by fire, lightning, tempest or any similar peril, the
failure by reason of a breakdown or other cause to supply adequate drainage,
snow or ice removal, or by reason of the interruption of any Public utility or
service or in the event of steam, water, rain or snow which may leak into, issue
or flow from any part of the Building or from the water, steam, sprinkler or
drainage pipes or plumbing works of the same or from any other place or quarter
or on account of any damage or annoyance occasioned by the condition or
arrangements of any electric or other wiring, or on account of any damage or
annoyance arising from any acts, omissions, or negligence of co-tenants or other
occupants of the Building (subject to the provisions of section 12.3), or of owners
or occupants of adjacent or contiguous property, or on account of the making of
major repairs, alterations, repairs, improvements, or structural changes to the
Building, or any thing or service therein or thereon or contiguous thereto, but the
Landlord shall use all reasonable diligence to remedy such condition, failure or
interruption of service when not directly or indirectly attributable to the Tenant
after notice of same, when it is within its power and obligation so to do. Nor shall
the Tenant be entitled to any abatement of rental in respect of any such
condition, failure or interruption of service.
ARTICLE 13 INSURANCE REQUIREMENTS
13.2 Tenant shall, at its expense, take out and keep in force, during the term
of this lease (and any renewal thereof), all risk property, public and general
liability insurance, plate glass insurance and tenant's legal liability insurance in
amounts and with policies in form satisfactory from time to time to Landlord and
with insurers acceptable to Landlord, the public and general liability insurance in
no event to be for less than five million dollars ($5 000 000) and the all risk
insurance to be for an amount equal to the full insurable value of all Tenant's
furniture, fixtures and improvements in the Premises, whether same were
installed by the Landlord or the Tenant and whether same are part of the
Landlors' Work or the Tenant's work. Tenant shall further take out and keep in
force, at its expense, during the term of this lease (and any renewal thereof), any
other insurance required from time to time by Landlord or by any hypothecary
creditor, the whole upon such terms and conditions and in such amounts and
with such insurers as shall be acceptable to Landlord. Copies of each insurance
policy shall forthwith upon execution be delivered to Landlord by Tenant. Tenant
undertakes to furnish Landlord, upon Landlord's demand, with satisfactory
evidence that Tenant duly fulfils all of its undertakings and obligations under this
Article 13. Each such policy shall name Landlord as an additional named insured
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as its interest may appear and shall contain a provision for cross liability as
between the Landlord and the Tenant. The cost or premium for each and every
such policy shall be paid by the Tenant. Tenant shall obtain from the insurers
under such policies undertakings to notify Landlord in writing at least thirty (30)
days prior to any cancellation, expiry or material modification thereof.
[43] La première de ces clauses sera débattue dans le cadre de l’analyse de la
preuve portant sur la responsabilité du PROPRIÉTAIRE puisque, en vertu de cette
clause 10.1, il n’y aura non-responsabilité qu’en l‘absence de négligence grossière de la
part du PROPRIÉTAIRE ; or, seule l’analyse de la preuve nous démontrera s’il y a eu
ou non négligence grossière de la part de cette co-défenderesse.
[44] Pour ce qui concerne le second point de droit soulevé, à savoir s’il y a
subrogation ou non en faveur de la demanderesse, il convient de le décider dès
maintenant puisque dans l’hypothèse où la demanderesse ne pourrait pas être
subrogée dans les droits de son assurée, son recours contre la défenderesse
PROPRIÉTAIRE serait sans fondement et il pourrait être rejeté pour ce seul motif.
La subrogation
[45] La co-défenderesse PROPRIÉTAIRE prétend que AXA n’a pas de droit d’action
contre elle parce que la clause 13.2 du bail P-9 (précitée), relative à l’obligation pour le
locataire SANDORA de s’assurer et de nommer dans sa police le locateur comme coassurée, ce qu’elle n’a pas fait, doit être interprétée comme une renonciation à la
subrogation contre ce dernier. Elle ajoute que l’assureur AXA ne peut avoir plus de
droits que son assurée.
[46] La demanderesse, quant à elle, prétend que rien dans cette clause ne peut
permettre de conclure à une renonciation à la subrogation et ajoute qu’on ne peut
renoncer à une telle subrogation que de façon expresse.
[47] La clause relative à la subrogation contenue à la police d’assurance P-1 liant
SANDORA à AXA et en conformité de laquelle AXA a indemnisé SANDORA suite au
sinistre, se lit comme suit :
« 4.10 Subrogation (Article 2474)
Unless otherwise provided, the Insurer shall be subrogated, to the extent of the
amount paid or the liability assumed therefore under this policy, to the rights of
the Insured against persons responsible for the loss, except when they are
members of the Insured’s household. The Insurer may be fully or partly released
from his obligation towards the Insured where, owing to any act of the Insured,
he cannot be so subrogated. »
[48]
Cette clause est conforme à l’article 2474 C.c.Q. à cet égard :
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« 2474. L'assureur est subrogé dans les droits de l'assuré contre l'auteur du
préjudice, jusqu'à concurrence des indemnités qu'il a payées. Quand, du fait de
l'assuré, il ne peut être ainsi subrogé, il peut être libéré, en tout ou en partie, de
son obligation envers l'assuré.
L'assureur ne peut jamais être subrogé contre les personnes qui font partie de la
maison de l'assuré. »
[49] Contrairement à ce qui est stipulé dans la clause 13.2 du bail P-9, le locataire
SANDORA n’a pas inscrit le locateur comme assuré désigné dans sa police
d’assurance (P-1).
[50] Le Tribunal est toutefois d’avis que le PROPRIÉTAIRE aurait dû vérifier auprès
de son locataire si celui-ci a respecté son obligation. De toute évidence, cette
vérification n’a pas été faite. De toute façon, il s’agit d’une faute contractuelle de la part
de l’assuré sans lien avec les dommages.
[51] Bien que le PROPRIÉTAIRE n’ait pas été désigné co-assuré dans la police
d’assurance, le document principal à analyser est le bail, non la police. La clause 13.2
du bail contient l’obligation pour le locataire (SANDORA) de détenir en tout temps une
police d’assurance « tout-risque » ainsi qu’une police d’assurance responsabilité d’un
minimum de 5 000 000$.
[52] À l’exception de l’arrêt de la Cour d’appel dans Lewis Shoes Store inc. c. S.B.I.
Holding inc.1 sur lequel je reviendrai plus loin, il y a peu ou pas d’arrêt de jurisprudence
où les circonstances sont identiques à celles du présent cas. En dépit de cela, on peut
aisément établir un parallèle entre la présente cause et d’autres cas où nos tribunaux –
la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel notamment – ont maintes fois reconnu
que l’obligation pour un locateur de souscrire à une police d’assurance alors que le
locataire devait en payer les primes faisait en sorte que la police bénéficiait aux deux
(locateur et locataire) et par conséquent, l’assureur du locateur, après avoir indemnisé
celui-ci, ne pouvait avoir de recours subrogatoire contre le locataire responsable du
dommage.
[53] Ce fut la conclusion du plus haut tribunal du pays notamment dans Ross
Southward Tire Ltd c. Pyrotech Products Ltd2 et dans Agnew-Surpass Shoe Stores Ltd
c. Cummer-Yonge Investments Ltd.3 Il en fut de même pour la Cour d’appel dans La
1
2
3
Lewis Shoes Store inc. c. S.B.I. Holding inc., AZ-84011166 (C.A. 24 juillet 1984, jj. Beauregard,
Nichols, Moisan ad hoc)
Ross Southward Tire Ltd c. Pyrotech Products Ltd., [1976] 2 R.C.S. 35
Agnew-Surpass Shoe Stores Ltd c. Cummer-Yonge Investments Ltd., [1976] 2 R.C.S. 221
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PAGE : 10
St-Maurice, compagnie d’assurances et al c. Les Importations Sava Internationales
Ltée4.
[54] Tout comme les clauses pertinentes des baux dans ces affaires permettaient de
conclure que les polices d’assurance souscrites par les locateurs couvraient les
locataires et conséquemment, interdisaient les recours subrogatoires, dans notre cas la
clause 13.2 du bail (précitée) permet certes de conclure que l’intention des parties
contractantes, en obligeant le locataire à inscrire le locateur comme co-assuré, était
d’éviter des poursuites de l’une contre l’autre puisque la police d’assurance souscrite
par le locataire serait aussi au bénéfice du locateur.
[55] Mais il y a plus : dans l’affaire Lewis Shoes Store citée plus haut, les clauses du
bail étaient similaires aux nôtres quant à l’obligation pour le locataire de souscrire à une
police d’assurance pour ses propres effets mais le bail, tout comme le nôtre, contenait
aussi une clause qui laissait entendre que le locateur assumait l’obligation d’assurer
l’immeuble commercial lui-même. Cette clause se lisait comme suit :
« 10.2 The tenant will not upon the Leased Premises do or permit to be done, or
omit to do anything which shall cause or have the effect of causing the rate of
insurance upon the Shopping Centre or any part thereof to be increased and if
the insurance rate shall be thereby increased, at any time during the Term,
because of the actual use and occupancy of the Leased Premises by the Tenant
or the nature of the Tenant’s business, the Tenant shall pay to the Landlord as
Additional Rental the amount by which the insurance premiums shall be so
increased. The Tenant will not store or permit to be stored upon or in the Leased
Premises anything that is not offered or to be offered for sale in the Leased
Premises nor anything of a dangerous, inflammable or explosive nature nor
anything which would have the effect of increasing the Landlord’s insurance
costs or of leading to the cancellation of such insurance. In such event the
Landlord may at its option and at the expense of the Tenant enter upon the
Leased Premises and rectify the situation causing such cancellation or rate
increase. »
Et la nôtre, comme suit :
« 13.1 Tenant shall not do or commit any act upon the Premises or bring into or
keep upon the Premises any article which will affect the fire risk or increase the
rate of fire insurance or other insurance on the Building.
Tenant shall comply with the rules and requirements of the Insurers Advisory
Organization or any successor body, and with the requirements of all insurance
companies having policies of any kind whatsoever in effect covering the Building,
including policies insuring against public liability.
4
La St-Maurice, compagnie d’assurances et al c. Les Importations Sava Internationales Ltée, EYB
1989-63181 (jj. McCarthy, Nichols, Tôth)
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In no event shall any inflammable materials, except for kinds and quantities
required for ordinary occupancy and permitted by the insurance policies covering
the Building, or any explosives whatsoever, be taken into the Premises or
retained therein.
Should the rate of any type of insurance on the Building or Land be increased or
should the insurance costs in connection with the Building or the Land be
increased, by reason of the Tenant’s occupancy of, conduct of business on or
sale of any merchandise from or on the Premises, whether or not the Landlord
has consented to same, or by reason of any violation of this lease or the
applicable insurance regulations or requirements, by Tenant or any person for
whom Tenant is in law responsible, the, in each such case, Landlord, may pay
the amount of such increase and the amount so paid (but shall not be so
obligated) shall become due and payable immediately by Tenant and collectible
as Additional Rent. »
[56] De ces deux clauses, qui sont relativement au même effet, on peut conclure à
l’engagement de la part du locateur d’assurer son immeuble et à celui du locataire de
payer les primes ou surprimes que son occupation ou la présence de produits
dangereux entraînerait sur cette assurance. Or, dans cet arrêt Lewis, la Cour d’appel,
se référant aux arrêts de la Cour suprême que j’ai moi-même cités plus haut5, ainsi qu’à
United Motors Service inc. c. J.T.Hutson et al6 et à T. Eaton Ltée. et al c. Smith et al7,
conclut que si ce double engagement ne fait pas du locataire un véritable co-assuré, il
« dénonce l’intention des parties de prévoir une protection devant bénéficier aux deux,
locateur et locataire. Le locataire n’a pas de recours direct contre l’assureur parce qu’il
n’est pas l’assuré décrit dans la police. Mais par ailleurs, l’assureur qui agit aux droits
du locateur n’a pas plus de droits que ce dernier. »
[57] Il faut dire que dans cette affaire, comme dans les autres d’ailleurs, le dommage
avait été causé par un incendie contrairement à notre cas.
[58] On peut inférer de ce raisonnement de nos tribunaux supérieurs que cette
intention de prévoir une protection devant bénéficier tant au locateur qu’au locataire est
encore plus évidente lorsque le bail prévoit que le locataire doit inscrire le nom du
locateur comme co-assuré.
[59] Le Tribunal conclut donc de cette clause 13.2 qu’elle équivaut à une interdiction
du locataire (l’assuré) de poursuivre son locateur et, puisque le subrogé ne peut avoir
plus de droits que le subrogeant, à une interdiction du subrogé (l’assureur AXA) de
poursuivre le locateur sauf en cas de faute intentionnelle tel que le stipule l’article 2464
C.c.Q. :
5
6
7
Voir notes 2 et 3
United Motors Service inc. c. J.T.Hutson et al, [1936] R.C.S. 294
T. Eaton Ltée. et al c. Smith et al, [1978] 2 R.C.S. 749
500-22-135173-071
PAGE : 12
« 2464. L'assureur est tenu de réparer le préjudice causé par une force majeure
ou par la faute de l'assuré, à moins qu'une exclusion ne soit expressément et
limitativement stipulée dans le contrat. Il n'est toutefois jamais tenu de réparer le
préjudice qui résulte de la faute intentionnelle de l'assuré. En cas de pluralité
d'assurés, l'obligation de garantie demeure à l'égard des assurés qui n'ont pas
commis de faute intentionnelle.
Lorsque l'assureur est garant du préjudice que l'assuré est tenu de réparer en
raison du fait d'une autre personne, l'obligation de garantie subsiste quelles que
soient la nature et la gravité de la faute commise par cette personne. »
[60] Or, le Tribunal estime, comme il sera expliqué dans la prochaine section, que le
PROPRIÉTAIRE a, par ses gestes, ses omissions et son attitude, fait preuve d’une
insouciance téméraire équivalant à faute lourde, telle que définie par l’article 1474
C.c.Q. Cette faute n’est toutefois pas une faute intentionnelle selon le Tribunal parce
que la preuve ne démontre pas que monsieur Cohen « avait ou aurait dû avoir
conscience du caractère inéluctable du dommage qui en résulterait. »8 Cette faute eûtelle été intentionnelle, la décision du Tribunal aurait été tout autre : il aurait permis le
recours subrogatoire contre le PROPRIÉTAIRE.
[61]
Le recours de AXA contre 165721 Canada inc. doit donc être rejeté.
La responsabilité
[62] Qu’en est-il de la responsabilité de chacune des co-défenderesses? Bien que la
demanderesse n’ait pas de recours contre le PROPRIÉTAIRE, le Tribunal croit
nécessaire de présenter ici le raisonnement qui l’a mené à conclure à une faute lourde
de la part du PROPRIÉTAIRE, étant donné la conclusion de partage de responsabilité à
laquelle en arrive le Tribunal.
[63] En ce qui a trait au PROPRIÉTAIRE, la preuve révèle que dès 1999, TOITURES
lui avait recommandé de refaire les sept sections de la toiture mais qu’après
discussions entre monsieur Cohen et monsieur Bellini, seule la section A fut refaite.
[64] Monsieur Cohen a indiqué à la Cour que les décisions au sujet des travaux de
réfection à faire, se prenaient en tenant compte de différents facteurs, notamment la
non-occupation du local situé sous la section du toit à refaire, la condition de ladite
portion du toit, le nombre de travaux antérieurs effectués, la situation financière du
PROPRIÉTAIRE, etc.
[65] Selon le témoignage de monsieur Boucher, le toit était en piètre condition
lorsqu’il y est monté pour la première fois le 1er novembre 2004.
8
e
LLUELLES Didier, Précis des assurances terrestres, 4 éd., Les Éditions Thémis, 2005, p. 181
500-22-135173-071
PAGE : 13
[66] La soumission de TOITURES du 27 septembre 2004 (DT-4) touchait toutes les
sections non refaites en 1997 et en 1999 sauf deux, soit B, C-2, F et G. La réponse
affirmative semble avoir été transmise à TOITURES à la mi-octobre 2004.
[67] En vertu du bail P-9, le propriétaire devait assurer à son locataire la pleine
jouissance des lieux loués et la possibilité d’exercer pleinement ses activités
commerciales. Il devait aussi assurer l’entretien de la structure et procéder aux
réparations qui s’imposent, notamment au toit, conformément à la clause 3.3.7 d) du
bail :
3.3.7 The cost of the following services are included in Operating Expenses
(unless expressly excluded in accordance with the terms of section 3.3.1) and
they shall be provided by the Landlord to the Tenant in accordance with the
standards applicable in similar class buildings located in suburban Montreal;
d)
maintaining, repairing, servicing or replacing all structural elements of the
Building, including the roof, roof membrane, the roof covering (including the
interior ceiling if damaged by leakage) load bearing walls, floor slabs and
masonry walls, as well as windows and utility lines, sprinkler system and
connections to the Premises and the Common Areas and any part of the base
building systems serving the Premises and the premises of other tenants in
addition to the Premises.
The Landlord shall act diligently as a responsible and prudent administrator when
such work becomes necessary in order to minimize any inconvenience to the
Tenant. The Landlord shall provide the Tenant with the name and telephone
number of one of Landlord’s employees or representatives who may be reached
at all times in case of emergency or equipment breakdown, in order to arrange
for the necessary repairs and reinstate such services. »
[68]
L’article 1854 C.c.Q. prévoit aussi cette obligation du locateur :
« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de
réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant
toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour
lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »
[69] Selon la preuve, il y eut plusieurs infiltrations d’eau provenant du toit entre
décembre 2002 et novembre 2004 : à chaque fois que cela se produisait, monsieur
Drori appelait monsieur Cohen qui faisait venir TOITURES pour colmater les fuites. À
un certain moment en septembre 2004, monsieur Drori, dont les produits manufacturés
étaient constamment menacés par ces infiltrations, lesquelles nécessitaient souvent
que ceux-ci ainsi que la machinerie soient déplacés et rangés au sec, a demandé à
monsieur Cohen de tenir son engagement pris en avril précédent de refaire
500-22-135173-071
PAGE : 14
complètement le toit à défaut de quoi il le tiendrait responsable du temps perdu et des
dommages causés à ses produits et à sa machinerie par des infiltrations d’eau
provenant du toit (lettre P-8).
[70] La clause 10.1 du bail (précitée) stipule que la responsabilité du
PROPRIÉTIARE ne peut être retenue, en cas de dommages causés aux biens du
locataire, que s’il y a faute lourde (gross negligence).
[71] De l’avis du Tribunal, le PROPRIÉTAIRE a trop tardé – cinq ans – avant de se
décider à faire refaire son toit, notamment la portion sous laquelle se situaient les
étagères des produits finis de SANDORA, malgré la recommandation faite en ce sens
par TOITURES en 1999.
[72] En outre, depuis 2002, il attendait toujours qu’il y ait du dommage pour rapiécer
et pour effectuer des réparations partielles, voire temporaires, à la portion du toit située
au-dessus du local de SANDORA. TOITURES a dû y aller cinq ou six fois par année
selon la preuve. C’est énorme.
[73] Une telle attitude du PROPRIÉTAIRE constitue selon le Tribunal une
insouciance téméraire telle qu’elle équivaut à faute lourde. Une fois ou deux, passe
encore mais là, monsieur Cohen a trop étiré l’élastique : celui-ci s’est brisé. L’article
1474 C.c.Q. stipule que :
« 1474. Une personne ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le
préjudice matériel causé à autrui par une faute intentionnelle ou une faute lourde;
la faute lourde est celle qui dénote une insouciance, une imprudence ou une
négligence grossières.
Elle ne peut aucunement exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice
corporel ou moral causé à autrui. »
[74] Toutefois, le Tribunal estime que le PROPRIÉTAIRE n’est pas le seul
responsable des dommages, TOITURES a aussi sa part de responsabilité comme nous
le verrons dans les paragraphes qui suivent.
[75]
Analysons la preuve à cet égard.
[76] Parmi les témoignages entendus, le Tribunal estime ceux de monsieur Drori et
de monsieur Ducharme très crédibles : ils ont tous deux témoigné sans la moindre
hésitation, de façon ferme et énergique, sans contradiction aucune.
[77] En outre, ces deux témoins sont neutres, l’un étant l’assuré et ayant déjà touché
son indemnité, donc n’ayant plus d’intérêt dans le débat, et l’autre étant un témoin
expert dont la probité et l’honnêteté ne peuvent être mises en doute.
500-22-135173-071
PAGE : 15
[78] Monsieur Drori a entendu le 1er novembre des bruits forts de grattage (scraping)
et a vu des débris tomber à travers la fenêtre.
[79] Monsieur Ducharme, quant à lui, ne peut que conclure que TOITURES n’a pris
aucune mesure de sécurité temporaire avant de quitter le chantier le 1er novembre
2004, ce qu’a d’ailleurs confirmé monsieur Boucher, le contremaître. Pourtant on
annonçait de la pluie pour la nuit et le jour suivants et monsieur Boucher le savait.
[80] Monsieur Ducharme a été très clair : les règles de l’art exigent d’un entrepreneur
couvreur qu’il s’assure de l’étanchéité du toit tout au cours des travaux et qu’il prenne
des mesures de sécurité temporaires, le cas échéant, pour assurer une telle étanchéité.
[81] Selon monsieur Boucher, qui est le seul à pouvoir témoigner de ce qui s’est
réellement passé sur le toit le 1er novembre – monsieur Bellini n’est resté qu’environ
une demi-heure ce jour-là – mais qui, est-il besoin d’insister, n’a pas intérêt à venir dire
que l’enlèvement du gravier avait débuté ce même jour, l’installation des garde-corps a
pu prendre de 5 à 6 heures. Les feuilles de temps (DT-1) révèlent que les hommes ont
travaillé 8½ heures cette journée-là et selon la preuve, l’atelier est à 10 minutes du
chantier. Qu’ont-ils fait durant les 2½ ou 3 heures qui restent? Monsieur Boucher n’a
pu répondre que par des hésitations à cette question.
[82] La crédibilité que le Tribunal accorde à monsieur Boucher est beaucoup moindre
que pour les deux témoins précédents : d’abord parce que ce témoin n’est nullement
indépendant et qu’il est sûrement porté à répondre dans le meilleur intérêt de son
employeur, la co-défenderesse TOITURES ; ensuite parce que, en plus des hésitations
auxquelles j’ai fait référence plus haut, il s’est contredit à quelques reprises dans son
témoignage, notamment par rapport aux réponses données lors de son interrogatoire
hors Cour du 20 novembre 2008.
[83] À titre d’exemple, monsieur Boucher a mentionné dans son interrogatoire du 20
novembre 2008 qu’aucun équipement n’a été monté sur le toit la première journée
(N.S., page 23, lignes 21 à 23) alors qu’il dit tout le contraire à l’audience. En outre,
alors que la nature des installations faites le 1er novembre semble être très précise dans
sa tête, monsieur Boucher ne se souvient pas s’il a vu monsieur Dissanto le 3
novembre sur le chantier. Enfin, il dit avoir colmaté la fissure sur le toit lorsqu’il est
retourné sur le chantier le 3 novembre et que ça coulait encore d’un bon débit alors que
la preuve révèle que quelqu’un est venu le 2 novembre de toute urgence pour faire ce
travail.
[84] Comme on peut le voir, le témoignage de monsieur Boucher laisse songeur plus
d’une fois…
[85] AXA ne peut rechercher la responsabilité de TOITURES que sur une base extracontractuelle, aucune relation contractuelle n’existant entre ces deux entités. La règle
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de la responsabilité extra-contractuelle est inscrite à l’article 1457 C.c.Q., lequel se lit
comme suit :
« 1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui,
suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne
pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir,
responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de
réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le
fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa
garde. »
[86] Dans tout recours en dommages-intérêts, la partie demanderesse doit
démontrer, par une preuve prépondérante, la faute de la partie défenderesse, les
dommages subis, de même que le lien de causalité entre la faute et les dommages.
[87] De l’avis du Tribunal, AXA s’est déchargée de ce fardeau et a démontré que
TOITURES a été négligente dans son travail en ne s’assurant pas de l’étanchéité du toit
pendant la durée des travaux, commettant ainsi une faute ayant entraîné les dommages
que l’on sait.
[88] Non seulement n’a-t-elle pas pris les mesures de sécurité temporaires qui
s’imposaient mais aussi la preuve révèle que la vérification de la condition du toit en fin
de journée a été plus que superficielle. Selon l’expression de monsieur Boucher luimême, celui-ci n’a jeté qu’« un simple coup d’œil » en quittant, un « check-up ben
vite », surtout au périmètre où ses hommes ont travaillé.
[89] Pourtant, étrangement, ça ne lui a pris que 15 minutes le 3 novembre pour
découvrir la fissure, alors qu’il dit avoir trouvé le toit exactement dans le même état qu’il
l’avait laissé deux jours avant, le 1er novembre. Eût-il examiné le toit un peu plus
longuement et attentivement le 1er novembre qu’il l’aurait peut-être découverte et aurait
ainsi pu éviter l’inondation du lendemain.
[90] TOITURES a tenté de se décharger de sa responsabilité par une preuve de
situation pré-existante du toit. Outre la preuve démontrant la part de responsabilité du
PROPRIÉTAIRE dans les dommages, la preuve offerte de la situation précaire du toit
n’est pas suffisante pour permettre de conclure que cette seule condition préexistante
de la toiture constitue la causa causans des dommages survenus le 2 novembre 2004.
[91] Ce qui a été accepté en preuve dans le rapport d’analyse thermographique du
11 mai 1999 (DT-6) ne permet pas d’arriver à une telle conclusion même si l’essai # 8
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PAGE : 17
alors effectué sur la section C du toit démontre que l’isolant de fibre de bois était
mouillé.
[92] De plus, monsieur Ducharme a répondu à maintes reprises, malgré les tentatives
du procureur de TOITURES de lui faire dire le contraire, qu’il était peu probable que le
dommage ait pu être causé par une saturation d’eau dans le toit. Il a aussi dit que la
cause la plus probable était l’absence de mesures de sécurité temporaires le soir du 1er
novembre 2004.
[93] Si on met le témoignage de monsieur Boucher de côté, les faits dont on dispose
sont les suivants :
•
les ouvriers de TOITURES ont travaillé sur le toit de l’immeuble toute la journée
du 1er novembre 2004;
•
il a plu la nuit du 1er au 2 novembre et durant la journée du 2;
•
selon les données d’Environnement Canada (P-7), ces pluies ont été assez
abondantes (11 mm), mais il y en a eu d’aussi abondantes sinon davantage en
d’autres moments (10, 13 et 29 août, 9 septembre avec 67,4 mm pour cette
seule journée, 2, 15 et 16 octobre avec un peu moins de précipitations) et le toit
n’a pas connu une infiltration aussi majeure;
•
une grave inondation s’est produite tôt le matin du 2 novembre 2004.
[94] À ces faits, on ajoute le témoignage de monsieur Drori sur ce qu’il a vu et
entendu le 1er novembre, de même que les conclusions de l’expert Ducharme et on ne
peut faire autrement que de conclure à l’existence de présomptions suffisamment
graves, précises et concordantes qui nous laissent croire, conformément à l’article 2849
C.c.Q.9, que le dommage résulte de la conduite des employés de TOITURES.
[95] Si le Tribunal avait permis le recours subrogatoire contre le PROPRIÉTAIRE, il
aurait retenu, eu égard à la preuve, la responsabilité de ce dernier dans une proportion
de 60% vu la faute lourde et celle de TOITURES dans une proportion de 40%.
[96] À la suggestion du procureur de la demanderesse, le Tribunal réduit la facture
d’honoraires (P-12) de l’expert Ducharme d’une journée (1 360$), ce qui donne un total
de 4 382$.
[97] TOITURES assumera donc les dépens et les frais d’expertise dans une
proportion de 40%, soit 1 752,80$ pour ces derniers.
9
« 2849. Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont laissées à l'appréciation du tribunal
qui ne doit prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes. »
500-22-135173-071
PAGE : 18
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la demande de la demanderesse contre la
défenderesse 165721 Canada inc., sans frais;
ACCUEILLE la demande de la demanderesse contre la
défenderesse Toitures Trois Étoiles inc. dans une proportion
de 40%;
CONDAMNE la défenderesse Toitures Trois Étoiles inc. à
payer à la demanderesse la somme de 15 054,40$ avec
intérêts au taux légal de 5% l’an et l’indemnité additionnelle
prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter
du 12 novembre 2007, de même que 40% des dépens, y
compris les frais d’expertise dans cette même proportion.
__________________________________
SUZANNE VADBONCOEUR, J.C.Q.
Me Jean-Philippe Lincourt
LAVERY De BILLY
Me Simon Corriveau
ROBINSON SHEPPARD SHAPIRO
Me Samuel Bergeron
GILBERT SIMARD TREMBLAY
Dates d’audience :
20, 21 et 22 janvier 2010
Centre commercial Les Rivières ltée c. Jean bleu inc.
2010 QCCS 3307
COUR SUPÉRIEURE
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
N° :
500-17-047870-095
DATE : 22 JUILLET 2010
______________________________________________________________________
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE LISE MATTEAU, J.C.S.
______________________________________________________________________
CENTRE COMMERCIAL LES RIVIÈRES LTÉE
Demanderesse - INTIMÉE
c.
LE JEAN BLEU INC.
Défenderesse - REQUÉRANTE
______________________________________________________________________
JUGEMENT
______________________________________________________________________
INTRODUCTION
[1] Lui reprochant d'avoir contrevenu à une ordonnance prononcée par cette Cour le
13 juillet 2009, Le Jean Bleu Inc. (Le Jean Bleu) recherche une condamnation pour
outrage au Tribunal contre Centre Commercial Les Rivières Ltée (Les Rivières).
[2] L'ordonnance dont il est question est rédigée en ces termes :
« (…)
Le Tribunal ordonne la production des documents faisant l'objet
de la liste R-4, devront être produits d'ici le 20 août 2009 ou un
JM1895
500-17-047870-095
PAGE : 2
affidavit attestant de leur non-disponibilité devra être produit.
(…)»1
LES FAITS
[3] Les Rivières est propriétaire d'un centre commercial situé à Trois-Rivières et connu
sous le nom de Centre commercial Les Rivières (le Centre commercial). Ivanhoe
Cambridge Inc. (Ivanhoe), une société immobilière qui possède et gère plus de
quatre-vingts (80) centres commerciaux répartis en Amérique du Nord et à l'étranger,
assure la gestion du Centre commercial qui compte plus de cent quatre-vingt-cinq (185)
locataires dont, à l'époque où les procédures ont été intentées, Le Jean Bleu qui était
également locataire dans sept (7) autres centres commerciaux gérés par Ivanhoé.
[4] Le 20 janvier 2009, Les Rivières intente contre Le Jean Bleu une Requête
introductive d'instance en réclamation de loyers et résiliation de bail (la Requête
introductive d'instance) où elle réclame un montant de 76 327,71 $ à titre d'arrérages de
loyers pour les mois de novembre et décembre 2008 et pour le mois de janvier 2009.
Le montant de la réclamation comprend notamment la quote-part de l'ensemble des
frais d'opération et dépenses du Centre commercial dont Le Jean Bleu serait redevable
à Les Rivières aux termes de la clause 4.00 (« Rent and occupancy cost ») du bail
intervenu entre les parties.2
[5] Le 25 février 2009 et alors qu'elle n'a toujours pas acquitté le montant des loyers qui
lui est réclamé, lequel s'élève alors à une somme de 102 411,94 $, cette Cour prononce
une Ordonnance de sauvegarde enjoignant à Le Jean Bleu de déposer en son greffe,
au plus tard le 9 mars 2009, un premier montant de 100 000 $ puis, au plus tard le 6
avril 2009, un montant additionnel de 20 000,00 $.
[6] Il convient ici de souligner que Le Jean Bleu conteste la présente réclamation
puisqu'elle questionne le montant de la quote-part que Les Rivières lui revendique au
titre des frais d'opération et dépenses. Dès lors et dans le but de préparer une défense
pleine et entière, elle requiert depuis plusieurs mois de Les Rivières l'ensemble des
documents justificatifs et relatifs à telles charges.
[7] Le 26 mars 2009, à la suite d'une Requête pour nomination d'un expert intentée par
Le Jean Bleu, cette Cour entérine une entente intervenue entre les parties où il est
convenu que Le Jean Bleu retiendra les services d'un expert, en l'occurrence monsieur
Gérald Bernstein (Bernstein)3, comptable agréé, qui consultera en collaboration avec un
expert de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT), les vérificateurs de Les Rivières,
les documents au soutien des montants dont il est fait état au titre des « CAM
1
Voir le Procès-verbal d'audience daté du 13 juillet 2009.
Voir la Pièce P-1 déposée au soutien de la Requête introductive d'instance.
3
L'utilisation des noms de famille dans le cadre du présent jugement vise à alléger le texte et l'on voudra
bien n'y voir aucune discourtoisie à l'endroit des personnes concernées.
2
500-17-047870-095
PAGE : 3
Recoveries » pour l'année d'opération 2007, soit les frais d'opération, taxes foncières,
frais de promotion et frais de marketing.
[8] À la suite toutefois d'un différend survenu entre Bernstein et l'expert de RCGT
concernant tant la nature des documents qui doivent être consultés que leur
confidentialité, Le Jean Bleu signifie à Les Rivières une Requête pour obtention de
documents.
[9] Le 15 mai 2009, cette Cour entérine une entente intervenue entre les parties où il
est convenu que Bernstein aura accès à l'ensemble des documents justificatifs que Les
Rivières détient au soutien des informations que cette dernière a transmises par courriel
au procureur de Le Jean Bleu le 13 mai précédent.
[10] Le 20 mai 2009, à la suite d'une Requête en vue de se conformer à une
ordonnance et obtenir le droit d'accès aux lieux de la demanderesse en vue d'obtenir
des documents initiée par Le Jean Bleu, cette Cour ordonne à Les Rivières de donner
accès à Bernstein à l'ensemble des documents dont il est question dans le cadre de
l'entente intervenue entre les parties le 15 mai 2009 et qui a été entérinée par cette
Cour le même jour.
[11] Le 5 juin 2009, Bernstein se rend à la place d'affaires d'Ivanhoé et procède à la
vérification des documents qui lui sont fournis, dont le Grand Livre.
[12] Le 25 juin 2009, le procureur de Les Rivières écrit au procureur de Le Jean Bleu
aux fins de répondre en ces termes à une série de questions que Bernstein a
adressées directement à sa cliente à la suite de telle vérification :
«(…)
1.
How is the tenant's proportionate share calculated
including a detailed calculation of the Gross leaseable area of
the shopping center showing each tenant's GLA and the
amount excluded by name for each major tenant?
a.
Are the kiosks included in the calculation of
the GLA?
(…)
The tenant's proportionate share was calculated as follows :
Area Unit 1164,004
(denominator)
sq.ft
(numerator).
/
250,457
sq.ft
a) Yes, kiosks are included in the calculation of the GLA, see
attached the rentable area schedule and plan (annex 1)
500-17-047870-095
PAGE : 4
2.
Provide the detailed back up calculation (includes
tenant name, square footage and contribution made by each
one as outlined in their leases) of the major tenant's
contributions in 2007 to common area costs?
(…)
Lease does not provide for such details other than to deduct major
tenant's contributions from costs, this information is confidential.
However, please find attached (annex 2) the major tenant's
names, total contribution and total area.
a.
What are the revenues received for mall
signage advertising (Pattison, Traffic or CBS)
in 2007?
As per the dispositions of your lease, we do not have to provide
this information. It has no relevance in our calculation of the
Property Gross Expenses.
b.
How much is the kiosk contribution to common
area expenses in 2007?
Kiosks are included in the GLA. No deduction to be made.
c.
What are the actual food court tenant
reimbursements compared to the actual
costs?
Food Court Expenses are included in the CAM Certificate.
However, the expenses are excluded for Tenant's calculation (see
annex 3). No reimbursement due to the fact that we did not
include these expenses.
d.
What does the amount of direct recoveries of
$86K consist of including the back up detail for
the respective tenants;
Revenue from temporary tenants for who they are not include in
the GLA. See annex 4 for the details.
3.
What is the depreciation policy for the equipment :
a.
a/c # 55304 depreciation energy equipment –
3 years
b.
a/c # 55612 depreciation HVAC $6,085 – 10 years
c. a/c # 55613 depreciation interior equipment
- $17,848 – 10 years
500-17-047870-095
PAGE : 5
d.
a/c # 55614 depreciation roof $101,884?
(…)
Spent over 5 years and the balance in 2007 was for $101,848.
Roof repairs should normaly be expensed in the year incurred.
However, to reduce impact on Tenant's CAM, Landlord deferred
expense over 5 years. 2007 was the last year.
4.
How are head office allocations made for the following
items:
a.
Insurance account# 55331 is a specific policy
or an allocation and how is this allocation
made?
We have an Umbrella Policy for Ivanhoe Cambridge. The
premiums are based on the asset replacement value. Detail of the
breakdown for Les Rivieres has already been provided to your
accountant.
b.
A/C # 55245 photocopier fax-$8,526 – where is
the location of the ricoh machine? $2,018x4
=$8,072 actual allocation from head office.
The ricoh machine is located in the mall office at Les Rivieres.
Detail of the breakdown has already provided.
c.
allocation
A/c# 55364 Administration Services of
$32,388.70 allocation directeurs regionales
consists of what cost allocations? —from head office
Based on revenues of the property and employee head count.
Limited to wages and benefits expense accounts.
d.
Finance Service Fees a/c# 55366 for $32,911 i.e
$2,742/month is for what and how is it
calculated? —- allocation from head ofice
Based on revenues and limited to 28% of the salaries and
benefits.
e.
What is the computer allocation costs of
$38,700? i.e $3,225/month? Allocation from
head office no bill included in the information
provided
Cost based on computers in Les Rivieres Mall Offices. See
annex 5.
500-17-047870-095
PAGE : 6
f.
A/C # 56375 general maintenance services
$29,900
($2,491.67 x 12) is for whom and
what type of work is performed? Is it a head
office allocation?
Service of maintenance and operation from Head Office in support
to the General Manager and Operating Manager of the mall.
g.
What amounts for telephone and internet are
allocated from head office to the individual
sites?
As per GL for accounts 55281 and 55282, no allocation allowed.
All invoices have been provided and no allocation made to
accounts.
5.
Salaries and Wages
a.
A/C # 55420 $37,129 Cash incentive plan bonus
accrual of $2,140/month plus payment of 2006
bonus of $11,449 is for which employees and
was a bonus actually paid and how much?
Why is bonus in 2007 twice as much as in
2006? What is the bonus calculation base
upon?
The real expense in 2007 was $37,129 versus in 2006 for an
amount of $41,346, not twice is much as alleged in your
statement. Regarding the $11,449, it was and adjustment to the
2006 accrual.
All permanent and full time employees are eligible. Based on H.R.
Policy and remains confidential.
b.
All Maintenance and Security wages? Who is
included in each pay period? Why are there 2
accounts # 55409 and # 56405? Any head office
allocation included therein?
Operating Manager and Building Service Technician. 2 accounts
split between interior and exterior.
c.
All Mall management salaries —-Who is
included in each pay period and why are there
2 accounts # 55418 and # 56411? Is the salary
of the director of marketing included therein?
Any head office personnel included therein?
500-17-047870-095
PAGE : 7
Guest Service Supervisor, Administrator Assistant, Account
Administrator, General Manager and Customer Service Representative
2 accounts split between interior and exterior.
d.
Should not all Jean Luc Bernard costs only go
to marketing and not to CAM?
Error of coding report, represents a remittance in the amount of
$139,08.
6.
A/c # 55584 Equipment for $23,400 one invoice from
Maconnerie Francois Demontigny is for what?
Brick work done near sports experts back store entrance and
brick work done on the exterior premises in two other
locations! Is that for the tenant or the CAM?
Repairs of bricks of the shopping mall. Bricks were crumbling in
various zones and there was risk that they fall (CAM expense)
The description on the invoice indicates the zone for which the
repairs were necessary. Copy of invoice has been provided. See
annex 6.
7.
A/c # 56152 roof repairs and maintenance —- $8,253.25
is this not to be part of the roof depreciation as per the lease?
It is a repair. Lease does not provide for depreciation of roof
expenses for maintenance and repair.»4
(L'emphase est dans le texte)
[13] Le 22 mai 2009, Le Jean Bleu signifie à Les Rivières une Requête en vue de se
conformer à une ordonnance et obtenir des documents additionnels où elle requiert de
cette Cour qu'elle ordonne à Les Rivières de lui transmettre l'ensemble des documents
qu'elle n'a toujours pas encore reçus et dont Bernstein a dressé la liste qu'elle produit
d'ailleurs au soutien de telle requête sous la Pièce R-4.
[14]
Il est utile de reproduire ici cette liste dans son intégralité :
«(..)
1.
Head Office Allocation to the Les Rivières Shopping
Centre:
a.
Provide all supporting documentation for the full cost of
the items mentioned below, including but not limited to, the actual
supplier invoices addressed to Ivanhoe Cambridge's head office.
4
Pièce R-3.
500-17-047870-095
PAGE : 8
As well the allocation attributed amongst each of the properties
which total the full cost:
i.
Umbrella Policy;
ii.
Administration Services
directeurs régionales;
iii.
Finance Service Fees- $32,911.00;
iv.
Computer allocation costs of $38,700.00;
v.
General maintenance services $29,900.00;
vi.
Telephone and internet services;
vii.
Allocation Nationale Conference;
of
2.
Salaries and Wages:
a.
Maintenance and Security Wages:
$32,388.70
allocation
Provide all supporting documentation (that agrees to the
total per the General Ledger) for all employees including
each pay period (with each T4-Releve 1). As well as a
breakdown and the names and functions of each
employee physically located at head office and each
employee physically located at Les Rivières for each pay
period.
b.
Mall Management Salaries:
Provide all supporting documentation (that agrees to the
total per the General Ledger) of all employees including
each pay period (with each T4-Releve1). As well as a
breakdown and the names and functions of each
employee pysically located at head office and each
employee physically located at Les Rivières for each pay
period.
3.
Common area revenues received by the Landlord:
a.
Provide all supporting documentation of the detailed back
up calculation of the contribution made by each one of the
major tenant's (greater than 15,000 square feet)
contributions in 2007 to common area costs (including but
not limited to any invoice or statement). Provide as well
excerpts of the leases for each of these major tenant's
square footage occupied and the tenant's contribution to
the common area costs;
500-17-047870-095
PAGE : 9
b.
Provide all supporting documentation of the listing of the
revenues received for mall signage advertising in 2007;
c.
Provide all supporting documentation of each food court
tenants' reimbursement to the Landlord for the food court
area in 2007 and all supporting documentation related to
the actual costs incurred by the Landlord for this specific
area;
d.
Provide all supporting documentation of line item
"direct recoveries" in the amount of $86,061.00.
4.
Provide all supporting documentation for the media
fund including but not limited to the expenses incurred and
all the revenues received.
5.
Provide all supporting documentation for the
promotional fund including but not limited to the expenses
incurred and all the revenues received. (…)»5
(L'emphase est dans le texte)
[15] Le 13 juillet 2009, cette Cour prononce l'ordonnance reproduite plus avant dans
le cadre du présent jugement6.
[16] Le 20 août 2009, le procureur de Les Rivières fait parvenir au procureur de Le
Jean Bleu une lettre où il passe en revue tous et chacun des points mentionnés à la
Pièce R-4.
[17] Là encore, il est utile de reproduire in extenso la réponse que Les Rivières
fournit à Le Jean Bleu à cet égard :
«(…)
1.a.i.
Les informations relativement à la police d'assurance sont
confidentielles étant donné qu'elles réfèrent aux valeurs de
l'ensemble des propriétés de Ivanhoé Cambridge. Par ailleurs,
nous vous avons fourni avec notre lettre du 25 juin 2009 les
informations pertinentes quant à la police d'assurance en réponse
à la question 4a).
5
6
Pièce R-5, en liasse.
Voir le paragraphe [2] du présent jugement.
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1.a.ii.
Nous vous avons remis cette information avec notre lettre du
25 juin 2009 en réponse à la question 4c). Par ailleurs, aucune
facture n'existe puisqu'il s'agit de calculs internes. Quant aux
salaires pour chaque direction régionale, les salaires des
employés sont confidentiels.
1.a.iii.
Notre cliente a répondu à votre demande d'information en réponse
à votre question 4d) au soutien de notre lettre du 25 juin 2009. Par
ailleurs, les salaires des employés sont confidentiels.
1.a.iv.
Nous avons répondu à cette question en réponse à la question
4e) au soutien de notre lettre du 25 juin 2009. Pour votre
information, aucune facture n'est disponible puisque l'allocation
provient directement du département informatique de Ivanhoé
Cambridge inc.
1.a.v.
Notre cliente a déjà fourni cette information en réponse à la
question 4f) au soutien de notre lettre du 25 juin 2009.
1.a.vi.
Notre cliente nous informe que les factures ont déjà été remises à
l'expert de votre cliente dans le cadre de son expertise, lequel a
pris seulement quelques échantillons. De plus, pour votre
information, notre cliente a répondu à la section 4g) au soutien de
notre lettre du 25 juin 2009.
1.a.vii.
Notre cliente nous informe qu'elle a déjà donné ces informations à
l'expert de votre cliente dans le cadre de son expertise. Nous
sommes informés que votre expert a eu accès aux factures et aux
méthodes d'allocation fournies. Par ailleurs, veuillez trouver cijoint la ventilation du coût de la conférence nationale ainsi que des
copies de trois chèques pour un total de 69 302,48 $.
2.a.
Notre cliente nous informe qu'elle a déjà répondu à cette question
à l'item 5b) au soutien de notre lettre du 25 juin 2009. Quant aux
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salaires, notre cliente ne donnera pas ces informations au motif
qu'ils sont confidentiels.
2.b.
Nous avons déjà répondu à cette question à l'item 5c) au soutien
de notre lettre du 25 juin 2009. Notre cliente nous informe
également que votre expert a pris une copie de l'organigramme
des employés de la demanderesse lors de son expertise.
3.a.
Notre cliente nous informe qu'elle a remis cette information en
réponse à l'item 1 au soutien de notre lettre du 25 juin 2009. Nous
sommes également informés que votre cliente a l'information
pertinente aux fins de son expertise.
3.b.
Nous sommes informés que votre cliente a déjà l'information en
réponse à la question 2a) au soutien de notre lettre du 25 juin
2009.
3.c.
Nous sommes informés que notre cliente vous a déjà fourni cette
information à l'item 2c) au soutien de la nôtre du 25 juin 2009. De
plus, les dépenses de foire alimentaire sont exclues du calcul des
frais d'opération.
3.d.
Nous sommes informés que notre cliente a déjà donné
l'information dans le cadre de l'expertise de votre cliente et a
également remis le détail à l'annexe 4 au soutien de la nôtre du 25
juin 2009. Par ailleurs, veuillez trouver ci-joint copie du détail des
« recoveries » tel que demandé.
4.
Puisqu'il s'agit d'une charge fixe, votre cliente ne devrait pas
recevoir de crédit ou d'ajustement de sorte que nous ne voyons
pas la pertinence de cette demande.
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PAGE : 12
5.
Puisqu'il s'agit d'une charge fixe, votre cliente ne devrait pas
recevoir de crédit ou d'ajustement de sorte que nous ne voyons
pas la pertinence de cette demande. (…)»7
(Le Tribunal souligne)
[18] Étant d'avis que les informations qui lui ont été transmises ne respectent
d'aucune façon ni la lettre ni l'esprit de l'ordonnance prononcée par cette Cour le
13 juillet 2009, Le Jean Bleu intente dès lors contre Les Rivières une Requête pour
qu'une ordonnance spéciale de comparaître à une accusation d'outrage au Tribunal soit
rendue.
[19] Le 27 août 2009, cette Cour prononce à l'encontre de Les Rivières une
Ordonnance de comparaître à une accusation d'outrage au Tribunal qui lui est signifiée
le même jour.
[20] Il est à noter qu'à ce jour, le montant de la réclamation de Les Rivières totalise
une somme de 159 130,48 $ (années 2007, 2008 et 2009). Par ailleurs, comme le bail
qui régissait les parties est venu à échéance et n'a pas été renouvelé, Le Jean Bleu
n'est plus locataire dans le Centre commercial.
LE DROIT
[21] C'est dans l'arrêt Vidéotron Ltée c. Industries Microlec Produits Électroniques
Inc.8 que la Cour suprême reconfirmait en ces termes le caractère exceptionnel du
régime de l'outrage au Tribunal :
«(…)
En somme, le régime spécial de l'outrage en droit québécois procède du principe
suivant : l'outrage au Tribunal est strictissimi juris et de nature quasi pénale,
étant donné les conséquences possibles. »
(Le Tribunal souligne)
[22] Un an auparavant, la Cour d'appel prononçait l'arrêt Daigle c. St-Gabriel de
Brandon (Corporation municipale de la paroisse de)9 maintes fois repris par la suite par
nos tribunaux.
7
Pièce R-2.
[1992] 2 R.C.S. 1065.
9
EYB 1991-56301.
8
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PAGE : 13
[23] Après avoir rappelé le contexte particulier de l'outrage au Tribunal et la réserve
dont les tribunaux doivent faire preuve sur cette question, monsieur le juge Chevalier,
au nom de la Cour, discute ainsi des particularités d'un tel recours :
«(…)
[13]
Est-il nécessaire de rappeler que la procédure d'outrage à laquelle réfère
l'article 50 du Code de procédure civile et les sanctions sévères dont l'article 51
rend passible celui qui le commet ne peuvent être utilisées à la légère.
L'article 50 n'a pas été conçu pour remplacer les moyens ordinaires d'exécution
d'un jugement qui sont prévus dans d'autres parties du Code précité. Comme le
souligne mon collègue monsieur le juge Tyndale dans Rivard c. Procureur
général du Québec – (1984) R.D.J. 571, à la page 576 :
Contempt is in a class by itself; it has its own rules.
[14]
La même réserve a été énoncée dans de nombreux arrêts de nos cours.
Le rôle du tribunal est bien résumé dans ces paroles de Lord Russel dans Rex c.
Gray – Law Reports, 1900, 2 Q.B., page 36, à la page 41 :
It is a jurisdiction, however, to be exercised with scrupulous
care, to be exercised only where the case is clear and beyond
a reasonable doubt. »
(Le Tribunal souligne)
[24] Abordant par la suite les paramètres devant guider le Tribunal dans le cadre de
son analyse de la violation d'une ordonnance, monsieur le juge Chevalier précise ce qui
suit :
«(…)
[15]
Lorsqu'il s'agit d'une allégation de non-exécution d'un ordre du tribunal, le
juge saisi d'une demande en déclaration d'outrage doit, à mon avis, procéder par
étapes. Il lui faut d'abord examiner attentivement les termes du jugement auquel,
selon le requérant, l'intimé n'aurait pas obéi. Ces termes impliquent, non
seulement le sens des mots utilisés mais aussi l'esprit dans lequel l'ensemble de
la décision a été conçu par celui qui l'a rédigée. Si, après examen il s'avère que
la phraséologie employée est ambigue [ sic] ou est susceptible d'interprétations
multiples, le juge a l'obligation de retenir cet élément d'appréciation lorsqu'il
aborde les étapes subséquentes. Le Syndicat des employés de transport
Dumont c. Nap Dirmont Limitée – (1987) C.A., 532.
[16]
Il doit ensuite se demander si la preuve révèle que l'intimé n'a pas
satisfait à l'ordonnance. Le fardeau d'établir cette preuve de l'actus reus incombe
incontestablement au requérant en outrage. S'il ne s'en acquitte pas ou si, après
500-17-047870-095
PAGE : 14
étude, un doute sérieux subsiste à ce sujet dans l'esprit du juge, point n'est
besoin pour lui de poursuivre l'examen de la question.
[17]
Le cas échéant où une telle preuve est faite, il y a alors renversement du
fardeau de la preuve en ce sens qu'il incombe à l'intimé d'expliquer pourquoi il
n'a pas satisfait au jugement. Comme le rappelle monsieur le juge Monet dans
Martial c. La Reine – (1985) R.D.J. 492-, ce fardeau se limite à celui de la
présentation des motifs. En toutes circonstances, le fardeau de persuader le
tribunal, au-delà d'un doute raisonnable, et face à l'ensemble de la preuve, que
l'outrage a été commis demeure toujours à la charge du requérant. Cet ensemble
est constitué 1) des termes du jugement 2) de l'actus reus et 3) des explications
qui, selon l'intimé devraient suffire à l'exonérer du délit reproché.
[18]
Dans le contexte particulier de l'art. 50 C.p.c., la mens rea qui constitue
un élément essentiel du comportement de l'intimé peut se manifester de deux
façons : ou bien l'attitude du débiteur de l'obligation reconnue par le jugement
démontre une intention évidente de ne pas l'exécuter; ou bien il y a donné suite
d'une façon qui, en plus d'être insatisfaisante, révèle de sa part une insouciance
grossière à en respecter, sinon la lettre, du moins l'esprit dans lequel elle lui a
été imposée. »
(Le Tribunal souligne)
[25] Dans l'arrêt Roques c. Sans10, la Cour d'appel applique ces principes en réitérant
ce qui suit :
«(…)
« [1] Selon l'état du droit, la procédure à suivre en matière d'outrage au tribunal
est la suivante :
1ère ÉTAPE : le requérant en outrage doit démontrer hors de tout doute
raisonnable que l'intimé n'a pas satisfait à l'ordonnance contenue au jugement
(actus reus);
2e ÉTAPE : une fois cette preuve faite, le fardeau de la preuve est renversé et il
incombe alors à l'intimé d'expliquer pourquoi il ne s'est pas soumis au jugement.
Ce fardeau se limite à la présentation des motifs;
3e ÉTAPE : cette démonstration faite, le fardeau revient sur les épaules du
requérant d'établir hors de tout doute raisonnable la fausseté des motifs
invoqués et de convaincre le tribunal que c'est de propos volontaire, délibéré et
sans aucune excuse légitime que l'intimé n'a pas satisfait au jugement (mens
rea). »
10
J.E. 2004-790 (C.A.).
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PAGE : 15
[26] Dans l'affaire Bouchard c. Société Industrielle de Décolletage et d'Outillage
(S.I.D.O.) Ltée et autres11, après révision des enseignements de la Cour d'appel en
pareille matière12, monsieur le juge Dumas de cette Cour souligne que l'ordonnance qui
est au coeur d'un recours pour outrage au tribunal doit être analysée en fonction tant de
sa lettre que des circonstances l'entourant. Il ajoute par ailleurs ce qui suit :
«(…)
[21] L'outrage au tribunal est un remède exceptionnel pour faire exécuter les
ordonnances des tribunaux. La procédure à suivre est rigoureuse et le fardeau
de preuve dépasse la prépondérance des probabilités. Ce recours exceptionnel
ne peut être utilisé à toutes les sauces et doit se rattacher étroitement à
l'ordonnance rendue. »
(Le Tribunal souligne)
[27] C'est donc à la lumière de ces enseignements que le Tribunal doit déterminer si
Les Rivières a contrevenu à l'ordonnance prononcée par cette Cour le 13 juillet 2009.
L'ANALYSE
PREMIÈRE ÉTAPE :
LES TERMES DE L'ORDONNANCE QUI AURAIT ÉTÉ VIOLÉE
[28]
L'ordonnance est rédigée en ces termes :
« Le Tribunal ordonne la production de documents faisant l'objet de la liste R-4,
devront être produits d'ici le 20 août 2009 ou un affidavit attestant de leur
non-disponibilité devra être produit. (…) »13
(Le Tribunal souligne)
[29] Une ordonnance ne saurait être plus claire : Les Rivières doit produire, dans le
délai imparti, les documents énumérés à la liste R-4 ou encore un affidavit attestant de
leur non-disponibilité.
[30] La liste R-4, qui a été élaborée par Bernstein à la suite de la vérification qu'il a
effectuée à la place d'affaires d'Ivanhoé, a par ailleurs elle aussi le mérite d'être dénuée
de toute ambiguïté en ce qu'elle énonce clairement les cinq (5) catégories de
11
[2009] QCCS 5777.
Voir notamment Zhang c. Chau, J.E. 2003-1288 (C.A.).
13
Précité, note 1.
12
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PAGE : 16
documents que Les Rivières doit transmettre à Le Jean Bleu aux fins de justifier les
dépenses d'opération qu'elle lui réclame.
[31] D'ailleurs, tant monsieur le juge Mongeon qui a rendu l'ordonnance dont il est ici
question que le procureur de Les Rivières ont bien cerné l'objectif recherché par Le
Jean Bleu à l'appui de la requête qu'elle a signifiée à Les Rivières le 22 mai 2009.
L'échange qui s'est alors tenu entre eux est là pour en témoigner :
«(…)
La Cour :
Frais d'administration, trente-deux mille dollars (32 000 $), allocation,
directeur régional. Bon. Ce qu'on veut savoir, c'est quels sont les justificatifs
pour le trente-deux mille (32 000 $) et, présumément, comment se fait
l'allocation. Bon. Ça, de deux choses l'une. Ou bien vous pouvez répondre
par documents ou vous devez répondre par explications.
Me François Viau :
Tout à fait.
La Cour :
Ou, sans doute, un mélange des deux, hein.
Me François Viau :
Voilà.
La Cour :
Bon. Alors, est-ce que ce ne serait pas logique de procéder en deux (2)
étapes? Vous allez regarder la liste, vous allez produire les documents qu'on
vous demande, dans la mesure où vous êtes en … vous les avez, ces
documents-là?
Me François Viau :
Et on y consent, évidemment, à les produire sans que le Tribunal choisisse
si ça doit être remis ou pas.
La Cour :
Bien, je ne vois pas pourquoi ça ne devrait pas être remis, mais à part de
ça…
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PAGE : 17
Me François Viau :
Je vous écoute.
La Cour :
… on peut toujours regarder les éléments. Ce sont toutes des dépenses
qui font partie de vos frais d'opération.
Me François Viau :
Tout à fait.
La Cour :
Si vous réclamez un dollar (1 $) pour des frais d'opérations, soyez prêt à
justifier votre dollar, maître. »
Me François Viau :
Ce n'est pas tout à fait comment ça fonctionne, Votre Seigneurie, dans le
domaine des centres d'achat parce que si chaque locataire aurait le droit
d'aller à la cenne près, vous avez une idée, le cauchemar administratif que
ça représenterait. Mais à tout événement, dans ce dossier-là, on a décidé d'y
aller. (…)»14
(Le Tribunal souligne)
[32]
Plus loin, l'échange se poursuit en ces termes :
La Cour :
Vous allez … je vais ajourner jusqu'à 2 h 00.
Me François Viau :
Oui, Votre Seigneurie.
La Cour :
Vous allez vous asseoir, vous allez regarder cette liste-là, vous allez voir ce
sur quoi vous vous entendez ou non. Sinon, je rendrai des ordonnances
appropriées. Mais je vais vous dire bien franchement, maître Viau, si un
locateur réclame des frais d'administration, quels qu'ils soient, en réclamant
les frais d'administration, il s'expose à ce qu'on lui demande des justificatifs.
14
Extrait de la transcription des notes sténographiques de l'audition du 13 juillet 2009, pp. 35, 36 et 37.
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PAGE : 18
Me François Viau :
Tout à fait.
La Cour :
Ne venez pas me dire que si c'est comme ça, chaque locataire n'a pas le
droit d'obtenir les justificatifs, on a un problème.
Me François Viau :
Ce n'est pas ce que je vous dis, Votre Seigneurie.
La Cour :
Bien, c'est ce que j'ai compris tout à l'heure, il y a un moment.
Me François Viau :
Je vous dis tout simplement que le justificatif est vérifié par les vérificateurs
et ensuite, les vérificateurs, ils vont remettre ce qu'ils ont regardé et les livres
sont ouverts. Mais ça ne veut pas dire que tu as le droit d'aller vérifier des
choses qui sont peut-être un peu trop loin dans le cadre d'une expertise.
La Cour :
Vous pensez?
Me François Viau :
Honnêtement.
La Cour :
Réfléchissez-y pendant l'heure du lunch.
Me François Viau :
D'accord.
Me Bernard Lévy-Soussan :
Vous avez mes pièces.
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La Cour :
Bien, je vous remets tout là. C'est suspendu jusqu'à 2 h 00. Et à 2 h 00, je
verrai ce que je fais exactement. »15
(Le Tribunal souligne)
[33] À la reprise de l'audition, alors que monsieur le juge Mongeon s'informe de l'état
de la situation, l'échange suivant s'engage entre le Tribunal et les procureurs des
parties :
«(…)
La Cour :
Alors, on revient, maître Lévy-Soussan et maître Viau. Quelle est la
situation?
Me Bernard Lévy-Soussan :
Mon collègue a consulté la liste que je lui ai remise et il me dit qu'il est
d'accord pour me remettre tous les documents y mentionnés. (…)
(…)
La Cour :
Quel est le délai dont vous avez besoin maître Viau?
Me François Viau :
45 jours.
(…)
La Cour :
Ceci étant dit, je vais fixer la date de production des documents. Vous
revenez le 16, je vous donne jusqu'au 20 août pour produire les documents
qui font l'objet de la liste, à laquelle vous consentez, maître Viau?
Me François Viau :
J'y consens, tout à fait.
15
Id., pp. 38, 39 et 40.
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PAGE : 20
La Cour :
Parfait.
Me François Viau :
Dans la mesure du disponible avec la cliente, je ne suis pas le …
La Cour :
Dans la mesure où les documents sont disponibles.
Me François Viau :
Voilà.
La Cour :
Pas dans la mesure où la cliente est d'accord.
Me François Viau :
Non, non. (…)»16
(Le Tribunal souligne)
[34] Ces échanges ne suscitent aucune ambiguïté quant à l'information que Les
Rivières doit transmettre à Le Jean Bleu, le délai dont elle dispose pour exécuter
l'ordonnance et l'obligation de produire un affidavit si les documents visés ne sont pas
disponibles.
[35] Les Rivières est aujourd'hui mal venue de plaider le caractère imprécis de
certaines demandes dont fait état la liste R-4, alors même que son procureur a eu
l'opportunité de consulter la liste et a clairement mentionné au Tribunal son intention d'y
donner suite.
[36] Dès lors et en raison du fait que l'ordonnance rendue le 13 juillet 2009 n'est
susceptible d'aucune interprétation, le Tribunal n'aura pas à moduler son analyse
lorsqu'il abordera les étapes subséquentes17, mais devra plutôt considérer que telle
ordonnance est d'une clarté exemplaire.
16
17
Id., pp. 41, 42, 49 et 50.
Précité, note 9.
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PAGE : 21
DEUXIÈME ÉTAPE :
LA PREUVE DE LA VIOLATION DE L'ORDONNANCE (ACTUS REUS)
[37] Lors de cette étape, Le Jean Bleu doit démontrer hors de tout doute raisonnable
que Les Rivières n'a pas satisfait à l'ordonnance du 13 juillet 2009.
[38] S'il est vrai que Les Rivières a répondu à Le Jean Bleu dans le délai imparti à
telle ordonnance, soit le 20 août 2009, la réponse qu'elle a donnée ne respecte
toutefois ni les termes ni l'esprit dans lequel l'ensemble de l'ordonnance a été rendu.
Pour s'en convaincre, il suffit de référer au contenu de la lettre que Les Rivières a
adressée à Le Jean Bleu le 20 août 2009 et où elle fait notamment état des motifs
suivants pour lesquels elle ne livre pas l'ensemble des documents et/ou informations
visés :
Les informations demandées sont imprécises, non pertinentes ou confidentielles;
Aucun document n'est disponible;
Elle a déjà transmis à Le Jean Bleu les informations et/ou documents visés dans
le cadre de sa lettre du 25 juin 2009;
Elle a donné accès à Bernstein, l'expert de Le Jean Bleu, au Grand Livre, et aux
montants justificatifs.
[39] D'une part, la nature même du Grand Livre ne permet pas, à quiconque remet en
question la validité des chiffres y mentionnés, d'effectuer les vérifications pertinentes.
Seul l'accès à la « supporting documentation » à la base de chacun d'eux permettra
d'effectuer un véritable travail de vérification.
[40] Par ailleurs, lors de l'audition du 13 juillet 2009, non seulement le procureur de
Les Rivières a clairement consenti à transmettre à Le Jean Bleu l'ensemble des
documents et/ou informations répertoriés à la liste R-4, mais le juge Mongeon a
également avisé ce dernier que la transmission des documents et/ou informations
devait être faite «(…) Dans la mesure où les documents sont disponibles (…) Pas dans
la mesure où la cliente est d'accord. (…)»18. (Le Tribunal souligne)
[41] Or, du contenu même de la lettre que Les Rivières a adressée à Le Jean Bleu le
20 août 2009, force est de constater que la transmission des documents et/ou
informations relevait de son entière discrétion.
[42] Est-il utile en outre de rappeler qu'aucun affidavit attestant de la non-disponibilité
de certains documents n'a été produit.
18
Précité, note 16, p. 50.
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PAGE : 22
[43] Bref, la preuve révèle hors de tout doute raisonnable que tant la lettre que l'esprit
de l'ordonnance du 13 juillet 2009 n'ont pas été respectés, ce que Les Rivières ne peut
d'ailleurs nier puisqu'elle a elle-même avisé Le Jean Bleu, dans la lettre qu'elle lui a
adressée le 20 août 2009, des raisons pour lesquelles elle ne lui avait pas transmis les
documents et/ou informations dont faisait état la liste R-4.
TROISIÈME ÉTAPE :
LES MOTIFS INVOQUÉS PAR L'INTIMÉ
[44] À cette étape, il incombe à Les Rivières d'expliquer les raisons pour lesquelles
elle n'a pas respecté l'ordonnance du 13 juillet 2009. Ce fardeau se limite à la
présentation des motifs.
[45] C'est d'ailleurs à un tel exercice que s'est livré le procureur de Le Jean Bleu lors
de l'audition de la présente requête lorsqu'il a interrogé madame Linda Froncioni
(madame Froncioni), chef régional pour la région de l'Est du Canada/Département des
finances chez Ivanhoé, sur chacun des items répertoriés à la liste R-4 aux fins de
connaître les raisons pour lesquelles Les Rivières n'a pas transmis tous les documents
et/ou informations visés ou encore produit un affidavit attestant, si tel était le cas, de
leur non-disponibilité.
[46] Il convient d'abord de souligner qu'après avoir mentionné que pour certains
items répertoriés à la liste R-4, soit il n'existe aucun document, soit les documents ne
sont pas disponibles, madame Froncioni n'a fourni aucune explication aux fins de
justifier qu'aucun affidavit n'ait été produit par Les Rivières, si ce n'est de dire que cette
dernière n'a pas estimé ni nécessaire ni utile de rédiger un tel document.
[47] Par ailleurs et sans reprendre de façon exhaustive tous et chacun des points
dont fait état la liste R-4, qu'il suffise de mentionner que madame Froncioni a expliqué
ainsi le défaut de Les Rivières d'avoir transmis au plus tard le 20 août 2009 tous les
documents et/ou informations visés :
Les documents et/ou informations demandés sont imprécis, non pertinents, non
nécessaires ou confidentiels;
Les documents et/ou informations demandés ont déjà été transmis à Le Jean Bleu
dans le cadre de la lettre que Les Rivières lui a adressée le 25 juin 2009;
Le présent litige ne concernant que Les Rivières, il n'est pas de l'intention de
Ivanhoé de transmettre les documents et/ou informations concernant l'ensemble de
ses propriétés.
[48] Ce sont là pour l'essentiel les réponses fournies par Les Rivières aux fins de
justifier le non-respect de l'ordonnance du 13 juillet 2009.
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PAGE : 23
QUATRIÈME ÉTAPE :
LA PREUVE DE LA MENS REA
[49] Lors de cette dernière étape, Le Jean Bleu doit démontrer hors de tout doute
raisonnable la fausseté des motifs invoqués par Les Rivières et convaincre le Tribunal
que c'est de propos volontaire, délibéré et sans aucune excuse légitime que Les
Rivières n'a pas satisfait à l'ordonnance du 13 juillet 2009.
[50] Avant toutefois d'aborder l'analyse de cette quatrième étape, il convient de
souligner que lors du témoignage qu'elle a livré, madame Froncioni a expliqué que pour
produire la lettre du 20 août 2009, elle a notamment travaillé de concert avec
Me Nicolas Rioux, un avocat à l'interne chez Ivanhoé, et Me François Viau, l'avocat qui
représente Les Rivières dans le cadre du présent litige.
L'absence d'affidavit
[51] Ici, Le Jean Bleu a démontré hors de tout doute raisonnable que Les Rivières n'a
jamais eu l'intention de produire quelque affidavit que ce soit pour attester de la nondisponibilité de certains documents et/ou informations concernés.
[52] Non seulement Les Rivières n'a fourni aucune explication pour justifier l'absence
d'un tel document, mais la preuve révèle sans conteste une insouciance grossière de sa
part à respecter, quant à cet aspect, les termes de l'ordonnance du 13 juillet 2009.
[53] Alors que madame Froncioni a reconnu comprendre la nature et la portée d'un
tel document, Mes Rioux et Viau, qui l'ont tous deux assistée dans la préparation de la
lettre du 20 août 2009, étaient au fait, ou du moins auraient du l'être, tant de la nature
que de l'importance d'un tel document, surtout en regard des termes clairs et non
équivoques de l'ordonnance du 13 juillet 2009.
[54] Dès lors et sur ce seul aspect, Les Rivières s'est rendue coupable d'outrage au
Tribunal.
[55]
Mais, il y a plus.
La transmission des documents que Les Rivières savait
incomplets
[56] Même si dans le cadre de sa lettre du 20 août 2009, Les Rivières mentionne
avoir déjà répondu à la majorité des demandes de documents et/ou informations visés
par la liste R-4, force est de constater que les documents qu'elle a transmis à Le Jean
Bleu le 25 juin 2009 ne répondent aucunement à l'objectif que cette dernière recherche
depuis déjà plusieurs mois, soit celui de vérifier et valider les données inscrites au
Grand Livre. Madame Froncioni a elle-même reconnu une telle lacune.
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PAGE : 24
[57] Par ailleurs, il est inadmissible de la part de Les Rivières de répondre de la
manière dont elle l'a fait le 20 août 2009, alors même que la liste R-4 constitue la pierre
angulaire de l'ordonnance qui a été prononcée par cette Cour le 13 juillet 2009, que
telle liste a été dûment validée par son procureur et que les réponses données
antérieurement, notamment celles du 25 juin 2009, ne satisfaisaient manifestement pas
les demandes de Le Jean Bleu.
[58] Est-il en outre utile de rappeler qu'avant même l'ordonnance du 13 juillet 2009, il
aura fallu, encore là en vain, deux (2) ordonnances de cette Cour, soit celles des 15 et
20 mai 2009, pour que Le Jean Bleu ait la possibilité d'avoir accès aux documents et/ou
informations qu'elle sollicitait.
[59] Le Tribunal ne saurait mieux dire que monsieur le juge Victor Melançon de cette
Cour dans l'affaire Mercier c. Tim Goforth et 9041-4983 Québec Inc.19, alors qu'il
discutait en ces termes du comportement du défendeur :
«(…)
[11]
Il apparaît évident de la preuve que le Tribunal a entendue que le
défendeur et l'entreprise dont il est l'alter ego principal, vu probablement la
querelle qui l'oppose à l'actionnaire minoritaire, n'avait pas l'intention, au point de
départ, de fournir beaucoup de documentation. Par la suite, il est exact que
matériellement il y a eu accès, ou possibilités d'accès à des documents.
Cependant, pour employer une expression un peu populaire « Chercher une
aiguille dans un tas de foin » est une entreprise bien vaste et bien difficile. Et il
est étonnant que l'on veuille prétendre avoir respecté la lettre et l'esprit d'une
ordonnance en procédant comme la défense l'a fait.
[12]
(…) Il est évident que l'état d'esprit de la défense était clairement, dès le
point de départ de cette guerre juridique, de donner le moins d'accès possible à
de la documentation, et que le petit peu qui a été fourni a été arraché feuille à
feuille, je dirais. (…) Mais la vérification à laquelle voulait procéder le demandeur
n'a pas été possible à cause de l'absence d'un accès véritable aux documents
qu'a eus le comptable des défendeurs.
[15]
(…) Donc il y a une intention telle qui émane de l'ensemble de la preuve
que je suis satisfait que hors de tout doute on a voulu formellement répondre à
l'ordonnance mais qu'en réalité on n'y a pas répondu et ainsi la preuve présentée
par le demandeur correspond aux exigences requises pour que le Tribunal
constate qu'il y a eu un manquement aux obligations légales découlant de
l'ordonnance du juge Bélanger et que la requête pour outrage au Tribunal, les
mots sont violents mais la réalité est ce qu'elle est, c'est pour non-respect
véritable d'une ordonnance du tribunal est démontrée. (…)»
19
500-05-069503-017 (C.S.MTL), le 9 octobre 2003.
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PAGE : 25
(Le Tribunal souligne)
[60] Là encore, en procédant comme elle l'a fait, Les Rivières s'est rendue coupable
d'outrage au Tribunal.
Le refus de répondre à certaines demandes de documents et/ou
informations aux motifs qu'ils sont imprécis, non pertinents, non
nécessaires ou confidentiels.
[61] Le comportement de Les Rivières à cet égard démontre sans conteste une
volonté flagrante de se soustraire aux termes de l'ordonnance du 13 juillet 2009.
[62] D'abord, plusieurs des raisons qu'elle invoque ont déjà fait l'objet de discussions
entre monsieur le juge Mongeon et son procureur,20 qui était alors bien au fait de l'esprit
dans lequel l'ordonnance dont il est ici question a été rendue.
[63] Par ailleurs, non seulement le procureur de Les Rivières a dûment consenti à
transmettre tous les documents et/ou informations dont fait état la liste R-4, mais même
si tel n'avait pas été le cas, Les Rivières avait tout le loisir d'en appeler de telle
ordonnance, ce qu'elle n'a pas fait. Elle devait donc se conformer en tout point à
l'ordonnance du 13 juillet 2009, soit transmettre à Le Jean Bleu tous les documents
et/ou informations faisant l'objet de la liste R-4 qui, faut-il le rappeler, constitue la pierre
angulaire de telle ordonnance.
[64] En décidant elle-même de ce qui était imprécis, non pertinent, non nécessaire ou
confidentiel, Les Rivières a démontré une intention délibérée de ne pas se conformer à
l'ordonnance du 13 juillet 2009, de même qu'une insouciance grossière à ne pas
respecter ni la lettre, ni l'esprit dans lequel telle ordonnance lui avait été imposée.
[65] Le Tribunal ne saurait ainsi cautionner un tel comportement qui démontre une
désinvolture totale à l'égard d'une ordonnance de cette Cour, et ce, alors que Les
Rivières avait pourtant dûment été avisée par monsieur le juge Mongeon que la
transmission des documents et/ou informations concernés ne pouvait dépendre de son
bon vouloir.
[66] Or, en procédant comme elle l'a fait, Les Rivières a fait fi de cette mise en garde
et décidé de ne transmettre à Le Jean Bleu que les documents et/ou informations
qu'elle-même estimait utiles, pertinents et non confidentiels.
20
Précité, notes 14, 15 et 16.
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PAGE : 26
[67] D'ailleurs, sur la question de la confidentialité, monsieur le juge Mongeon a tenu
cet échange avec le procureur de Les Rivières :
«(…)
Me François Viau :
Je pense qu'il veut avoir des listes de salaires aussi.
La Cour :
Oui.
Représentations de Me François Viau :
On rentre dans des choses qui sont… Vous savez, Votre Seigneurie,
quant tu fais faire une vérification par évidemment des vérificateurs, c'est
évidemment pour se mettre entre les… tu ne peux pas divulguer
évidemment à une partie demanderesse les salaires des employés, des
choses comme ça évidemment. Tu peux le faire au niveau d'un poste
général au niveau des salaires, mais si on veut savoir combien qu'il est
payé par année, combien qu'il fait de l'heure, et caetera, c'est des choses
comme ça évidemment qui vont faire l'objet d'un interrogatoire, pour
s'assurer qu'on puisse protéger les droits des gens.
La Cour :
Mais, maître, il y a moyen de protéger les droits des gens.
Me François Viau :
Absolument.
La Cour :
Assoyez-vous puis notamment là pour ça. Prenez la liste des salaires,
puis vous caviardez les adresses ou les noms, parce que ce n'est pas les
noms dont on a besoin, c'est la fonction puis la charge, le montant que ça
coûte, vu que vous les facturez en vertu de votre clause d'escalation de
frais d'opérations, Ça se fait ça. (…)»21
(Le Tribunal souligne)
[68]
21
Dès lors et ce faisant, Les Rivières s'est rendue coupable d'outrage au Tribunal.
Précité, note 14, pp. 27, 28 et 29.
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PAGE : 27
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
•
ACCUEILLE la Requête pour outrage au Tribunal intentée par la requérante;
•
DÉCLARE l'intimée, Centre Commercial Les Rivières Ltée, coupable d'outrage
au Tribunal;
•
FIXE les représentations sur sentence pro forma, le 15 septembre 2010, en
salle 2.08, ou à toute autre salle qui pourra être déterminée ultérieurement;
•
LE TOUT, avec dépens.
__________________________________
LISE MATTEAU, J.C.S.
Me François Viau
GOWLING, LAFLEUR, HENDERSON
Avocat de l'intimée
Me Bernard Lévy-Soussan
NAZEM, LÉVY-SOUSSAN, LAUZON, RATELLE
Avocat de la requérante
Date d’audience :
30 novembre 2009
Date du début du
délibéré :
10 février 2010
GPM 10 GP inc. c. Laboratoire Analtech inc.
2009 QCCQ 5528
COUR DU QUÉBEC
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
« Chambre civile »
N° :
500-22-146382-083
DATE : 18 juin 2009
______________________________________________________________________
SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE CHRISTIAN M. TREMBLAY, j.c.Q.
______________________________________________________________________
GPM 10 GP INC.
GPM REAL PROPERTY (10) LTÉE
Demandeurs
c.
LABORATOIRE ANALTECH INC.
Défenderesse
______________________________________________________________________
TRANSCRIPTION DES MOTIFS DU JUGEMENT RENDU
SÉANCE TENANTE LE 4 JUIN 2009
______________________________________________________________________
[1]
Pour les fins du présent jugement, le locateur sera désigné comme étant GPM et
le locataire comme étant Analtech.
[2]
Suite à l'abandon des lieux loués par Analtech, GPM cherche à obtenir le
paiement du loyer échu, une indemnité pour les loyers non versés, et ce, jusqu'à la
relocation du local commercial, ainsi que le remboursement des honoraires versés au
courtier immobilier qui lui a permis de passer un nouveau bail avec un nouveau
locataire. Le tout forme un total de 32 555,66 $.
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PAGE : 2
LES FAITS
[3]
De l'ensemble de la preuve le Tribunal retient les faits suivants comme étant
pertinents à la résolution du présent litige.
[4]
Les parties sont liées par un bail commercial (P-1) qui a été renouvelé en février
2006 (P-4). Selon la pièce P-4, le bail doit se terminer le 31 mars 2009. Le loyer
mensuel est alors de 2 172,65 $ pour un local de 2 288 pieds carrés, soit 10 $ le pied
carré plus taxes.
[5]
Le ou vers le 28 juillet 2007, Analtech quitte les lieux loués sans en aviser au
préalable le locateur. Elle s'engage cependant à payer le loyer jusqu'à ce que le local
soit sous-loué.
[6]
En août 2007, GPM entreprend des démarches afin d'aider Analtech à souslouer le local (pièces P-7 a), b) et c)).
[7]
Jusqu'au 1er novembre 2007, Analtech paie son loyer. Cependant, à cette date
elle fait défaut.
[8]
Le ou vers le 4 décembre 2007, Analtech transmet une lettre à son locateur
(pièce P-5). Par l'entremise de son avocat elle avise GPM qu'elle met fin à ses activités
et, par conséquent, qu'elle met fin au bail. Analtech demande à GPM de considérer le
bail comme étant résilié à compter du 4 décembre 2007. Elle avise GPM qu'elle a
l'obligation de minimiser ses dommages et qu'elle doit tenter de relouer le local.
[9]
À ce moment, il reste encore 16 mois au bail.
[10] Dès lors, GPM poursuit ses efforts pour louer le local commercial plutôt que pour
le sous-louer: affichage extérieur (pièce P-9), site internet, contact avec divers courtiers
immobiliers (pièce P-11), distribution d'une liste mensuelle (pièce P-7 d) et e)), fiche
descriptive (pièce P-10).
[11] Pendant plusieurs mois, GPM n'a que quelques visites et demandes
d'informations par téléphone.
[12] En août 2008, GPM change les données. En effet, la fiche descriptive P-10
indique que la suite numéro 10 est maintenant d’une superficie de 2 625 pieds carrés et
que le loyer brut est de 13 $ le pied carré plus taxes.
[13] En décembre 2008, un nouveau locataire est trouvé grâce à l'intervention du
courtier Royal Lepage. Le 16 décembre 2008 le nouveau locataire signe le bail, lequel
débute le 1er janvier 2009 (pièce P-8).
[14] En janvier 2009, GPM reçoit une facture de Royal Lepage (pièce P-12) au
montant de 5 777,79 $ laquelle est acquittée en février de la même année.
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PAGE : 3
QUESTIONS EN LITIGE
[15]
Le présent litige soulève les questions suivantes.
[16]
À quelle date le bail est-il résilié?
[17]
Y a-t-il arrérages de loyers?
[18] GPM a-t-elle droit à une indemnité pour pertes de loyers futurs pour une période
de 12 mois?
[19]
Analtech est-elle tenue de rembourser les frais du courtier Royal Lepage?
ANALYSE ET DISCUSSION
La résiliation du bail
[20] La clause 8.14 du bail prévoit qu'en cas de défaut du locataire, le locateur peut
résilier le bail en avisant le locataire par écrit. Dès lors, le locateur peut relouer le local.
[21] La preuve prépondérante démontre que c'est à compter du 4 décembre 2007
que Analtech considère que le bail prend fin. La lettre de Me Cléroux (pièce P-5) est
sans équivoque.
[22] Suite à la réception de cette lettre, GPM consent à cette demande puisque le
locateur effectue alors une démarche pour relouer le local.
[23] L'envoi d'une lettre par le locateur pour aviser le locataire que le bail est résilié
était totalement inutile puisque c'est Analtech qui a pris l'initiative de solliciter la
demande de résiliation, ce à quoi a implicitement consenti GPM.
[24] La résiliation du bail est donc consensuelle et elle prend naissance à compter du
4 décembre 2007 comme l'a demandé Analtech. En outre, la clause 8.14 du bail prévoit
que le locateur peut considérer le bail résilié de plein droit en cas de défaut du locataire,
comme c’est effectivement le cas en l’espèce.
Arrérages de loyer
[25] Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il est évident que le
défaut d'acquitter le loyer de novembre 2007 constitue un arrérages de loyer.
[26] La somme due est de 706,78 $ soit 2 172,65 $ pour le loyer, moins le dépôt de
1 466,58 $.
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PAGE : 4
Indemnité pour perte de loyers futurs
[27] GPM réclame douze mois de loyer en se basant sur le texte de la clause 8.14 in
fine du bail P-1.
[28] Analtech conteste cette réclamation. Elle prétend que le texte de la clause est
ambigu, que la clause prévoit deux clauses pénales, que les trois mois de loyer versé
en août, septembre et octobre 2007 sont suffisants, que GPM n'a pas cherché à
minimiser ses dommages.
[29]
Il s'agit ici de l'enjeu principal opposant les parties.
[30] Rappelons que l'article 1863 C.c.Q. accorde aux parties trois recours en cas
d'inexécution des obligations de l'autre partie: l'exécution en nature, la résiliation du bail,
si la partie adverse subit un préjudice sérieux, et le recours en dommages-intérêts.
[31] En l'espèce, les aspects résiliation du bail et exécution en nature (i.e. la
réclamation du loyer impayé) ont déjà été abordées. Reste la réclamation pour
dommages-intérêts que GPM présente également comme une perte de loyers futurs en
raison de l'inexécution des obligations par Analtech. En effet, la fin prématurée du bail
donne droit au locateur à une indemnité de relocation qui correspond à la valeur du
manque à gagner véritablement subi par le locateur.
[32] Cependant, le locateur doit minimiser ses dommages, conformément au principe
énoncé à l'article 1479 C.c.Q., en faisant les démarches voulues pour relouer son local
aussi rapidement que possible. Il s'agit là d'une obligation de moyen.
[33] Bien entendu, rien n'interdit de prévoir au bail une clause pénale conformément
à l'article 1622 C.c.Q. Cela évite d'avoir à prouver le préjudice subi (article 1623 C.c.Q.).
[34] Le procureur d'Analtech prétend que la clause 8.14 in fine contient deux clauses
pénales et qu'il y a confusion. L'effet combiné des deux clauses pénales est abusif et
contraire à l'article 1437 C.c.Q.
[35] Le Tribunal concède que le texte de la clause 8.14 in fine n’est certes pas un
modèle de clarté. Cependant, le Tribunal s'inspire des articles 1425 et 1428 C.c.Q. afin
d'interpréter la clause en question.
[36] Tout d'abord, la partie du texte qui stipule que le locateur peut recouvrir trois
mois de loyer suite à la résiliation du bail ou pour un terme plus long si prévu par la loi.
[37] Le Tribunal est d'avis qu'il s'agit là d'une véritable clause pénale puisque les
parties ont prévu un dommage liquidé à l'avance en cas de terminaison prématurée du
bail. Seul le délai de trois mois peut être ici considéré car la loi ne prévoit aucun délai
précis. Les termes "all of which shall immediately become due and payable" ne laisse
aucun doute sur la commune intention des parties. Il ne s’agit nullement d’une clause
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PAGE : 5
visant à protéger des arrérages de loyer en cas de faillite (art. 136 L.F.I.). Le texte de la
clause et le texte de la loi ne donnent aucunement ouverture à cette interprétation.
[38] Reste l'autre phrase qui débute par "Thereafter". Il ne peut s'agir ici d'une clause
pénale, malgré qu'on y ait introduit les mots "as liquidated damages" car les dommages
y prévus ne sont pas liquidés à l'avance. Ils dépendent du délai afin de relouer le local.
Il n'y a donc aucune pénalité déterminée objectivement.
[39] En réalité, il s'agit plutôt de la consécration du droit de demander des
dommages-intérêts pour résiliation prématurée du bail.
[40] L'article 1622 alinéa 2 C.c.Q. précise que le créancier doit opter entre la clause
pénale ou l'exécution en nature de l'obligation. Ici, le Tribunal est d'avis que la
réclamation en est une en dommages-intérêts.
[41] GPM réclame douze mois de loyer non perçu, soit la période qu'elle a mis à
relouer l'immeuble. Est-ce raisonnable?
[42] Puisque les parties ont convenu d'une clause pénale prévoyant un dommage
liquidé à l'avance équivalent à trois mois de loyer et que le but d'une clause pénale est
de calculer à l'avance ce qui est satisfaisant pour compenser les dommages subis. Il
serait inconvenant et inconséquent d'envisager que GPM ait droit à des dommagesintérêts supérieurs à trois mois de loyer si elle choisit de ne pas opter pour la clause
pénale. La clause pénale peut prévoir une compensation supérieure à ce que le
créancier aurait droit lors de l'exercice d'un recours en dommages-intérêts, mais pas
l'inverse.
[43] Conséquemment, le Tribunal en arrive à la conclusion que GPM a fait des efforts
raisonnables pour relouer le local aux mêmes conditions, et ce, à compter de décembre
2007 jusqu’à août 2008. Soit pendant 8 mois. À compter d'août, GPM a changé les
conditions et ces changements ne peuvent être opposés à Analtech puisqu'ils
contreviennent à l'obligation de GPM d'agir de bonne foi.
[44] Cependant, puisque GPM a estimé qu'une compensation de trois mois de loyer
est satisfaisante, en vertu de la clause pénale, le Tribunal réduit donc à trois mois de
loyer la perte subie par GPM, soit 6 517,95 $.
Frais du courtier Royal Lepage
[45] Puisque les frais du courtier ont été encourus après le délai de trois mois ici
retenu, GPM n'a pas droit au remboursement des frais du courtier Royal Lepage.
[46]
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[47]
ACCUEILLE en partie l'action.
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PAGE : 6
[48] CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme
de 7 224,73 $ avec intérêts au taux légal ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à
l'article 1619 C.c.Q., à compter de la date de signification de l'action.
[49]
Le tout avec dépens.
Me Natacha Lavoie
PÉLOQUIN KATTAN
Avocate de la partie demanderesse
__________________________________
CHRISTIAN M. TREMBLAY, j.c.Q.
Me Paul-André Mathieu
CORPORATION D'AVOCATS MATHIEU INC.
Avocat de la partie défenderesse
REJB 1999-10988 – Texte intégral
Cour supérieure
(Chambre civile)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT de Montréal
500-17-000864-978
DATE : 8 février 1999
EN PRÉSENCE DE :
Marie-France Courville , J.C.S.
The Standard Life Assurance Company, personne morale légalement constituée à
Edinborough, Scotland, ayant une place d'affaires au 1600, boul. René-Lévesque Ouest,
bureau 1710, Montréal (Québec) H3H 1P9
Demanderesse-défenderesse reconventionnelle
c.
Centre commercial Victoriaville ltée, personne morale légalement constituée, ayant une place
d'affaires au 600, boul. de Maisonneuve Ouest, bureau 2600, Montréal (Québec) H3A 3J2 et
3105555 Canada inc., une personne morale légalement constituée ayant une place d'affaires
au 600, boul. de Maisonneuve Ouest, bureau 2600, Montréal (Québec) H3A 3J2
Défenderesses-demanderesses reconventionnelles
et
162621 Canada inc. (adresse inconnue) et Kyriakos (Charlie) Papoulis (adresse inconnue)
Mis en cause-défendeurs reconventionnels
et
Épiciers Unis Métro-Richelieu, personne morale légalement constituée, ayant une place
d'affaires au 11011, Maurice Duplessis, Montréal (Québec) H1C 1V6 et L'officier de la
publicité des droits de la circonscription foncière d'Arthabaska
Mis en cause
Courville :–
1 Pendant la durée de son prêt hypothécaire, la défenderesse, Centre commercial Victoriaville
(Victoriaville), a accordé, en faveur de la compagnie 3105555 Canada Inc. (3105555), une servitude
(P-3) prohibant l'installation d'un marché d'alimentation et la vente de certains produits alimentaires
dans le centre commercial Carrefour des Bois Francs (Centrecommercial).
2 Le litige porte sur l'opposabilité de cette clause à la créancière hypothécaire, la demanderesse
Standard Life, qui a repris l'immeuble en paiement.
3 Quelle est la nature véritable de la clause décrite à la pièce P-3? S'agit-il d'une servitude réelle au
sens de l'article 1177 C.c.Q. ou uniquement d'une obligation personnelle?
4 Si l'engagement souscrit à P-3 est une obligation personnelle, seules les parties signataires de
l'acte seront liées et, en conséquence, la demanderesse Standard Life, ne sera pas tenue de le
respecter.
5 Cependant s'il s'agit d'une servitude réelle, il y aura alors lieu d'examiner les prétentions de la
demanderesse qui soutient que l'octroi de cette servitude a eu pour effet de diminuer la valeur du
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Centre commercial et, par conséquent, de sa créance hypothécaire.
Les Faits
6 De tous les faits mis en preuve lors de l'audition de la cause, le Tribunal retient uniquement ceux
qui sont nécessaires pour comprendre le déroulement des événements et qui sont pertinents à l'étude
des questions en litige. Il en est de même des documents déposés.
7 Les dates ayant une certaine importance, il convient d'en faire une chronologie.
1991
25 novembre:
En vertu d'une convention (P-1), Standard Life consent un prêt de 11 900 000 $ à la
défenderesse Victoriaville, laquelle accorde, en tant que propriétaire enregistré, une
hypothèque sur le Centre commercial
Ainsi, à l'article 30 de la convention, les parties conviennent qu'advenant défaut du
débiteur seul le centre commercial servira à remplir son engagement conformément aux
dispositions de l'article 1980 du Code civil du Bas-Canada. Le remboursement du prêt doit
être effectué le 1er décembre 1996.
1994
Août:
Canadian Tire décide de ne plus exploiter le magasin situé dans l'immeuble adjacent au
centre commercial, et dont elle est propriétaire, en raison de l'exiguïté des lieux.
Elle signifie son intérêt d'ouvrir un nouveau magasin de 87 000 pieds carrés dans le centre
commercial à la condition, entre autres, que les propriétaires de ce dernier se portent
acquéreurs de son ancien emplacement.
1995
9 janvier:
Afin d'acquérir l'immeuble de Canadian Tire, deux des administrateurs du centre
commercial créent la compagnie 3105555 et en finalisent l'achat le 1er septembre 1995.
Métro-Richelieu, qui opère un marché d'alimentation dans le centre commercial, n'entend
pas rester sur les lieux à la fin de son bail qui expire le 31 janvier 1996.
Mars:
Après d'intenses pourparlers, une entente est conclue entre Métro-Richelieu et 3105555,
laquelle prévoit l'aménagement d'un magasin Métro Super C sur l'ancien site de Canadian
Tire aux frais de Métro-Richelieu, la location dudit emplacement pour une période d'au
moins cinq ans et la signature d'une servitude.
Puis, tel que convenu, Canadian Tire déménage dans un local du centre commercial
devenu vacant mais nouvellement agrandi et réaménagé à ses frais.
1996
22 janvier:
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L'ouverture du magasin Métro Super C a lieu. Ainsi, Métro-Richelieu déserte le centre
commercial où un marché d'alimentation était en opération depuis 1975.
8 mai:
Centre commercial et 3105555 créent une servitude, en faveur de l'immeuble où loge
Métro Super C, laquelle prohibe l'installation d'un marché d'alimentation et la vente de
certains produits alimentaires dans le centre commercial. Ce document (P-3), dûment
enregistré le 14 mai 1996, constitue le coeur du présent débat.
1er décembre:
La défenderesse, Centre commercial, fait défaut de rembourser le capital du prêt.
1997
18 mars:
Les négociations pour renouveler le prêt ayant échoué, la demanderesse signifie un préavis
d'exercice d'un droit hypothécaire conformément à l'article 2757 C.c.Q. (P-2).
6 mai:
La défenderesse effectue le délaissement volontaire de l'immeuble par un acte auquel la
demanderesse participe (P-4).
7 mai:
La demanderesse intente la présente action contre Centre commercial et 3105555 et met
en cause Métro-Richelieu.
1998
2 mai:
Après plusieurs tentatives infructueuses de louer à IGA ou Sobey's, la demanderesse signe
finalement une entente avec Kyriakos Papoulis prévoyant la location d'un emplacement
pour exploiter un supermarché d'alimentation dans le centre commercial.
9 octobre:
Le Tribunal émet une ordonnance d'injonction interlocutoire interdisant, entre autres, à la
demanderesse de louer un des locaux du centre commercial ou d'en permettre l'occupation
aux fins d'opérer un marché d'alimentation ou d'y vendre des produits alimentaires.
16. octobre:
Une ordonnance de sauvegarde, au même effet que l'injonction interlocutoire, est émise
par la Cour pour valoir jusqu'à ce que le jugement final intervienne.
Position des Parties
8 La demanderesse soumet les prétentions suivantes, à savoir:
1-La servitude a été consentie en fraude de ses droits, le tout en violation des articles 1631
sqq. C.c.Q. donnant ainsi ouverture à un recours en inopposabilité.
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2-La création de la servitude a diminué la valeur du bien hypothéqué donnant ainsi
ouverture à un recours en nullité.
3-La charge imposée en vertu de la servitude constitue uniquement une obligation
personnelle qui ne lui est pas opposable.
9 Ces prétentions ont été endossées par le défendeur reconventionnel Papoulis tant dans ses
procédures écrites que lors de la plaidoirie.
10 Les défenderesses, Centre commercial et 3105555, soutiennent, au contraire, que la servitude a
véritablement eu pour effet de créer une servitude réelle, qu'elle a été consentie dans le cadre
normal des affaires sans intention de frauder la créancière hypothécaire et qu'elle n'a pas eu pour
effet de diminuer la valeur de lapropriété. La même position a été adoptée par la mise en cause
Métro-Richelieu.
La Servitude
11 Tel que mentionné précédemment, l'acte intitulé «servitude» (P-3) est intervenu entre 3105555
et Centre commercial.
12 Dans un premier temps, il décrit la propriété de 3105555 (Description l), soit l'immeuble portant
le numéro civique 601, boul. Jutras Est à Victoriaville et, dans un deuxième temps, la propriété de
Centre commercial Victoriaville (Description II), soit l'immeuble portant le numéro civique 475,
boul. Jutras Est.
13 Par la suite, il énonce la prohibition dans les termes suivants:
THAT the Parties herein do hereby create a Servitude in favour of the immoveable
property hereinabove described under the Heading «DESCRIPTION 1.» against the
immoveable property hereinabove described under the Heading «DESCRIPTION II.»,
prohibiting a food supermarket or grocery store or the sale of food items (saveas
hereinafter provided) and prohibiting the use of any portions of the immoveable property
hereinabove described under the Heading «DESCRIPTION II.» for parking purposes in
connection with a food supermarket or grocery store or the sale of food items (save as
hereinafter provided).
Les Motifs
14 Le travail du juge, dans l'examen du droit créé, est résumé par Baudry & Lacantinerie dans les
termes suivants1:
Il appartiendra au juge d'interpréter l'intention des parties, de se décider d'après les
circonstances de fait, d'après la nature particulière du droit concédé, d'après le but et
l'objet de la convention, en ayant soin de voir tout d'abord, pour faciliter la solution, si
quelqu'une des conditions essentielles àl'existence des servitudes ne fait pas défaut.
15 L'article 1177 C.c.Q. définit la servitude comme étant une charge imposée sur un immeuble, le
fonds servant, en faveur d'un autre immeuble, le fonds dominant, et qui appartient à un propriétaire
différent. L'ancien article 499 C.c.B.C. la définissait comme une charge imposée sur un héritage
pour l'utilité d'un autreappartenant à un propriétaire différent.
e
1.«Les Biens», Tome 5, 2 édition p. 799, tel que reproduit dans l'article de Me Robert DÉCARY, «De la validité d'une
servitude de non-usage à des fins commerciales dans une zone commerciale» octobre 1977, 63 R. du N. vol. 80, no 3,
70, p. 74.
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16 Dans un article paru dans la Revue du notariat2, le notaire Jean-Guy Cardinal a énoncé, de façon
concise, les éléments essentiels d'une servitude réelle:
1o)Il faut qu'il y ait deux fonds de terre.
2o)Que ces deux héritages appartiennent à deux propriétaires différents.
3o)Que ces deux héritages soient voisins.
4o)Que la servitude consiste en un avantage pour l'un des fonds.
5o)Qu'elle oblige le propriétaire du fonds asservi à souffrir ou à ne pas faire quelque chose.
6o)Que la servitude soit de sa nature perpétuelle.
17 Il semble plus important dans l'étude du présent dossier de mettre l'emphase sur un des critères
énoncés, soit celui de l'avantage qu'un des fonds doit retirer. C'est d'ailleurs la recommandation que
formule le notaire Cardinal pour déterminer si une servitude réelle existe:
Il faudra dans chaque cas examiner si le fonds retire un avantage de la charge c'est-à-dire
si tous les acquéreurs du fonds en profiteront vraiment.
(Soulignements ajoutés)
18 Dans un article publié en 1962 dans Meredith Mémorial Lectures on Real Estate Law and
Practice3 Me Samuel Chait insiste, lui aussi, sur l'avantage que le fonds dominant doit percevoir
indépendamment de son occupant ou de l'activité qui y est exercée:
The test which we should set with regard to the benefit of the dominant land is that the
benefit must accrue to the land, regardless of who occupied it, and regardless of what
occupation or business is carried on, on the dominant land. (Soulignements ajoutés)
19 En 1977, Me Robert Décary4 réitère que la servitude profite au fonds dominant et non au
propriétaire:
Il est de doctrine et de jurisprudence constantes qu'une servitude est établie au profit
d'une propriété et non au profit d'un propriétaire, en ce sens que la servitude doit profiter
à la propriété quel que soit le propriétaire et quel que soit l'usage — quand il n'est pas
relié à la natureintrinsèque du fonds — qu'en fasse le propriétaire, et qu'autrement il ne
s'agit pas d'une servitude au sens du Code mais d'une obligation personnelle qui ne lie
pas l'acquéreur subséquent de l'immeuble. (Soulignements ajoutés)
20 Le professeur Lafond expose, dans Droit des biens5 que «... la servitude (... réelle) existe pour
2.Jean-Guy CARDINAL, «Un cas singulier de servitude réelle» (1954-55) 57 R. du N. 478, 485
3.Samuel CHAIT, «Contractual Land use control», 1962, 52, 58-59-61
4.Robert DÉCARY, «De la validité d'une servitude de non-usage à des fins commerciales dans une zone commerciale»
octobre 1977, 63 R. du N. vol. 80. no 3, 70
5.LAFOND, P.C. Droit des biens, Montréal, Éditions Thémis, 1991, p. 545, 550
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l'utilité ou l'embellissement d'un fonds».
21 Cette caractéristique a été de nouveau soulignée par Madame le juge Rousseau-Houle dans
l'arrêt Girard c. Bouchard6:
Il est essentiel à l'existence d'une servitude réelle que le service qu'elle garantit ne soit
imposé ni à une personne ni en faveur d'une personne, mais à un fonds pour l'utilité et
l'agrément d'un autre fonds.
22 Ainsi, tous les auteurs soutiennent que la servitude réelle procure à un fonds le droit de jouir de
la chose d'autrui ou, pour reprendre les termes du professeur Cumyn: «un droit direct de jouissance
de la chose».
23 Madame Cumyn cite, à titre de droits réels de jouissance admis en droit positif, les droits de
chasse, de pêche, de coupe de bois auxquels elle ajoute les droits d'extraire une substance minérale
ou végétale, de puiser de l'eau, d'exploiter les forces hydrauliques ou une érablière, le droit de
passage et le droit d'affichage sur lebâtiment d'autrui. Dans toutes ces hypothèses, souligne-t-elle,
l'on trouve un droit de jouissance dans la chose au profit du bénéficiaire de la stipulation7.
24 Ainsi, la doctrine analysée fait ressortir que la servitude réelle possède les caractéristiques
suivantes:
elle profite à la propriété et non au propriétaire ou à l'exploitant, et ce, quel qu'en soit
l'usage;
elle procure un droit direct de jouissance de la chose;
elle ne peut être utilisée pour satisfaire un intérêt personnel.
25 Retrouve-t-on ces particularités dans les clauses d'exclusivité, appelées aussi clauses de
non-concurrence commerciale, de la nature de celles consentie à P-3?
26 Non, enseignent les auteurs ci-dessus cités.
27 Ainsi, Me Samuel Chait8 soutient que ces clauses ne procurent aucun avantage au fonds
dominant:
It benefits the person who occupies and carries on a certain type of activity on the
dominant land. Should the owner of the dominant land cease to carry on this particular
type of business, or change the nature of this business, the benefit ceases. Should the
owner transfer his business to a location other than the dominant land, the benefit again
would cease. The fundamental element of benefit to the dominant land is surely not
present in such a provision. (Soulignements ajoutés)
28 Me Robert Décary soumet que la clause de non-concurrence constitue une obligation
personnelle «... car elle est établie à l'avantage d'un propriétaire et d'un fonds de commerce (lequel
est un meuble) plutôt qu'à l'avantage du fonds lui-même»9. Et il cite10 , à l'appui de son avancé,
6.[1995] R.D.I. 24, 27 (C.A.)
7.CANTIN CUMYN, M. «De l'existence et du régime juridique des droits réels de jouissance innommés: essai sur
l'énumération limitative des droits réels» (1986) 46 R.Q.B. 3, 36
8.Op. cit., note 3, 59
9.Op. loc., note 4, 65
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Planiol & Ripert:
Parce que le véritable bénéficiaire est le titulaire de l'établissement commercial ou
industriel et qu'il n'y a pas de rapport de nature entre son objet et l'usage ou l'utilité du
fonds lui-même.
29 De même, Me Lafond11 «conçoit difficilement l'avantage que peut recevoir un fonds d'une
semblable convention. Elle sert davantage l'intérêt de ses occupants que le fonds lui-même.» Il
conclut qu'il s'agit d'une obligation strictement personnelle.
30 Le professeur Madeleine Cantin Cumyn estime que la clause de non-concurrence ne donne
«aucun droit direct de jouissance de la chose sur lequel pourrait se greffer une obligation réelle de
ne pas faire concurrence12 ». Elle soumet que le bénéficiaire de la stipulation peut s'en prévaloir
uniquement comme droit de créance.
31 Ainsi, parce que les clauses de non-concurrence n'apportent aucun droit réel de jouissance dans
le fonds servant et qu'elles profitent à l'exploitant du fonds dominant plutôt qu'au fonds lui-même,
les auteurs ne leur reconnaissent pas le statut de servitude réelle.
32 Seul le notaire Lamontagne13 estime que la clause de non-concurrence constitue une servitude
réelle lorsque le fonds dominant retire un avantage de la charge. Et, selon lui, l'avantage «consiste à
maximaliser (sic) l'exploitation ou le rendement d'un fonds dominant (terrain et bâtiments) qui
bénéficiera d'ailleurs d'une plus-value enrègle générale».
33 Cependant M. Lamontagne n'élabore pas sur les conditions d'application d'une telle clause. La
servitude survit-elle à un changement d'usage ou d'exploitant? Profitera-t-elle à tous les
propriétaires successifs du fonds? Et en quoi une exploitation assortie d'une clause de
non-concurrence procure-t-elle un avantage plus grand au fonds dominant qu'uneexploitation
identique effectuée sans le bénéfice d'une telle clause? L'auteur ne fournit aucune réponse à ces
interrogations.
34 Quel traitement les tribunaux ont-ils, pour leur part, accordé aux clauses de non-concurrence? Il
semble important d'examiner toutes les causes où il en a été question.
35 C'est dans l'arrêt Dupuis c. Dufresne14 que les tribunaux ont eu à se pencher pour la première
fois sur ce genre de clause. Le vendeur d'un moulin à scie était propriétaire de deux moulins de
chaque côté d'une rivière, l'un faisant farine et l'autre étant à scie. Le juge Tessier, de la Cour
d'appel, rappelle les faits comme suit:
Ces deux moulins étant voisins l'un de l'autre, Beauregard, pour protéger son moulin à
farine, fit une stipulation expresse acceptée par ledit acquéreur Paquet:
1.De ne pouvoir, en aucune manière quelconque, moudre ou faire moudre autres grains sur
aucune partie des terrains sus-désignés, autre que de l'avoine pour autres fins que pour en
faire de la farine.
e
10.Loc. cit., note 4, tel que reproduit dans l'article de M Décary à la page 70
11.Op. cit., note 5, 565.
12.Op. cit., note 7, 36
13.Denys-Claude LAMONTAGNE, Biens et propriétés, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1993, p. 300-301.
14.[1883] Q.B. 170
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36 La Cour d'appel, avec la dissidence du juge Monk, a jugé qu'il y avait «servitude réelle
assujettissant un immeuble envers l'autre, quel qu'en soit le possesseur.» Elle s'est inspirée de deux
décisions françaises et d'une citation de Demolombe15 qui se lit:
Ce qu'il faut surtout considérer, c'est si la charge imposée à l'un des héritages, en même
temps qu'elle le déprécie, augmente l'utilité de l'autre héritage, en tant qu'héritage d'une
façon en quelque sorte intrinsèque et absolue, de manière à faire par exemple, que la
maisonsoit habitable, ou le champ lui-même d'une culture plus facile, enfin,
l'établissement industriel lui-même d'une exploitation meilleure ou plus facile.
37 Or, comme le note Me Robert Décary, la Cour d'appel n'a pas reproduit toute la citation. Car
Demolombe considère que les clauses d'exclusivité à caractère commercial ne constituent pas des
servitudes réelles:
Il est certain que l'on ne pourrait pas imposer à un fonds avec le caractère et les effets
d'une servitude prédiale et perpétuelle, une charge qui n'aurait pour but que l'exercice
d'un commerce, d'une industrie ou d'une profession quelconque du concessionnaire.16
38 C'est pourquoi, après avoir effectué une étude du droit français sur la question, Me Décary
soutient17 :
...n'eut été de l'utilisation, hors contexte, par la Cour d'appel en 1883 d'une citation de
Demolombe, les clauses de non-usage à des fins commerciales d'un terrain situé dans un
secteur commercial auraient été unanimement considérées comme des obligations
personnelles et non comme des servitudes.
39 Avant lui, Me Samuel Chait avait formulé un commentaire semblable:
While I am aware of two judgements in the Province of Quebec where such a purported
servitude, prohibiting the carrying on of a certain type of business, has been held to be
valid, I must state that all the facts and all the jurisprudence and commentary on the
problem were, in these instances, not submitted to the Courts.18
40 Dans Segal c. Ross19 même si l'action visait le remboursement de la commission due à un agent
d'immeubles, M. le juge en chef Challies interprète la clause suivante:
Which servitude prohibits the use of the property sold for the sale at retail or wholesale of
meats, fruits, vegetables or groceries, or for the parking of automobiles in conjunction
with (such sale).
41 La compagnie Steinberg, en faveur de qui cette servitude avait été établie antérieurement, est
intervenue à l'acte de vente du fonds servant afin de protéger ses droits.
42 S'appuyant sur la décision Dupuis c. Dufresne, M. le juge Challies décide20 :
15.Supra, note 13, 172
e
16.Loc. cit. note 4. tel que reproduit dans l'article de M Robert Décary, 75.
17.Loc. cit. note 4,145.
18.Op. cit. note 3, 59.
19.1962 R.L. 385.
20.ld., 408
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While the question is doubtful, the Court is of opinion that there was, in fact, a servitude
created.
43 Toutefois, il ajoute:
Even if the so-called servitude for the reasons given in Planiol & Ripert were not a
servitude but merely a personal obligation binding upon the parties ... the ... outcome of
this case is not changed. (Soulignements ajoutés)
44 La clause d'exclusivité, qui est l'unique enjeu dans la cause Zigayer c. Ruby Foo's (Montréal)21 ,
se lit:
...in favour of the immoveable properties hereby sold, to the effect that the said lots 96-121
to 126 inclusive, shall not be used or in any way exploited for the sale to the public of food
or beverages, nor shall there beerected or operated thereon any restaurant or refreshment
stand.
45 M. le juge Paul Trépanier dit se baser sur les raisons formulées dans Segal c. Ross et décide qu'il
s'agit d'une servitude parce qu'elle profite au fonds dominant clairement décrit dans l'acte et qu'elle
affecte le fonds servant lui aussi clairement désigné.
46 D'autre part, quatre jugements analysent directement la validité de telles clauses et déterminent
qu'il s'agit d'une obligation personnelle.
47 Une clause de non-concurrence contenue dans un contrat de vente immobilier crée une
obligation personnelle, dit M. le juge Jules Allard dans La Maison Blanche limitée c. Babin22 .
Certes, il n'y a pas d'indication que le terrain vendu est grevé au bénéfice d'un fonds dominant;
cependant la clause n'est pas attachée à l'immeuble mais à la personne qui l'exploite poursuit le
juge:
C'est donc une activité qui est visée, celle de faire commerce dans un champ d'activité où
oeuvre déjà la demanderesse.
Cela ressemble beaucoup plus à une clause de non-concurrence qu'à un droit réel.23
(Soulignements ajoutés)
48 Dans Gestion Lepco c. Daniel Nard24 , l'acte d'achat de la requérante contient une clause
intitulée «Servitude de non-usage», laquelle prohibe «...l'opération d'une école d'aviation ou de
nolisement ou de location d'avions à des particuliers» sur le terrain acquis. Le fonds de la
requérante est qualifié de servant et celui del'intimé de dominant.
49 M. le juge Michel Côté souligne que l'auteur d'origine de la clause a voulu restreindre l'activité
de ses acheteurs sur l'immeuble vendu pour empêcher que soit fait concurrence, à partir de cet
immeuble (servant), au commerce exploité sur l'immeuble voisin (dominant). Et il ajoute:
Rien en cela ne permet de voir quel avantage serait ainsi apporté à l'immeuble caractérisé
comme dominant. Advenant que l'usage qu'en fait le propriétaire change, rien n'en
subsisterait. Cela suffit pour conclure que la clause restrictive intitulée «Servitude de
21.1976, C.S. 1362.
22.1987, R.D.I., 324.
23.Id., 327.
24.[1992] R.D.I. 279C.S..
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non-usage» aété stipulée à l'avantage commercial de son auteur et non pour apporter
quelque avantage réel à l'immeuble de ce dernier (p. 281)
(Soulignements ajoutés)
50 Dans la cause Industries Bonneville ltée c. Placements Paul Bernard ltée25 , deux fabricants ont
voulu protéger leur entreprise respective en signant des clauses de non-concurrence interdisant la
fabrication et la vente de produits du même genre.
51 Toutefois, même si les parties ont donné le nom de servitude à la clause et même si elles ont
pris soin de désigner un fonds servant et un fonds dominant, M. le juge André Biron refuse d'y voir
une servitude réelle parce que, dit-il26 :
...il n'y a pas de rapport de nature entre l'objet de cette charge et l'utilité du fonds
lui-même.
52 Cependant il en reconnaît la validité comme simple clause de non-concurrence.
53 Tout récemment, M. le juge André Denis, dans le cadre d'une requête pour jugement
déclaratoire, s'est penché sur la nature et la portée d'une clause contenue dans un contrat de vente et
prohibant l'usage de l'immeuble vendu comme salon funéraire27 .
54 Parce que la clause ne sert pas le fonds dominant mais l'intérêt commercial de ses occupants et
qu'elle ne possède pas, en conséquence, les caractéristiques essentielles d'une servitude réelle, il
conclut qu'il s'agit d'une clause de non-concurrence personnelle aux cocontractants.
55 Les trois autres jugements qui traitent de clauses de non-concurrence ne se prononcent pas sur la
nature ou la validité de telles clauses. Conséquemment, ils ne sont d'aucune utilité dans la solution
du présent litige.
56 Ainsi, dans la cause Lajeunesse c. Repentigny28 , la Cour provinciale décide qu'en cas de non
respect d'une clause restrictive de non-utilisation d'un immeuble à des fins commerciales assortie
d'une clause pénale, le Tribunal est lié par le montant de la peine stipulée entre les parties à la
convention.
57 Dans une requête pour jugement déclaratoire soumise à la Cour dans Le Magasin Co-op
d'Asbestos inc. c. Centre commercial d'Asbestos inc.29 , deux questions sont posées, dont la première
est «Malgré les transferts de propriété, cette servitude d'exclusivité est-elle toujours valable et
subsistante?» Or cette question de la requérante n'est pas contestée par le procureur de l'intimée et,
en conséquence, non examinée par leTribunal.
58 Finalement, dans l'arrêt Weissbourg c. Cité de l'Île30 , la Cour d'appel n'analyse pas la validité de
la clause d'exclusivité consentie en faveur de Provigo mais fait seulement référence à un passage du
jugement de la Cour supérieure qui soulignait que la clause n'avait pas été enregistrée et ne
désignait aucun fonds dominant et servant.
25.J.E. 93-1651 (C.S.).
26.ld., 21.
27.Léveillé c. Coopérative funéraire d'Autry, J.E. 98-1286 (C.S.).
28.(1975) C.P. 147.
29.[1986] R.D.I. 551C.S..
30.J.E. 94-1463 (C.A.)
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Page 10
59 Mais malgré les jugements contradictoires sur la nature de ces clauses, les juges sont moins
divisés qu'il n'y paraît à première vue.
60 L'arrêt Dupuis c. Dufresne31 a entraîné dans son sillage, mais sans grande conviction, le juge en
chef Challies dans Segal c. Ross32 et, à sa suite, le juge Trépanier dans Zigayer c. Ruby Foo's
(Montréal)33
61 Toutefois une constante se dégage des jugements plus récents: les clauses de non-concurrence
ne constituent pas des servitudes réelles34 .
62 Et cette tendance correspond à l'interprétation formulée par les auteurs.
63 C'est donc à la lumière des enseignements tant des auteurs que des tribunaux qu'il y a lieu de
déterminer la nature véritable de la servitude P-3.
64 Pour ce faire, rappelons les principaux éléments de cette convention signée le 8 mai 1996:
1. Désignation d'un fonds servant et d'un fonds dominant:
La pièce P-3 mentionne, en effet, que le Centre commercial correspond au fonds servant et
que l'immeuble appartenant à 3105555 et sur lequel est érigé le magasin Métro Super C
représente le fonds dominant.
2. Prohibition:
La servitude prohibe l'installation d'un marché d'alimentation et la vente de certains
produits alimentaires dans le centre commercial
3. Durée:
La convention P-3 prévoit que la servitude sera effective jusqu'à:
- the date upon which the offer to Lease with Epiciers Unis Metro-Richelieu Inc.
(hereinafter called the «Tenant»), dated the Third day of March, Nineteen hundred and
ninety-five (1995), affecting the immovable property hereinabove described under the
Heading DESCRIPTION I, or any lease executed pursuant thereto and anyrenewals
thereof (the said Offer to Lease and any Lease executed pursuant thereto and any
renewals thereof, hereinafter individually and collectively referred to as the «Lease»),
cease to be in full force and effect
- the date upon which the Tenant voluntarily permanently closes the premises leased
pursuant to the Lease;or
- the date upon which the Tenant changes, from that in effect as at the date of the
execution of this Servitude, the principal use of the building forming part of the premises
leased pursuant to the Lease (the «BUILDING») in at least sixty percent (60 %) of the
BUILDING.
31.Op. cit., note 14
32.Op. cit., note 19
33.Op. cit., note 21
34.La Maison Blanche limitée c. Babin. Op. cit., note 22; Gestion Lepco c. Daniel Nard, Op. cit., note 24 Industries
Bonneville ltée c. Placements Paul Bernard ltée, Op. cit., note 25 et Léveillé c. Coopérative funéraire d'Autry, Op. cit.,
note 27.
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65 Même si, habilement, un fonds servant et un fonds dominant sont clairement désignés, la
convention P-3 ne constitue pas une servitude réelle parce qu'elle n'en possède pas les attributs:
aucun droit réel de jouissance n'est accordé sur le fonds servant35 . En effet, P-3 ne fait que
prohiber la vente de produits alimentaires dans le centre commercial sans que l'immeuble où
loge Métro Super C bénéficie d'un des droits réels de jouissance décrits par le professeur
Cumyn tel droit de passage, droit d'affichage, etc. C'est donc uniquement une activité qui est
visée36 .
elle ne peut ni s'imposer, ni profiter à perpétuité aux propriétaires successifs du fonds
prétendument dominant à qui elle ne procure aucune protection accrue.37
Car c'est Métro Richelieu qui détient l'entier contrôle sur la durée de la clause. Ainsi,
advenant que Métro Richelieu cesse ses activités sur le site ou transfère son commerce dans
un autre lieu, la servitude disparaît. Conséquemment, le propriétaire actuel du fonds et ses
successeurs sont totalement à la merci desagissements de l'exploitant Métro Richelieu.
elle ne profite pas à la propriété quel que soit l'usage qu'on en fait38 . Au contraire, P-3
prévoit que la servitude cesse si Métro Richelieu modifie l'usage qu'il fait de plus de 60 %
de la superficie du local. Il s'agit d'une convention élaborée uniquement en fonction de
l'usage que Métro Richelieu fait des lieux loués.
Confronté à un problème similaire dans Gestion Lepco c. Nard, l'honorable Michel Côté
s'exprime comme suit39 :
Advenant que l'usage qu'en fait le propriétaire change, rien n'en subsisterait. Cela suffit
pour conclure que la clause restrictive intitulée «Servitude de non-usage» a été stipulée à
l'avantage commercial de son auteur et non pour apporter quelque avantageréel à
l'immeuble de ce dernier. Il n'existe pas de commune mesure entre une telle clause et une
servitude non oedificandi. (Soulignements ajoutés)
Me Chait formule également la même observation40 :
Should the owner of the dominant land cease to carry on this particular type of business,
or change the nature of this business, the benefit ceases. Should the owner transfer his
business to a location other than the dominant land, the benefit again would cease. The
fundamental element of benefit to the dominant land is surely not present in such a
provision. (Soulignements ajoutés)
elle n'est pas établie à l'avantage du fonds lui-même41 .
P-3 est plutôt conçue en faveur d'une personne déterminée et à son seul avantage
35.Op. cit., note 7
36.Précité note 22
37.Loc. cit. note 2
38.Op. cit., note 3
39.Précité, note 24, 281.
40.Op. cit., note 3, 59
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commercial. En effet, seulement Métro Richelieu bénéficie de la prohibition de vendre des
produits alimentaires dans le centre commercial en s'assurant ainsi de l'éloignement des
concurrents.
Est-il nécessaire de rappeler que le but recherché par les parties signataires de la convention,
soit l'intérêt commercial de Métro-Richelieu, aurait pu être atteint en utilisant un autre
véhicule juridique qui, lui, aurait pu lier les propriétaires successifs du lot?
Il n'y a pas de rapport de nature entre son objet et l'usage ou l'utilité du fonds lui-même42 .
En effet, comment un fonds peut-il tirer avantage d'une prohibition de vendre des produits
alimentaires?
66 Force est de conclure que la servitude créée dans l'acte P-3 est une clause d'exclusivité
personnelle aux co-contractants et non une servitude réelle. Elle ne lie que 3105555 Canada Inc. et
Centre commercial Victoriaville Itée et elle n'est pas opposable à Standard Life qui a pris le centre
commercial en paiement.
67 Étant donné cette conclusion, il n'y a pas lieu d'analyser les autres prétentions de la
demanderesse.
Par ces Motifs, Le Tribunal:
68 ACCUEILLE la demande comme suit;
69 DÉCLARE que la convention intervenue entre Centre commercial Victoriaville Ltée et 3105555
Canada Inc. le 8 mai 1996 et dûment enregistrée le 14 mai 1996 constitue une obligation de nature
purement personnelle inopposable à la demanderesse;
70 LE TOUT avec frais contre les défenderesses et la mise en cause Épiciers Unis Métro-Richelieu
Inc. étant donné sa contestation.
Courville
Me Jonathan Robinson, pour The Standard Life Assurance Company et 162621 Canada Inc.
Me Barry Landy, pour Centre commercial Victoriaville et 3105555 Canada Inc.
Me Sylvain Rigaud, pour Épiciers Unis Métro-Richelieu Inc.
Me Peter Kalichman, pour M. Kyriakos (Charlie) Papoulis.
Date de mise à jour : 19 décembre 2010
Date de dépôt : 9 mai 2003
41.Op. cit., note 4 et voir aussi: Girard c. Bouchard, précité note 6; op. cit., note 3;
op. cit., note 5 et Léveillé c. Coopérative funéraire d'Autry, précité note 27
e
42.Loc. cit., note 4, tel que reproduit dans l'article de M Décary à la page 70; voir aussi Industries Bonneville
ltée c. Placements Paul Bernard ltée, précité note 25
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REJB 2001-23288 – Texte intégral
Cour d'appel
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT de Montréal
500-09-007731-995
DATE : 21 mars 2001
EN PRÉSENCE DE :
André Forget , J.C.A.
Michel Robert , J.C.A.
Louis Rochette , J.C.A.
Épiciers unis Métro-Richelieu inc.
Appelante-mise en cause
c.
The Standard Life Assurance Company
Intimée-demanderesse-défenderesse reconventionnelle
et
Centre commercial Victoriaville ltée
Défenderesse
et
3105555 Canada inc.
Défenderesse-demanderesse reconventionnelle
et
162621 Canada inc. et Kyriakos (Charlie) Papoulis
Intimés-défendeurs reconventionnels-mis en cause
et
Le registraire pour la division d'enregistrement d'Arthabaska
Mis en cause
Per Curiam:–
1 LA COUR, statuant sur le pourvoi de l'appelante contre un jugement rendu le 8 février 1999, par
l'honorable Marie-France Courville de la Cour supérieure, district de Montréal, qui a accueilli la
demande de The Standard Life Assurance Company, déclaré que la convention intervenue entre
Centre commercial Victoriaville Ltée et 3105555 Canada Inc. le 8 mai 1996 constitue une
obligation de nature purement personnelle inopposable à la demanderesse et rejeté la demande
reconventionnelle de 3105555 Canada Inc.;
2 Après étude du dossier, audition et délibéré;
3 POUR LES MOTIFS exprimés dans l'opinion ci-annexée du juge Rochette, auxquels souscrivent
les juges Robert et Forget;
4 ACCUEILLE l'appel à seules fins;
5 DE DÉCLARER The Standard Life Assurance Company propriétaire depuis le 20 mai 1997 de
l'immeuble à l'égard duquel un préavis d'exercice a été initié le 18 mars 1997 et publié le 20 mars
1997;
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6 DE DÉCLARER l'acte dit de servitude daté du 8 mai 1996 inopposable à The Standard Life
Assurance Company et à ses ayants droits;
7 D'ORDONNER au registraire pour la division d'enregistrement d'Arthabaska de faire les entrées
appropriées au registre de la publicité des droits, sur les lots affectés par ce jugement.
8 AVEC DÉPENS contre l'appelante.
Me Sylvain Rigaud, pour l'appelante
Me Jonathan J. Robinson, pour les intimés
Opinion du Juge Rochette:–
9 L'appelante [Métro] fait appel d'un jugement rendu le 8 février 1999 par la Cour supérieure,
district de Montréal, qui a accueilli l'action de l'intimée [Standard Life] et déclaré qu'une convention
intervenue entre Centre commercial Victoriaville Ltée [Centre commercial] et 3105555 Canada Inc.
[310] le 8 mai 1996, publiée le 14 mai 1996, que l'on intitule acte de servitude, constitue en réalité
une obligation de nature purement personnelle inopposable à Standard Life. Le jugement a
également rejeté la demande reconventionnelle de 310 (rectification de jugement, 12 février 1999).
10 Pour l'essentiel, Métro prétend que la convention en cause est bien une servitude, de la nature
d'un droit réel. Elle requiert l'émission d'ordonnances pour en assurer le respect.
11 Dans un pourvoi connexe (500-09-007739-998), Centre commercial et 310 recherchent les
mêmes conclusions que Métro, les conclusions en injonction étant plus particulièrement soutenues
par 310 en vertu de sa demande reconventionnelle.
12 L'énumération de certains faits, sous forme chronologique, permettra de mieux comprendre le
litige qui s'est développé entre les parties. Un plan sommaire des lieux complète la chronologie.
1975Centre commercial achète un terrain à Victoriaville et y construit un centre d'achats
qu'elle exploitera, le Carrefour des Bois-Francs.
Elle revend à Canadian Tire une partie de terrain contiguë à la propriété du centre d'achats.
Environ 200 pieds séparent l'extrémité nord du centre d'achats de l'édifice que construit
Canadian Tire.
Les principaux occupants du centre d'achats sont Steinberg, Woolworth's (Woolco), Zellers
et Harts.
1990Réagissant à la construction d'un nouveau centre d'achats à Victoriaville, Centre
commercial agrandit ses installations.
25.11.91Standard Life prête 11 900 000$ à Centre commercial pour une période de cinq ans
se terminant le 1er décembre 1996. Le prêt n'est garanti que par une hypothèque sur la
propriété, assortie comme c'est l'usage d'une clause de dation en paiement. Centre
commercial refinance des prêts antérieurs et effectue les travaux d'agrandissement projetés.
2.7.92Métro acquiert le bail de Steinberg qui limite à son bénéfice la compétition à
l'intérieur du centre d'achats.
Automne 1993Métro annonce à Centre commercial qu'elle n'a pas l'intention d'exercer
l'option de renouvellement stipulée à son bail qui expire le 31.1.96. Elle recherche un local
plus grand avec un accès direct au stationnement.
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8.1.94Métro s'entend en principe avec Centre commercial pour relocaliser son magasin dans
une partie du local occupé par Woolco et se convertit à la bannière Super C.
17.1.94Fermeture du magasin Woolco.
14.6.94Centre commercial informe Standard Life de l'entente conclue avec Métro qui doit
déménager dans les anciens locaux de Woolco. Centre commercial a l'intention d'accepter la
terminaison avant son terme du bail conclu avec Métro et requiert le consentement du
prêteur.
Aout 1994Canadian Tire fait savoir à Centre commercial que ses locaux sont devenus trop
exigus.
Octobre 1994Centre commercial informe Métro qu'elle a changé ses plans. Elle louera le
local de Woolco à Canadian Tire qui accepte de l'aménager à ses frais. Les discussions entre
Métro et Centre commercial sont rompues.
Fin Octobre 1994Centre commercial et Métro envisagent de relocaliser les activités de cette
dernière sur le terrain qui sera laissé vacant suite au départ de Canadian Tire. Entente de
principe. Canadian Tire louera l'ancien local de Woolco et Centre commercial achètera le
terrain de Canadian Tire pour 800 000$. Centre commercial convient notamment de n'y pas
permettre l'installation d'un compétiteur de Canadian Tire.
31.12.94Zellers ne renouvelle pas le bail de son local, situé à l'extrémité sud du centre
d'achats. Ce local est demeuré vacant depuis.
3.3.95Entente entre Métro et 310, le futur propriétaire du terrain de Canadian Tire, à
laquelle intervient Centre commercial (D-9). 310 a été créé vers le début de 1995. Elle est
liée aux propriétaires de Centre commercial. Des directeurs sont les mêmes, les deux
entreprises partagent les mêmes locaux.
Métro construira un marché d'alimentation Super C sur le terrain de Canadian Tire que lui
louera 310. Elle rétrocèdera l'édifice à 310 à la fin du bail.
L'offre de location de Métro, acceptée par 310 et Centre Commercial, comporte la clause
suivante:
15.The LANDLORD [il s'agit de 310] will cause the following real servitudes
(«SERVITUDES») to be created and published by August 1, 1995:
(...)
15.2by the LANDLORD and CCV [il s'agit de Centre commercial], a food and supermarket
restriction as set forth on Schedule C, which will no longer apply if the TENANT [il s'agit
de Métro] voluntarily permanently closes the PREMISES or changes the principal use in at
least sixty percent (60%) of the BUILDING;
L'annexe «C», à laquelle réfère cette clause se lit:
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CENTER COMMERCIAL VICTORIAVILLE LTÉE («CCV») hereby covenants that
during the initial term and all renewal periods of the TENANT's lease, no other space
included in the EXISTING CENTRE, as same may be expanded from time to time, or
within any lands adjoining the EXISTING CENTRE, which any person, partnership or
any other company in which the directors or shareholders of CCV, or any other company,
person or partnership in which the directors of CCV have a direct or indirect interest, or
with which CCV is affiliated or associated, either personally or through nominees shall be
used or operated for the purposes of a food supermarket or grocery store or for the sale of
food items, groceries, meats, produce, baked goods or for parking purposes in connection
therewith. Investments by CCV, by directors of CCV or by shareholders of CCV,
individually or together in a public company to the extent not exceeding five percent (5%)
ot the equity of the company shall not be considered an interest in contravention of this
paragraph.
In addition, no such space or land shall be used for the purpose of selling food or food
products, including without limitation, baked goods, meat, fish, poultry, dairy, produce,
fruit, vegetables and/or grocery items for consumption on or off the premises, save that the
following exceptions will be permitted:
(...)
[Je souligne]
Printemps 1995Canadian Tire déménage dans les anciens locaux de Woolco.
29.8.95Canadian Tire vend, comme convenu, son immeuble à 310 pour un montant de 800
000$.
Janvier 1996La construction par Métro de son supermarché sur l'ancienne propriété de
Canadian Tire est complétée. Elle y débute l'exploitation d'un marché d'alimentation Super
C. L'espace laissé libre suite à son départ du centre d'achats demeure inoccupé.
Printemps 1996Centre commercial est en défaut de payer les taxes foncières afférentes à sa
propriété.
8.5.96Conformément à l'offre de location de Métro du 3 mars 1995 acceptée par 310 et
Centre commercial, cette dernière consent en faveur de 310 devant notaire un acte de
servitude pour un montant de 1$ (P-3).
La servitude suivante est créée par 310 et Centre commercial:
THAT the Parties herein do hereby create a Servitude in favour of the immoveable
property hereinabove described under the Heading «DESCRIPTION I.» [il s'agit de la
propriété de 310] against the immoveable property hereinabove described under the
Heading «DESCRIPTION II.» [il s'agit du centre d'achats propriété de Centre
commercial], prohibiting a food supermarket or grocery store or the sale of food items
(save as hereinafter provided) and prohibiting the use of any portions of the immoveable
property hereinabove described under the Heading «DESCRIPTION II.» for parking
purposes in connection with a food supermarket or grocery store or the sale of food items
(save as hereinafter provided).
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Quant à la durée de la servitude octroyée, l'acte stipule que:
THIS servitude shall continue to exist until the earlier of the following dates, namely:
the date upon which the Offer to Lease with Epiciers Unis Metro-Richelieu Inc. (hereinafter
called the «Tenant»), dated the Third day of March, Nineteen hundred and ninety-five
(1995), affecting the immovable property hereinabove described under the Heading
DESCRIPTION I, or any lease executed pursuant thereto and any renewals thereof (the said
Offer to Lease and any Lease executed pursuant thereto and any renewals thereof,
hereinafter individually and collectively referred to as the «Lease»), ceases to be in full
force and effect;
the date upon which the Tenant voluntarily permanently closes the premises leased pursuant
to the Lease; or
the date upon which the Tenant changes, from that in effect as at the date of the execution of
this Servitude, the principal use of the building forming part of the premises leased pursuant
to the Lease (the «BUILDING») in at least sixty percent (60%) of the BUILDING.
[Je souligne]
14.5.96L'acte de servitude est inscrit au Bureau de la publicité des droits. Standard Life n'en
est pas informée.
Automne 1996Centre commercial est en défaut de payer ses taxes scolaires.
1.12.96Le prêt consenti à Centre commercial arrive à échéance. Les négociations entreprises
pour son renouvellement s'avèrent infructueuses. Standard Life ne peut obtenir de Centre
commercial les garanties additionnelles qu'elle requiert.
18.3.97Standard Life fait signifier à Centre commercial un préavis d'exercice d'un droit
hypothécaire (a. 2757 C.C.) (P-2), qui énonce, relativement au droit hypothécaire exercé:
Vous êtes sommés de délaisser l'immeuble ci-haut décrit, dans les soixante (60) jours à
compter de l'inscription du présent préavis au registre foncier de la circonscription
foncière d'Arthabaska, afin que la Créancière exerce son droit hypothécaire de prendre
l'immeuble en paiement en vertu des articles 2778 et suivants du Code civil du Québec, le
tout, sous réserve du droit de la Créancière d'opter pour l'exercice d'un autre droit
hypothécaire et de son droit d'exercer ses autres recours disponibles en vertu de la loi.
(...)
[Je souligne]
Standard Life aurait été informée peu après de l'existence de la servitude.
6.5.97Centre commercial consent, en faveur de Standard Life, un acte de délaissement
volontaire de l'immeuble du centre d'achats (P-4), à des fins d'administration:
4. The Debtor has agreed to voluntarily surrender possession of the said immoveable
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property to the Creditor in order that the Creditor may take possession of the property, the
whole in accordance with Article 2764 of the Civil Code of Quebec.
NOW, THEREFORE, THE PARTIES HERETO HAVE AGREED AS FOLLOWS:
Article 1
Surrender
The Debtor hereby voluntarily surrenders possession of the property hereinafter described,
in accordance with Article 2764 of the Civil Code of Quebec, in favour of the Creditor,
hereto present and accepting.
(...)
All hypothecary recourses available to the Creditor in accordance with the provisions of the
Civil Code of Quebec and pursuant to the Deed of Loan are hereby expressly reserved.
9.5.97Standard Life initie ses procédures en Cour supérieure.
15.5.97Le notaire instrumentant informe Centre commercial du refus du registraire de la
division d'enregistrement d'Arthabaska d'enregistrer l'acte de prise en paiement volontaire,
parce que les droits créés par celui-ci ne seraient qu'administratifs, c'es t-à-dire non sujets à
l'enregistrement.
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...
13 Ce litige n'aurait pas vu le jour en vertu des règles qui régissaient notre droit privé avant la
réforme du Code civil car Métro et 310 n'auraient pu opposer à Standard Life la clause de
non-concurrence convenue le 3 mars 1995 et mise en oeuvre 14 mois plus tard, le 8 mai 1996,
eût-elle été une véritable servitude.
14 En effet, lorsqu'un débiteur ayant consenti une hypothèque sur sa propriété était en défaut, en
vertu de l'ancien droit, la dation en paiement dont se prévalait la plupart du temps le créancier lui
permettait de devenir propriétaire du bien repris, rétroactivement au jour où l'obligation avait été
contractée. Les droits réels consentis par le débiteur après la date de la publication de l'hypothèque,
étaient inopposables au créancier acquéreur.
15 C'est ainsi que dans l'acte de prêt hypothécaire convenu entre Standard Life et Centre
commercial le 25 novembre 1991 (P-1), on retrouve la clause de dation en paiement suivante:
20.1 Upon the occurrence of an Event of Default, the Lender, without prejudice to the
other rights and recourses conferred upon the Lender by law or by these presents, upon
giving written notice of the omission or breach as required by law to the Borrower or other
registered owner of the Property, that the Lender intends, upon the expiration of the legal
delay, to elect to become the absolute owner of the property under the provisions of this
Article 20, shall, upon such election, be and become the absolute owner of the Property,
with effect retroactive to the date of these presents, free and clear of all privileges,
hypothecs, leases, servitudes and all other charges and real rights (if any) subsisting in
favour of any third person registered subsequently to the registration of these presents, all
of which shall be without effect so far as the Lender is concerned. [Je souligne]
16 Or, l'exercice par le créancier de ses droits hypothécaires a été modifié en profondeur à
l'occasion de la réforme du Code civil et l'article 2783 C.C. édicte dorénavant:
Art. 2783. Le créancier qui a pris le bien en paiement en devient propriétaire à compter de
l'inscription du préavis. Il le prend dans l'état où il se trouvait alors, mais libre des
hypothèques publiées après la sienne.
Les droits réels créés après l'inscription du préavis ne sont pas opposables au créancier s'il
n'y a pas consenti. [Je souligne]
17 Le préavis d'exercice d'un droit hypothécaire a été initié par l'intimée le 18 mars 1997. C'est
ainsi que Standard Life s'est retrouvée face à un droit réel consenti à son insu et qui affectait, selon
elle à la baisse, la valeur de la propriété sur laquelle elle s'était vue consentir une garantie en
contrepartie d'un prêt. Elle entreprit donc d'attaquer la servitude consentie par sa débitrice, pour
tenter de s'en dégager.
18 En Cour supérieure, Standard Life a fait valoir essentiellement quatre moyens à l'encontre de la
servitude attaquée:
Elle lui serait inopposable, s'agissant d'un acte juridique posé par son débiteur en fraude de
ses droits (a. 1631 ss. C.C.).
Elle serait nulle parce qu'elle équivaudrait à une détérioration illégale par le constituant du
bien hypothéqué, au détriment du créancier hypothécaire (a. 2734 C.C.).
L'objet du contrat serait contre l'ordre public, car il en résulterait une restriction
déraisonnable à la liberté de commerce (a. 1413 C.C.).
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Elle ne serait pas une servitude au sens de l'article 1177 C.C. mais plutôt une obligation
personnelle aux parties à l'acte. Standard Life et ses ayant droits n'y seraient donc pas tenus.
19 La juge de la Cour supérieure a décidé cette affaire sur la base du dernier argument avancé par
Standard Life. Elle conclut que la convention attaquée ne constitue pas une servitude réelle parce
qu'elle n'en possède pas les attributs:
Force est de conclure que la servitude créée dans l'acte P-3 est une clause d'exclusivité
personnelle aux co-contractants et non une servitude réelle. Elle ne lie que 3105555
Canada Inc. et Centre commercial Victoriaville Ltée et elle n'est pas opposable à Standard
Life qui a pris le centre commercial en paiement.
Étant donné cette conclusion, il n'y a pas lieu d'analyser les autres prétentions de la
demanderesse.
20 L'acte de servitude du 8 mai 1996 énonçant une obligation personnelle à 310 et à Centre
commercial, il serait inopposable à Standard Life. L'action de celle-ci est donc accueillie et la
demande reconventionnelle de 310 rejetée.
21 De l'avis des procureurs de Métro, l'appel ne soulève qu'une question:
...à savoir la validité et l'opposabilité aux tiers d'une servitude imposant des restrictions de
nature commerciale, que ce soit à titre de servitude réelle ou personnelle, ou encore à titre
de droit réel innommé.
22 Plus particulièrement en regard des recours fondés sur les articles 1631 et 2734 du Code civil,
Métro suggère qu'ils ont, de toute façon, été éteints à la suite de la prise en paiement du centre
d'achats par Standard Life qui en est ainsi devenue propriétaire. Elle aurait perdu sa qualité de
créancière hypothécaire et le droit de faire valoir ces moyens.
23 Standard Life rétorque à cela qu'une lecture attentive du préavis à l'exercice d'un droit
hypothécaire et de l'acte de délaissement volontaire devrait plutôt nous amener à conclure qu'elle a
pris possession du centre d'achats à seule fin de l'administrer. Elle n'en serait donc pas devenue
propriétaire, réservant d'ailleurs tous ses recours hypothécaires. Elle exprime sa position comme
suit:
In summary, it is our position that the taking of possession for the purpose of
administration is merely a temporary measure and does not confer any Real Rights upon
the creditor, nor does it deprive the creditor of choosing amongst its other recourses, i.e., a
taking in payment or a private or judicial sale.
24 L'intimée continue donc, quoique de façon subsidiaire, de faire valoir ses moyens fondés sur les
articles 1631 et 2734 C.C....
25 La qualification de l'acte dit de servitude, consenti formellement le 8 mai 1996 par Centre
commercial au bénéfice de 310, est centrale. Si l'acte ne crée pas un droit réel dans le centre
d'achats, qu'il s'agisse d'une servitude réelle ou d'une servitude personnelle de la nature d'un droit
réel, contrairement à ce que soutient Métro, les autres moyens invoqués par Standard Life n'ont pas
à être examinés. L'intimée ne serait pas liée par la clause de non-concurrence litigieuse. Elle ne lui
serait pas opposable. C'est le cheminement qu'a emprunté la première juge.
26 En effet, un contrat n'a, règle générale, d'effet qu'entre les parties contractantes. Il n'en a pas
quant aux tiers, sauf dans les cas prévus par la loi (a. 1440 C.C.). Jean-Louis Baudouin écrit à ce
sujet1:
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Le contrat, véritable loi des parties, produit ses effets juridiques (création d'obligations et
transfert de droits réels) entre les contractants seulement. Il a un effet relatif, en ce sens
qu'il ne lie pas les tiers, c'est-à-dire les personnes qui n'y sont pas parties. Celles-ci, en
effet, ne peuvent en principe devenir créancières ou débitrices en raison d'un contrat
auquel elles n'ont pas adhéré en tant que contractants. (...)
(...) Pour être lié par une convention, soit comme débiteur, soit comme créancier, une
entente, c'est-à-dire une volonté de s'obliger, est indispensable. Par voie de conséquence,
celui qui n'a pas posé cet acte de volonté contractuelle ne peut ni se prétendre créancier
d'une obligation qui n'a pas été assumée à son endroit, ni être tenu d'exécuter une
obligation provenant d'un contrat auquel il n'a pas été partie. [Je souligne]
27 Il en va autrement lorsqu'un droit réel telle la servitude est en cause. L'article 1182 C.C. édicté à
ce sujet:
Art. 1182. Les mutations du droit de propriété du fonds servant ou dominant ne portent
pas atteinte à la servitude. Celle-ci suit les immeubles en quelques mains qu'ils passent,
sous réserve des dispositions relatives à la publicité des droits. [Je souligne]
28 Une distinction s'impose donc entre le droit réel qu'est la servitude et les droits personnels. Il
n'est pas inutile de rappeler ce qui différencie ces deux types de droits patrimoniaux2:
Droits réels - Les droits réels sont les droits patrimoniaux qui s'exercent directement sur
une chose ou un objet, sans qu'il soit nécessaire de passer par l'intermédiaire d'un individu
pour les exercer.
Les droits réels présentent trois caractéristiques principales. D'une part, ils sont définis
limitativement par la loi. Le plus connu des droits réels est le droit de propriété (art. 947 et
s. C.c.). Le droit de propriété, l'usufruit (art. 1120 et s. C.c.), les servitudes (art. 1177 et s.
C.c.) sont considérés comme les droits réels principaux, l'hypothèque mobilière et
immobilière (art. 2660 C.c.) comme des droits réels accessoires, car ils n'ont pour but que
de garantir le paiement d'une créance. Les droits réels sont opposables à tous, c'est-à-dire
ont une portée universelle. Créant un lien de droit direct entre le détenteur du droit et
l'objet et un pouvoir absolu sur celui-ci, ils peuvent être exercés à l'égard et contre tous.
Leur exercice demeure donc indépendant de la personnalité de celui qui les détient à un
moment précis. Enfin, ils emportent le droit de suite et le droit de préférence qui sont des
conséquences de l'opposabilité universelle du droit réel.
(...)
Droits personnels - Également appelés droits de créance, les droits personnels sont les
droits patrimoniaux qui ne portent pas directement sur une chose, mais s'exerçent contre
une personne.
Ils créent un lien non pas sur une chose ou un objet matériel, mais contre une personne. Ils
n'emportent ni droit de suite, puisqu'ils sont relatifs et ne peuvent, en principe, être exercés
que contre le débiteur seulement, ni droit de préférence, ne conférant pas de droit sur la
chose. (...) Par contre, sans être absolus et strictement opposables à tous, comme le droit
réel qui suit l'objet, les droits personnels doivent malgré tout être respectés par tous. (...)
[Je souligne]
e
1.Jean-Louis Baudouin, Les obligations, 4 édition, Les Éditions Yvon Blais Inc., 261, nos 454 et 455.
2.Idem, 16 et 17, nos 24 et 25.
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29 L'obligation assumée par Centre commercial à l'acte dit de servitude est-elle seulement
personnelle ou cet acte juridique a-t-il créé, à l'encontre de la propriété de celle-ci, un droit réel, de
la nature d'une servitude, que doit maintenant respecter Standard Life? Telle est donc la première
question à résoudre....
30 Le Code civil nous enseigne, au sujet de la servitude:
Art. 1119. L'usufruit, l'usage, la servitude et l'emphytéose sont des démembrements du
droit de propriété et constituent des droits réels.
Art. 1177. La servitude est une charge imposée sur un immeuble, le fonds servant, en
faveur d'un autre immeuble, le fonds dominant, et qui appartient à un propriétaire
différent.
Cette charge oblige le propriétaire du fonds servant à supporter, de la part du propriétaire
du fonds dominant, certains actes d'usage ou à s'abstenir lui-même d'exercer certains droits
inhérents à la propriété.
La servitude s'étend à tout ce qui est nécessaire à son exercice.
Art. 1178. Une obligation de faire peut être rattachée à une servitude et imposée au
propriétaire du fonds servant. Cette obligation est un accessoire de la servitude et ne peut
être stipulée que pour le service ou l'exploitation de l'immeuble.
Art. 1191. La servitude s'éteint:
1.Par la réunion dans une même personne de la qualité de propriétaire des fonds servant et
dominant;
1.Par la renonciation expresse du propriétaire du fonds dominant;
2.Par l'arrivée du terme pour lequel elle a été constituée;
3.Par le rachat;
4.Par le non-usage pendant dix ans.
[Je souligne]
31 La servitude peut s'établir notamment par contrat (a. 1181 C.C.).
32 On aura constaté que notre Code civil s'attarde à la servitude réelle qui implique une charge,
imposée sur un immeuble, en faveur d'un autre immeuble, mais il ne s'agit pas là de la seule
servitude reconnue par notre droit. Dans un arrêt rendu par notre Cour en 1992, le juge Chevalier
écrivait à ce sujet3:
L'article 499 C.C.B.-C. définit la servitude réelle comme
3.Gale c. Fillion, (1993) R.L., 216, 222 et 223 (JJ. Fish, Rousseau-Houle et Chevalier (ad hoc)). Voir au même effet:
Lacroix c. Blackburn et Al, C.A. 200-09-001692-976, 2.9.99, (JJ. Gendreau, Rousseau-Houle et Philippon (ad hoc));
Plourde c. Plante[1986] R.D.I. 299 (JJ. Bernier, Nichols et Chevalier (ad hoc)); P.B. Mignault, Le droit civil canadien,
Tome 3, Librairie de droit et de jurisprudence, Montréal, 1897; Jean-Guy Cardinal, Un cas singulier de servitude réelle,
57 R. du B., février 1955, 478; Madeleine Cantin Cumyn, De l'existence et du régime juridique des droits réels de
jouissance innommés: essai sur l'énumération limitative des droits réels, 46 R. du B., janvier-février 1986, 5;
Pierre-Claude
Lafond, Droit des biens, Les Éditions Thémis, 1991, Montréal, 550; Denys-Claude Lamontagne, Biens et
e
propriété, 3 édition revue et augmentée, Les Éditions Yvon Blais Inc.; Joy Goodman, Stipulations de restriction
d'usage, clauses de non-concurrence, d'exclusivité et de «rayon», 59 R. du B., printemps 1999, 289.
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499. (...) une charge imposée sur un héritage pour l'utilité d'un autre héritage appartenant à
un propriétaire différent.
L'existence d'une autre forme de servitude, celle-là de nature purement personnelle, est
reconnue dans notre droit. Le Code civil du Bas-Canada ne la définit pas. Pothier décrit
comme suit la distinction entre les deux:
Il y a deux principales espèces de servitudes; les personnelles et les réelles. - Les droits de
servitudes personnelles sont ceux attachés à la personne à qui la servitude est due, et pour
l'utilité de laquelle elle a été constituée, et finissent par conséquent avec elle. - Les droits
de servitudes réelles, qu'on appelle aussi servitudes prédiales, sont ceux qu'a le
propriétaire d'un héritage sur un héritage voisin pour la commodité du sien. - Ce sont des
droits attachés à l'héritage. Ce sont des appartenances et dépendances de l'héritage, qui
passent avec lui en quelques mains qu'il passe.
J'emprunte à Me Jean-Guy Cardinal deux passages d'un texte intitulé «Un cas singulier de
servitude réelle», qui me paraissent énoncer d'une façon concise et complète les éléments
essentiels d'une servitude par rapport à ceux de l'autre:
(...) pour qu'il y ait servitude réelle par convention, il faut rencontrer les conditions
suivantes:
1ºIl faut qu'il y ait deux fonds de terre.
2ºQue ces deux héritages appartiennent à deux propriétaires différents.
3ºQue ces deux héritages soient voisins.
4ºQue la servitude consiste en un avantage pour l'un des fonds.
5ºQu'elle oblige le propriétaire du fonds asservi à souffrir ou à ne pas faire quelque chose.
6ºQue la servitude soit de nature perpétuelle.
(...)
Pour qu'il y ait servitude personnelle il faut et il suffit que se rencontrent les caractères
suivants:
1ºDroit réel grevant un fonds.
2ºEn faveur d'une personne indépendamment des immeubles qu'elle peut ou non posséder.
3ºÉtabli pour une période limitée.
[Références omises]
33 Dans un article récent, Joy Goodman différencie de la façon suivante la servitude réelle, la
servitude personnelle et l'obligation personnelle4:
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L'utilité de la servitude réelle réside dans le fait qu'elle soit un droit réel, en principe
perpétuel, et qu'à ce titre, elle grève le fonds servant (donc n'est pas affectée par
l'aliénation de l'immeuble servant) et est au bénéfice du fonds dominant (ce qui implique
que c'est le propriétaire actuel du fonds dominant qui en bénéficie). La servitude
personnelle constitue également un droit réel qui suit le fonds servant, mais au bénéfice
d'une personne plutôt qu'un fonds de terrain. Étant plus aléatoire que la servitude réelle,
selon certains auteurs, elle a obligatoirement une durée limitée. L'obligation personnelle
ne confère pas de droit de suite. Elle reste soumise à la règle de la relativité des contrats, et
donc, en principe, ne peut être invoquée contre des tiers. Le bénéficiaire d'une restriction
d'usage a tout intérêt à ce que la clause soit réputée être un droit réel, car c'est seulement
de cette façon qu'il peut assurer que son droit ne sera pas affecté par une aliénation de
l'immeuble par son co-contractant. [Je souligne]
34 Avant de qualifier l'acte juridique litigieux en regard de ces obligations sensiblement
différentes, rappelons des principes qui reçoivent application lorsqu'il s'agit d'interpréter un acte
comportant une charge susceptible de grever un immeuble:
Les charges qui grèvent un immeuble doivent être interprétées restrictivement car la loi tient
en défaveur le démembrement du droit de propriété5.
Si un doute subsiste quant à l'interprétation de l'acte, il doit être résolu en faveur du
propriétaire du fonds servant6.
Puisqu'il s'agit d'un cas de servitude conventionnelle, c'est au titre même qui l'a constituée
qu'il faut référer pour qualifier l'obligation et en déterminer l'étendue7.
La nature de l'acte doit s'établir par sa substance beaucoup plus que par le nom que les
parties ont pu lui donner8.
En matière de servitude réelle, l'existence de celle-ci ne se présume pas et c'est à celui qui
l'invoque de la prouver9
...
35 Examinons d'abord la clause litigieuse à la lumière des exigences propres à la servitude réelle,
clause que je reproduis à nouveau pour fins de commodité:
THAT the Parties herein do hereby create a Servitude in favour of the immoveable
property hereinabove described under the Heading «DESCRIPTION I.» [il s'agit de la
4.Précitée, note 3, 289 et 290.
5.Limoges c. Bouchard1973 C.A. 791, 794 (opinion du juge Lajoie).
6.Barlow c. Cohen[1963] R.C.S. 101.
7.Dallaire c. Cie de Béton du Saguenay Ltée1973 C.A. 862; Fréchette c. Laviolette1972 C.A. 449.
8.Leduc c. Sauvé1955 B.R. 85, 90 (Opinion du juge St-Jacques); Boucher c. Ouellet44 B.R. 377.
9.Plourde c. Plante, précitée note 3; Auger c. Grenier, C.A. Québec, 200-09-000529-781, 19.7.84, JJ. Paré,
Chouinard et L'Heureux-Dubé (J.E. 84-690).
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propriété de 310] against the immoveable property hereinabove described under the
Heading «DESCRIPTION II.» [il s'agit du centre d'achats propriété de Centre
commercial], prohibiting a food supermarket or grocery store or the sale of food items
(save as hereinafter provided) and prohibiting the use of any portions of the immoveable
property hereinabove described under the Heading «DESCRIPTION II.» for parking
purposes in connection with a food supermarket or grocery store or the sale of food items
(save as hereinafter provided).
(...)
THIS servitude shall continue to exist until the earlier of the following dates, namely:
the date upon which the Offer to Lease with Epiciers Unis Metro-Richelieu Inc. (hereinafter
called the «Tenant»), dated the Third day of March, Nineteen hundred and ninety-five
(1995), affecting the immovable property hereinabove described under the Heading
DESCRIPTION I, or any lease executed pursuant thereto and any renewals thereof (the said
Offer to Lease and any Lease executed pursuant thereto and any renewals thereof,
hereinafter individually and collectively referred to as the «Lease»), ceases to be in full
force and effect;
the date upon which the Tenant voluntarily permanently closes the premises leased pursuant
to the Lease; or
the date upon which the Tenant changes, from that in effect as at the date of the execution of
this Servitude, the principal use of the building forming part of the premises leased pursuant
to the Lease (the «BUILDING») in at least sixty percent (60%) of the BUILDING.
[Je souligne]
36 L'appelante fait notamment valoir que le second alinéa de l'article 1177 C.C., qui est de droit
nouveau, prévoit expressément que la charge imposée aux termes d'une servitude peut viser des
restrictions concernant l'usage du fonds dominant. La première juge n'aurait pas tenu compte du
libellé de cette nouvelle disposition et aurait, à tort, fondé son raisonnement sur des autorités d'avant
la réforme du Code civil. La servitude satisferait aux exigences de la loi.
37 D'abord, et il s'agit là visiblement d'une erreur de retranscription, cette disposition ne vise pas
des restrictions à l'usage du fonds dominant mais bien du fonds servant.
38 Par ailleurs, il est vrai que la formulation de l'article 1177 C.C. est nouvelle. Il ne me semble pas
pour autant qu'en reformulant des règles énoncées auparavant aux articles 499 et 552 C.c.B.-C., le
codificateur ait modifié le droit antérieur. C'est d'ailleurs le sens des Commentaires du ministre de
la Justice10 :
Cet article reprend, de façon plus explicite, la définition de la servitude énoncée à l'article
499 C.C.B.-C. et décrit la nature de la charge imposée au propriétaire du fonds servant. En
outre, il reprend en substance le premier alinéa de l'article 552 C.C.B.-C., en édictant que
la servitude s'étend à tout ce qui est nécessaire à son exercice.
39 D'autre part et surtout, l'article 1177 (2e al.) C.C. n'énonce pas que la charge imposée au fonds
servant peut viser des restrictions à l'usage mais simplement que cette charge oblige le propriétaire
du fonds servant à supporter des actes d'usage, posés par le propriétaire du fonds dominant, ou à
s'abstenir d'exercer certains de ses droits.
10.Commentaires du ministre de la Justice, Tome 1, Les Publications du Québec, 1993, 691.
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40 Cet argument écarté, malgré que la rédaction de la clause attaquée identifie des fonds dominant
et servant et malgré le nom que lui ont donné les parties, elle ne peut, selon moi, être qualifiée de
servitude réelle parce qu'elle n'est pas établie au bénéfice du fonds dominant, la propriété de 310,
mais bien au bénéfice de la locataire de ce fonds, l'appelante. Autre lacune importante, elle n'est pas
de nature perpétuelle.
41 Faisant écho au texte du Code civil, Denys-Claude Lamontagne rappelle qu'il doit y avoir
asservissement d'un immeuble par rapport à un autre pour qu'il y ait servitude réelle11 :
Deux immeubles hiérarchisés. - Pour qu'il y ait servitude réelle, l'article 1177 C.c.Q. (id.
499 ou 545 C.c.B.-C.) exige l'asservissement d'un immeuble par nature, le fonds servant
(qui rend un service), au bénéfice d'un autre immeuble par nature, le fonds dominant (qui
reçoit ce service). Ces immeubles sont nécessairement des fonds de terre, constructions ou
ouvrages, excluant les plantations. (...)
42 Madame la juge Rousseau-Houle de notre Cour écrivait de la même façon en 1995, dans une
affaire Girard & Als c. Ménard, après avoir référé aux articles 1177 C.C. et 499 C.c.B.-C.12 :
Il est essentiel à l'existence d'une servitude réelle que le service qu'elle garantit ne soit
imposé ni à une personne ni en faveur d'une personne, mais à un fonds pour l'utilité ou
l'agrément d'un autre fonds. Pour qu'elle soit établie légalement, la servitude n'a pas besoin
d'être décrite d'une manière complète dans le titre qui la constitue; il suffit qu'elle y soit
désignée par la dénomination spéciale qui lui convient; l'interprétation peut combler les
lacunes qui s'y rencontrent. Le titre qui crée la servitude doit cependant être suffisant pour
en déterminer le caractère et le fonds qui y est soumis. Si un doute subsiste quant à
l'interprétation, il doit être résolu en faveur du propriétaire du fonds servant. [Je souligne]
[Références omises]
43 Jean-Guy Cardinal note à ce sujet13 :
Il n'est certainement pas permis par la loi d'établir une servitude réelle en faveur de
l'exploitation d'une entreprise qui n'existe pas pour l'utilité du fonds.
Je cite au long un passage de Laurent à l'appui de cette affirmation:
L'article 686 (C.N.) (notre article 499) dit que la servitude doit être établie pour un fonds,
ce qui signifie ... qu'une charge est imposée à un héritage pour l'usage et l'utilité d'un autre
héritage. C'est uncaractère essentielde la servitude; si le législateur a admis ces
restrictions au droit de propriété, c'est parce qu'elles procurent un avantage à un autre
fonds; l'un est diminué, l'autre est augmenté. C'est l'héritage dominant qui doit acquérir
cette amélioration, non pas qu'un fonds puisse exercer un droit, mais il faut au moins que
tous ceux qui occupent le fonds profitent de la servitude. (...)
Laurent continue plus loin: «Il découle de là une conséquence très importante, c'est qu'un
droitstipulé en apparence en faveur d'un fonds n'est pas une servitude réelle, s'il ne profite
réellement qu'à la personne du stipulant». [Je souligne]
44 En l'espèce, les restrictions convenues ne confèrent pas de bénéfice au fonds dominant. 310 et
ses actionnaires ont certes retiré un avantage immédiat de la transaction mais l'appelante confond le
11.Denys-Claude Lamontagne, précité note 3, 331.
12.[1995] R.D.I. 24, 27, JJ. Beauregard, Rousseau-Houle et Delisle.
13.Un singulier cas de servitude réelle, précité note 3, 486, 487.
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bénéfice obtenu par 310, qui a pu louer sa propriété, avec le bénéfice accordé au fonds lui-même.
Le fonds ne bénéficie d'aucun usage sur le fonds servant. La transaction ne lui est pas utile.
45 En effet, il ne s'agit pas de se demander si la servitude a eu un impact positif sur le bilan de la
propriétaire du fonds dominant, qui a été créée au surplus aux fins de l'acquisition du terrain de
Canadian Tire, ou si elle a facilité la conclusion d'un bail qui autrement, ne se serait matérialisé que
plus tard avec un autre locataire.
46 Au bout du compte, le service garanti à l'acte de servitude (la stipulation de non-concurrence)
est pris en charge par Centre commercial non pas au bénéfice du fonds dominant, mais au bénéfice
direct de Métro, qui ajoute que sans l'acceptation par Centre commercial et 310 de cette stipulation,
elle ne se serait pas installée sur la propriété que lui offrait Centre commercial.
47 Au surplus, notons que Centre commercial ne pouvait acheter elle-même la propriété de
Canadian Tire, l'eût-elle voulu, car elle n'aurait pu, de cette façon, satisfaire à l'exigence de Métro
qu'une servitude soit créée, les fonds servant et dominant ne pouvant appartenir à un même
propriétaire aux termes de l'article 1177 C.C.
48 En l'espèce, le bénéfice apparemment garanti par Centre commercial à 310 est tant et si bien
consenti en faveur de Métro, pour satisfaire à ses exigences propres, qu'il cessera à la fin de son
bail, à la fermeture de son commerce ou au moment où la vocation des lieux loués sera modifiée de
façon importante.
49 Même Centre commercial ne retire pas de bénéfice significatif de l'opération, si ce n'est un
accroissement éventuel de son achalandage qui aurait, à l'évidence, été bien plus sensible si Métro
était demeurée sa locataire, comme cela devait se faire jusqu'à ce que Centre commercial change ses
plans. Ainsi, on peut questionner l'affirmation faite par Métro dans son mémoire selon laquelle la
SERVITUDE constituait un élément essentiel d'une série de transactions ayant bénéficié à la fois au
fonds servant et au fonds dominant.
50 D'autre part, il est de l'essence de la servitude qu'elle soit perpétuelle et le fait d'être rattachée à
un immeuble lui assure une certaine pérennité. Elle suit les immeubles en quelques mains qu'ils
passent (a. 1182 C.C.).
51 Denys-Claude Lamontagne écrit encore, au sujet de la servitude réelle conventionnelle14 :
Perpétuité. - La servitude réelle, constituée de fonds à fonds, est perpétuelle comme la
propriété dont elle est l'accessoire. Cette règle de l'accessoire explique que le droit conféré
- un immeuble incorporel normalement cessible (904 C.c.Q., id. 381 C.c.B.-C.) - ne peut
être cédé séparément du fonds (dominant) auquel il est inhérent ou faire l'objet d'une
saisie. (...)
En conséquence de la perpétuité et sous réserve des règles de la publicité des droits (1182,
2938 C.c.Q., id, 2158 C.c.B.-C.), la servitude réelle sera opposable à tout propriétaire
successif des fonds servant ou dominant, tant que ces fonds existeront. Elle suit l'un et
l'autre immeuble: ambulat cum domino. [Références omises]
52 Et Madeleine Cantin Cumyn ajoute, dans le même sens15 :
La perpétuité est une caractérisque essentielle du droit de propriété en ce sens que celui-ci
n'est pas susceptible d'extinction par l'arrivée d'un terme ou par le non-usage. Bien que le
Code civil n'en fasse pas l'objet d'une disposition expresse, la règle à l'effet que la
servitude réelle soit de sa nature perpétuelle n'est pas contestée. Elle se déduit du rôle
14.Précité note 3, 335.
15.Précité note 3, 43.
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imparti à ce type de servitude. A titre d'accessoire du droit de propriété d'un immeuble
dont elle facilite l'exploitation ou qu'elle valorise, la servitude réelle a vocation à la
perpétuité. Elle n'a une durée temporaire qu'en vertu d'une convention expresse à cet effet,
sans compter le jeu éventuel de la prescription extinctive. [Je souligne]
53 Métro réplique à cela que l'article 1193 C.C. permet maintenant d'assujettir une servitude à un
terme, ce que ne prévoyait pas le Code civil du Bas-Canada. La juge de première instance aurait
encore là erré en s'attardant à l'ancien droit.
54 Le nouveau droit reconnaît en effet que l'acte de servitude peut être assorti d'un terme extinctif:
Art. 1191. La servitude s'éteint:
(...)
(3) Par l'arrivée du terme pour lequel elle a été constituée;
(...)
55 Cette disposition confirme donc que le caractère perpétuel n'est pas nécessairement
indissociable de la servitude. La doctrine avait toutefois souligné cela bien avant l'avènement de la
réforme16 :
La pérennité se rattache à la nature et non pas à l'essence des servitudes réelles. C'est
pourquoi la loi autorise le rachat des servitudes de passage (1189 C.c.Q.) ou consacre
l'extinction de la servitude consentie par l'emphytéote à la fin de l'emphytéose (1209
C.c.Q.). Par ailleurs, il est possible de stipuler un terme extinctif (même au-delà de cent
ans) dans un acte de servitude - sans que celle-ci perde son caractère réel (1191 C.c.Q.) comme dans le cas de la propriété superficiaire (1111, 1114 C.c.Q.); les contractants
pourront également prévoir une condition résolutoire (1507 C.c.Q.). Le Code civil du
Bas-Canada ne contenait pas de disposition à ce sujet, mais la doctrine a toujours été dans
ce sens. Tant que le terme ne sera pas arrivé ou que la condition ne sera pas réalisée, les
principes ci-dessus s'appliqueront. [Références omises] [Je souligne]
56 La stipulation d'un terme dans un acte de servitude ne lui fait pas perdre son caractère réel; les
parties ne sont pas empêchées de stipuler un tel terme. Ainsi, la nature réelle de ce droit n'exclut pas
que dans certains cas, une servitude puisse avoir une durée temporaire, si les parties ont stipulé un
terme extinctif dans l'acte créant la servitude sans que celle-ci perde son caractère de servitude
réelle17 .
57 Mais ici, le caractère de perpétuité ou de permanence requis d'une servitude réelle est absent. La
servitude est rattachée à Métro, à ses choix d'affaires, et non à un immeuble. Ainsi, ce n'est pas le
terme convenu qui est source de difficulté mais bien le fait que, dans la mesure où la durée de la
servitude consentie est directement liée à la personnalité de l'occupant du fonds dominant et aux
décisions d'affaires qu'il prendra, non seulement est-elle à terme mais elle n'a aucune pérennité.
58 Cet exercice permet de conclure que la convention attaquée n'a pas créé de servitude réelle. Le
bénéficiaire ultime de la clause et le terme stipulé font voir que le service accordé ne bénéficie pas à
un fonds par rapport à un autre, mais essentiellement à l'appelante, et qu'il est temporaire. Il est vrai
que l'obligation assumée par Centre commercial devait passer aux acquéreurs subséquents du fonds
servant. Cependant, elle était aussi et surtout inextricablement liée, non pas au fonds dominant mais
16.Idem, 335. Voir au même effet Pierre-Claude Lafond, Précis de droit des biens, Les Éditions Thémis, 1999, 834 et
835.
17.Girard & Als c. Ménard, précitée note 12, 28.
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précisément à la personnalité de la locataire qui occupait à ce moment le fonds dominant.
59 La clause litigieuse ne peut donc être qualifiée de servitude réelle....
60 Peut-il s'agir d'une servitude personnelle auquel cas, il suffirait de conclure qu'un droit a été
consenti dans un immeuble, bien qu'en faveur d'une personne pour une période limitée, pour qu'il
soit opposable à tout acquéreur subséquent?
61 Cela est possible, mais il faudrait encore être en présence d'un droit réel grevant un fonds. Cette
exigence fondamentale ne sera rencontrée que si les droits consentis s'exercent directement sur une
chose ou un objet, sans qu'il soit nécessaire de passer par l'intermédiaire d'un individu pour les
exercer18 , tels les droits d'usufruit, d'usage et d'habitation.
62 Dans l'arrêt Plourde c. Plante19 , le juge Nichols écrit, au sujet de la servitude personnelle:
Notre Code civil ne traite pas spécifiquement des servitudes personnelles. L'article 405
C.C. parle plutôt d'un «simple droit de jouissance». Mignault, précise que les droits de
jouissance, c'est-à-dire l'usufruit, l'usage et l'habitation, (sont) en un mot, les servitudes
personnelles.
Définissant plus loin le droit d'usage, il écrit:
C'est une servitude personnelle, lorsque, de même que l'usufruit, il a été établi sur la chose
d'autrui pour l'avantage et le besoin d'une ou de plusieurs personnes nommément
désignées, sans en rattacher l'exercice à aucune habitation particulière et à aucun fonds de
terre.
Par opposition à la servitude réelle où un fonds est au service d'un autre fonds, la servitude
personnelle met un fonds au service personnel d'une ou plusieurs personnes désignées.
Alors que la servitude réelle grève le fonds servant à perpétuité, la servitude personnelle
ne le grève que pour la durée de la jouissance consentie aux personnes désignées.
[Références omises] [Je souligne]
63 Notre Cour a conclu dans cette affaire qu'en mettant des aménagements récréatifs à la
disposition de gens qui achetaient ses terrains, le vendeur conférait aux acheteurs personnellement
un droit dans sa chose, dans l'usage de son fonds.
64 Pour sa part, Jean-Guy Cardinal qualifiait ainsi, en 1955, les servitudes personnelles20 :
L'usufruit, l'usage et l'habitation, qui ont survécu à la Révolution, ont été incorporés au
Code Napoléon et reproduits dans nos lois civiles. Ce sont des servitudes personnelles,
c'est-à-dire des droits réels dans un héritage en faveur d'une personne. Ce sont des droits
réels quant à leur objet, personnels quant au bénéficiaire du droit. Il s'agit d'un droit «réel
par son objet, et personnel par son sujet».
(...)
Et ce droit qu'une personne possèdera dans une propriété sera, selon Pothier:
Le droit de se servir de la chose d'autrui à quelque usage, ou d'en interdire quelque usage
au propriétaire ou possesseur: jus faciendi aut prohibendi aliquod in alieno. [Références
18.Jean-Louis Baudouin, extrait déjà cité au paragraphe 28.
19.Précité note 3, 304.
20.Précité note 3, 481.
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omises] [Je souligne]
65 Madeleine Cantin Cumyn englobe cette réalité juridique dans la notion de droits réels de
jouissance21 :
Le droit réel de jouissance coïncide avec la catégorie des servitudes personnelles dont
l'origine remonte au droit romain qui opposait aussi les servitudes personnelles aux
servitudes réelles. Le fait que l'expression de servitudes personnelles ne soit pas utilisée
par l'article 405 n'a pas empêché la doctrine et la jurisprudence de la considérer comme
synonyme des droits de jouissance qui y sont mentionnés.
66 La même auteure ajoute, élaborant sur ce qui constitue l'essence même de la servitude
personnelle22 :
Il est de l'essence de la servitude personnelle qu'elle consiste en un droit que son titulaire
exerce directement et d'une manière autonome sur la chose d'autrui: elle doit être un droit
réel de jouissance de la chose d'autrui. À ce droit de jouissance correspond un aspect
négatif ou une charge qui grève le droit de propriété de la chose et contraint le propriétaire
à subir l'exercice du droit du tiers et à s'abstenir de tout acte qui y fasse entrave. Certes, on
admet que les parties puissent convenir d'une obligation spécifique pour le propriétaire de
faire une chose de nature à faciliter l'exercice du droit réel démembré. On dit alors que
l'obligation est réelle (ou propter rem). Ainsi dans l'usufruit, le nu-propriétaire peut
valablement s'obliger à faire les grosses réparations. L'obligation de faire s'ajoute alors
comme droit de créance au droit réel du tiers de jouissance de la chose. Pour le
propriétaire de la chose, l'obligation réelle s'ajoute à la charge qui démembre son droit de
propriété. Lorsque, au contraire, la prestation exigible du propriétaire est substituée
au droit de jouissance de sorte que le droit d'autrui ne consiste plus qu'à exiger
l'exécution de la prestation, lerapport juridique n'a pas la nature d'une servitude
personnelle ni celle d'un droit réel. On n'a alors créé qu'un droit personnel, un pur
rapport de créancier et de débiteur qui atteint la personne sans toucher à la chose.
[Gras et soulignement ajoutés]
67 Et enfin23 :
Le titulaire d'un droit réel dans la chose d'autrui est dans une situation juridique de
beaucoup supérieure à celle du titulaire d'une simple créance de jouissance (jus ad rem).
Son droit emporte une certaine emprise sur la chose qui lui permet d'en jouir directement,
et sans le besoin du concours du propriétaire. (...)
68 Comme corollaire de cela, la servitude ne peut imposer au propriétaire du fonds servant, qu'elle
soit d'ailleurs réelle ou personnelle, l'obligation de jouer de façon principale un rôle actif. Elle est
due par un héritage qui souffre d'un avantage exercé par autrui ou n'empêche pas autrui de poser sur
cette propriété, des actes de propriétaire.
69 Le juge Forget écrivait en 1995, dans une affaire Caisse populaire les Hauteurs c. 136202
Canada Inc. et al, alors qu'il n'était pas encore à notre Cour24 :
21.Précité note 3, 8.
22.Idem, 36.
23.Idem, 49.
24.C.S. Terrebonne, 700-05-001945-942, 12.01.95, 12 et 13. Voir aussi: Coulombe c. La Société coopérative agricole
de Montmorency[1950] R.C.S. 313; Plourde c. Plante, précitée note 3.
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La doctrine et la jurisprudence semblent unanimes à reconnaître que la charge affectant le
fonds servant est de nature passive et non active; autrement dit, le propriétaire du fonds
servant doit subir un acte du propriétaire du fonds dominant, mais il n'a pas à faire quelque
chose à son profit.
Mignault l'exprime clairement:
(p. 7)
La servitude est un droit réel qui, activement et passivement, suit le fonds dominant ou le
fonds servant partout où il passe.
Elle consiste, de la part du propriétaire du fonds asservi, à souffrir ou à ne pas faire
quelque chose: elle ne l'oblige point à faire....
(p. 140)
En d'autres termes, constituer une servitude, c'est attribuer au propriétaire d'un fonds, en
tant que propriétaire de ce fonds, le droit de faire sur le nôtre certains actes de propriété,
ou de nous empêcher d'y faire certains actes que nous pourrions exercer selon le droit
commun de la propriété. La servitude consiste à laisser faire ou à ne pas faire; ellene
consiste jamais à faire. La promesse de faire sur son fonds quelque chose dans l'intérêt du
propriétaire d'un fonds voisin ne constitue donc point une servitude; elle n'engendre qu'une
obligation.
La doctrine québécoise et française partagent cette opinion. [Je souligne]
70 Pierre-Claude Lafond écrit au même effet25 :
Il est un principe général selon lequel, pour le propriétaire du fonds servant, la servitude
constitue une charge passive (...)
(...)
La servitude oblige le propriétaire du fonds servant à supporter les actes du propriétaire du
fonds dominant ou à s'abstenir de poser certains gestes qui auraient pour effet de nuire à
l'exercice des droits de ce dernier (art. 1177, al. 2 C.c.Q.). Elle consiste donc, en général, à
souffrir ou à ne pas faire. Aucune obligation positive ne pèse sur le propriétaire du fonds
qui en est redevable. La servitude n'étant due que par le fonds sur lequel elle a été établie,
on conçoit mal qu'un immeuble puisse être obligé de faire quelque chose.
Il est impossible, au moyen d'une servitude réelle, d'imposer un service à une personne
pour une autre personne. La servitude ne peut avoir pour objet principal l'activité du
propriétaire du fonds servant. S'il en était ainsi, il s'agirait alors d'une obligation
personnelle de ce propriétaire et non d'une servitude réelle. Garant d'une obligation
personnelle, il en resterait tenu même après avoir cessé d'être propriétaire. [Je souligne]
[Références omises]
71 En l'espèce, l'interprétation de la clause litigieuse fait voir que ni 310, la bénéficiaire désignée
de la servitude, ni Métro, à l'avantage de laquelle elle est en réalité consentie, n'ont de droit réel
dans le fonds de Centre commercial. Elles n'y exercent aucun usage, ni ne s'en servent à leurs fins.
Il n'y a pas d'exercice d'un droit de jouissance dans la chose d'autrui.
72 Centre commercial s'engage, il est vrai, à ne pas poser certains gestes mais cette charge, cette
25.Pierre-Claude Lafond, précité note 16, 837.
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contrainte imposée au fonds dit servant, ne découle pas de l'exercice par autrui d'un droit de
jouissance dans une chose. Elle subsiste en soi, à titre principal, sans être rattachée accessoirement à
un droit réel de jouissance dans un fonds. Elle ne s'ajoute pas comme droit de créance au droit réel
du tiers de jouissance de la chose.
73 Enfin, le propriétaire du fonds servant ne joue pas un rôle seulement passif, qui consisterait à
tolérer des actes du propriétaire du fonds dominant ou du bénéficiaire de la servitude. Il s'oblige
plutôt à jouer un rôle actif, à empêcher la venue de certains types de commerces sur sa propriété et à
limiter l'usage de son stationnement. C'est à lui qu'incombe le service.
74 Somme toute, l'avantage consenti à Métro par Centre commercial vise essentiellement à
protéger l'activité commerciale de la locataire de 310 et à empêcher qu'un de ses concurrents
s'installe dans le centre d'achats. Elle ne confère ni à 310 ni à l'appelante un droit de la nature d'un
droit réel dans la propriété de Centre commercial, en dépit des termes de l'acte juridique contesté.
Elle accorde à Métro un avantage qui n'est ni une servitude réelle, ni une servitude personnelle,
mais une simple obligation personnelle de la nature d'une stipulation de non-concurrence. Cet
avantage n'est pas opposable à l'ayant droit de Centre commercial.
75 Ces dernières années, nos tribunaux ont refusé de voir dans la stipulation de non-concurrence
une servitude réelle. Ils ont plutôt décelé, à l'étude de telles clauses, une obligation personnelle aux
cocontractants, vu l'absence de rapport entre l'objet de la charge et l'utilité du fonds lui-même26 .
Pierre-Claude Lafond écarte ainsi une tendance jurisprudentielle plus ancienne qui était à l'effet
contraire27 :
Une certaine jurisprudence a par ailleurs reconnu comme servitudes réelles des
stipulations de non-concurrence établies dans un contrat de vente, telle l'interdiction
d'utiliser un immeuble à certaines fins commerciales ou d'exploiter un terrain de
stationnement sur le fonds vendu.
En tout respect, nous croyons que la Cour supérieure a confondu dans ces cas la notion de
servitude réelle avec l'obligation personnelle relative à un immeuble. Toute obligation
passive n'emporte pas nécessairement la création d'une servitude réelle. Soucieux de
protéger le bénéficiaire de la clause de non-concurrence, le tribunal s'est à plusieurs
reprises senti obligé de reconnaître la qualification de servitude à cette clause afin de lui
conférer les caractères d'un droit réel. Or, la qualification de servitude réelle rattachée à
une telle stipulation ne procure pas au propriétaire du fonds prétendument dominant une
protection accrue. En cas de non-respect, son seul recours consiste à exiger l'exécution
personnelle de la créance qu'il détient contre le propriétaire voisin car c'est d'une
obligation strictement personnelle dont il s'agit. Aucun droit réel de jouissance n'est
accordé sur le fonds servant. On conçoit difficilement l'avantage que peut recevoir un
fonds d'une semblable convention. Elle sert davantage l'intérêt de ses occupants ou de
l'entreprise que le fonds lui-même. [Je souligne] [Références omises]
76 Samuel Chait concluait lui aussi, en 1962, qu'une clause restrictive d'usage ne peut être qualifiée
de servitude28 :
The prohibition to carry on a certain type of business does not really benefit the dominant
26.Industries Bonneville Ltée c. Placements Paul Bernard Ltée, C.S. St-Hyacinthe, 750-05-000354-901, J.A. Biron,
18.8.93, J.E. 93-1651; Léveillé c. Coopérative funéraire D'Autray[1998] R.D.I. 404C.S. J.A. Denis; Hamel c. Le Club
motoneige de la Jacques Cartier Inc., C.S. Québec, 200-05-009360-988, 17.04.00, J.N. Gosselin.
27.Pierre-Claude Lafond, précité note 16, 840 et 841. Voir au même effet: Robert Décary, De la validité d'une servitude
de non-usage à des fins commerciales dans une zone commerciale, 80 R. du N., no 3, octobre 1977; Madeleine Cantin
Cumyn, précité note 3, 3.
28.Samuel Chait, Contractual Land Use Control, 1962, Meredith Memorial Lectures, 52, 58.
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land. It benefits the person who occupies and carries on a certain type of activity on the
dominant land. Should the owner of the dominant land cease to carry on this particular
type of business, or change the nature of his business, the benefit ceases. Should the owner
transfer his business to a location other than the dominant land, the benefit again would
cease. The fundamental element of benefit to the dominant land is surely not present in
such a provision. It is purely an attempt to secure a personal advantage by way of
precluding or minimizing competition in business.
77 Madeleine Cantin Cumyn ajoute qu'une telle clause ne peut davantage constituer une servitude
personnelle29 :
La clause de non-concurrence n'est jamais susceptible de constituer une servitude
personnelle. Le bénéficiaire de la stipulation peut s'en prévaloir comme droit de créance. Il
ne peut prétendre l'exercer à titre de droit réel contre l'ayant cause de la personne obligée
dont il aurait acquis l'immeuble à l'occasion duquel la stipulation a été faite. La clause de
non-concurrence ne donne à titre principal aucun droit direct de jouissance de la chose, sur
lequel pourrait se greffer une obligation réelle de ne pas faire concurrence. [Je souligne]
78 Je partage son avis et tout comme la juge d'instance j'arrive à la conclusion qu'en dépit des
apparences l'acte convenu entre Centre commercial et 310 n'a pas les attributs d'un droit réel et n'est
pas opposable à un tiers acquéreur....
79 À ce stade-ci, une question demeure. Quel est le statut de Standard Life compte tenu des droits
hypothécaires qu'elle a exercés? Quel acte l'intimée peut-elle poser ou non, en regard de l'acte dit de
servitude attaqué?
80 Standard Life soumet que son statut juridique et les droits dont elle dispose, à la suite de
l'exercice de ses droits hypothécaires, méritent d'être clarifiés pour la gouverne future des parties.
Elle demande:
(...) that this Court clarify, or at least express an opinion as to whether or not Standard has
become owner of the hypothecated property or if it has still reserved its rights to exercise
the various hypothecary recourses available to it.
81 Dans le préavis d'exercice d'un droit hypothécaire qu'elle a initié le 18 mars 1997,
conformément aux articles 2757 et ss. C.C., l'intimée énonce, quant à la nature du droit
hypothécaire exercé:
Vous êtes sommés de délaisser l'immeuble ci-haut décrit, dans les soixante (60) jours à
compter de l'inscription du présent préavis au registre foncier de la circonscription
foncière d'Arthabaska, afin que la Créancière exerce son droit hypothécaire de prendre
l'immeuble en paiement en vertu des articles 2778 et suivants du Code civil du Québec, le
tout, sous réserve du droit de la Créancière d'opter pour l'exercice d'un autre droit
hypothécaire et de son droit d'exercer ses autres recours disponibles en vertu de la loi.
Cependant, le Débiteur ou un tiers peut faire en sorte que soit évité l'exercice de ce droit
hypothécaire en remédiant au Défaut et à toute omission ou contravention subséquente et
en payant les intérêts échus jusqu'à la date du paiement de même que les frais engagés par
la Créancière relativement au préavis. Ce droit peut être exercé jusqu'à ce que l'immeuble
ait été pris en paiement.
Si vous consentez volontairement au délaissement de l'immeuble, nous vous demandons
de communiquer avec nous afin de convenir du moment et de la façon dont la Créancière
29.Précité note 3, 36.
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prendra possession de l'immeuble. [Je souligne]
82 L'intimée entend donc prendre l'immeuble en paiement, à moins que le débiteur ou un tiers ne
remédie au défaut avant telle prise en paiement. Un délai de 60 jours est accordé au débiteur pour
délaisser l'immeuble, à compter de l'inscription du préavis, s'agissant du délai prévu à l'article 2758,
2e al. C.C. Un délai de 10 jours aurait suffi si l'intention annoncée avait été simplement de prendre
possession du bien.
83 Le préavis a été inscrit le 20 mars 1997. Le délai pour remédier au défaut courait donc jusqu'au
20 mai 1997.
84 Avant même l'expiration du délai, Centre commercial délaisse volontairement l'immeuble le 6
mai 1997 dans un acte notarié, auquel comparaît l'intimée, et qui comporte les mentions suivantes:
4. The Debtor has agreed to voluntarily surrender possession of the said immoveable
property to the Creditor in order that the Creditor may take possession of the property, the
whole in accordance with Article 2764 of the Civil Code of Quebec.
NOW, THEREFORE, THE PARTIES HERETO HAVE AGREED AS FOLLOWS:
Article 1
Surrender
The Debtor hereby voluntarily surrenders possession of the property hereinafter described,
in accordance with Article 2764 of the Civil Code of Quebec, in favour of the Creditor,
hereto present and accepting.
(...)
All hypothecary recourses available to the Creditor in accordance with the provisions of
the Civil Code of Quebec and pursuant to the Deed of Loan are hereby expressly reserved.
[Je souligne]
85 Les articles 2764 et 2781 C.C. se lisent:
Art. 2764. Le délaissement est volontaire lorsque, avant l'expiration du délai indiqué dans
le préavis, celui contre qui le droit hypothécaire est exercé abandonne le bien au créancier
afin qu'il en prenne possession ou consent, par écrit, à le remettre au créancier au moment
convenu.
Si le droit hypothécaire exercé est la prise en paiement, le délaissement volontaire doit être
constaté dans un acte consenti par celui qui délaisse le bien.
Art. 2781. Lorsqu'il n'a pas été remédié au défaut ou que le paiement n'a pas été fait dans
le délai imparti pour délaisser, le créancier prend le bien en paiement par l'effet du
jugement en délaissement, ou par un acte volontairement consenti, si les créanciers
subséquents ou le débiteur n'ont pas exigé qu'il procède à la vente.
Le jugement en délaissement ou l'acte volontairement consenti constitue le titre de
propriété du créancier.
86 En l'espèce, un délaissement volontaire a été consenti par le débiteur avant l'expiration du délai
indiqué dans le préavis, dans un acte conformément au second alinéa de l'article 2764 C.C Il n'a pas
été remédié au défaut dans le délai imparti pour délaisser et personne n'a exigé de l'intimée qu'elle
procède à la vente.
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87 Dès lors, à tout le moins en date du 20 mai 1997, il faut considérer que l'intimée a pris le bien en
paiement par l'acte de délaissement volontairement consenti par son débiteur et que cet acte
constitue son titre de propriété.
88 Les conditions prévues au Code civil à savoir un préavis d'exercice d'un droit hypothécaire, le
délaissement volontaire consenti dans un acte et l'écoulement d'un délai minimal de 60 jours sans
développement significatif sont rencontrées.
89 De la même façon, notons que le délaissement forcé de l'immeuble n'aurait pu être ordonné par
le tribunal avant que l'on ait constaté, à l'expiration du délai de 60 jours, le défaut du débiteur et
l'absence d'une cause valable d'opposition (a. 2765 C.C.).
90 Je ne décide cependant pas que l'intimée ne pouvait devenir propriétaire de l'immeuble avant
l'expiration du délai imparti pour remédier au défaut, ni de son statut pendant cette période. Qu'il
suffise d'affirmer qu'en l'espèce, à compter du 20 mai 1997, l'acte de délaissement volontairement
consenti par Centre commercial constituait le titre de propriété de l'intimée.
91 À cet égard et sous la réserve faite ci-dessus, je fais miens les propos de Denise Pratte, publiés
dans un article récent intitulé: La prise en paiement: comment et quand s'effectue-t-elle?30
Suivant les articles 2781 et 2764 C.c.Q., selon nous, le législateur a clairement voulu que
la prise en paiement ait lieu par l'acte de délaissement volontaire. C'est pour cette raison
qu'il a prévu que le délaissement doit être constaté dans un acte, en cas de prise en
paiement, au deuxième alinéa de l'article 2764 C.c.Q. Suivant les commentaires du
ministre de la Justice:
À moins que les créanciers subséquents ou le débiteur n'aient exigé qu'il procède à la
vente, le délaissement transfère la propriété du bien au créancier. On a vu que ce
délaissement pouvait être forcé ou volontaire. Dans le premier cas, il résultera d'un
jugement (art. 2765 et 2767), alors que, dans le second, il sera constaté dans un acte (art.
2764). Ce jugement ou cet acte constituera le titre du créancier.
En toute déférence pour l'option contraire, nous devons donc conclure qu'il n'y a pas deux
types de délaissement mais bien un seul, soit celui prévu à l'article 2764 C.c.Q. Ce
délaissement constitue “une reconnaissance par le débiteur ou par celui contre qui le droit
est exercé du droit du créancier et une indication de sa volonté de ne pas faire échec à
l'exercice de ce droit”. En vertu de l'article 2781 C.c.Q., cet article de délaissement
volontaire constituera le titre de propriété du créancier, si toutefois, comme nous l'avons
établi précédemment, les conditions prévues à cet article sont remplies. Ainsi, à
l'expiration du délai imparti pour délaisser, nous croyons que le créancier deviendra
automatiquement et immédiatement propriétaire du bien, si personne n'a remédié au défaut
ou payé le créancier, si personne n'a demandé l'abandon de la prise en paiement, si le
créancier n'a pas refusé le délaissement à des fins de prise en paiement ou s'il n'a pas
manifesté son intention d'exercer un autre droit hypothécaire ou n'a pas intenté une action
personnelle contre son débiteur.
92 Ainsi, à compter du 20 mai 1997 à tout le moins, l'officier de la publicité des droits était en
mesure de constater le respect des conditions prévues par le codificateur et le titre valable de
propriétaire détenu par l'intimée. Celle-ci est donc devenue propriétaire de la propriété délaissée par
son débiteur, au plus tard à l'expiration du délai de 60 jours du préavis d'exercice. L'acte dit de
servitude invoqué par Métro, Centre commercial et 310, n'est donc pas opposable à Standard Life.
93 Pour ces motifs, j'accueillerais l'appel à seules fins:
30.Denise Pratte, La prise en paiement: comment et quand s'effectue-t-elle?, (1999) 33 R.J.T., 501, 511 et 512.
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94 DE DÉCLARER The Standard Life Assurance Company propriétaire depuis le 20 mai 1997 de
l'immeuble à l'égard duquel un préavis d'exercice a été initié le 18 mars 1997 et publié le 20 mars
1997;
95 DE DÉCLARER l'acte dit de servitude daté du 8 mai 1996 inopposable à The Standard Life
Assurance Company et à ses ayants droit;
96 D'ORDONNER au registraire pour la division d'enregistrement d'Arthabaska de faire les entrées
appropriées au registre de la publicité des droits, sur les lots affectés par ce jugement.
97 AVEC DÉPENS contre l'appelante.
Juge Rochette
Me Sylvain Rigaud, pour l'appelante
Me Jonathan J. Robinson, pour les intimés
Date de mise à jour : 17 décembre 2010
Date de dépôt : 9 mai 2003
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Page 25
EYB 2005-89170 – Texte intégral
Cour d'appel
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT de Montréal
500-09-013000-021
DATE : 14 avril 2005
DATE D'AUDITION : 9 décembre 2004
EN PRÉSENCE DE :
Marie-France Bich , J.C.A.
François Doyon , J.C.A.
Louis Rochette , J.C.A.
151692 Canada inc.
Appelante-intimée
c.
Centre de loisirs de Pierrefonds enr.
Intimée-requérante
et
L'officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de Montréal
Mis en cause-mis en cause
Bich J.C.A., Doyon J.C.A., Rochette J.C.A. :–
1 LA COUR, statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 3 décembre 2002 par la Cour supérieure,
district de Montréal (l'honorable Hélène LeBel), qui a accueilli la requête pour jugement
déclaratoire de l'intimée, déclaré que les servitudes créées par un acte de servitude du 25 novembre
1960 ne sont pas des servitudes réelles et ne lui sont donc pas opposables, et ordonné en
conséquence au mis en cause la radiation de l'enregistrement de ces servitudes crées par un acte de
servitude du 25 novembre 1960, avec dépens;
2 Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;
3 Pour les motifs du juge Rochette, auxquels souscrivent les juges Doyon et Bich:
4 ACCUEILLE l'appel;
5 INFIRME la décision dont appel et procédant à rendre la décision qui aurait dû être rendue:
DÉCLARE que les droits de passage et de stationnement stipulés à la clause 1 de l'acte
intervenu entre les auteurs des parties le 25 novembre 1960 constituent bien des servitudes
réelles opposables au requérant et ORDONNE au mis en cause d'enregistrer ce jugement
contre les immeubles mutuellement affectés par ces servitudes.
6 AVEC DÉPENS dans les deux Cours.
Bich J.C.A., Doyon J.C.A., Rochette J.C.A.
Me Gilles Poulin, pour l'intimé
Me Éric Ménard, pour l'appelante
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Page 1
Rochette J.C.A.:–
I
7 Ce pourvoi comporte essentiellement d'interpréter la clause d'un contrat notarié signé par les
auteurs des parties, le 25 novembre 1960 (R-4). Elles y indiquent qu'elles créent, sur leurs
propriétés contiguës, des servitudes mutuelles et réciproques de droit de passage et de droit de
stationnement. S'agit-il pour autant de véritables servitudes réelles? Si tel est le cas, ces servitudes
demeurent opposables à l'intimé qui en a contesté la pérennité par requête pour jugement
déclaratoire.
8 La juge de première instance a répondu par la négative à la question posée. À son avis, les parties
ne seraient plus liées par les engagements pris il y a près de 45 ans.
9 Pour les motifs exposés ci-après et avec égards pour la première juge, j'estime que la clause
étudiée crée bien une servitude réelle.
II
10 Certains faits doivent être rappelés et les propriétés des auteurs des parties situées avant de nous
attarder aux engagements qu'ils ont pris.
11 Au mois de novembre 1960, c'était à la mode à l'époque, un Centre commercial est en
construction le long du boulevard Lalande, rebaptisé le boulevard Gouin, en la ville de Pierrefonds.
Il s'agit de Pierrefonds Plazza. La propriété des lots sur lesquels sera situé le Centre commercial est
indiquée à un plan I-1 qu'il est utile de reproduire ici:
11
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12 Les constructions n'apparaissent pas au plan. L'on constate que les lots identifiés, de gauche à
droite, «Parking Lot», «Present Shopping Centre», «Futur Shopping Centre» et «Surplus Land»
appartiennent à Hillsdale et Island, qu'un autre est identifié «Vida» et qu'un dernier, à l'extrémité
nord, porte l'inscription «Fairhill». Il s'agit respectivement de Hillsdale Construction Co. Ltd.
[Hillsdale], de Island Construction Co. Ltd. [Island], de Peter Vida inc. [Vida] et enfin de Fairhill
Investments Ltd. [Fairhill]. Il sera peu question de Fairhill dans notre affaire. Notons simplement
qu'elle a construit sur son lot un édifice commercial occupé par Rossy's inc.
13 Par contre, Hillsdale et Island de même que Vida nous intéressent tout particulièrement. Les
premières sont les auteures de l'intimé [Centre de loisirs] alors que Vida est l'auteur de l'appelante
[151692].
14 Un second plan (R-6), daté de novembre 1984, fait voir les immeubles respectifs des ayants
droit de Hillsdale et Island et de Vida que les parties acquerront peu après. La partie Vida sera
acquise par 151692 en 1986, la partie Hillsdale et Island par monsieur Suyagya Arya [Arya] en
1985:
14
15 À l'extrémité ouest de Pierrefonds Plazza, on retrouve l'immeuble de 151692 alors que la partie
moins profonde du Centre commercial, qui s'allonge vers l'est, appartient depuis 1992 à Centre de
loisirs. La propriété de la première est cernée par la seconde.
16 Revenons au contrat auquel Hillsdale et Island, Vida et Fairhill interviennent le 25 novembre
1960 (R-4).
17 À cette époque, la partie est de Pierrefonds Plazza n'est pas érigée sur toute sa longueur, tel qu'il
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appert du plan I-1 et de ce contrat intitulé «Servitude Agreement». L'édifice de Vida sera par
ailleurs occupé par un supermarché d'alimentation propriété de Dominion Stores Ltd. [Dominion],
en vertu d'un bail qui devait durer 25 ans.
18 La première clause du «Servitude Agreement» est au coeur du litige. Elle se lit, dans sa partie
pertinente:
1. It is the intention of Vida and Hillsdale and Island that the parking lot property and the
vacant areas of land surrounding the buildings now erected on Vida's property and on the
present Shopping Centre property serve as a common parking lot for the free use of the
lessees of the stores in the said buildings, their employees and patrons only and to this
purpose Vida on the one hand and Hillsdale and Island collectively on the other hand
hereby establish and impose each in favour of the other, upon Vida's property in favour of
the present Shopping Centre property and upon the parking lot property and the present
Shopping Centre property in favour of Vida's property the following mutual and reciprocal
servitudes, namely:
i.“A servitude of right of passage on foot and with animals and vehicles at all times over and
upon Vida's property, the parking lot property and the present Shopping Centre property
(except as hereinafter limited and restricted);
ii.A servitude of the right in favour of Vida and Hillsdale and Island collectively, their
respective assigns and legal representatives, including the lessees of the said stores and
employees and patrons thereof, of the right at all times to park automobiles and other
vehicles on Vida's property, the parking lot property and the present Shopping Centre
property (except as hereinafter limited and restricted);
(…)
[Je souligne]
19 L'acte comporte également: l'engagement de Hillsdale et Island de terminer à leurs frais, avant
même que soit complétée l'érection de l'immeuble de Vida, le nivellement, le pavage et l'éclairage
d'espaces de stationnement sur la propriété de Vida, sur le «Parking Lot» et sur le «Present
Shopping Centre» de sorte à offrir trois pieds carrés de stationnement pour chaque pied carré
d'espace occupé dans le Centre commercial (clause 2); l'engagement de Hillsdale et Island de
compléter l'aménagement de la même façon d'espaces de stationnement suffisants pour satisfaire
aux besoins découlant, le cas échéant, de l'agrandissement du Centre commercial (clause 3);
l'engagement tant de Vida que de Hillsdale et Island, d'entretenir et d'éclairer adéquatement les
espaces de stationnement pendant les heures d'ouverture du Centre commercial (clause 4); et enfin
un engagement mutuel de Hillsdale et Island et de Fairhill de ne pas permettre certains commerces
(limitation à la concurrence) dans le Centre commercial (clause 5).
20 Pierrefonds Plazza sera exploitée pendant plusieurs années mais la rentabilité de l'ensemble
commercial se détériore graduellement.
21 Dominion cesse ses opérations en 1979 et le bail qui devait courir jusqu'en 1986 prend fin
prématurément. Un vendeur de fruits s'installe dans ses locaux, puis un bingo, à partir de 1983.
151692 achète l'immeuble en 1986 et continue essentiellement cet usage jusqu'à l'époque des
procédures.
22 Les destinées de Centre de loisirs sont entre les mains d'Arya. Il a acquis la partie est du Centre
commercial en 1985 et mis fin aux baux en vigueur, au fur et à mesure de leur échéance, pour
transformer les lieux en «Recreation Center». L'on y retrouve notamment une salle de quilles et de
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billard, des bars, un restaurant communautaire, un centre de santé et un salon de coiffure.
23 L'utilisation commune et réciproque des stationnements entourant les propriétés des parties se
poursuit jusqu'en 2002, alors que Centre de loisirs lance sa requête pour jugement déclaratoire (art.
453 C.P.). Elle reproche notamment aux clients du bingo d'envahir le stationnement et d'occuper les
espaces les plus intéressants, avec pour conséquence préjudiciable que la fréquentation de ses
locaux en serait affectée.
24 Invoquant l'acte notarié de novembre 1960, Centre de Loisirs demande à la Cour supérieure de
déclarer que les servitudes de passage et de stationnement ne constituent pas des servitudes réelles
et ne lui sont pas opposables ou, alternativement, qu'elles sont éteintes vu la fin de l'exploitation en
commun d'un Centre commercial, à tout le moins depuis le 31 janvier 1985, date de l'entrée en
scène d'Arya.
25 La juge de première instance a fait droit aux prétentions de Centre de loisirs.
26 Elle s'attarde, dans un premier temps, à l'interprétation des quatre dernières clauses de l'acte de
servitude. Elle conclut que ces clauses ne peuvent, pour divers motifs, être assimilées à des
servitudes réelles et que les obligations réciproques assumées sont essentiellement fonction de
l'opération de commerces de détail et de l'opération d'un centre commercial. Revenant ensuite à la
clause 1 qui nous concerne plus particulièrement, elle écrit:
[38]Le Tribunal arrive à la conclusion qu'il en est de même du droit de passage et du droit
de stationnement qui sont créés au paragraphe 1 de l'acte de servitude. D'une part, la partie
introductive de l'article 1 indique clairement l'intention et le but que les propriétés des
parties «serve as a common parking lot», mais dans un but précis: «for the free use of the
lessees of the stores in the said buildings, their employees and patrons only».
[39]On ne crée donc pas un droit de passage ou un droit de stationnement ou une charge qui
grève l'immeuble, mais un droit en faveur de certaines personnes qui sont identifiées. Ce
n'est pas véritablement une charge sur le fonds au bénéfice d'un autre fonds, mais plutôt une
obligation réciproque des parties.
[40](…) Le Tribunal constate de plus que rien dans l'acte n'interdit à une partie ou à l'autre
de cesser d'opérer un centre commercial. Il semble évident que si le centre commercial est
détruit ou si on le démolit pour construire à sa place des immeubles à bureaux ou des
immeubles résidentiels, et le droit de passage et le droit de stationnement deviendraient sans
objet. L'assise n'est pas établie et protégée envers et contre tous.
[Références omises]
27 Subsidiairement, la juge d'instance ajoute que le contexte qui prévalait lors de la signature de
l'acte de servitude n'est plus le même, laissant entendre qu'une servitude réelle eût-elle été
consentie, elle serait de toute façon arrivée à son terme.
III
28 Rappelons certaines règles applicables en l'espèce.
29 Les éléments suivants sont requis pour que soit créée une servitude réelle conventionnelle: deux
fonds de terre voisins, appartenant à deux propriétaires différents, qui accordent un avantage à l'un
des fonds, le fonds dominant, obligeant le propriétaire du fonds servant à accepter ce qui serait
autrement un empiètement sur son terrain, servitude qui est perpétuelle par sa nature: Gale c.
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Page 5
[1993] R.L. 216C.A.; Girard c. Ménard[1995] R.D.I. 24C.A..
30 L'interprétation d'un acte dit de servitude requiert, comme pour tout contrat, de rechercher
l'intention commune des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes utilisés (art. 1425
C.c.Q.). Lorsque cette intention est claire, l'exercice s'arrête là. Par contre, lorsque le sens de l'acte
interprété est douteux, il doit être interprété de façon restrictive et en faveur de l'immeuble servant:
Barlow c. Cohen[1963] R.C.S. 101; Coulombe c. Société coopérative agricole de
Montmorency[1948] B.R. 761; Boucher c. Roy, J.E. 81-72 (C.A.); Plourde c. Plante[1986] R.J.Q.
1844C.A.; Girard c. Ménard, précitée; Langevin c. Chorlton[1999] R.D.I. 13C.A.; Ford c.
Baillargeon[1999] R.D.I. 358C.A.; Épiciers unis Métro-Richelieu inc. c. Standard Life Assurance
Co.[2001] R.J.Q. 587C.A..
31 La servitude réelle est, par sa nature, perpétuelle comme la propriété dont elle est l'accessoire. Il
n'est donc pas nécessaire d'en faire mention à l'acte: Girard c. Ménard, précitée. Par contre, la
stipulation d'un terme dans un acte de servitude ne lui fait pas perdre son caractère réel, à la
condition que la durée de la servitude ne soit pas liée, par exemple à la personne qui occupe le
fonds dominant: art. 1191 C.c.Q. et Épiciers unis Métro-Richelieu inc. c. Standard Life Assurance
Co., précitée.
32 Alors que les droits réels s'exercent directement sur une chose, sont opposables à tous et
demeurent, indépendamment de la personnalité de celui qui les détient à un moment précis, les
droits personnels s'exercent contre une personne: Épiciers unis Métro-Richelieu inc. c. Standard
Life Assurance Co., précitée; Jean-Louis Baudouin, Les obligations, 4e édition, Éd. Yvon Blais, 16
et 17, nos 24 et 25.
33 Enfin, on tient compte, dans l'interprétation du contrat, des circonstances dans lesquelles il a été
conclu et de l'interprétation que les parties lui ont donnée: art. 1426 C.c.Q.; Trudeau c.
Cochrane[1977] 2 R.C.S. 55; Richer c. Mutuelle du Canada (La), Cie d'assurance sur la vie[1987]
R.J.Q. 1703C.A.; Vanier c. Montréal (Ville de), J.E. 2004-1223 (C.A.).
IV
34 Le sens de la clause 1 de l'acte de servitude R-4 me paraît clair. Avec égards, la première juge
s'est méprise en s'inspirant des autres clauses de cet acte de 1960, dont le but est tout autre, pour
rechercher l'intention commune des parties. Je reproduis de nouveau, pour fins de commodité, la
partie pertinente de cette clause:
1. It is the intention of Vida and Hillsdale and Island that the parking lot property and the
vacant areas of land surrounding the buildings now erected on Vida's property and on the
present Shopping Centre property serve as a common parking lot for the free use of the
lessees of the stores in the said buildings, their employees and patrons only and to this
purpose Vida on the one hand and Hillsdale and Island collectively on the other hand
hereby establish and impose each in favour of the other, upon Vida's property in favour of
the present Shopping Centre property and upon the parking lot property and the present
Shopping Centre property in favour of Vida's property the following mutual and reciprocal
servitudes, namely:
i.“A servitude of right of passage on foot and with animals and vehicles at all times over and
upon Vida's property, the parking lot property and the present Shopping Centre property
(except as hereinafter limited and restricted);
ii.A servitude of the right in favour of Vida and Hillsdale and Island collectively, their
respective assigns and legal representatives, including the lessees of the said stores and
employees and patrons thereof, of the right at all times to park automobiles and other
vehicles on Vida's property, the parking lot property and the present Shopping Centre
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property (except as hereinafter limited and restricted);
(…)
[Je souligne]
35 En l'espèce, les parties ont entendu créer des servitudes mutuelles et réciproques de passage et
de stationnement affectant leurs lots respectifs. La nature réelle de la première est incontestable
alors que les tribunaux n'ont pas hésité à donner la même qualification à des servitudes de
stationnement: 9060-3994 Québec inc. c. Ivanhoé inc., J.E. 2004-2113 (C.A.); Syndicat des
copropriétaires de St-Mathieu enr. c. 3096-0876 Québec inc.[2004] R.D.I. 259C.A.; G.M.
Développement inc. c. Société en commandite Ste-Hélène[2003] R.J.Q. 2525C.A.; Papaspyrou c.
Immeuble 613 boulevard St-Joseph S.E.N.C., J.E. 98-603 (C.S.).
36 Il y a donc ici un droit réel de jouissance de la chose d'autrui et non un simple droit d'exiger d'un
propriétaire qu'il fournisse la prestation à laquelle il s'est engagé, c'est-à-dire un pur rapport de
créancier et de débiteur qui atteint la personne sans toucher à la chose: Épiciers unis
Métro-Richelieu inc. c. Standard Life Assurance Co., précitée; Madeleine Cantin Cumyn, De
l'existence et du régime juridique des droits réels de jouissance innomés: essai sur l'énumération
limitative des droits réels, (1986) 46 R. du B. 3, 36. Nous sommes bien en présence d'une servitude.
37 Celle-ci ne peut-elle être qualifiée de servitude personnelle ?
38 La servitude personnelle constitue, en effet, un droit réel qui suit le fonds servant mais au
bénéfice d'une ou de plusieurs personnes désignées plutôt que d'un fonds de terrain: Plourde c.
Plante, précitée; Épiciers unis Métro-Richelieu inc. c. Standard Life Assurance Co., précitée; Joy
Goodman, Stipulations de restriction d'usage, clauses de non-concurrence, d'exclusivité et de
«rayon», (1999) 59 R. du B. 289, 289-290. La servitude est alors due à une personne et finit avec
elle.
39 Les servitudes sont ici établies pour permettre la circulation et le stationnement librement, sur
toute la propriété des auteurs des parties visée à l'acte de servitude, sans égard au commerce
fréquenté, à l'évidence pour maximiser l'exploitation commerciale des lots des parties, donc à
l'avantage des deux fonds.
40 Par ailleurs, alors que la servitude de passage est pure et simple, la servitude de stationnement
précise qu'elle bénéficiera non seulement aux parties mais aussi à their respective assigns and legal
representatives, including the lessees of the said stores and employees and patrons thereof
(soulignement ajouté). Le paragraphe introductif qui annonce les servitudes ne peut amoindrir la
portée de ces textes clairs.
41 Même la recherche de l'intention commune des parties, en gardant à l'esprit les circonstances
dans lesquelles l'entente est intervenue, ne favorise pas la thèse du caractère personnel des
servitudes.
42 En novembre 1960, Vida termine son investissement et aménage son immeuble. [E]lle avait
loué ou était sur le point de louer son magasin pour 25 ans à Dominion écrit la première juge. Le
stationnement du Dominion et l'accès à la propriété elle-même sont limités. Hillsdale et Island sont
certainement très intéressées par ce locataire susceptible d'attirer une clientèle importante à leur
centre commercial, elles s'engagent à aménager, à leurs frais, tout le stationnement commun avant
que la construction du Dominion soit complétée (clause 2).
43 Qui plus est, l'actionnaire unique de l'appelante, Jules Bernard, affirme le rôle capital des
servitudes au regard de la desserte de sa propriété:
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R.
Bien ç'a eu énormément d'incidence parce que
sans servitude, Dominion n'aurait pas pu exister,
moi j'aurais pas pu exister, on n'aurait pas eu
accès en arrière parce qu'il y a des monte-charge
en arrière, il y a une courroie pour recevoir et
expédier la marchandise. En arrière de mon
emplacement, nous n'avons qu'une vingtaine de
pieds de terrain. Il est possible de s'y rendre avec
un camion ou une auto sans empiéter sur la
servitude.
Q.
Je vous réfère …
R.
S'il n'y avait pas de servitude, ça n'aurait pas de
… ç'a comme pas de bon sens. Votre Honneur, il
n'y a que trente-trois (33) pieds sur le côté latéral
et vingt (20) pieds en arrière.
44 Cela étant, il aurait été inconcevable que Vida lance son investissement sans avoir l'assurance
que les servitudes de passage et de stationnement que Hillsdale et Island étaient prêtes à lui
consentir, seraient perpétuelles et non rattachées à la seule personne des parties signataires de l'acte
de servitude. Il en allait de la viabilité de son immeuble.
45 Il est vrai que les parties voulaient donner à l'ensemble commercial l'apparence d'un centre
commercial. La création de servitudes réelles permettait précisément d'atteindre cet objectif. Les
parties auraient pu privilégier d'autres moyens. Elles ont fait un choix qui s'explique et se défend.
46 Par ailleurs, la première clause de l'acte de servitude ne comporte pas de terme exprès, ce qui
n'étonne pas vu la nature perpétuelle de la servitude réelle. Il aurait pourtant été aisé d'en stipuler
un, ce que les parties ont fait à la clause 3 de l'acte en précisant que l'engagement de Hillsdale et
Island de construire et d'aménager un stationnement additionnel, dans l'hypothèse de
l'agrandissement du Centre commercial, vaudra tant que l'agrandissement existera et qu'il abritera
des magasins à rayons.
47 Je ne retrouve pas davantage un terme implicite applicable à l'espèce dans le paragraphe
introductif de la clause 1 qui précise ceux et celles qui auront le droit d'utiliser le stationnement
commun. Cela ne signifie toutefois pas que la servitude survivrait à une cessation d'usage
commercial, ce sur quoi je ne me prononce pas.
48 Il faut enfin noter, au regard de l'interprétation que les parties ont elles-mêmes donné de l'acte,
que l'intimé n'a remis en cause le caractère réel et la validité de la servitude grevant son fonds qu'en
2002, 17 ans après son acquisition: 9060-3994 Québec inc. c. Ivanhoé inc., J.E. 2004-2113 (C.A.).
En 1991, elle a même préparé et soumis à l'autorité municipale un ambitieux projet
d'agrandissement, qui a éventuellement été approuvé et s'est concrétisé. Le plan décrivant le projet,
intitulé Centre Plazza Pierrefonds, représente les propriétés des parties et tous les espaces de
stationnement formant le stationnement commun.
49 L'intimé soutient que l'appelante abuse de son droit ou aggrave les servitudes ? Des recours
existent pour faire trancher ce genre de difficulté.
50 Pour ces motifs, je propose d'accueillir l'appel, d'infirmer la décision dont appel, de déclarer que
les droits de passage et de stationnement stipulés à la clause 1 de l'acte intervenu entre les auteurs
des parties le 25 novembre 1960 constituent bien des servitudes réelles opposables au requérant et
d'ordonner au mis en cause d'enregistrer le jugement contre les immeubles mutuellement affectés
par ces servitudes, avec dépens dans les deux Cours.
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Me Gilles Poulin, pour l'intimé
Me Éric Ménard, pour l'appelante
Date de mise à jour : 18 décembre 2010
Date de dépôt : 29 avril 2005
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Indigo Books & Music Inc. c. Immeubles Régime XV inc.
2010 QCCS 1106
COUR SUPÉRIEURE
(Chambre civile)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
N° :
500-17-048517-091
DATE : 22 mars 2010
______________________________________________________________________
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE BENOÎT EMERY, J.C.S.
______________________________________________________________________
INDIGO BOOKS & MUSIC INC.
Demanderesse
c.
IMMEUBLES RÉGIME XV INC.
-ETBB REAL ESTATE INVESTMENT TRUST
ET9123-2850 QUÉBEC INC.
-ETDEVIMCO INC.
Défenderesses
______________________________________________________________________
JUGEMENT
______________________________________________________________________
[1]
Invoquant la clause d'exclusivité contenue au bail, la demanderesse requiert une
ordonnance en injonction visant à interdire aux défenderesses de louer un
JE 0086
500-17-048517-091
PAGE : 2
emplacement au Groupe Archambault inc. (ci-après Archambault) dans la Phase III du
centre commercial Quartier DIX30 à Brossard.
[2]
Les défenderesses plaident en substance que la clause d'exclusivité prohibe la
location d'un espace commercial à un marchand dont l'activité principale est la vente de
livres. Or, elles font valoir que Archambault s'engage à limiter la vente de livres au
Quartier DIX30 à 25 % de ses revenus bruts mensuels de même qu'à 25 % de
l'inventaire au magasin. Ce faisant, les défenderesses font valoir qu'un tel bail ne
contreviendrait pas à la clause d'exclusivité.
I-
LES FAITS :
[3]
La demanderesse Indigo Books & Music inc. (ci-après Indigo), se présente1
comme étant le plus important vendeur de livres au Canada, exploitant 247 magasins
dans les dix provinces et employant environ 6 000 personnes. Indigo exploite
86 magasins de grande surface sous les raisons sociales Chapters, Indigo, World's
Biggest Bookstore et près de 160 magasins plus petits sous les raisons sociales Coles,
Indigo, SmithBooks, Indigospirit, The Book and Company. Elle offre également ses
produits via le site internet chapter.indigo.ca.
[4]
Au Québec, la demanderesse exploite deux magasins Indigo, deux magasins
Chapters et cinq magasins Coles.
[5]
Tous les magasins de Ia demanderesse au Canada sont exploités dans des
locaux loués.
[6]
La défenderesse The Real Estate Investment Trust est un fonds
d'investissements privé qui, en plus du Quartier Dix30, a été impliqué dans le
développement de plusieurs centres commerciaux d'envergure au Québec2.
[7]
La défenderesse Immeubles Régime XV inc. a pour principaux actionnaires le
Régime de retraite de la STM (1992) et le Régime de retraite de la STM (Syndicat du
transport de Montréal (CSN))3.
[8]
La défenderesse 9123-2850 Québec inc. a pour principal actionnaire le Régime
de retraite de la ville de Québec4.
1. pièce D-1.
2. dont le Méga Centre Notre-Dame, Méga Centre Lebourgneuf et Méga Centre Beauport - pièce D-3.
3. pièce D-4.
4. pièce D-5.
500-17-048517-091
PAGE : 3
[9]
Devimco inc. (ci-après Devimco), est l'une des entités du Groupe Devimco,
développeur actif dans le domaine des centres commerciaux5.
[10] Au moment de la signature du bail P-1, Devimco agissait comme développeur
des Phases I et II du Quartier Dix30 et à ce titre, agissait à titre de mandataire des
autres propriétaires aux termes du bail. C'est Devimco qui a négocié le bail P-1 au nom
des défenderesses.
[11] Gestions RioCan (Brossard) inc. est une filiale du Fonds de placements
immobiliers RioCan et est une compagnie de gestion propriétaire de divers immeubles6.
[12] À la date du bail P-1, les Phases I et II du Quartier Dix-30 étaient détenues
comme suit :
a)
Gestions RioCan (Brossard) inc.
50 %;
b)
BB Real Estate Investment Trust
25 %;
c)
Immeubles Régime XV inc.
15 %;
d)
9123-2850-Québec inc.
10 %.
[13] En date de ce jour, les Phases I et II du Quartier Dix30 sont détenues comme
suit :
a)
Gestions RioCan (Brossard) inc.
50 %;
b)
BB Real Estate Investment Trust
15 %;
c)
Immeubles Régime XV inc.
9 %;
d)
9123-2850-Québec inc.
6 %;
e)
2946-8964 Québec inc.
20 %7.
[14] Les partenaires pour le développement des futures phases sont susceptibles de
varier. Par exemple, la Phase III, à construire, est détenue comme suit :
a)
BB Real Estate Investment Trust
30 %;
b)
Immeubles Régime XV inc.
18 %;
5. pièce D-6.
6. pièce D-7.
7. une compagnie détenue par le fonds de pension d'Hydro-Québec – pièce D-8.
500-17-048517-091
[15]
PAGE : 4
c)
9123-2850-Québec inc.
12 %;
d)
2946-8964 Québec inc.
40 %.
Le développeur et gestionnaire futur de la Phase III est Devimco.
[16] Fondée en 1896, Archambault se décrit comme étant au Québec le plus
important disquaire et libraire affichant la meilleure croissance et offrant la plus grande
sélection de livres, en plus d'être le plus important détaillant d'instruments de musique
et de partitions8. Archambault compte au Québec 16 magasins et 1 000 employés.
[17] Archambault a notamment enregistré le nom de : Archambault, la plus grande
maison de musique et livres au Québec9.
[18] Sur le site WEB de Patrimoine canadien du Gouvernement du Canada10, on peut
y lire :
Another unique aspect of the Quebec market is the prominence of regional
bookselling chains. These regional chains (Renaud-Bray and Archambault) play
the same dominant role in the province that Indigo plays in the rest of Canada.
(…)
As for Archambault, the company began as a music store in the early-1900s and
grew into a culture institution over the past century. In the early-1990s, it
expanded greatly beyond the music sphere to become a cultural superstore, and
was purchased by Quebecor in 1995. Currently, the chain is an important retailer
of books, DVDs, newspapers, and magazines, musical instruments, and sheet
music.
[19] Lors d'une conférence de l'ICSC11 en juin 2004, Devimco approche Drew
McGowen de Indigo pour lui offrir d'ouvrir un magasin dans le nouveau centre
commercial du Quartier Dix30. Ce n'est toutefois qu'en décembre 2004 que débutent
les négociations pour l'implantation d'un magasin Indigo dans le Quartier Dix30. Les
négociations se déroulent principalement entre Éric Foster de Devimco et Drew
McGowen de Indigo12. Celle-ci a aussi négocié avec Devimco par l'entremise du
courtier Orange National Retail Group (ci-après Orange).
[20] Dès le début des négociations, Devimco informe Indigo qu'elle négocie aussi
avec Archambault. Compte tenu de l'envergure du Quartier Dix30, Devimco envisageait
la possibilité que ces deux compétiteurs s'y établissent. Au début, Devimco a donc
8. Archambault.ca. et P-3.
9. CIDREQ pièce P-2.
10. pièce P-4.
11. International Council of Shopping Center.
12. témoignages de Drew McGowen du 3 février 2010 et Éric Foster du 4 février 2010.
500-17-048517-091
PAGE : 5
négocié concurremment avec Indigo et Archambault si bien qu'en février 2005, Devimco
reçoit deux offres de location soit une de Archambault en date du 8 février 200513 et
l'autre de Indigo en date du 24 février 200514.
[21] L'offre de Archambault comportait une clause d'exclusivité afin d'exclure
notamment des bannières particulières soit Indigo, Chapters, Renaud-Bray et Virgin.
[22] La lettre d'intention de Indigo du 24 février 2005 comportait également une
clause d'exclusivité par laquelle Devimco devait s'engager à ne pas louer à des
locataires « whose principal use is the retail sale of books ».
[23]
Le 27 avril 2005, Devimco accepte la lettre d'intention de Indigo15.
[24] Ce n'est toutefois que le 14 septembre 2006 que Indigo signe le bail alors que
Devimco y appose sa signature le 2 octobre 200616.
[25]
La clause d'exclusivité 5.6 apparaissant au bail P-1 se lit comme suit :
Provided that the Tenant is not in material default under the Lease and is itself
operating in the entire Leased Premises (including with any permitted licensee or
subtenant operating from time to time within the Indigo concept, such as a coffee
shop or wine bar in the Leased Premises in accordance with this Lease), the
Landlord shall not lease, nor allow to be leased, any other premises in the Centre
or any adjacent lands eventually acquired by the Landlord, as the case may be,
to any tenant whose principal use is the sale of books (the "Exclusive Use").
Notwithstanding the foregoing, the Exclusive Use shall not apply (i) to any single
tenant for premises of FIFTY THOUSAND (50,000) square feet or more located on
such adjacent lands eventually acquired by the Landlord or (ii) to any single user
as purchaser of lands of FIFTY THOUSAND (50,000) square feet or more located on
such adjacent lands eventually acquired by the Landlord.
Any exclusive right granted to the Tenant under this section shall be deemed to
be a personal right of the Tenant and shall not be assignable or transferable by
the Tenant nor shall it pass to or devolve upon any other assignee or transferee
of this Lease or of the rights granted thereby or subtenant of the whole or a
portion of the Leased Premises unless the Lease is duly assigned or the Leased
Premises are sublet to a comparable operator such as but not limited to
Archambault or Barnes & Noble.
[26]
Indigo a ouvert son magasin à la fin de 2006.
13. pièce D-10.
14. pièce D-11.
15. pièce D-11.
16. bail P-1.
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PAGE : 6
[27] En janvier 2009, lors d'une conférence de l'ICSC, Drew McGowen de Indigo
apprend que Devimco travaille à développer la Phase III du Quartier Dix30. Il apprend
du même coup que Devimco négocie avec Archambault qu'elle voudrait voir comme
locataire dans la Phase III.
[28] La Phase III est située sur un terrain adjacent aux Phases I et II. En fait, Indigo
apprend que Archambault occuperait dans la Phase III un emplacement stratégique
situé non loin de son magasin.
[29] Indigo y voit une violation de la clause d'exclusivité 5.6 énoncée au bail P-1 d'où
la présente demande d'injonction.
II -
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
A-
PRÉTENTIONS DE LA DEMANDERESSE :
[30] Lors du procès, Indigo souhaitait faire la preuve des négociations qui ont mené à
la signature du bail P-1. Devimco s'y objectait en invoquant l'article 2863 C.c.Q.
puisque la preuve testimoniale de ces négociations contredirait ou changerait les
termes du bail P-1. Le tribunal a permis sous réserve la preuve testimoniale de ces
négociations. Il doit maintenant trancher l'objection.
[31] Indigo plaide que l'objection doit être rejetée puisque l'article 2864 C.c.Q.
autorise une telle preuve lorsqu'il s'agit d'interpréter un écrit. Indigo soumet que la
clause 5.6 du bail P-1 est ambiguë si bien qu'il faut l'interpréter dans le contexte des
négociations qui ont précédé la signature du bail P-1. La demanderesse fait valoir que
le tribunal doit rechercher l'intention réelle des parties. Elle ajoute que Devimco agit de
mauvaise foi quant à la Phase III sachant pertinemment qu'elle a toujours affirmé qu'elle
ne cohabiterait jamais avec Archambault dans le Quartier Dix30.
[32] La demanderesse précise que la principale question en litige repose sur
l'interprétation des termes « principal use » énoncés à la clause 5.6 du bail P-1.
Puisqu'il n'y a aucune définition de ces termes dans le bail, la demanderesse plaide qu'il
est essentiel qu'elle puisse prouver les négociations qui ont précédé la signature du
bail P-1.
[33] Indigo allègue qu'il est inconcevable qu'une clause d'exclusivité telle que celle
énoncée à l'article 5.6 du bail puisse permettre au bailleur de louer un espace
commercial à son principal compétiteur. Indigo souligne que Archambault s'affiche
comme étant l'un des plus importants détaillants dans la vente de disques et de livres
dans l'est du Canada.
500-17-048517-091
PAGE : 7
[34] Indigo soumet que Devimco ne peut faire indirectement ce que le bail P-1 lui
interdit de faire directement. La demanderesse ajoute que Devimco tente de contourner
le bail P-1 en invitant Archambault à limiter la vente de livres. C'est ainsi que la lettre
d'intention de Archambault pour la Phase III comporte la clause suivante :
Exploitation du commerce de vente au détail de la bannière Archambault avec
limitation de 25 % de ses revenus bruts mensuels en vente, location ou
distribution de livres et billets de spectacles, et 25 % de l'inventaire en magasin.17
[35] Indigo plaide que cette clause comporte beaucoup trop de variables pour qu'on
puisse lui donner quelque effet. Ainsi, de mois en mois, les revenus bruts de
Archambault peuvent fluctuer de même que le volume d'inventaire en magasin. La
demanderesse ajoute que si Archambault louait un espace beaucoup plus étendu que
celui occupé par Indigo, il se pourrait même que les ventes de livres de Archambault
soient supérieures à celles de Indigo même en les limitant à 25 % des revenus bruts.
[36]
La demanderesse invoque les articles 1425 C.c.Q. et 1426 C.c.Q. qui édictent :
1425. Dans l'interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la
commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes
utilisés.
1426. On tient compte, dans l'interprétation du contrat, de sa nature, des
circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l'interprétation que les parties lui
ont déjà donnée ou qu'il peut avoir reçue, ainsi que des usages.
[37] Or, Indigo fait valoir que l'intention réelle des parties était de faire en sorte qu'il
soit le seul magasin de livres dans le Quartier Dix30. La demanderesse réfère le
tribunal à la preuve démontrant que pour Indigo, l'implantation d'un magasin au Quartier
Dix30 représentait une incursion dans un marché qu'elle connaissait peu soit le marché
du livre francophone. Il s'agit pour Indigo d'un projet qui représente un certain risque
d'où l'importance qu'elle attachait au fait d'être le seul libraire dans ce centre
commercial situé dans une région majoritairement francophone.
[38] La demanderesse prétend que la marge de profit sur les livres francophones est
beaucoup moins élevée en raison d'un marché plus restreint. Indigo est peu connue au
Québec dans le marché du livre francophone d'où le risque additionnel d'ouvrir un
magasin dans le Quartier Dix30.
B-
PRÉTENTIONS DES DÉFENDERESSES :
[39] Les défenderesses plaident que le tribunal doit maintenir l'objection qu'elles ont
soulevée quant à l'admissibilité de la preuve testimoniale portant sur les négociations
17. lettre d'intention du 17 juillet 2008 de Archambault – pièce D-14b).
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PAGE : 8
pré-contractuelles. Elles font valoir que la demanderesse ne peut ainsi contredire et
changer les termes du bail P-1 en tentant d'y inclure une nouvelle obligation qui est
totalement absente de son libellé. Elles précisent que la demanderesse ne peut
prétendre qu'en sus de la clause d'exclusivité énoncée à l'article 5.6 du bail P-1, le
bailleur se serait engagé à ne jamais permettre, sous aucune condition ni autre
modalité, à ce que Archambault loue un espace dans ce centre commercial ou sur un
terrain adjacent tant et aussi longtemps que Indigo demeure locataire en vertu du
bail P-1.
[40] Les défenderesses font valoir que l'article 2864 C.c.Q. n'est d'aucun secours
pour la demanderesse puisqu'il édicte que la preuve par témoignage est admise
lorsqu'il s'agit d'interpréter un écrit. Or, plaident-elles, la clause 5.6 du bail P-1 est claire
et ne souffre d'aucune ambiguïté. Ainsi, cet acte juridique ne porte pas à interprétation.
Selon les défenderesses, cette règle est d'autant plus applicable lorsque la conclusion
du contrat résulte d'une négociation sérieuse entre les parties et qu'elles y ont prévu
une clause d'intégralité.
[41]
La clause d'intégralité du bail P-1 se trouve au paragraphe 22.6 :
22.6
Entire agreement
This Lease is the entire agreement between the Landlord and the Tenant. The
Tenant further acknowledges that the execution of this Lease shall constitute a
conclusive presumption that all pre-contracts, offer to lease, agreements and
representations, written or verbal, previously entered into or made by the parties
or their agents are hereby cancelled. This Lease may be amended only by an
agreement in writing signed by both the Landlord and the Tenant.
[42] Les défenderesses font valoir que cette stipulation vise l'annulation de toute
autre entente antérieure, ce qui, selon elles, confirme le bien-fondé de l'objection
fondée sur l'article 2863 C.c.Q.
[43] Les défenderesses plaident que la simple divergence d'opinion entre les parties
quant à l'interprétation à donner à une stipulation contractuelle ne fait pas
nécessairement en sorte que le texte soit ambigu.
[44] Les défenderesses soumettent que l'expression « principal use » (activité
principale) n'est nullement ambiguë. Le sens premier du mot « principal » implique un
rapport entre le principal et son accessoire. Le concept d'« activité principale » doit se
comprendre par rapport à celui d'« une activité accessoire » des lieux loués. Selon les
défenderesses, c'est le sens logique et cohérent auquel conduit la lecture de la clause
5.6 du bail P-1.
[45] Les défenderesses ajoutent que les clauses d'exclusivité doivent être
interprétées de façon restrictive puisqu'il s'agit d'une restriction à la liberté de
commerce.
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[46] Les défenderesses soumettent que Indigo exploite 247 magasins au Canada ce
qui implique la négociation de 247 baux commerciaux. La clause d'exclusivité a été
négociée entre les parties pendant plusieurs semaines si bien que Indigo ne peut se
plaindre aujourd'hui de son libellé.
[47] Les défenderesses invoquent également la règle contra proferentem énoncée à
l'article 1432 C.c.Q. :
1432. Dans le doute, le contrat s'interprète en faveur de celui qui a contracté
l'obligation et contre celui qui l'a stipulée. Dans tous les cas, il s'interprète en
faveur de l'adhérent ou du consommateur.
[48] Selon les défenderesses, il est clair que le bailleur est débiteur de l'obligation
prévue à la clause d'exclusivité 5.6 du bail P-1 et qu'en cas d'impasse, le tribunal doit
favoriser les défenderesses.
[49] Les défenderesses invoquent enfin l'article 1440 C.c.Q. qui édicte que le contrat
n'a d'effet qu'entre les parties contractantes et conséquemment, il n'en a point quant
aux tiers. Elles soumettent que parmi les propriétaires ayant conclu le bail P-1, il y avait
à l'origine Gestions RioCan (Brossard) inc. Or, celle-ci n'est pas copropriétaire de la
Phase III qui a fait l'objet de la lettre d'intention de Archambault18.
III -
DISCUSSION :
[50] Le tribunal doit d'abord trancher l'objection soulevée par les défenderesses qui
invoquent l'article 2863 C.c.Q. en soumettant que la demanderesse ne peut prouver par
témoignage les négociations pré-contractuelles. Le tribunal rappelle que les articles
2863 et 2864 C.c.Q. édictent :
2863. Les parties à un acte juridique et constaté par un écrit ne peuvent, par
témoignage, le contredire ou en changer les termes, à moins qu'il n'y ait un
commencement de preuve.
2864. La preuve par témoignage est admise lorsqu'il s'agit d'interpréter un écrit,
de compléter un écrit manifestement incomplet ou d'attaquer la validité de l'acte
juridique qu'il constate.
[51] Le tribunal retient les principes généraux suivants énoncés par le professeur
Jean-Claude Royer dans son ouvrage La preuve civile19 :
18. pièces D-14 et D-14b).
e
19. ROYER, Jean-Claude, La preuve civile, 4 édition, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2008,
1891 pages.
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PAGE : 10
1517 – Droit québécois – Au Québec, la doctrine et la jurisprudence modernes
ont souvent interprété de façon restrictive cette limitation à la preuve verbale.20
(…)
1526 – Généralités –
(…) L'article 2863 C.c.Q., comme l'article 1234 C.c.B.C., prohibe la
preuve testimoniale, et non la preuve écrite. Aussi, un document préliminaire ou
concomitant est admissible en preuve et peut être utilisé pour interpréter et
compléter un acte juridique. Toutefois, cet écrit est rarement suffisant pour
contredire le contenu exprès d'un contrat, sauf s'il s'agit d'une contre-lettre.21
1527 – Écrit interprétant un acte juridique - Une preuve testimoniale est
recevable pour interpréter un contrat. À plus forte raison en est-il de la
production d'un écrit.22
(…)
1591 – Critères – L'interprétation d'un acte juridique est faite en fonction d'un
critère subjectif, soit l'intention des parties et de critères objectifs ou mixtes,
notamment le sens ordinaire, populaire, grammatical ou juridique des termes, le
contexte dans lequel ils ont été utilisés, la nature du contrat, les circonstances
dans lesquelles il a été conclu, l'interprétation que les parties lui ont donnée ou
qu'il peut avoir reçue, ainsi que des usages.23
(…)
Aujourd'hui, la jurisprudence accorde une plus grande importance à
l'intention des parties et admet plus facilement une preuve par témoignage
destinée à l'établir.24
(…)
Cette preuve par témoignage peut avoir pour objet d'éclaircir, d'expliquer
ou de préciser l'identité des parties, la nature de l'acte juridique, l'objet d'une
obligation, les raisons qui ont motivé une partie à choisir certains travaux ainsi
que les autres clauses d'un acte juridique. Si la preuve est suffisante, le tribunal
doit alors privilégier l'intention réelle des parties au sens littéral des termes.
Dans certaines circonstances, la preuve par témoignage est recevable parce
qu'elle a le double but d'interpréter un écrit et d'établir une erreur subjective.25
20. page 1322.
21. page 1329.
22. page 1329.
23. page 1394.
24. page 1395.
25. pages 1402-1403.
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PAGE : 11
[52] La demanderesse souhaite prouver par témoins que lors des négociations qui
ont mené à la signature du bail P-1, les parties ont spécifiquement discuté de la
possibilité que Archambault soit aussi locataire d'un emplacement dans les Phases I
et II. La demanderesse veut prouver plus précisément qu'elle a clairement affirmé à
plus d'une reprise qu'elle refusait toute cohabitation avec Archambault au Quartier
DIX30.
[53] Le tribunal est d'avis que cette preuve ne contredit pas et ne modifie pas les
termes du bail P-1. Dans la mesure où Archambault exploite un magasin dont l'une des
principales activités serait la vente de livres, elle serait alors couverte par la clause 5.6
du bail P-1 sans que cela modifie ni son libellé ni sa portée.
[54] Se pose alors la question de déterminer comment évalue-t-on l'activité principale
d'un commerce :
a)
en fonction de la superficie du magasin consacrée aux livres ?
b)
en fonction de la façon dont le commerce s'affiche au public ?
(prédominence ou importance des termes « vente de livres » sur une
enseigne ou dans la publicité)
c)
en fonction du pourcentage du volume de ventes brutes de livres ?
d)
pourcentage des profits nets ?
e)
l'ensemble de ces facteurs ?
f)
doit-on aussi tenir compte des ventes de livres par internet ?
g)
quel pourcentage doit-on retenir pour déterminer ce qu'est l'activité
principale ?
h)
le pourcentage d'inventaire de livres se calcule-t-il en rapport avec tous
les livres vendus ou simplement les livres francophones ?
[55] Le tribunal note incidemment que Archambault envisage de louer un espace
commercial d'une superficie totale de 21 800 pieds carrés.
[56] Dans la cause de Sobeys Québec inc. c. Coopérative des consommateurs de
Sainte-Foy26, la Cour d'appel déclare :
47.
Pourtant, l'on ne peut ignorer que la volonté déclarée des contractants,
ou celle qu'ils déclarent en apparence, ne traduit pas toujours fidèlement leur
26. Sobeys Québec inc. c. Coopérative des consommateurs de Sainte-Foy, EYB 2005-98532 (C.A.),
paragraphes 47 et suivants.
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PAGE : 12
volonté réelle : le contenu explicite du contrat, pour diverses raisons, peut n'être
pas conforme à cette dernière. Comme le soulignent les auteurs Baudouin et
Jobin :
Par ailleurs, un texte qui apparaît clair à sa face même peut
donner lieu à interprétation lorsqu'il appert que ce qui y est
exprimé ne reflète pas l'intention véritable des parties
contractantes : le juge fera alors prévaloir la volonté interne sur la
volonté déclarée.
(…)
50.
Bref, s'il est vrai que la jurisprudence, comme la doctrine du reste, affirme
parfois que l'on n'a pas à interpréter ce qui est clair, il demeure néanmoins que
ce qui est ou paraît clair n'est pas toujours exact et peut donc requérir
interprétation. L'exercice consistera alors à chercher, à travers mais aussi audelà de la volonté déclarée, la volonté réelle des parties, c'est-à-dire leur
véritable intention commune, intention dont il faudra bien sûr faire la preuve.
(…)
53.
Ainsi, dans la mesure où une partie réussit à prouver que la volonté
réelle des parties ou, si l'on préfère, leur véritable et commune intention, est
autre que celle qu'exprime ou paraît exprimer le texte du contrat, c'est alors cette
volonté, cette intention, qui doit prévaloir.
[57] À la lumière de ce qui précède, le tribunal en vient à la conclusion qu'il doit
permettre la preuve testimoniale des négociations puisque cela s'avère nécessaire pour
interpréter les termes « principal use » et qu'au surplus, cette preuve ne contredit pas la
clause 5.6 du bail P-1.
[58] Le tribunal précise toutefois qu'il ne retient pas l'argument de la demanderesse
selon lequel Devimco aurait agi de mauvaise foi. Il n'y a eu aucune preuve en ce sens.
Au contraire, dès le début des négociations en 2005, Devimco a informé Indigo qu'elle
négociait également avec Archambault. Il en est de même pour la présence de
Archambault dans la Phase III.
[59] De la preuve des négociations précédant la conclusion du bail P-1, le tribunal
retient les éléments suivants.
[60] La preuve révèle clairement que la demanderesse a toujours affirmé qu'elle
n'accepterait pas de louer un emplacement au Quartier Dix30 si elle devait cohabiter
avec Archambault. La demanderesse a fermement fait savoir à Devimco à plus d'une
reprise que le bailleur devait choisir entre Indigo et Archambault. Ceci ressort nettement
du témoignage de Drew McGowen de Indigo, Jeri Brodie de Orange mais aussi de Éric
Foster de Devimco. Ce dernier a aussi reconnu que Devimco a même proposé à Indigo
de réduire son loyer si la demanderesse acceptait une cohabitation avec Archambault
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PAGE : 13
dans le Quartier Dix30. Il reconnaît que Indigo a fermement refusé. Devimco a aussi
proposé de changer les emplacements pour éviter toute proximité entre Indigo et
Archambault à l'intérieur des Phases I et II. Encore-là, Devimco a fait face à une fin de
non-recevoir.
[61] Ainsi, la preuve révèle que Indigo s'est toujours opposée fermement à la
présence de Archambault dans ce centre commercial peu importe les
accommodements proposés par Devimco.
[62] Éric Foster de Devimco a également fait la même admission lors de son
interrogatoire hors Cour :
Je crois que ce que monsieur McGowen a dit, c'est : « Si on signe une offre de
location chez vous, on ne veut pas avoir Archambault dans le même projet. »
[63] Cette décision a été respectée par Devimco qui a mis fin aux négociations avec
Archambault en ce qui concerne les Phases I et II.
[64] C'est la demanderesse, par l'entremise de Jeri Brodie de la firme Orange qui a
demandé que le bail comporte une clause d'exclusivité. Devimco ne s'y est jamais
opposée bien que le libellé ait fait l'objet de négociations entre les parties. Jeri Brodie a
d'abord proposé le libellé suivant :
Exclusive
The Landlord shall not lease, nor allow to be leased, any other premise in the
Shopping Center, for the tenant's principal use.27
[65]
Éric Foster a proposé la modification suivante :
Exclusive
The Landlord shall not lease, nor allow to be leased, any other premise in the
Shopping Center, for the tenant's principal use, being the operation of a retail
store selling books (including books or tapes and other such formats) as outlined
above.28
[66]
Éric Foster avait suggéré cet ajout pour préciser les termes « principal use ».
[67]
Par la suite, Devimco a proposé le libellé suivant :
27. avenant au projet de la lettre d'intention – pièce P-14.
28. pièce P-14.
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PAGE : 14
Exclusivity
Provided that the Tenant is not in default under the Lease and is itself in
occupancy of the whole Premises, the Landlord shall not lease, nor allow to be
leased, any other premises in the Centre to any tenant whose principal use is the
retail sale of books (the "Exclusive Use").29
[68]
En avril 2005, les parties se sont finalement entendues sur le libellé suivant :
Exclusivity
Provided that the Tenant is not in material default under the Lease and is itself in
occupancy of the whole Premises, the Landlord shall not lease, nor allow to be
leased any other premises in the Centre or any adjacent lands eventually
acquired by the Landlord, as the case may be, to any tenant whose principal use
is the retail sale of books (the "Exclusive Use").30
[69] Il est à noter qu'aux termes de cette clause, l'exclusivité s'étend non pas
seulement sur la partie centrale des Phases I et II mais aussi à tout terrain adjacent :
« or any adjacent lands eventually acquired by the Landlord, as the case may be ». Or,
la Phase III où Archambault souhaiterait louer un espace est contiguë au terrain sur
lequel se trouvent les Phases I et II si bien que le tribunal est d'avis qu'il s'agit
clairement d'un terrain adjacent au sens de la clause 5.6 du bail P-1.
[70] La clause d'exclusivité qui s'est finalement retrouvée au paragraphe 5.6 du bail
P-1 se lit comme suit :
Provided that the Tenant is not in material default under the Lease and is itself
operating in the entire Leased Premises (including with any permitted licensee or
subtenant operating from time to time within the Indigo concept, such as a coffee
shop or wine bar in the Leased Premises in accordance with this Lease), the
Landlord shall not lease, nor allow to be leased, any other premises in the Centre
or any adjacent lands eventually acquired by the Landlord as the case may be, to
any tenant whose principal use is the sale of books (the "Exclusive Use").
Notwithstanding the foregoing, the Exclusive Use shall not apply (i) to any single
tenant for premises of FIFTY THOUSAND (50,000) square feet or more located on
such adjacent lands eventually acquired by the Landlord or (ii) to any single user
as purchaser of lands of FIFTY THOUSAND (50,000) square feet or more located on
such adjacent lands eventually acquired by the Landlord.
Any exclusive right granted to the Tenant under this section shall be deemed to
be a personal right of the Tenant and shall not be assignable or transferable by
the Tenant nor shall it pass to or devolve upon any other assignee or transferee
of this Lease or of the rights granted thereby or subtenant of the whole or a
portion of the Leased Premises unless the Lease is duly assigned or the Leased
29. pièce P-9.
30. pièce P-10.
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PAGE : 15
Premises are sublet to a comparable operator such as but not limited to
Archambault or Barnes & Noble.
[71] Le tribunal note que le terrain devant accueillir la Phase III a été acheté après la
signature du bail P-1. Gestions RioCan (Brossard) inc. a vendu sa part en ce qui
concerne ce terrain tout en demeurant co-propriétaire des Phases I et II. Les
défenderesses en tirent un argument en invoquant que les propriétaires n'étant pas
exactement les mêmes, les défenderesses ne seraient plus liées par la clause
d'exclusivité 5.6 du bail P-1. Soit dit avec égards, le tribunal rejette cet argument. Les
défenderesses BB Real Estate Investment Trust, Immeubles Régime XV inc. et 91232850 Québec inc. sont copropriétaires tant du terrain sur lequel sont établies les
Phases I et II que le terrain devant accueillir la Phase III. Or, la demande d'injonction
vise ces trois défenderesses. Le tribunal est d'avis que ces trois défenderesses sont
toujours liées par le bail P-1 dont sa clause d'exclusivité.
[72] En interprétant la clause 5.6 du bail P-1 en conformité avec les articles 1425,
1426 et 2864 C.c.Q., le tribunal est d'avis que les défenderesses ne peuvent louer à
Archambault un espace commercial sur le terrain devant accueillir la Phase III au
Quartier Dix30.
[73] D'une part, les négociations pré-contractuelles ont clairement démontré que
Indigo a toujours refusé de louer au Quartier Dix30 si Archambault devait également
être locataire. Cette condition a été acceptée par Devimco. Celle-ci a mis un terme aux
négociations qu'elle menait parallèlement avec Archambault en les informant qu'elle
avait choisi Indigo pour son centre commercial à l'exclusion de Archambault.
[74] Le terrain devant accueillir la Phase III étant clairement adjacent à celui sur
lequel les Phases I et II ont été développées, la clause d'exclusivité du bail P-1
s'applique et prohibe la location d'un espace à Archambault dans la Phase III.
[75] La preuve a aussi démontré que l'incursion dans le marché francophone d'une
entreprise qui vend essentiellement des livres anglophones représentait un risque pour
Indigo d'où l'importance capitale d'exclure Archambault du Quartier Dix30.
[76] Il est vrai qu'il existe plusieurs magasins qui sont en compétition dans les Phases
I et II du Quartier Dix30 soit plus particulièrement dans le domaine de la mode. Ainsi,
Devimco aurait très bien pu refuser l'exigence de Indigo mais elle a plutôt choisi de
l'accepter. Aujourd'hui, les défenderesses sont liées par ce contrat.
[77] La preuve testimoniale a également révélé qu'au Québec, Archambault et
Renaud-Bray sont des compétiteurs directs de la demanderesse dans le domaine de la
vente des livres francophones.
[78] Le tribunal est d'avis que les défenderesses ne peuvent sciemment contourner
cette obligation en invitant Archambault à limiter ses ventes de livres. Le tribunal
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rappelle que cet engagement énoncé dans la lettre d'intention du 17 juillet 2008 de
Archambault31 se lit comme suit :
Exploitation du commerce de vente au détail de la bannière Archambault avec
limitation de 25 % de ses revenus bruts mensuels en vente, location ou
distribution de livres et billets de spectacles, et 25 % de l'inventaire en magasin.
[79] D'une part, le tribunal est d'avis que la volonté de limiter les ventes de livres
démontre clairement que Archambault est un compétiteur direct de Indigo. Pourquoi
sentir l'obligation de limiter les ventes de livres si Archambault n'était pas l'un des
principaux compétiteurs de Indigo au Québec dans ce domaine ?
[80] Par ailleurs, cette prétendue limitation est théorique et peut varier dans le temps
puisqu'elle dépend de plusieurs données variables soit la superficie de l'espace loué
par Archambault, le volume total de ses ventes brutes dans ce magasin et le volume de
son inventaire. En fait, dépendant de ces différents facteurs, il est même probable que
dans les faits, l'éventuel magasin de Archambault dans le Quartier Dix30 vende plus de
livres francophones que la demanderesse, ce qu'elle a toujours voulu éviter.
[81] Il serait d'ailleurs peu probable que Archambault accepte de fournir à Indigo sur
une base mensuelle ses données comptables afférentes à la vente de livres afin que la
demanderesse puisse s'assurer du respect de la clause d'exclusivité.
[82] La preuve n'a pas permis d'établir avec précision quelle est l'activité principale de
Archambault au Québec. Toutefois, cette entreprise s'affiche comme un important
disquaire et libraire32. En s'affichant ainsi, on doit s'attendre à ce que le public perçoive
Archambault comme un important disquaire et libraire, c'est-à-dire un compétiteur direct
de Indigo à titre de libraire.
[83] Si Devimco avait jugé en 2005 que Archambault n'était pas un compétiteur
sérieux de Indigo, elle aurait estimé les exigences de Indigo déraisonnables et les aurait
sans doute refusées.
[84] Le tribunal est d'avis qu'autoriser les défenderesses à louer un espace
commercial dans la Phase III au principal compétiteur de la demanderesse viderait la
clause 5.6 du bail P-1 de tout son sens.
[85] Le tribunal rappelle que lors des négociations en 2005, Indigo a refusé une
réduction de loyer en échange d'une cohabitation avec Archambault dans les Phases I
et II du Quartier Dix30. Devimco connaissait parfaitement bien la position de Indigo
face à Archambault et c'est dans le cadre de cette conjoncture particulière que les
parties ont négocié la clause d'exclusivité 5.6 du bail P-1.
31. pièce D-14b).
32. pièces P-2, P-3 et P-4.
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PAGE : 17
[86] Lors du procès, Éric Foster de Devimco a reconnu qu'en 2005, il devait faire un
choix entre Indigo et Archambault puisque la présence des deux était définitivement
impossible. Or, Devimco a choisi Indigo. Dans ce contexte, il serait inique que
Archambault puisse louer un espace commercial de plus de 20 000 pieds carrés dans
la Phase III du Quartier Dix30 à quelques centaines de mètres du magasin Indigo. À
cet égard, le tribunal souligne que selon la preuve, le magasin Archambault occuperait
un endroit très stratégique dans la Phase III du Quartier Dix3033.
[87] Le tribunal note au passage que la lettre d'intention de Archambault quant à la
Phase III comporte une clause d'exclusivité visant Indigo34.
[88] Le tribunal note également que le 20 janvier 2009, Gestions RioCan (Brossard)
inc. faisait parvenir une lettre à Indigo dans laquelle elle s'étonnait des négociations
entre Devimco et Archambault pour la Phase III du Quartier Dix30 :
First, we wish to confirm that the purported negotiations with Archambault have
been carried out without our knowledge or input. (…)
It is regrettable that, in light of the language in the Lease and the prior
discussions with both RioCan and Devimco, Devimco has decided upon this
course of action, should the allegations be correct. While Rio-Can has no legal
or economic position with respect to the Phase III lands, we will use whatever
moral suasion we have to convince Devimco to cease and desist its negotiations
with Archambault.35 (nos soulignés)
[89] Le tribunal rappelle que Gestions Rio-Can (Brossard) inc. est toujours copropriétaire à 50 % des Phases I et II du Quartier Dix30. Ainsi, cette lettre démontre
clairement quelle était l'intention réelle des parties lors de la signature du bail P-1.
[90] Par ailleurs, le tribunal est d'avis que la clause d'intégralité énoncée au
paragraphe 22.6 du bail P-1 ne prive pas le tribunal de recourir aux articles 1425, 1426
et 2864 C.c.Q. pour rechercher l'intention réelle des parties. La clause d'intégralité
prévue au paragraphe 22.6 du bail P-1 a pour effet d'annuler toute entente antérieure.
Or, en l'espèce, il n'y a eu aucune entente antérieure qui diffère du bail. L'admissibilité
en preuve des négociations pré-contractuelles ne fait que confirmer l'intention réelle des
parties.
33. pièce D-17.
34. pièce D-14b).
35. pièce P-6.
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POUR CES MOTIFS, le tribunal :
[91] ORDONNE aux défenderesses Immeubles Régime XV inc., BB Real Estate
Investment Trust, 9123-2850 Québec inc. et Devimco inc. de ne pas louer au Groupe
Archambault inc. un emplacement commercial dans la Phase III du centre commercial
du Quartier Dix30 à Brossard tant et aussi longtemps que les défenderesses seront
liées à la demanderesse aux termes du bail P-1 signé par les parties les 14 septembre
et 2 octobre 2006.
[92]
LE TOUT avec dépens.
__________________________________
BENOÎT EMERY, J.C.S.
Me Peter Kalichman
Irving Mitchell Kalichman
Procureurs de la demanderesse
Me Frédéric Gilbert
Me Nikolas Blanchette
Fasken Martineau DuMoulin
Procureurs des défenderesses
Dates d’audience : 3, 4 et 5 février 2010
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PAGE : 19
LISTE DES AUTORITÉS
DOCTRINE :
BAUDOUIN, Jean-Louis, JOBIN, Pierre-Gabriel et VÉZINA, Nathalie, Les obligations,
6ième éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005;
BAUDOUIN, Jean-Louis et JOBIN, Pierre-Gabriel, « L'interprétation des contrats », in
Les obligations, 6ième éd., 2005, EYB20050BL15;
CABRILLAC, Rémy, Dictionnaire du vocabulaire juridique, Éditions du Juris-Classeur,
2004;
CORNU, Gérard, Vocabulaire juridique, Éditions Quadrige / PUF, 2004;
CRDPCQ, Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues – Les obligations, Montréal,
Yvon Blais, 2003;
JOBIN, Pierre-Gabriel, Le louage de choses, Édition Yvon Blais, Montréal, 1989;
LAVALLÉE, Sophie, 2008, « La sanction des règles de preuve », in La preuve civile,
4ième éd., EYB2008PRC57;
LLUELLES, Didier et MOORE, Benoît, Droit des obligations, Montréal, Les Éditions
Thémis, 2006;
ROYER, Jean-Claude, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008.
COUR D'APPEL :
Conseil des industriels laitiers du Québec c. Agropur Coopérative, EYB 2009-165720
(C.A.);
Messagerie de presse Benjamin inc. c. Publications TVA inc., J.E. 2007-297 (C.A.);
Sobeys Québec inc. c. Coopérative des consommateurs de Sainte-Foy, EYB 200598532 (C.A.);
Carrefour Langelier c. Woolworth inc., [2002] R.D.I. 44 (C.A.);
N.C. Hutton Ltd. c. Canadian Pacific Forest Products Ltd., REJB 1999-15643 (C.A.);
Montréal (Communauté urbaine de) c. Giuliani inc., J.E. 99-2290 (C.A.), AZ50068152;
Lévisienne Orléans (La), société mutuelle d'assurances c. Blanchet, J.E. 96-43 (C.A.);
500-17-048517-091
PAGE : 20
Sigma Construction inc. et als c. Wilton levers et als, EYB 1995-64649 (C.A.);
Robillard c. Lacaille, J.E. 93-133 (C.A.);
122510 Canada inc. c. Centre commercial Deux-Montagnes inc., AZ-90011297 (C.A.);
Richer c. Mutuelle du Canada, EYB 1987-64840 (C.A.);
Iarrera c. Iarrera, EYB 1987-62605 (C.A.).
COUR SUPÉRIEURE :
Ihag-Holding, AG c. Intrawest Corporation, EYB 2009-160384 (C.S.);
Vidéotron ltée c. Rogers Wireless Partnership, EYB 2009-155470 (C.S.);
Regent Artistic & Athletic Management Services Inc. (RAAMS) c. Kamar, EYB 2009154689 (C.S.);
Compagnie du centre de divertissement du Forum/Forum Entertainment Center
Company c. Société du groupe d'embouteillage Pepsi (Canada)/The Pepsi Bottling
Group (Canada) Co., EYB 2008-148532 (C.S.);
Émard c. Bédard, J.E. 2008-2201 (C.S.);
Royal Lepage Commercial inc. c. 3877132 Canada inc., 2007 QCCS2648;
Lafond c. Pétroles Crevier inc., J.E. 2005-405 (C.S.), confirmé en appel (2007 QCCA
4);
Régie intermunicipale de police des Seigneuries c. Santerre, 2006 QCCA 1614;
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Télé-cinéma Taurus inc., 2006
QCCA 845 (C.S.);
Arno Électrique ltée c. Hydro-Québec International Inc., J.E. 2004-1670 (C.S.);
Drouin c. Picard, REJB 2004-66053 (C.S.);
Sdiri c. Centre d'achats St-Jérôme inc., C.S. no 700-05-006538-981, hon. juge Joël A.
Silcoff, 12 juin 2002, confirmé en appel [2004] J.Q. no 5736;
Compagnie Trust Royal c. Iberville Developments Limited, 2002 QCCS 30239;
Marcotte c. Maison Lacouline inc., J.E. 2000-586 (C.S.);
500-17-048517-091
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Mutual Life of Canada & Confederation Life Ins. Cie c. Lily Caron inc. & Jacky
Ouaknine, REJB 1999-12909 (C.S.);
Valla-Gaumond c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, C.S. 1998-0326, SOQUIJ AZ-98026276, B.E. 98BE-479; appel rejeté C.A. 1998-09-21, 500-09006501-985;
Via Route inc. c. Zawahry, EYB 1996-85482 (C.S.);
Aménagement Westcliff ltée c. Société immobilière du Québec, J.E. 95-779;
Restaurant La Soupe Chaude Inc. c. Société de Gestion Cliffton Inc. et al, C.S. no 10005-000009-875, hon. juge Doiron, 31 août 1987, confirmé en appel : AZ88012062
(C.A.);
Norman Small Inc. c. Miller et al, [1965] C.S. 348.