L`eczéma à travers les âges L`actualité médicale de la Dermatite

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L`eczéma à travers les âges L`actualité médicale de la Dermatite
DW / AMDA 2016 Q2 / Page 1
L’actualité médicale de la Dermatite Atopique
2ème Trimestre 2016
L’eczéma à travers les âges
Bhattacharya T, Strom MA, Lio PA.
Historical Perspectives on Atopic Dermatitis: Eczema Through the Ages.
Pediatr Dermatol. 2016, publié en ligne le 18 Avril.
L’empereur Auguste était atopique, Suétone a bien décrit ses démangeaisons chroniques et ses
problèmes respiratoires saisonniers. Et beaucoup d’autres aussi, avant lui et après lui. Dans toute la
littérature médicale antique, chez Hippocrate comme dans les textes égyptiens et chinois, on trouve la
mention de dermatoses prurigineuses chroniques qui correspondaient probablement à la dermatite
atopique. Les premiers livres spécifiquement dermatologiques permettent aussi de lire des descriptions
d’enfants ayant des dermatoses prurigineuses chroniques débutant au niveau du visage. Le britannique
Wilson a bien décrit en 1856 l’eczéma infantile, et le français Besnier en 1892 le prurigo diathésique.
Ces deux maladies sont des dermatites atopiques, mais le terme lui-même n’a été inventé qu’en 1933,
en attachant une grande importance aux réactions allergiques que l’on commençait à étudier à ce
moment. Depuis, de très nombreuses études ont analysé la composante immunologique et la
composante épidermique de la DA, et on sait qu’il reste encore beaucoup à découvrir. Les incertitudes
physiopathologiques ont eu des conséquences sur la thérapeutique. Jusqu’à récemment, on craignait
de soigner l’eczéma, de peur de « faire sortir » l’asthme ou d’autres maladies. On a longtemps cru, et
certains le croient encore, qu’un régime alimentaire particulier pouvait améliorer l’eczéma ; on sait que
ce n’est vrai que très exceptionnellement. Dernier évènement majeur : la découverte, en 1952, de
l’efficacité de la corticothérapie locale. Un traitement qui a tout changé pour les personnes atteintes
d’eczéma, à condition qu’elles l’utilisent correctement.
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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir ….
Wollenberg A, Oranje A, Deleuran M, et al.; European Task Force on Atopic Dermatitis/EADV Eczema Task Force.
ETFAD/EADV Eczema task force 2015 position paper on diagnosis and treatment of atopic dermatitis in adult and paediatric patients.
J Eur Acad Dermatol Venereol. 2016;30:729-47.
Plus de 1200 articles sont indexés tous les ans par la base de données Medline avec le mot-clé
« dermatite atopique ». Voulez-vous n’en lire qu’un seul ? Le voici. Tous les cinq ans, les experts réunis
dans la « Task Force » européenne sur la dermatite atopique rédigent un « position paper ». Ce ne sont
ni des recommandations au sens strict ni une revue exhaustive de la littérature, mais une mise au point
très didactique sur tous les aspects actuels de la DA, mise au point validée par les meilleurs experts
européens. Ces experts commencent par rappeler la définition de l’atopie, de la dermatite atopique, et
de tous les termes utilisés pour décrire les différents stades cliniques et aussi les niveaux de gravité.
Le plus important est évidemment le traitement. On définit quatre niveaux de traitement, un peu
différents chez l’enfant et chez l’adulte, en fonction de la gravité de la DA.
Tout d’abord, des soins de base, indiqués dans toutes les situations : programmes éducatifs, traitement
hydratant quotidien, éviction des facteurs aggravants identifiés.
La DA légère, ou transitoire, se définit par un SCORAD inférieur à 25. On utilise les dermocorticoïdes de
façon réactive, c’est-à-dire pendant les poussées, par définition peu nombreuses. Les inhibiteurs de
calcineurine ont aussi leur place, ainsi que les antiseptiques. Les DA modérées, ou récidivantes, ont un
SCORAD entre 25 et 50. Les anti-inflammatoires topiques sont recommandés de façon proactive, c’està-dire en traitement d’entretien pour prévenir les poussées. On peut aussi à ce stade faire appel à la
photothérapie, à un soutien psychologique, à des cures climatiques. Enfin la rare DA sévère se défintit
par un SCORAD supérieur à 50, ou à un eczéma permanent. On doit avoir recours aux hospitalisations,
et aux immunosuppresseurs systémiques. Tous les détails figurent dans cet article de
19 pages et ses
182 références.
Vers des critères quantitatifs
Andersen RM, Thyssen JP, Maibach HI.
Qualitative vs. quantitative atopic dermatitis criteria - in historical and present perspectives.
J Eur Acad Dermatol Venereol. 2016;30:604-18.
Faute d’une définition clinique, histologique ou biologique simple, le diagnostic de dermatite atopique
repose sur des ensembles de critères. Qu’il s’agisse des critères cliniques de Hanifin et Rajka, des
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critères essentiellement anamnestiques de Williams ou des critères épidémiologiques de l’étude
internationale ISAAC, ils tendent à répondre seulement par oui ou par non à la question : ce/cette
patient a-t-il/elle une dermatite atopique ? Etant donné la complexité de la question et le grand nombre
de variantes cliniques de DA, cette approche purement qualitative du diagnostic est peut-être
insuffisante et ces auteurs plaident pour une approche quantitative, dérivée des propositions déjà
formulées par Diepgen en 1996. Il s’agit d’attribuer à chacun des critères pertinents une note entre 0
et 3, et de faire la somme des notes obtenues. En fonction du total, on conclura à une DA certaine,
probable, possible, ou à l’absence de DA. Ce futur système quantitatif prendrait en considération : un
critère subjectif, le prurit ; des critères objectifs, des signes cliniques sélectionnés ; des critères
paracliniques, les biomarqueurs (IgE, TSLP, autres…) et des critères liés à l’hérédité et aux autres
maladies atopiques. Reste à tester cette proposition sur une grande échelle.
Dermatite atopique et niveau socio-économique
Taylor-Robinson DC, Williams H, Pearce A, Law C, Hope S.11
Do early-life exposures explain why more advantaged children get eczema? Findings from the U.K. Millennium Cohort Study.
Br J Dermatol. 2016;174:569-78.
Lorsqu’on demande aux mères d’enfants britanniques âgés de 5 ans « Votre enfant a-t-il déjà eu de
l’eczéma ? », la réponse varie selon le niveau d’éducation de ces mères : 39,5% de celles qui ont un
diplôme supérieur répondent positivement, contre 30% de celles qui n’ont aucun diplôme. Le diplôme
étant étroitement lié au niveau socio-économique, on peut en déduire que les enfants les plus favorisés
socialement sont aussi ceux qui ont le plus d’eczéma. Comment expliquer cela ? Les auteurs ont analysé
de nombreux paramètres recueillis lors d’une grande enquête sur la santé des enfants et parviennent à
la conclusion que les facteurs favorisant l’eczéma sont l’atopie maternelle, l’allaitement maternel,
l’introduction précoce des aliments solides et du lait de vache et les traitements antibiotiques. Par
contre, le fait pour la mère de fumer réduirait le risque d’eczéma. En réalité, beaucoup de facteurs
interagissent, comme par exemple le tabagisme et le niveau social, et on a un peu l’impression de
toucher aux limites de l’épidémiologie et de la statistique. On se gardera donc de conclure de façon
péremptoire : 40% de mères qui disent que leur enfant a déjà eu de l’eczéma, cela ne veut pas dire 40%
de diagnostics d’eczéma. Et en pratique, il vaut toujours mieux recommander aux jeunes mamans de
ne pas fumer, et d’allaiter leurs nouveau-nés.
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Evaluation d’un programme éducatif court
Pustišek N, Šitum M, Vurnek Živković M, et al.
The significance of structured parental educational intervention on childhood atopic dermatitis: a randomized controlled trial.
J Eur Acad Dermatol Venereol. 2016;30:806-12.
Tout le monde est maintenant bien convaincu de l’intérêt et des bienfaits de l’éducation thérapeutique.
Cette étude a été menée en Croatie auprès de parents (ce qui veut dire mères dans 93% des cas)
d’enfants de moins de 7 ans présentant une dermatite atopique modérée à sévère, avec un SCORAD
moyen de l’ordre de 40. Ces parents ont été répartis au hasard en deux groupes. Tous les enfants avaient
une consultation initiale attentive et un traitement standard. Dans un des deux groupes, les parents
suivaient en outre un programme éducatif ; pour le groupe témoin, ce programme a été proposé après
l’étude. Il s’agissait d’une conférence de deux heures par un dermatologue sur tous les aspects de la DA
et de son traitement, suivie d’un exposé des aspects pratiques du traitement par une infirmière. Les
participants recevaient aussi des documents d’information. L’efficacité de ce programme éducatif a été
mesurée après deux mois. Tous les paramètres étudiés ont été améliorés, de façon significative par
rapport au groupe témoin : le SCORAD, le PO-SCORAD, le prurit et les troubles du sommeil chez les
enfants ; le niveau de stress et d’anxiété des parents ; la qualité de vie familiale. Cette étude montre
l’intérêt d’un programme éducatif court, plus facile à organiser et moins coûteux que les ateliers plus
élaborés. Les parents peuvent aussi plus facilement se rendre disponibles pour une séance unique. Il
faut souligner l’importance d’une évaluation scientifique des programmes d’éducation thérapeutique.
Une évaluation positive sert à motiver les équipes, et à justifier ces programmes auprès des
administrations hospitalières et des organismes payeurs.
Eczéma et activité sportive
Kim A, Silverberg JI.
A systematic review of vigorous physical activity in eczema.
Br J Dermatol. 2016;174:660-2.
La Fondation pour la Dermatite Atopique reçoit beaucoup de questions et beaucoup de témoignages
concernant le problème de l’activité physique et sportive chez les enfants et adolescents atopiques. La
question est complexe et a été jusqu’à présent insuffisamment étudiée. Le problème essentiel est celui
de la transpiration, qui est un facteur important de démangeaisons. Ceci incite les patients à restreindre
leurs efforts. En outre, des lésions importantes au niveau des plis des articulations peuvent constituer
une véritable gêne fonctionnelle. La question de l’exposition solaire et de la photoprotection peut aussi
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venir compliquer le problème. Enfin, certains enfants et surtout adolescents sont réticents à se
déshabiller devant leurs camarades, et à s’exposer à des questions concernant leur eczéma. Le fait de
limiter son activité sportive peut avoir des conséquences sérieuses sur le développement physique, peut
favoriser le surpoids et l’obésité, et ultérieurement le syndrome métabolique. Mais on manque de
données solides sur les relations entre l’eczéma et l’activité physique. Les auteurs que nous citons ici
ont minutieusement analysé la littérature médicale disponible, et ont trouvé des données discordantes,
qui ne permettent pas de conclusion ferme. En attendant que les experts construisent des études
concluantes, on peut recommander au niveau individuel d’être attentif à ce que l’eczéma ne soit pas un
obstacle au développement physique des enfants.
Reparlons du vaccin anti-variolique
Fogel I, Brosh-Nissimov T, Vager G, et al.
Estimated prevalence of smallpox vaccine contraindications in Israeli adolescents.
Vaccine. 2016;34:3331-4.
La variole a été éradiquée en 1977 et depuis les années 1980 on ne vaccine plus contre cet ancien fléau.
Mais à cause du risque de bioterrorisme, les autorités restent vigilantes et en cas de besoin, on devrait
vacciner toute la population. Toute ? Non parce qu’il existait, on s’en souvient, des contre-indications
au vaccin anti-variolique. Ce sont des maladies graves et les déficits immunitaires, qui sont très rares,
et aussi la dermatite atopique. En effet, vacciner contre la variole une personne porteuse d’eczéma
atopique l’expose au risque de pustulose grave (eczema vaccinatum, qu’on appelle en France pustulose
varioliforme de Kaposi-Juliusberg). Aux USA, quand la question de vacciner les membres des forces
armées s’est posée, on a considéré que des antécédents de dermatite atopique constituaient une
contre-indication, ce qui revenait à exclure un quart de la population, ce qui serait très problématique.
En réalité, l’eczema vaccinatum ne survient que sur des lésions d’eczéma actives, et en Israël on ne
considère comme contre-indication que la présence d’un eczéma actif. L’étude citée ici a été menée sur
les futurs soldats israëliens. Sur 1 180 964 adolescents de 17 ans, garçons et filles, seulement 6266, soit
un peu plus de 0,5%, avaient une DA active. Les vaccins traditionnels sont donc contre-indiqués chez
eux, et de nouveaux vaccins mieux tolérés devraient éventuellement être utilisés. Au passage, on aura
noté la très faible prévalence de la dermatite atopique chez les adolescents israëliens.

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