allergies cutanées

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allergies cutanées
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santé
Agressions de la peau :
S’il est un secteur professionnel où la peau est mise à rude
épreuve, c’est bien celui du BTP. Pourtant, de simples précautions
suffisent parfois pour se protéger avec efficacité. Revue des
principales affections et des comportements nocifs à bannir.
Q
uelle est la fréquence des
atteintes cutanées chez
les travailleurs du BTP ?
Difficile de le savoir car
ces dernières sont sousdéclarées. Une chose est certaine : ce
secteur est l’un de ceux où l’on ren-
contre le plus d’affections de la peau,
qu’il s’agisse de dermatites (irritatives
ou allergiques), de mycoses, de brûlures physiques ou chimiques… Et
pour cause : la manutention d’objets
acérés, de matériaux abrasifs, de produits toxiques ; les multiples compo-
sés sensibilisants présents souvent
dans l’environnement professionnel ;
les travaux effectués à l’extérieur par
temps glacial ou au contraire en pleine
chaleur sont autant de facteurs susceptibles d’agresser la peau.
Sans oublier les comportements à
risque des salariés du bâtiment tels
que « le lavage des mains avec des
solvants, ou des savons et des détergents de PH très alcalin et/ou
abrasif. Ou encore l’absence de port
de gants de protection pour la manipulation de produits irritants et/ou
sensibilisants », constate le Dr MarieNoëlle Crépy, dermatologue (consultation de pathologies professionnelles
de l’hôpital Cochin). Et ceci de façon
répétitive au cours de la journée. Les
irritants altèrent la barrière cutanée
créant les conditions favorables au développement de l’allergie. Il importe de
bannir ces gestes professionnels
nocifs, d’employer des savons aux
normes (Afnor NF T 73 1001 pour les
détergents pour mains sans solvant et
Afnor T 73 102 pour ceux contenant
des solvants) et de porter des gants
de protection adaptés aux tâches
professionnelles, à changer régulièrement.
Des ennemis nombreux,
notamment pour les
maçons
Les substances potentiellement allergisantes sont omniprésentes dans le
bâtiment. En particulier dans le ciment
(chromates et autres métaux tels que
le nickel ou le cobalt), le caoutchouc
(latex naturel, additifs de vulcanisation,
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antioxydants…), le bois, les résines
époxy utilisées pour divers travaux
(peintures, revêtements routiers, protection anticorrosion de réservoirs métalliques ou en béton, revêtements de
piscine et citerne, isolation de bobines
et fils, protection des sols et murs
contre les produits chimiques,
colles)… Parmi elles, les dérivés du
chrome, les additifs de vulcanisation
du caoutchouc et les résines époxy
sont les plus fréquemment responsables de dermatites de contact allergique. De plus, certains de ces
ennemis de la peau l’agressent de
multiples façons. À l’image du ciment
en même temps abrasif (risque d’éraflures), irritant (PH très alcalin du
ciment mouillé) et allergisant ; ou de la
peinture qui contient outre des solvants (irritants), des pigments (allergisants), des biocides (allergisants et
irritants), des résines irritantes et/ou
sensibilisantes (monomères de résines
époxy, d’acrylates, composés de
© XAVIER PIERRE
un risque fréquent dans le BTP
왖 Se laver soigneusement les mains,
employer des savons aux normes et bien
sécher la peau sont les gestes
primordiaux à répéter dans la journée.
résines polyuréthannes, aminoplastes,
phénoplastes, polyesters, sans oublier
la colophane). Attention également
aux ciments à prise rapide qui peuvent
provoquer des brûlures !
Que faire ? Se protéger, notamment
GANTS : LES BONS RÉFLEXES
Il n’existe pas de gant universel. Il convient de choisir en fonction de l’activité
et du produit manipulé. Le nitrile résiste bien aux hydrocarbures. Le néoprène
aux solvants aliphatiques, le latex naturel aux cétones, le PVA aux solvants
halogénés. Quant aux laminés de polyéthylènes, ils sont très isolants mais,
hélas, difficiles d’emploi car mal adaptés aux gestes de précision.
Les recommandations du Dr Crépy :
– Mettre les gants sur des mains sèches et propres.
– Ne pas porter les mêmes gants trop longtemps. Utiliser une paire de gants
en coton à changer fréquemment sous les gants de protection en cas de
travail prolongé avec des gants (> 20 minutes). Opter pour des gants
doublés en coton pour limiter la sudation.
– Assurer la liaison entre manchette et bord de l’avant-bras afin que des
produits toxiques ne rentrent pas à l’intérieur du gant.
– Nettoyer les gants avant de les retirer.
– Changer de gants fréquemment et dès qu’ils sont détériorés.
– Utiliser une crème de soin. Ces crèmes ont de multiples fonctions :
hydratation, protection vis-à-vis des salissures (elles s’incrustent moins, les
mains sont plus faciles à laver). Attention : la crème doit être bien répartie sur
toute la main, notamment le dos, les espaces interdigitaux, les pulpes des
doigts et appliquée plusieurs fois par jour.
les mains ; changer immédiatement
de vêtements, de chaussures ou de
bottes s’ils sont contaminés par du
ciment, ne jamais travailler le ciment à
mains nues ni utiliser une truelle dont
le manche est recouvert de ciment
frais. Et, surtout, réagir dès les premières lésions de la peau avant que
l’eczéma ne devienne persistant,
sinon, le risque de sensibilisation augmente et l’eczéma peut persister
malgré la mise en place de la prévention ! Le pronostic est d’autant plus
favorable que le diagnostic et le traitement sont précoces. Autre conseil :
éviter les gants en cuir en cas d’allergie au ciment, car ils sont tannés au
chrome, principal allergène du ciment !
Des mélanges nocifs, en
particulier pour les peintres
Nombre de professionnels du BTP
sont exposés à des mélanges nocifs.
Comme les enduits et mastics, les
produits de nettoyage et les peintures
qui contiennent des substances irritantes, notamment les décapants et
détergents (acides, soude, potasse,
ammoniaque, agents tensioactifs…),
les solvants (white-spirit, xylène, toluène, alcools, esters, cétones, glycols…), les biocides (isothiazolinones,
oxyde de tri-N-butyl d’étain…), les
monomères de peintures (acrylates,
résine époxy, isocyanates, amines) et
leurs durcisseurs. Certains d’entre eux
ont en outre un pouvoir allergisant. La
gravité des lésions et brûlures peut
être accrue par la présence de substances qui diminuent la volatilité du
produit (cires paraffiniques…).
Que faire ? Remplacer les produits irritants par d’autres moins toxiques. Se
protéger lors de l’utilisation de substances à risque. Se laver à l’eau tiède
et avec des savons adaptés, bien
sécher la peau (pas de savons très alcalins ou à microbilles qui peuvent être
à eux seuls responsables 쏅 suite page 50
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santé
Agressions de la peau : un risque fréquent dans le BTP
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gent de s’en préserver. D’où la fréquence accrue de cancers cutanés
(surtout les carcinomes baso et spinocellulaires). Par ailleurs, en association
avec des substances photosensibilisantes, les rayonnements solaires provoquent des réactions cutanées de
type allergique. Par exemple, les bitumes sont photosensibilisants.
Que faire ? Se protéger avec des vêtements couvrants, si possible en
coton et de couleur blanche, utiliser un
écran solaire. Réduire le temps d’exposition à l’ensoleillement (adaptation
des horaires de travail en privilégiant
les travaux en intérieur aux heures où
le soleil est au zénith). Il faut également
faire attention à la prise de médicaments photosensibilisants (certains
antibiotiques comme les tétracyclines,
des hypocholestérolémiants, des antiinflammatoires) en cas de travail en
plein air et prévenir son médecin traitant d’une exposition solaire.
쏅 suite de la page 49
de dermatite d’irritation de contact !).
Prendre une douche après le travail. Éviter le nettoyage des instruments avec
des chiffons imbibés de solvants (utiliser une brosse ou un pinceau). Changer de tenue de travail quand elle est
imprégnée d’un produit toxique (macération abrasive à chaque mouvement).
Gare aux intempéries
Les couvreurs, charpentiers, coffreurs,
ouvriers des travaux publics… sont en
outre soumis aux intempéries. Le
froid, le vent contribuent à assécher,
crevasser la peau, la rendant plus perméable et plus fragile vis-à-vis des
substances susceptibles de l’agresser.
Le froid peut également déclencher ou
aggraver un syndrome de Raynaud,
relativement fréquent chez les travailleurs exposés à des vibrations (lire
les pages 51 et 52).
Que faire ? Se protéger du froid avec
des crèmes hydratantes et émollientes. Renoncer aux lavages trop
agressifs. Lorsque la mission le
permet, porter des gants protecteurs.
50 – Janvier 2009 I N° 114 I Prévention BTP
En toutes saisons…
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왖 Certaines
peintures
contenant des
substances
irritantes sont des
mélanges nocifs
pour les
professionnels. ll
est important de
s’en protéger.
왖 Les sanitaires communs sont le
principal lieu de contamination pour
les mycoses.
Disposer de chaufferettes (comme
celles utilisées par les skieurs) pour
éviter un refroidissement des extrémités et stimuler la circulation sanguine… Remuer les mains et les
frotter pour les réchauffer.
Le risque solaire
En été, les ultraviolets sont à craindre.
N’ayant pas conscience du danger,
nombre de travailleurs du BTP négli-
Le port de chaussures de sécurité, de
bottes en caoutchouc, de gants favorise la macération. La dyshidrose et les
mycoses des ongles sont fréquentes.
Principal lieu de contamination : les sanitaires communs.
Que faire ? Adopter une hygiène corporelle très rigoureuse (lavage des
pieds chaque jour, suivi d’un séchage
notamment dans les espaces interdigitaux). Préférer les chaussettes en
coton, changées quotidiennement.
Désinfecter les chaussures en cas de
mycose avérée. Porter des sandales
personnelles dans les vestiaires et
douches collectifs. « Quand un patient présente des lésions sur les
mains, il est souhaitable de regarder
ses pieds et le cas échéant de faire
un prélèvement en vue d’analyses.
Car il peut s’agir d’une mycose, qui
s’est initialement développée au
niveau du pied puis a contaminé les
mains ! »
Cendrine Barruyer

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