Formes journal et calendrier sur le web

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Formes journal et calendrier sur le web
PRATIQUE ARTISTIQUE DU QUOTIDIEN DANS L'ŒUVRE
365 DAY PROJECT DE JONAS MEKAS
Formes journal et calendrier sur le web
MLLE ANNA KEREKES
SOUS LA DIRECTION DE M. GUILLAUME LE GALL
PARIS IV, UFR ARCHEOLOGIE ET HISTOIRE DE L’ART
DEPARTEMENT D’HISTOIRE DE L’ART, MASTER 1
MAI 2010
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS ………………………………...……………………………………… 1
AVANT-PROPOS ..………………………………………………………………………… 2
INTRODUCTION ..…………………………………………………………….…………… 4
A / UNE PRATIQUE D’ENREGISTREMENT DE LA VIE .……………….…………………… 13
I.) Dramaturgie de la vie quotidienne dans la pratique artistique …………….. 15
1. Le rôle de la vie quotidienne : politique personnelle …………….….. 16
a. Moments de la vie comme étant donnés ……………………….. 18
b. Moments de la vie comme étant impulsés ……………………... 20
c. Moments de la vie comme étant autoréflexifs ………...……….. 21
2. Pratique journalière : geste spécifique ………………………..….….. 23
a. Rapports entre déroulement du vivant et déroulement filmique .. 24
b. Pratique du journal …………………………………………….. 25
3. Procédés techniques de l’enregistrement ……………………...…….. 26
a. Contexte du cinéma expérimental …………………………….... 27
b. La position de Mekas à l’égard des différents médias …….…… 29
c. Vidéo versus film ……………………………………...……….. 31
d. Le corps qui filme ……………………………………………… 31
II.) Nature et contenus du document mekassien ……………………………….. 36
1. La texture mekassienne …………………………………………….. 38
a.
[Auto]-bio-graphie …………………………………………….. 39
b. Inscription ou métascription …………………………………… 39
c. Continuité du contexte, discontinuité du texte ………...……….. 40
2. Le contexte mekassien …………………………………………….... 41
a. Dimensions collective (extime) et singulière (intime) ……….… 42
b. Chronologies entremêlées : Histoire et histoires …………...….. 44
3. La mémoire et ses temporalités …………………………………….. 53
a. Fabrication prothétique du souvenir psychique ………….…….. 56
b. Film en tant qu’extériorisation de la psyché ……………..…….. 57
c. Reconstruction du lieu perdu, d’un chez-soi ………………..….. 58
d. Vie et mort des existences dans les déroulements filmique et
empirique……………………………………………………….. 60
e. Mise en mémoire mekassien ……………………………..…….. 61
f. Achèvement, (in)finitude du film de la vie …………………….. 62
B / VERS LA FORME DE L’EPHEMERIDE ………………………………………………….. 64
I.) Contexte de(s) genre(s) dans l’écriture de soi ……….………………..…….. 66
1. Écriture du journal intime (littérature vs cinématographie) …….…… 67
a. La démarche de l’écriture ………………………………..…….. 69
b. Écriture filmique ……………………………………………….. 70
c. Cursivité …………………………………………………….….. 71
d. Omniprésence du texte ……………………………...………….. 72
e. L’image sonore ……………………………………………..….. 73
2. Les liens entre plastique, cinématographie, numérique ……….…….. 75
a. Le collage et le montage ……………………………………….. 76
b. Fragmentation ………………………………………………….. 78
3. Journal filmé ……………………………………………………..….. 79
a. Film(s) constitué(s) des bribes …………………………...…….. 80
b. Le lyrisme …………………………………………………..….. 81
c. Forme calendaire …………………………………………...….. 81
II.) L’éphéméride sur le web ………………………………………………….... 84
1. Type d’énonciation …………………………………………………... 86
a. À la troisième personne ……………………………………...….. 87
b. À la première personne ………………………………………….. 89
c. La représentation de soi ……………………………………….... 91
2. Questions de l’adresse et du partage ……………………………..….. 96
a. Narcissisme, mise en scène de soi ……………………………..... 97
b. L’aspect communautaire/social : journal intime partagé ……….. 98
3. Les caractéristiques du web ……………………………………...….. 99
a. L’adresse …………………………………………………..….. 101
b. Manque de rassemblement avant la diffusion ………………... 102
c. Quotidien sur l’ordinateur …………………………………….. 103
d. Nouvelles temporalités …………………………………….….. 104
CONCLUSION …………………………………………………………………………... 107
Bibliographie ………………………………………………………………………….. 110
Annexes ……………………………………………………………………………….. 140
Liste des figures culturelles citées dans l’œuvre …………..….. 140
Liste des gens qui apparaissent dans l’œuvre ……………..….. 142
Lieux géographiques dans l’œuvre ………………………..….. 145
Captures d’écran des sites de l’œuvre ……………………..….. 149
REMERCIEMENTS
Je remercie Monsieur Arnaud Pierre, directeur lorsque j'ai débuté mon mémoire, et
Monsieur Guillaume Le Gall, directeur actuel, pour avoir retenu ma candidature.
Mes remerciements vont aussi à Madame Isabelle Ewig pour son écoute, ses conseils
dans la délimitation du sujet et son soutien lors des étapes initiales et finales de ce travail.
Ce mémoire a été effectué dans le cadre de la bourse d’études de la Région Île-de-France
qui m'a donné les moyens de le mener à bout.
J'exprime toute ma reconnaissance à Pip Chodorov, l’éditeur des films de Jonas Mekas,
pour sa disponibilité et la mise à disposition des films de 365 Day Project avant leur
diffusion libre sur internet.
Je remercie Monsieur Didier Schulmann, le directeur de la Bibliothèque Kandinsky, pour
son soutien et pour la communication des cordonnés de Harry Stendhal, directeur de
Stendhal Gallery. Je remercie pour le même propos le personnel de la Galerie du jour
agnès b. qui m’a fourni le contact du commissaire de l’exposition, Benn Northover.
Que Benn Northover, Ella Burchill, Sebastian Mekas, Guiseppe Zevola soient remerciés
pour leur disponibilité.
Je remercie vivement Stéphan Hyronde pour ses relectures attentives et ses
encouragements infatiguables.
Enfin, je remercie mes parents et amis qui, de près comme de loin, m'ont aidée et
encouragée aux moments opportuns.
1
AVANT-PROPOS
Dans ce travail de mémoire, ma motivation personnelle trouve un ancrage, au delà de la
stimulation propre à la recherche esquissée dans l’introduction, dans ma passion pour les
démarches qui se caractérisent d’abord par une récolte d’expériences personnelles liées
aux quotidiens, puis par une déconstruction, défragmentation suivie d’une nouvelle
construction qui finalement donne une forme abstraite aux moments vécus.
C’était déjà ce travail du quotidien qui m’intéressait lorsque j’ai travaillé sur les collages
de Max Ernst, sujet dont j’ai réalisé un mémoire de Licence à l’université de Budapest.
En provenance de la fiction surréaliste, je me dirige vers la persistance, vers l’insistance,
la revenance de la vie empirique dans les œuvres contemporaines.
C’est la frontière toute mince entre document et œuvre, réalité et fiction qui ne laisse pas
de m’interroger également dans la série de vidéo de Jonas Mekas sur le web, le 365 Day
Project de 2007.
Les images en mouvement attirent mon attention depuis longtemps. J’ai fréquenté
pendant une année des cours de montage de l’École des Beaux Arts de Budapest où j’ai
eu l’occasion d’expérimenter le travail sur les films de 16 et 35 mm. J’ai travaillé
également pendant deux ans dans la galerie d’art vidéo de Budapest, VideoSpace Gallery.
Le choix de ce mémoire est dû à ma fascination pour l’artiste et pour ses différentes
périodes de production : la continuité et la discontinuité de sa pratique artistique et de son
emploi de dispositif. L’importance de cette analyse d’œuvre est de mettre en lumière la
subversion de cette pratique journalière que l’artiste commence en 1949 et de démontrer
les spécificités nouvelles de son œuvre récente, influencée par la technique du web.
Dans le cadre universitaire, à cause de la spécialité d’art vidéo, j’avais des difficultés à
avoir le soutien d’un directeur de recherche. Nous avons commencé à travailler en février
2010 avec M. Guillaume Le Gall qui m’a apporté sa confiance.
Au cours de mon travail, je suis entré en contact avec l’artiste, son équipe de travail, et
également ses galeries. Bien qu’on n’ait cependant pas pu m’accorder un entretien à New
York, j’ai eu l’occasion de rencontrer l’éditeur des films de Mekas, à Paris. Ces
rencontres étaient très stimulantes et indispensables, surtout dans la période où le site de
l’artiste (c’est-à-dire l’accès à l’œuvre) a été suspendu.
2
Mon travail de recherche nécessitait de traduire des informations en français. J’ai effectué
ainsi de nombreuses traductions depuis l’anglais : paroles dites dans l’œuvre, et les
lectures nécessaires à la recherche.
L’étude comparative du travail 365 Day Project avec des œuvres contemporaines
surpassait mes limites personnelles, elle reste une voie pour une future recherche. J’ai
intégré en germe quelques comparaisons dans ce mémoire pour signifier l’importance
d’un tel travail.
3
INTRODUCTION
L’œuvre 365 Day Project du cinéaste Jonas Mekas est une succession de films et vidéos
accessibles sur internet, plus précisément sur le site de l’artiste1.
A partir du premier janvier 2007, chaque jour, fidèle au titre de l’œuvre, c’est-à-dire
pendant une année, un large public d’internet (les amis de l’artiste, tout comme les
inconnus) a été invité à suivre un ciné journal, sous la forme de courts-métrages d’une à
vingt minutes : un film par jour mis en ligne, s’ajoutant à ceux des jours précédents qui
restent consultables.
Les enregistrements de Mekas ont été montés à l’aide de Ella Burchill et avec l’assistance
technique de son fils, Sebastian Mekas, de Benn Northover, Pip Chodorov et Joseph
Fusco, en collaboration avec Harry Stendhal (et sa galerie new-yorkais) et agnès b. (et sa
galerie parisienne).
Poursuivant sous sa forme particulière le genre du journal filmé, 365 Day Projet s’inscrit
à la fois de manière fidèle mais aussi nouvelle dans la continuation de cette pratique dans
laquelle l’artiste s’est placé depuis les débuts de son travail filmographique, mettant en
jeu ce geste de capture quotidienne et du quotidien depuis longtemps bien établi chez lui.
Les moments enregistrés de sa vie, de celles de ses amis et de ses voyages, composent sa
propre archive de films et de séquences vidéo. Ces enregistrements de sa vie quotidienne
au cours des dernières décennies, comme ceux récents, tracent un portrait continu et
donnent les matériaux à ces nouvelles œuvres.
Jonas Mekas, cinéaste de l’underground new yorkais, s’est en fait aventuré, en
choisissant le support du web, sur un territoire peu connu de lui auparavant. Ce support a
été introduit dans son travail vers la fin de l‘année 2006 lorsqu’il a réalisé un ensemble,
First Forty, de 40 courts-métrages basés sur ses anciens films, films qui, dans ce projet,
se voyaient soit très légèrement, soit profondément modifiés. Sa volonté déclarée était de
se préparer au projet de 365 Day Project.
1
Sur http://www.jonasmekas.com jusqu'au mi-janvier 2010, puis à partir du 8 mars 2010 sur
http://jonasmekasfilms.com. Pour la première mise en ligne l’œuvre était en fait hébergée sur le site de la
Stendhal Gallery de New York, le téléchargement d’un film y était gratuit le jour de sa diffusion, payant les
jours suivants, moyennant $1,99. Sur son site personnel, par contre, l’accès aux films est libre et gratuit.
4
Même si ces deux œuvres diffusées sur internet se destinaient principalement pour le
support de type iPod, First Forty a été pour ça part exposé à la Stendhal Gallery2 et au
P.S.1 Contemporary Art Center3 à New York, prenant la forme d’une installation. De son
côté, 365 Day Project n’a pas été exposé pendant deux ans en dehors de sa sortie
originale sur internet, en 2007. Il nous faut attendre 2009 pour que l’œuvre soit
finalement tout de même présentée sur 12 moniteurs — forme reprenant les 12 mois de
l’année — dans le white cube péritextuel4 de la Galerie du Jour agnès b.5 à Paris. L’œuvre
doit être réexposée en 2010 à la Serpentine Gallery de Londres6.
Toujours à l’écart de sa diffusion sur le web, un catalogue7 accompagnant la première
exposition de l’œuvre et portant exclusivement sur celle-ci a été publié par agnès b.. Ce
catalogue se compose d’une part d’une introduction et d’un bref cartel par film, d’autre
part d’un avant-propos et d’un résumé par jour, respectivement écrits par Jonas Mekas et
Nicole Demby, collaboratrice de la Stendhal Gallery.
Le fruit de ce travail d’équipe, soutenant l’artiste et son projet, constitue au total environ
trente-huit heures d’images en mouvement sous forme calendaire.
Ce mémoire est une analyse qui se concentre sur l’œuvre 365 Day Project. Il ne tente pas
donner une synthèse monographique de l‘ensemble du travail de l’artiste. L’étude porte
sur la pratique quotidienne d’un vivre artistique, telle que celle-ci entretient, au travers de
la forme journal héritée du genre littéraire ou de formes qui lui sont asymptotes, un
2
L’exposition à la Stendhal Gallery, qui a eu lieu du 9 novembre 2006 au 10 février 2007, portait le titre
Jonas Mekas, Avant-Garde Filmmaker. Exhibition of Recent Work : Collection of 40 Short Films and Web
Project of 365 Films.
3
L’exposition à la P.S.1 Gallery a été le fruit d’une collaboration entre The Brooklyn Rail et la Stendhal
Gallery, sous le titre Jonas Mekas: The Beauty of Friends Being Together Quartet du 11 février au 16 avril
2007. Le commissaire d’exposition était Phong Bui.
4
Notion en provenance de Gérard Genet signifiant tout ce qui se trouve autour du texte, dans l’espace
même du volume.
5
A few things I want to share with you, my Paris friends, titre de l’exposition de Jonas Mekas à la Galerie
du Jour agnès b. du 16 mai au 20 juin 2009. Le commissaire d’exposition était Benn Northover.
6
Le commissaire d’exposition sera Hans Ulrich Obrist.
7
Jonas Mekas. 365 Day Project, Paris, Galerie du Jour agnès b., Édition École Nationale Supérieure des
Beaux-Arts, 17 octobre 2009.
5
rapport direct avec la vie empirique, privée et publique, de l’artiste — l’objet de la
recherche étant de décrypter la nature de ce rapport, de cette direction dans le contexte de
365 Day Project, contexte relativement nouveau pour l’artiste. Il y a en effet des
incidences et des conséquences à tirer des spécificités du support, notamment de
l’immédiateté de la diffusion, de l’insertion et de la succession calendaire, de la forme
film dans la forme web.
Laissant derrière ses périodes précédentes, qui, selon leurs continuités et différences,
tracent bien une trajectoire (photo, film, vidéo, installations) vers sa production artistique
toute récente du web, c’est en examinant cette œuvre de 2007 qu’une telle pratique doit
être étudiée et interrogée chez Mekas. Pour cela, il s’agira de poser et préciser tout au
long de l’étude un ensemble de termes en provenance de la forme et du contenu de
l’œuvre. D’une part, ce sont les différents rapports entre la vie quotidienne de l’artiste et
sa pratique d’enregistrement tournée vers l’œuvre, qui nécessiteront d’expliciter les
notions de quotidien, de journal, de geste de capture, de pratique à la fois empirique et
artistique, de contexte historique et personnel, de techniques d’enregistrement, de
document, de texture, d’archive. D’autre part, la nouvelle forme prise par cette œuvre
précise conduira à se pencher sur l’idée d’éphéméride filmique, intime et ex-time,
relevant chez cet auteur d’un dispositif d’écriture de soi qui s’avère également adressée,
d’une chrono-logique qui présente à nouveaux frais le film de sa vie — termes et notions
qui devront aussi se préciser dans le développement.
Les critiques et recherches scientifiques sur l’œuvre de Jonas Mekas gravitent surtout
autour ses films sur pellicule, films qui, parallèlement aux média industriels, développent
toujours une (re)présentation poétique du monde, fidèles au principe du cinéma
indépendant, autrement dit expérimental, underground ou amateur. La création d’un
cinéma personnel composé de scènes familiales et quotidiennes, mais aussi d’images
publiques, dessine la complexité entre la caractère intime d’une écriture (de soi) et « le
rapport individuel à l’image avec une expérience collective8 » des projections des salles
obscures.
8
Le je filmé, catalogue d’exposition (Centre Georges Pompidou et MNAM du 31 mai au 2 juillet 1995),
Paris, Édition de Centre Pompidou, Édition Scratch Projection, 1995, p. 1986.
6
Mekas a trouvé une curieuse forme avec la technique filmique utilisée, le ravissement
visuel9, qui puise dans un nouveau genre — dérivant logique de sa pratique de la capture
quotidienne —, le journal filmé. Cette notion, the diary film, le film-journal ou le journal
filmé en français a été introduit par P. Adams Sitney fin des années 1970. Sitney
reconnaît les différences entre le film autobiographique et le film-journal. Tandis que ce
dernier repose sur le tourner-monter, l’autre se confronte à la rupture entre le temps de
l’expérience et de son interprétation.
Judith E. Briggs considère que les films de Mekas représentent les évènements de sa
propre vie, son history est bien pour elle his-story. Elle applique cette notion en 1980,
parlant des films de Mekas, qui sont pour elle les témoins de l’histoire d’une époque et de
son histoire personnelle, « le lieu où s’appréhendent tous les conflits, psychiques
(l’exil10), artistiques (la choix du cinéma et l’investissement social dans toutes les
structures et les activités du cinéma indépendant), sociaux (sa révolte contre la société
oppressive) et leur dépassements »11.
Dominique Noguez, examinant, l’œuvre de Mekas, renvoie à un certain auto-archivage
filmé, dont résulte la succession des petits poèmes comme Walden12.
David E. James constate que le cinéaste est en même temps l’objet et le sujet de ses films
et c’est bien le propos de l’organisation de l’exposition-projection parisienne de 1995,
intitulée Le je filmé au Centre Georges Pompidou. Les articles du catalogue13 de cette
exposition démontrent et rassemblent parfaitement les fils sortant de la capture
quotidienne, du home movie jusqu’au journal filmé. Ces « films se construisent en deux
temps : d’abord la saisie, la capture des images, prise dans l’urgence ; ensuite
9
Sujet du mémoire récent de LEE (Dorim), Le ravissement visuel dans "Walden" de Jonas Mekas, sous la
direction de Claudine Eizykman, Université Paris 8, 2002.
10
Notion de personne déplacée introduite par Jonas Mekas, lui-même et examiné dans la thèse de
ABENSOUR (Judith), Figures et identité : dans le cinéma de Jonas Mekas, sous la direction de Philippe
Dubois, 2000.
11
Jonas Mekas, catalogue d’exposition, Paris, Galerie National du Jeu de Paume, Marseille, Centre Charité,
Maison Méditerranéenne d l’image, 1992, p. 22.
12
Walden — Diaries, Notes & Sketches, 1969.
13
Le je filmé, op. cit.
7
l’élaboration d’une construction filmique sophistiquée faisant appel au journal écrit14,
commentée par le cinéaste sur la bande sonore ou présentée dans les intertitres ».15 C’est
cette voix de narration qui a été analysée dans une thèse universitaire16 de 2009.
Plus généralement dans l’étude de l’art contemporain, la dimension du quotidien17 et du
personnel gagne une place privilégiée. C’est le champ générique du présent mémoire et
également de nombreuses analyses précédentes.
Mais bien que l’œuvre de Mekas sur le web, 365 Day Project, a été inspirée par sa
pratique précédente, nous pouvons constater quelques ruptures ou différences dans la
continuité de son travail. C’est pourquoi notre recherche se distancie relativement des
recherches antérieures évoquées, distance qui se manifestera dans l’analyse de cette
rupture aux niveaux de l’enregistrement et du support.
L’étude doit soulever un ensemble de questions précisément sur ces deux niveaux. Après
avoir fait le constat de certaines différences entre les films et les vidéos précédents, notre
intérêt se portera donc tout d’abord sur le fonctionnement de 365 Day Project. Nous
interrogerons sa pratique d’enregistrement, de composition et de diffusion.
La méthode suivie au cours de ce mémoire a pour but de démontrer les spécificités de
365 Day Project non seulement dans l’œuvre de Jonas Mekas, mais aussi dans l’époque
de sa création, dans l’art contemporain actuel. C’est pour cette raison là que les germes
d’une étude comparative devrait être déclinée parallèlement avec l’analyse de cette œuvre
exemplaire.
14
Voir LEJEUNE (Philippe), Le pacte autobiographique, Paris, Édition A. Colin, 2003.
15
Le je filmé, op. cit., p. 1985.
16
TOURNEUR (Cécile), Le régime de la voix dans les films de Jonas Mekas, 1966-2007, sous la direction de
Claudine Eizykman, thèse, Esthétique, Sciences et Technologies du Cinéma et de l’Audiovisuel à
l’Université Paris 8. 2009.
17
The Everyday, An anthology on the everyday in the word of contemporary art, sous la direction
JOHNSTONE (Stephen), London, Whitechappel, Cambridge, Massachusetts, Édition MIT, coll. « Documents
of Contemporary Art », 2008.
8
Dans ce mémoire nous nous pencherons sur une pratique particulière de l’artiste qui a
conduit à la naissance de 365 Day Project. Nous suivrons les trois grandes phases de la
création mekassienne et nous analyserons leurs spécificités : dans un premier temps
l’enregistrement, puis l’étape du montage, et finalement les caractéristiques du partage
sur le web.
Dans une première grande partie de notre étude la pratique d’enregistrement de Mekas
sera traitée en tant qu’elle est inscrite, d’une part, dans une dramaturgie de la vie
quotidienne, et d’autre part dans une chrono-logie, chrono-logique — une logique de la
mémoire, de la temporalité, du lieu, et de la technique.
Dans le cadre précis des images, si l’on fait l’hypothèse qu’il y a eu évolution, que serait
devenu, dans son nouveau contexte, le plan cinématographique mekassien ? Alors que
l’artiste travaillait sous la forme de fragments de ce que nous pourrions considérer
comme des non-plans (anti-plans), s’il s’avère qu’il est ici aussi à mettre en œuvre des
non-plans, mais par le biais cette fois de plans-séquences, nous aurions à analyser la dite
dominante réactualisée, adaptée à ce nouveau support, telle que 365 Day Project nous la
présente.
Si auparavant la position de Mekas, quant à la mise en scène, était de se tenir
sensiblement à l’écart des situations traversées et filmées, témoin au sens fort de ces
instants de vie, c’est-à-dire passif, il semblerait que plus récemment il en vienne à
impulser, à provoquer plus ostensiblement les scènes, les situations en question.
Alors que dans son travail précédent le déroulement du vivant apparaissait sous la forme
d’un ensemble d’éclats, de ravissements composant la texture des films, Mekas ne
s’approche-t-il pas d’une autre forme de fragmentation présentant des moments
condensés, voire concentrées, comme si se donnait en eux une certaine essence du temps,
de l’expérience — à l’instar de brefs haïkus connus de l’artiste.
En tenant compte des différents éléments que sont le contexte technique, l’évolution
formelle (filmique, mise en scène), ne sommes-nous pas conduits à nous demander si,
entre 365 Day Project et ses films précédents, les œuvres travaillent de manière différente
la mémoire et le témoignage du vivant ? Ce qui reviendrait à interroger la nouvelle forme
d’enregistrement et de diffusion, telle qu’elle impliquerait en fait une autre forme de
9
mémoire, qui, sur ce format du web, s’approcherait, tout en s’en distinguant par la
réponse esthétique de cet artiste, de la notion de transmission directe ou quasi directe
d’événements quotidiens, intimes ?
Plus loin, nous nous demanderons s’il n’y a pas dans la caractéristique des œuvres de
l’artiste, entre la période cinématographique et la période web, d’une part un déplacement
de dominantes voire l’émergence de dimensions nouvelles, qui vont trouver précisément
leur forme adéquate dans l’enregistrement vidéo de plus en plus pratiquée et dans la
diffusion quotidienne, diffusion en ce sens de plus en plus pratiquée elle aussi, propre au
support web. Cherchant la nature de ces nouvelles dimensions, ce mémoire voudrait
vérifier l’hypothèse d’articulation d’un nouveau quotidien de Jonas Mekas dans sa
pratique d’enregistrement récente et de diffusion sur le réseau internet.
Quant à cette question des différences entre périodes précédentes et période web, nous
poserons la question de savoir si la vidéo employée et diffusée cinématographiquement
doit être considérée comme identique à la forme vidéo diffusée en réseau. Est-ce que le
médium vidéo et la cinématographie, au travers de ces deux supports différents de
diffusion, ne se dédoublent pas qualitativement ? La proximité du support de diffusion
n’entraine et même n’implique-t-elle pas une nouvelle proximité au niveau du geste de
l’enregistrement, autant dans l’expression esthétique produite par ce dernier que dans
notre perception de ce qui jusqu’ici se nommait film ?
Mais avant cela, il y aurait à se demander où commence et finit l’œuvre, lorsque celle-ci
puise à ce point dans l’empirie18 ? Commence-t-elle le premier janvier 2007 et finit-elle
le 31 décembre 2007 ? Quelle est la place de la pellicule enregistrée (des footages) bien
avant son utilisation, son intégration dans 365 Day Project ? Nous formulons l’hypothèse
consistant à considérer toute la production de la vie comme une œuvre qui s’achève avec
la mort de l’artiste.
18
Tout au long de notre étude, nous employons le terme d’empirie dans son premier sens donné par le
dictionnaire Le Trésor de la Langue Française, acception qui, bien qu’indiquée comme philosophique et
rare, nous paraît bien embrasser « l’ensemble des données de l’expérience » dans le contexte perceptif et
artistique.
10
Dans une deuxième grande partie, sera traitée la forme de l’éphéméride. Le contexte de
l’écriture de soi et du web donnera le fil principal de l’étude. Les thèmes comme écriture
de soi, journal filmé et partagé à la fois, type d’énonciation, adresse seront discutés à
l’égard des données du web.
Ces aspects essentiellement formels nous portent directement dans le champ thématique,
où il serait question de savoir si le journal filmé ne change pas lui aussi qualitativement,
en se présentant sous une forme calendaire, qui, dans le contexte du web, s’apparente en
partie aux surfaces d’inscription/projection de type blog ou réseaux sociaux ?
L’achèvement de l’œuvre repose-t-elle sur l’adresse, immédiate et continuelle, due au
fonctionnement de cette éphéméride partagée sur le web ? Quels sont les rapports de
l’œuvre avec son propre temps, quant à l’irruption de la vie privée sur la scène publique,
et ce sous plusieurs formes comme les reality shows télévisuels, les séries de vidéo de la
journée téléchargeables, les réseaux sociaux de type Facebook, twitter, les blog-journaux
sur internet — ce contexte technique de nouvelles pratiques étant doublé d’une
problématique économique, le web étant, même en tant qu’espace virtuel, le lieu d’un
marché ? Nous vérifierons l’hypothèse de l’existence d’un contexte planétaire de la
création d’image et de diffusion.
N’y a-t-il pas un parallèle entre les séquences de la vie de Mekas, leur enregistrement
continuel, leur diffusion immédiate permise par le web et, justement à cause de
l’immédiateté, l’inscription de l’œuvre en train de se faire dans la vie des spectateurs en
train de se dérouler? Est-ce que 365 Day Project génère un quotidien pour Mekas ? Et
pour les spectateurs ? Cette œuvre ne devient-elle pas, avec l’indispensable disposition de
l’artiste et le changement de son quotidien, de manière autoréflexive, le sujet même de
son œuvre ? Notre hypothèse est que c’est la vie quotidienne de l’artiste que les
spectateur peuvent suivre tout au long et dont ce faisant ils font partie.
En considérant que les pratiques offertes par le web (le web contient des formes
éminemment chrono-logiques : page-rouleau des blogs, des réseaux sociaux) ont assimilé
techniquement, structurellement, les présupposés du journal (filmé ou écrit au sens
esthétique), est-ce que Mekas ne serait finalement pas à s’approprier ce contexte
technique tout en le dépassant précisément par sa réponse esthétique ? Cette réponse
n’implique-t-elle pas a fortiori la technique actuelle du journalier, du calendrier — une
11
technique qu’elle simplifierait et synthétiserait précisément dans sa présentation
calendaire ?
Est-ce que dans toute l’œuvre de Mekas, celui-ci ne trouve pas dans le support web un
lieu pour lui privilégié, un seuil où la vie va vers la vie en passant l’art, où la vie vécue et
la vie remémorée sont traversées l’une et l’autre par l’art, du moins par les films en
lesquels elles se condensent, s’adressent ? Le travail de Mekas ne produit pas un
processus d’abstraction, par quoi la matière empirique de la vie se retrouve transmuée —
comme dans le passage physique d’un état de la matière à un autre — en un espace de
réalité personnelle, intime, inédit : l’œuvre ?
Le travail qui précède et suit la capture n’a-t-il pas pour origine et fin à la fois une
politique menée et avancée (conviction, mode d’être, éthique) par l’artiste — ressortant
d’une célébration de la vie qui apparenterait son travail, dans son principe, aux églogues
de l’Antiquité ou poèmes pastoraux, bucoliques ?
Mekas a été inspiré de Pétrarque et de son Canzoniere qui portait à l’origine le sous-titre
Rerum Vulgarium Fragmenta (les fragments de choses écrits en langue vulgaire)
renvoyant aux fragments nés dans les différentes périodes du volume et à des moments de
fragmentation de l’âme des poètes, qui sont le résultat de leur passion de l'amour.
Cette passion pour la vie, pour le tout-venant toujours nouveau qu’elle dévoile — source
de tout l’enseignement et de toute la contemplation qu’elle suggère aux yeux de l’artiste
— n’est pas chez Mekas un thème, parmi d’autres, de son œuvre : celle-ci est comme la
chair métamorphosée, le corps glorieux à la fois de la vie et de cette passion même pour
le fait de vivre. Son œuvre semble dire en silence que le vivant est sacré — ce à quoi
toute l’œuvre de l’artiste, et celle en particulier qui fait l’objet de cette recherche, en
chaque éclat, se consacre.
12
A/ UNE PRATIQUE D’ENREGISTREMENT DE LA VIE
Si nous parlons d’une pratique chez Jonas Mekas, c’est parce qu‘il capte
systématiquement des moments de sa vie, tel qu’ils viennent ou tel qu’il sont impulsés
par lui. La particularité du geste de capture mekassien ne repose pas tant sur le flux
parallèle des moments vécus et filmés, que sur la continuité de ce parallèle tout au long
de la vie de l’artiste. Ce geste de capture, ces mouvements extérieurs du corps avec la
caméra qui suivent et influencent le quotidien, expriment une manière spéciale d’être et
de faire de Mekas. Dans 365 Day Project, qu’il a filmé avec une caméra vidéo, il tourne
constamment sa caméra vers lui-même et lui fait suivre les mouvements de corps :
caméra portée, quasiment greffée.
Dans un entretien récent avec Hans Ulrich Obrist19, répondant à la question de savoir ce
qu’il l’a amené à décider de filmer tous les jours, Mekas a répondu que tout s’est déroulé
naturellement sous l’influence de sa fascination pour le fait de filmer. Dans un premier
temps, il a rassemblé des bribes de films, des séries de notes filmées avec lesquelles il
pensait s’entraîner pour l’éventuelle production d’un « vrai » film. Mais après avoir pris
conscience du fait qu’il ne cessait de revenir aux mêmes sujets, aux mêmes sources
d’images, et de la forme du film-journal, il a commencé à élaborer cette nouvelle forme
cinématographique, continuant de filmer jour après jour20, sans pour autant destiner ces
enregistrement à la perspective d’une œuvre à venir. Mais en est-il de même avec 365
Day Project, où il a été obligé de penser à cette œuvre au cours même de sa création ?
Mekas se réfère ainsi à son rythme du travail :
« Depuis 1950, je tiens un journal filmé. J'ai été me promener avec ma Bolex et réagi à la
réalité immédiate : des situations, des amis, à New York, les saisons de l'année. Certains
jours, j'ai tourné dix images, les autres dix secondes, toujours sur les autres dix minutes. Ou
je tourne rien. Quand on écrit des journaux intimes, c'est un processus rétrospectif : vous
vous asseyez, vous revenez sur votre journée, et vous l'écrivez, tout cela. Continuer à faire un
19
OBRIST (Hans Ulrich), « Interview. Brief Glimpses of Beauty. Jonas Mekas » in C International Photo
Magazine, 2010., cité par Mekas : http://jonasmekasfilms.com/diary/?paged=3.
20
Jonas Mekas, « Le Film-Journal (1950-1971/1972) », in catalogue d’exposition de la Galerie National du
Jeu de Paume, op. cit., p. 47.
13
film (caméra) journal est réagir (avec votre caméra), dès maintenant, à tel instant: soit vous le
prenez maintenant ou vous le ne captez pas du tout. »21
Par contre dans 365 Day Project, sous la pression de la production directe nous sommes
témoins d’un changement au niveau de l’inscription comme contrainte nécessaire,
donnée par le fait de produire un film par jour.
Ainsi la source de sa pratique d’enregistrement était le défi des possibilités issues de cette
nouvelle forme du journal filmé, et d’une envie inexplicable, personnelle, concentrée sur
la capture des moments particuliers.
Même si son journal puise dans la vie, dans la réalité, il engendre une forme d’intimité,
de sphère personnelle sur le niveau d’enregistrement, notamment celui des moments
fugitifs de son présent, dont l’intérêt qu’il leur porte apparaît à l’auteur en raison même
de leurs liens avec des événements passés : cette détermination du présent à capter par le
passé constitue déjà une sélection personnelle unique, la mémoire y conditionne en un
sens la perception.
En dehors de sa pratique d’enregistrement, par le biais de son type de captation et en
regard de la technique utilisée, le cinéma de Mekas est une vision frontale, une
confrontation avec du réel.
21
« Since 1950 I have been keeping a film diary. I have been walking around with my Bolex and reacting
to the immediate reality: situations, friends, New York, seasons of the year. On some days I shot ten
frames, on others ten seconds, still on others ten minutes. Or I shot nothing. When one writes diaries, it’s a
retrospective process: you sit down, you look back at your day, and you write it all down. To keep a film
(camera) diary, is to react (with your camera) immediately, now, this instant: either you get it now, or you
don’t get it at all. » dans la brochure d’Anthology Film Archive d’avril à juin 2010 pour introduire Walden
avant sa projection.
14
I.)
Dramaturgie de la vie quotidienne dans la pratique artistique
La vie et l’œuvre chez Mekas s’inscrivent apparemment dans le même temps, espace et
action(s), ce qui a pour résultat une dramaturgie, près de l’idée de Boileau, dédoublée :
celle de son monde et celle des images en mouvement sur lesquelles ce monde s’est
inscrit. Les images du monde réel qu’il capte doublent et même répercutent celui-ci, qui
se voit comme multiplié sur plusieurs niveaux, de perception, de compréhension,
d’expression.
Mais au premier plan, quel est ce monde capté qui se déroule dans le quotidien de
l’artiste? Et dans un deuxième plan quel est le quotidien qu’il se crée ainsi par cette
pratique artistique?
Repas solitaires ou plus souvent en compagnie des amis, scènes de travail, d’entretiens,
conversations, soirées et concerts, moments de contemplation (de la pluie, des plantes, de
la mer), voyages… la captation permanente saisit tout cela, à la fois dans sa
quotidienneté, qui par essence repose sur la répétition, et dans son caractère nouveau
perçu à chaque réapparition, source de différence.22
Avec sa pratique artistique, c’est-à-dire sa pratique d’enregistrement conduisant à
l’œuvre, Mekas tendait à capter l'humanité se reflétant dans la vie quotidienne. Dans la
vidéo de type ars poetica du milieu de l’année, le premier juillet, il y avoue ce vœu en
posant la question de savoir si ce qui nous reste, ce n’est justement pas la vie quotidienne.
Mais bien que le temps vécu et le temps vidéographique coïncident, l’unicité de ces
temps n’est pas automatiquement et parfaitement continuelle chez Mekas : il n’enregistre
pas vingt-quatre heures de suite, se démarquant en cela du cinéma d’Andy Warhol qui
laisse sa caméra posée sur un endroit fixe et enregistrant sans discontinuité pendant
plusieurs heures une seule et même scène. Même dans un travail intitulé Dedication to
Fernand Léger, qui était censé être le reflet d’une journée entière, Mekas a refusé la
continuité. D’après les indications de Fernand Léger concernant la création d’une œuvre,
22
Voir DELEUZE (Gilles), Différence et répétition, Paris, Édition PUF, coll. « Epiméthée », 2003.
15
Mekas a réalisé en 2003 ce film dans lequel la vie quotidienne a joué à nouveau un rôle
principal23.
1. La vie quotidienne : politique personnelle
L’enregistrement systématique de Mekas est une mise en valeur, une transcription
artistique de la vie quotidienne qui change la perception du quotidien lui-même. Maurice
Blanchot décrit ce changement de perception de la manière suivante :
« On peut dire que le journal, incapable de saisir l’insignifiance du quotidien, n’est peut
rendre sensible la valeur qu’en le déclarant sensationnel ; incapable d’en suivre le processus
dans son inapparence, le saisit sous la forme dramatique du procès ; incapable d’atteindre ce
qui n‘appartient pas à l’historique mais qui est toujours sur le point de faire irruption dans
l’histoire, s’en tient à l’anecdote et nous retient par des histoires — et ainsi, ayant remplacé le
" Rien ne se passe " du quotidien par le vide du fait divers, il nous présente " Quelque chose
se passe " de la grande histoire au niveau de ce qu’il prétend être journalier et qui n’est que
l’anecdotique. Le journal n’est pas l’histoire sous l’espèce du quotidien et, dans le
compromis qu’il nous offre, il trahit sans doute moins la réalité historique qu’il manque
l’inqualifiable quotidien, ce présent sans particularités, qu’il s’ingénie en vain à qualifier,
c’est-à-dire à affirmer et à transcrire. »24
23
« À Paris, il y a quelques années, on m’a offert un petit essai écrit de Fernand Léger en 1933, dans lequel
il songeait à réaliser un film de vingt-quatre heures montrant la vie quotidienne d’une famille — de
n’importe quelle famille — durant une période de vingt-quatre heures. Puisqu’il n’a jamais réalisé ce film,
j’ai décidé d’essayer de le faire pour lui. Je suppose que, dans l’intention de Léger, le film devait montrer
sans interruption la réalité d’une journée de vingt-quatre heures. Ma vidéo n’est à cet égard qu’une
approximation de la vision de Léger : en effet, la vie de la famille filmée — ma famille — s’étend sur une
période de sept ans. La vidéo est diffusée sur douze moniteurs, à raison de deux heures par moniteur, tous
fonctionnant simultanément, image et son. Ils sont disposés le long des murs d’une salle de plan carré,
chaque moniteurs étant disant de l’autre d’un mètre cinquante environ. » Description de l’œuvre par Jonas
Mekas pour la Biennale de Lyon (http://www.biennale-de-lyon.org/bac2005/fran/artistes/mekas.htm).
24
BLANCHOT (Maurice), « La parole quotidienne », in L’Entretien infini, Paris, Édition Gallimard, 1969, p.
364.
16
La vie quotidienne sur laquelle 365 Day Project repose et qui devient le sujet de l’œuvre,
a pour l’origine un enchaînement des faits et causes composant à une réalité de l’artiste.
Par le biais de la transcription et de l’utilisation des scènes, des fragments de la vie
quotidienne en tant que sujet, Mekas rejette, pas seulement sous l’angle du style mais du
contenu aussi, la technique dite « professionnelle ». Pour ces films il ne prépare pas des
mises en scène, ni scénario car la vie et l’œuvre s’embrassent considérablement.
Avec sa pratique d’enregistrement, il souligne l’importance des impressions personnelles
de son regard (immédiat) qu’il porte sur la réalité, sur l’empirie.
« Pour moi, le cinéma, l’objectif de la caméra ne capture que la surface de la réalité. Mais il
est extraordinaire que tout y soit révélée, sans pour autant que le montage intervienne. La
surface reflète l’ensemble des choses ; le physicien David Bohm dit d’ailleurs quelque chose
de semblable. Pour lui, chaque atome révèle une infime part d’un ensemble. Rien ne peut être
caché. »25
Le défi pour l’artiste n’est pas de capter la réalité en tant que telle, (les détails, les
fragments objectifs et physique de la réalité), aussi près que possible, mais atteindre une
manière de les transmettre à une forme qui reflètera son point de vue : pour Mekas
l’image du monde se fait en dehors du regard.
« Qu’est ce que la vérité ? C’est l’intensité de ces instants qui révèle tels que nous sommes.
La vérité est dans ces moments fugitifs. »26
Mais au niveau de l’enregistrement, ne devrions-nous pas distinguer les moments filmé
par Mekas et des moments filmés à sa place par ses amis ou sinon entièrement produit par
ses amis (par exemples les cartes postales de vidéo reçues et diffusées par l‘artiste),
même si au cours du montage, de la sélection effectuée c’est le choix de l’artiste qui
définie la construction finale de 365 Day Project ?
25
Catalogue d’exposition de la Galerie National du Jeu de Paume, op. cit., p. 65.
26
Entretien réalisé pour Les Films du Papillon et Les Rencontres cinématographiques d’Aix-en-Provence,
en 2009 (http://www.dailymotion.com/video/x9v2pt_jonas-mekas-festival-tous-courts-en_shortfilms).
17
La réponse de Mekas manifestée dans le film du 23 juin est que tout ce qui nous arrive
peut être utilisé pour nos buts personnels.27
Fort semblable à la différence entre imparfait et passé composé dans la grammaire
française, les scènes captées par Mekas se diffèrent comme des périodes de l’attention sur
ce qui arrive, à l’intérieur desquelles des moments étant donnés de/par/dans la vie,
entièrement imprévus.
Dans le premier cas, de façon adéquat à la continuité de l’imparfait, Mekas est un
observateur. Il ne se cache pas, il n’est pas un voyeur, il réagit à ce qui passe autour de
lui. Mais n’est-il déjà un acteur d’une comédie humaine, du fait même de ses réactions ?
Même s’il y avait une telle différence au niveau des scènes captées, serait-elle visible
bien que le tissu de l’œuvre tramé par Mekas dans 365 Day Project repose sur un archive
riche en anciens et nouveaux enregistrements ?
Ce sont des questions avec lesquelles nous désignons les pistes de la recherche parcourue
dans ce chapitre, en restant sur la problématique de la place de la vie quotidienne telle
qu’elle est exprimée dans l’œuvre, telle qu’elle entre dans la genèse de l’œuvre, et telle
qu’elle est vue par l’artiste lui-même.
a. Moments de la vie comme étant donnés
L’ensemble des vidéos de 365 Day Project prouve une sensation de spontanéité qui est
fondamentalement due à la pratique d’enregistrement immédiat de Mekas et parallèle
avec le déroulement de sa vie, de son quotidien. Cette spontanéité apparaît grâce aux
moments étant donnés, arrivés sans détermination.
Les moments imprévus — genre impossible selon Jacques Derrida28 — qui arrivent, qui
se réalisent devant Mekas, ne pourraient-ils être influencé justement par l’artiste ?
La majorité des scènes avec des animaux (la plupart des cas avec des chats) ou avec des
plantes (des arbres et des fleurs), ou encore des journées pluvieuses ou neigeuses ne
s’apparentent à des moments de contemplation. Par exemple quand deux chats, père et
fille, s’allongeant sur une chaise et se nettoient avec leurs langues, dans la vidéo de 23
27
« I think that we can use everything what comes for our personal purposes. »
28
« Ce qui arrive, c’est l’impossible. »
18
janvier. Mekas les capte du haut, il les observe tout au long de la séquence mais juste
avant la fin, il réagit aux faits disant les/nous « Oui… oui, oui, oui ! ». Avec cette phrase
simple il les/nous rassure de la valeur de ses caresses qu’ils, les chats se donnent et il
quitte le champ des moments donnés, imprévus. Il rejoint par là des moments impulsés
par sa présence parlante, active, approbative.
Si nous restons toujours sur le thème des animaux, nous constatons qu’il y a beaucoup de
scènes dans lesquelles le rapport entre ce qui arrive et la réaction immédiate qui suit
l’imprévu est plus déséquilibré.
Dans la vidéo de 23 février nous devenons témoin du sauvetage d’un moineau : une
action après des moments aléatoires. Mekas enregistre ses pas alors qu’il se rend à son
travail, occasion pour lui de traverser et contempler ces éléments sous une grosse tempête
quand il aperçoit deux jeunes gens attrapant un oiseau pris au piège dans un arbre. Il
s’arrête, et c’est finalement avec son propre couteau suisse que les jeunes arrivent à
libérer le moineau attaché sur une branche. Après quoi Mekas reprend son chemin.
En reprenant le parallèle avec la grammaire, l’imparfait correspond au chemin de Mekas,
et le passé composé à l’aventure avec l’oiseau : « anecdote » blanchotienne. La
disposition de Mekas peut être considérée comme le flux sans rupture de l’attention
continuelle (exprimé avec l’imparfait), dans lequel les éclats d’enregistrement puisent
(correspondant au passé composé).
Du discours de l’artiste une conviction se dessine bien, comme quoi les animaux et les
plantes en tant qu’êtres humains du même monde, sont aussi importants que les
hommes.29
Les animaux et les plantes, de manière analogue aux gens, deviennent des acteurs, des
personnages conducteurs des films de Mekas qui possèdent une dramaturgie propre, par
contre toujours imprévue, en dehors du contexte de la vie de l’artiste. La scène de leur
apparition est la vie de Mekas.
29
« Donc, parler aux plantes, parler aux fleurs, parler aux arbres! Ils ne sont pas très loin de nous. Nous
sommes tous réunis ici dans des apparences différentes. Et je pense que certains arbres et fleurs sont plus
beaux que beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens. Et ils ne tuent pas les uns les autres. Ils s'entraident
quand ils ont soif. » Affirmation de Mekas dans le film du 25 janvier.
19
« Je ne suis pas un cinéaste abstrait. (…) je me concentre toujours sur les gens, sur les
moments d’émotions et les sentiments, bien sûr, il y a aussi la couleur, l’environnement, mais
au centre il y a toujours les gens. »30 — confie Mekas dans un entretien.
Mais comment classer les scènes montrant les journées pluvieuses et neigeuses, montrant
le paysage (la mer, un fleuve ou un lac) qui sont contemplées par Mekas. Une partie de
ces scènes révèle une tradition fort de l’histoire de l’art, voire romantique où les
mouvements intérieurs dans l’âme du protagoniste se reflètent sur l’environnement, sur le
monde extérieur. Par exemple dans le film du 10 janvier où Mekas est dans son
appartement : on voit et entend la pluie dehors, puis lui-même, grâce à sa caméra qu’il
tourne envers lui.
Mais au niveau des moments contemplés il y a aussi des exceptions, peu nombreuses,
comme les vidéos du 12 et du 13 août où le plan est figé, stable, fixe — étrangement chez
Mekas, chez qui le mouvement du corps est suivi en générale par la caméra.
Les scènes, où la présence des gens est exclusive, peuvent se regrouper en plusieurs
ensembles : des événements culturels (concerts, vernissages, lectures, performances), des
rencontres (des repas ou des verres pris ensemble ou pas), des conversations, des
voyages, des promenades (dans la rue, en ou hors de la ville, en forêt, à la campagne ou
encore en famille) ou des remémorations. Dans ces films, les moments donnés et ceux
impulsés par l’artiste s’entremêlent : il devient extrêmement difficile de déterminer les
sources et la direction des forces.
b. Moments de la vie comme étant impulsés
Le simple fait que la caméra soit présente au cours des scènes de la vie captée,
n’implique-t-il pas déjà une intervention, une impulsion de l’artiste, dans les œuvres
précédentes et dans 365 Day Project également?
30
Entretien réalisé pour Les Films du Papillon et Les Rencontres cinématographiques d’Aix-en-Provence,
op. cit.
20
Dans un premier pas voyons les causes, sans leur totalité retrouvée, pour lesquelles
Mekas pourrait impulser ou impulse véritablement les moments de sa vie pendant son
propre enregistrement.
La première des causes, avant tout, semblerait à la base très simple : la présence de la
caméra pendant le tournage. Comme il ne s’agit pas de mises en scène, ni d’acteurs
professionnels, la présence de la caméra attire l’attention des gens et elle les influence de
différentes manières mais toujours imprévues, comme toutes les réactions humaines. La
deuxième cause est justement les réactions immédiates que chacun peut avoir. Mais les
origines de ces réactions remontent dans le champ de la mémoire, dans le passé qui anime
le présent, champ qui constitue la troisième cause principale d’impulsion éventuelle.31
c. Moments de la vie comme étant autoréflexifs
L’ensemble des vidéos de 365 Day Project esquisse un ars poetica, une œuvre bouclée
sur elle-même. Plusieurs types de série de vidéos justifient dans l’œuvre cette
autoréflexion ouverte : le travail d’équipe de 365 Day Project (31 janvier, 28 février, 20
mars, 8 juin, 12 juin, 1 septembre), les scènes où il est interdit de filmer (9 mai, 16 août,
12 décembre)32, les eye-pods de fin de mois (à partir de mai qui consiste de répétition et
enchaînement respectif des épigraphes de chaque jour du mois), les nombreuses scènes
dans la cuisine de l’artiste où il s’adresse directement à ses « viewers », spectateurs et où
il parle de sa incapacité de donné quelque chose à ses spectateur (en partie ou
entièrement : 12 janvier, 16 janvier, 22 janvier, 21 février, 11 mars, 23 mars, 10 mai, 3
juin, 17 juin, 23 juin, 28 juin, 7 juillet, 25 août, 4 octobre, 25 octobre, 8 novembre, 19
novembre, 8 décembre, 4 décembre, 11 décembre), ou quand il filme au tournage des
autres cinéastes (Scorsese, Edward Zwick).
Dans une grande partie des films autoréflexifs, Mekas revient sur son travail personnel :
en cours/sur le déroulement du travail, préservation de la culture (le dévouement et les
citations éducatives, travail à Anthology [18 janvier, 1 juin, 26 septembre]), dans les
discours prononcés avant projection, au cours de festivals de film, de conférences (30 et
31
Nous allons aborder ce champ plus tard, dans une partie consacrée à l’étude de la mémoire.
32
La réponse de Mekas dans la vidéo de 12 décembre est la suivante : « Mais c’est ma vie [de filmer]! ».
21
31 mars), au cours de la diffusion/projection de ses rushes anciens (6 janvier, 20 janvier,
18 novembre, 24 décembre)) ou de son état psychique.
En dehors du contenu des films, la pratique même de Mekas est autoréflexive. Il tourne
systématiquement sa caméra vers lui-même. Ou encore il enregistre son rire des fois
ironique, des fois joyeux : le 23 août nous l’entendons à la fin de la séquence et le 24
janvier au début de la séquence.
Après avoir vu des exemples sur l’articulation du donné, du provoqué et du pensé dans
365 Day Project de Mekas, la question se pose si il n’y a pas un appel en faveur d’un
cinéma personnel, voire une politique de l’auteur ? Mekas voit/regard/contemple ou
domine le monde autour lui avec sa caméra ?
Nous rappelons la phrase de Godard,
« ne pas faire des films politique, mais faire politiquement des films ».
La réponse de Mekas à Godard était qu’il considère que ce qu’il propose, ce qu’il montre
est une façon différente, une autre option, celle de la beauté et d’être positif33. Cette
problématique n’est pas purement esthétique, même s’il nous l’avons impression après
cette déclaration. La source du côté fortement esthétique dans 365 Day Project, au niveau de
l’enregistrement, est une utilisation spécifique de la caméra. Mekas tourne sans faire
attention aux différentes circonstances lumineuses, sonores de l’environnement. Ce qui
l’intéresse, c’est la captation de la condensation, cristallisation des moments intenses de
sa vie. L’isolation d’un détail au détriment de milliers d’autres détails de la vie implique
la transmission chargée de sa politique personnelle artistique.
33
« I consider that I am proposing, what I am showing is a different way, a different option, and that is
beauty and being positive. », in Frye (Brian L.) « Me, I Just Film My Life. An Interview with Jonas
Mekas »,
in
Senses
of
Cinema
(http://archive.sensesofcinema.com/contents/07/44/jonas-mekas-
interview.html).
22
Au niveau du montage et la mise en forme, cette politique devient beaucoup plus
complexe. Nous sommes les témoins, dehors du champ esthétique, d’une nouvelle
proposition de mode de vie et d’un regard qui gravite autour de l’humanité de l’humanité.
2. Pratique journalière : geste spécifique
Prenant pour point de départ la définition encyclopédique du journal intime, celle du
genre littéraire : « Le journal intime est une forme de l’écriture autobiographique, régulièrement tenu comme
compte-rendu des activités de l’intimiste et de ses réflexions. Conçu d'abord pour l'emploi de
l’écrivain seul, le journal a une franchise qui est différente de l'écriture produit pour la
publication. Son ancienne lignée est indiquée par l'existence du terme en latin, diarium, luimême dérivé de dies (“ jour “). »34,
nous constatons que les caractéristiques nécessaires d’une telle pratique journalière sont
semblables à la pratique d’enregistrement de Mekas. La régularité, le versant personnel
ou intime, la condensation ou concentration des expériences, des idées, des réflexions en
un récit, font partie de ces caractéristiques s’inscrivant dans l’exercice d’une activité
particulière. Cette pratique est la mise en œuvre de ces règles, d’une technique : d’un
côté, disons un geste d’écriture dans les journaux, de l’autre geste de capture chez Mekas
qui résulte des principes d’un art spécifique.
La spécificité se trouve aussi dans le fait que la vie et le travail de l’artiste, portant leur
reflet dans l’œuvre, sont entremêlés de telle façon qu’ils ne sont plus dissociables. Ce
geste artistique quotidien, par son autoréflexivité, garde la trace du geste de la capture luimême.
Le rapport de Mekas avec la poésie révèle, bien avant ses films, une conscience de cette
symbiose qui est la base de toute sa production artistique.
34
« diary », in Encyclopaedia Britannica, Encyclopaedia Britannica 2009 Ultimate Reference Suite,
Chicago: Encyclopaedia Britannica, 2009. (traduction personnelle)
23
« Où commence le travail " sérieux " et où se termine le jeu ? Qui le sait… Comme si un art
sérieux avait davantage de valeur qu’un art ludique. Comme si la création était seulement un
but, et non un résultat. […] Vous vivez parce que vous voulez écrire un poème. Nous en
écrivons parce que sinon nous ne pourrions pas vivre. Être ou ne pas être. Écrire ou ne pas
écrire. Rappelez-vous, sur son lit de mort Kafka a demandé que l’on brûle ses écrits… »35
Alain Cavalier, cinéaste français, filmeur des individus et leur quotidien, a une pratique
d’enregistrement similaire à celle de Mekas. Cavalier, identiquement à Mekas, captent
systématiquement les scènes de sa vie, sans avoir le but d’en forcément monter un film.
« Le film donne à voir un homme qui n’existe qu’en tant que collecteur d’images et de sons.
C’est le portrait de Cavalier en filmeur. Il ne peut vivre, aimer, et surtout regarder qu’à
travers son viseur. Son journal filmé remplit son existence et ce qui n’était au début qu’un
exercice (filmer comme un athlète fait chaque jour ses dix kilomètres à pied ou le pianiste
des gammes) est devenu son identité. »36
Chez Mekas, le geste d’enregistrement s’inscrit dans le temps et l’espace comme un
mouvement. Il désigne une activité corporelle particulière et continuelle avec la caméra,
en tant qu'il double, sur le plan corporel tout comme sur le pan filmique, un vécu
psychologique et en tant qu'il signifie à lui seul un message, un sentiment, un jugement.
C’est à dire que Mekas travaille, ou si l’on veut, réagit, déjà immédiatement au niveau de
l’enregistrement.
Il faut considérer que son matériau filmé est déjà très formé, que le geste de capture de
Mekas est déjà très formant. D’une part, ce qui est triomphalement exprimé dans 365 Day
Project, c'est la concentration de Mekas (de la personne qui filme), sur les personnages
de la vie. D’autre part, c’est l’attention continuelle de l’artiste sur son propre vécu qui
gagne une grande importance.
a. Rapports entre déroulement du vivant et déroulement filmique
35
MEKAS (Jonas), Je n’avais nulle part où aller, Paris, Édition P.O.L., 2004, p. 156.
36
PREDAL (René), Le cinéma à l’heure des petites caméras, Paris, Klincksieck, collection « 50 questions »,
2008, p. 110.
24
Le geste relatif à la pratique artistique épouse les mouvements (temps, espace, action), le
déroulement de la vie, du quotidien. Pour examiner cette adhérence, prenons pour
exemple le film du 20 février où Mekas sort de chez-lui pour acheter des journaux. Il
s’enregistre tout au long de cette action. Ce geste de capture est inclus dans ces
mouvements du quotidien. En ce sens, le fait d’acheter des journaux est une manœuvre
identique au geste de capture.
Mekas capte immédiatement, directement, continuellement ces mouvements. Le rythme
de l’enregistrement est adéquat à celui de la vie : le geste de capture et les mouvements
captés coïncident dans le déroulement de la vie quotidienne.
Ce geste possède malgré tout les caractéristiques d’une vraie pratique artistique : rigueur,
systématisme, références, support. Il s’agit d’un travail dans la vie, avec la vie, sur la vie.
Le film du 20 février est un plan-séquence ininterrompu qui nous démontre ces
spécificités.
b. Pratique du journal
« Il m'a fallu 10 ans pour maîtriser, pour découvrir comment puis-je simplement
prendre la vidéo et faire ce que je veux vraiment, pas seulement de prendre la caméra
de vidéo, l’allumer et enregistrer. [...] Au début, j'ai remarqué que je tentais d'adopter
la même technique à la vidéo, avec des plans ou des prises de vue courts. Mais alors
je l’abandonné et je suis commencer à faire des non-stop, longs plans. »37
N’y a-t-il un contraste entre la pratique d’enregistrement antérieur de 365 Day Project et
celle d’appliquée pendant la création de l’œuvre en question? Dans les films, souvent dit
visionnaires, de Mekas (Walden — Diaries, Notes & Sketches, Reminiscences of a
Journey to Lituania, …) une solitude recherchée ne trouve-t-elle pas place avec
l’observation, contemplation, méditation, avec l’absence de plan préétabli, du sujet, de
37
« It took me 10 years to master, to discover how can I just take a video to do what I really want, not just
take a video camera and turn it on and record. (…) At the beginning I noticed that I was trying to adopt the
same technique to video, with short shots or takes. But then I abandonned it and went into non-stop long
takes. » in FRYE (Brian L.), op. cit.
25
tournage et de la mise en film des filmages, et encore avec la répétition et multiplication
diversifiée des vues et des rythmes ?
Thoreau38, chez qui le sujet et le matériau de son œuvre était également le déroulement de
la vie, prenait des notes durant son séjour à Walden. Son journal s’est formé par le recueil
des notes prises pendant cette période d’isolement.
Revenant à Mekas, dans 365 Day Project, il y a toujours une absence de mise en scène
mais les notes prises sont de nature concrète, ses notes sont des actions.
3. Procédés techniques de l’enregistrement
A partir de la fin des années 8039, avec l’apparition des caméscopes puis des caméras
numériques, Mekas commence à utiliser la vidéo (numérique), au lieu de sa Bolex40.
L’intérêt d’employer une telle caméra repose sur la possibilité de tourner soixante
minutes en continu, d’enregistrer des blocs de son-image non dissociés. Ce moyen est en
outre plus économique. Le médium, la technique vidéo offre une véritable souplesse : il
est plus facile de prendre des notes audio-visuelles, d’améliorer la liberté d’expression et
de satisfaire la saisie du réel.
La légèreté et ainsi la portabilité du matériel permettent au filmeur de tourner en faisant
apparaître ses hésitations, ses mouvements et de suivre des personnages en toutes
circonstances. Dans ce cas la distance et la hauteur ne sont pas fixes mais ils reflètent un
regard personnel du filmeur qu’il porte sur son environnement.
Le fait que les instants singuliers soient plus importants que la totalité des événements
dans 365 Day Project, peut-il être considéré comme dû à la pénurie des plans fixe, cadrés
et calculés par avance, et par les déambulations du filmeur, c’est à dire de Mekas ? N’estt-il pas une vérité sortant des personnages et du cadre de l’action imprévue qui conduit
38
THOREAU (Henry David), Walden ou La vie dans les bois, Paris, Édition Gallimard, coll.
« L’Imaginaire », 2010.
39
« In 1987, I practically abandonned the Bolex and went into video technology. » in FRYE (Briean L.), op.
cit.
40
Bolex est une marque de caméra produite par la société suisse Paillard S.A. depuis 1935.
26
Mekas à filmer, dans ces instants dont l’enregistrement possède des caractères
spécifiques ? Ces caractères s’inscrivent dans
« […] un dispositif dont la caméra occupe le centre, pas en tant qu’enregistreur neutre mais
comme partie prenante du triangle auteur — appareil de prise de vue — personnes filmés. »41
Les scènes des personnes filmées reposent sur leur confiance envers la caméra de Mekas :
en grande partie ce sont des membres de familles et les amis.
La caméra digitale (DV ou HD) offre la possibilité de filmer en mode automatique,
relativement commode pour ceux qui ne pratiquent pas le langage cinématographique.
Dans ce mode la caméra compense les sous– et les sur–expositions qui empêchent
l’opérateur de travailler sa lumière. Mais l’utilisation de ce mode reste techniquement
optionnel, tout comme le de mode nuit. Mekas l’emplois plusieurs fois dans 365 Day
Project, par exemple dans les films des 12 et 13 mai où effectivement il y aura même
besoin de son utilisation ou encore le 18 février, le 4 juillet, le 4 août, le 13 septembre, le
11octobre, le 20 décembre où la situation nécessite l’utilisation.
Nous savons bien, que les données techniques, qui pourront apparaître en tant que
maladresses ou difficultés, et ouvrant sur une forme de moindre qualité, mènent
davantage à un style retrouvé, une esthétique unique, dépendant entièrement de la
technique elle-même. Par exemple la caméra numérique accuse mal les forts contrastes.
En revanche, le zoom est très puissant dans les caméras numériques, ce qui permet de
faire des gros plans, c’est pourrait être un des effets spécifique sur les vidéos de Mekas
(comme par exemple, entre beaucoup d’autres, dans le film du 13 juillet).
a. Contexte du cinéma expérimental
Le cinéma expérimental, ou indépendant, ou encore underground, est un art en marge de
l'industrie et du système commercial. Dans l’entretien du 15 août de 365 Day Project,
Peter Kubelka annonce cette différence de la manière suivante : « Ce que nous faisons,
41
PREDAL (René), op.cit., p. 68.
27
c’est du cinéma, ce que Hollywood traite, c’est des affaires. »42 Mekas ajoute que selon
lui
« la dualité est toujours nécessaire, il donne une dynamique, ainsi l'énergie est créée. Le
cinéma indépendant, d'avant-garde est en opposition du cinéma hollywoodien. Si vous
éliminez le cinéma du statut d'opposition […], le cinéma allait devenir mort. Certaines
énergies seraient parties. »43
Le cinéma expérimental, selon le mot de Dominique Noguez, est un art dont « les
préoccupations formelles sont au poste de commande »44. Ses caractéristiques les plus
typiques sont l'absence de narration linéaire, l'utilisation de diverses techniques
analytiques, l'utilisation du son asynchrone ou même l'absence de toute bande sonore.
Nous pourrons introduire une autre notion, celle du cinéma d’expérientiel plutôt que le
cinéma expérimental. C’est à dire le cinéma ce dont Mekas est en train de faire
l’expérience au moment même où il les filmes.45
Dans l’interview évoquée ci-dessus, de 365 Day Project, Kubelka confie aussi que le
cinéma est capable de produire des formes d’art que les autres arts ne peuvent faire
naître.46 D’ailleurs c’était une des raisons pour laquelle le projet Essential Cinema
Repertory (Répertoire du Cinéma Éssentiel) est né, même s’il n’a jamais été accompli :
42
« What we do is cinéma, what Hollywood applies is business. »
43
« […] duality is always needed, it produces a dynamic, energy is created. The independent, the avant-
garde cinema is the opposition to Hollywood cinema. If you eliminate the oppositional cinema […], cinema
would become dead. Certain energy would go out. »
44
NOGUEZ (Dominique), « Qu’est-ce que le cinéma expérimentale ? », in Éloge du cinéma expérimentale,
Paris, Centre Georges-Pompidou, 1979, p. 15.
45
Notion proposée dans un entretien avec Mekas, in Déclarations de Paris/Statements from Paris, Paris,
Paris Expérimental, coll. « Les Cahiers de Paris Expérimentale » (n° 2), 8 novembre 2001, p. 21.
46
« Cinema can establish art forms what other arts can’t. »
28
démontrer dans quel mesure les films indépendants, choisis par un comité47, sont
essentiels dans l’évolution du cinéma. 48
La plupart des films expérimentaux (expérientiels) sont réalisés avec des budgets très bas,
autofinancés ou financés par des subventions de faible montant, avec un équipage
minimal ou, bien souvent, un équipe réduite à une seule personne, le cinéaste.
L’apparition des petites caméras numériques donne une certain degré de liberté
permettant au cinéma expérimental de contourner les problèmes budgétaires et donne
l’accès à ce médium au grand public.
b. La position de Mekas à l’égard des différents médias
L’art de Jonas Mekas a connu des transpositions entre médias dans les différentes
périodes de sa production. Avant son arrivée aux États-Unis, il travaillait avec un appareil
photographique, puis il a commencé de tourner sur film, support auquel s’est récemment
substitué la caméra digitale. Si on reconnaît avec Foucault que « […] chaque changement
de l'appareil technique laisse également de nouvelles alternatives artistiques et
idéologiques »49, la question se pose de savoir ce que la vidéo apporte à l’art de Mekas, à
365 Day Project, et ce qu’elle révèle.
Dans le film du 19 juin Peter Kubelka à propos du caractère exemplaire du moyen
filmique fait une déclaration concrète.
« Je défends formellement à tout futur de mettre mes films sur un autre support, vidéo ou
numérique, dans l’intention de les préserver. Mais je ne veux pas non plus qu'ils soient mis
sur un autre support, en vue de les étudier. En aucune façon je ne veux pas qu'ils soient
47
Cette comité, l’Anthology’s Film Selection Committee, pendant son existence entre 1970 et 1975,
comptait des membres suivants: Jerome Hill, P. Adams Sitney, Peter Kubelka, James Broughton, Ken
Kelman, Stan Brakhage et Jonas Mekas.
48
in
FRYE
(Brian),
« Interview
with
Jonas
Mekas »,
in
Senses
of
Cinema,
juin
2001,
(http://archive.sensesofcinema.com/contents/01/17/mekas_interview.html).
49
« […] each change of the technical apparatus (to use Foucault’s term, « dispositif ») also allows new
artistic and ideological options » in WEIBEL (Peter), « Préface », in Future Cinema. The cinematic
Imaginary after Film, catalogue d’exposition, ZKM Karlsruhe, 2003.
29
transférés. Et si le film meurt, je veux que mes films disparaissent avec le médium, car mes
films ont à voir avec celui-ci, ils ont été faits pour faire ressortir l'âme de ce médium. Si le
cinéma n’existe plus, ils n’ont plus non plus de raison d’être.
Mais je tiens à ajouter quelque chose. Je ne crois pas que l'humanité peut se permettre de
laisser mourir le support matériel de la cinématographie car il y a une centaine d'années de
pensée humaine inscrites sur ce médium. Et je suis convaincu que si elle le laissait s'éteindre,
les hommes auraient à le ramener à la vie, tout comme ils ont ramené des instruments anciens
afin d’interpréter de la musique ancienne, pour nous la rendre de nouveau compréhensible
telle quelle.
C'était donc ma déclaration, position formelle. Seulement, la vidéo ne vivra pas longtemps
parce que votre cassette est périssable. Elle ne vivra pas aussi longtemps que mes films. Plus
le médium est nouveau, plus court est son existence. »50
Faisant écho à cette question du médium cinématographique, la vidéo de 21 mai soulève
un différent point de vue chez Mekas, qui croit que la transposition médiatique,
technique, est indispensable pour préserver le film original — lui-même en voie de
disparition — afin qu’on puisse le montrer, le partager également, dans le futur. Lors
d’un repas avec des invités, l’ami de Mekas, Tonino de Bernardi déclare :
« Je ne regarde jamais le médium. Je ne me suis jamais dit que ce serait mieux si j'avais plus
d'argent. J'ai accepté le médium qui était le seul à ma portée. »
50
La déclaration de 7 août 2000 en version origine : « I here with forbid formally for all future to put any of
my films on any other medium, video or digital, with the purpose to preserve it. But I also don’t want it to
be put on this medium to be studied. I don’t want them to be transferred in any way. And if film dies out, I
want my films to die out with the medium. Because my films have to do with this medium and they have
been made to bring out the soul of this medium. And if the medium isn’t there any more, they don’t need to
be there again.
But I want to put something after that. I do not believe that mankind can afford to let the material medium
of cinematography die out because there is a hundred years of human thoughts on that medium. And I
convinced that if they let it die out, they would have to bring it back. Just as they have brought back ancient
instruments in order to make ancient music understandably again.
So that was my declaration, formal seat. But only, it won’t live long because your tape won’t live long. It
will live not as long as my film will live. The newer the medium is, the more short live it is. »
30
Les phrases de Bernardi touche profondément à la problématique du médium. En regard
de son propos, nous devons supposer que selon lui l’expression de l’art ne dépend pas du
médium parce que l’essence de l’art peut appréhender sans considération du support.
Cette affirmation est l’opposé de la déclaration de Kubelka.
Mekas se situe entre les deux : il soutient le côté exemplaire de chaque support avec
lequel l’œuvre s’enrichit, mais il vit dans le présent en utilisant des moyens de son propre
temps. Dans le film du 23 juin où Benn Northover, Ella Burchill et Mekas discutent des
différents moyens techniques, Mekas dit que tout ce qu’on utilise aujourd’hui disparaîtra
dans 10 ans et, comme victimes de notre société consommateur, il ne nous restera plus
que la dernière proposition. Sauf que n’importe quel moyen peut être utilisé pour nos
intérêts personnels parce que le moyen devient ce qu’on en fait. Mekas proteste contre le
sentimentalisme à l’égard de média plus anciens, citant Marshall McLuhan51, pour qui
dès lors que la technologie passe d’une forme technique en une autre d’une part
remplacée par la nouvelle et en même temps, sans disparaître pour autant, devient l’objet
chez nombre d’artistes d’une nostalgie.
Depuis les progrès technique, notamment des logiciels numériques, la possibilité de
transposition est sans limite sur les différents médiums : le logiciel FinalCut, par
exemple, gère toute sorte de matériau numérisé.
c. Vidéo versus film
La différence principale au niveau d’enregistrement entre le film et la vidéo est que la
vidéo permet la restitution d’images animées, accompagnées ou non de son,
sur un
support électronique et non de type photochimique comme le film. Si le rendu de la
lumière, la magie existe depuis la fécule de pommes de terre qui a été le premier produit
photosensible utilisé en photographie, c’est encore le fonctionnement de la vidéo, tout
comme la décomposition des mouvements continus en images fixes hérité du film, que
repose sur la sensibilité lumineuse.
d. Le corps qui filme
51
Voir McLuhan (Marshall), Pour comprendre les médias, Les prolongements, technologiques de l’homme,
Paris, Édition Seuil, 1977.
31
À quel point Mekas fait-il corps avec la caméra, ou s’en sert-il seulement comme d’un
instrument ? Dans les deux éventualités, nous devrions retenir que la caméra devient une
extension de sa personne. Nicole Demby dans l’avant-propos du catalogue de 365 Day
Project met en parallèle cette spécificité de la pratique mekassien avec le fonctionnement
du ciné-œil de Dziga Vertov.52
Il faut cependant distinguer les approches de ces deux cinéastes. Vertov considère dans
son manifeste que l’œil doit devenir mécanique, le cinéaste doit se soumettre à la
machine, se satisfaire avec son enregistrement du réel53. Mais Mekas, comme nous
l’avons plus haut, impulse les scènes captées avec sa propre présence. Autrement dit il ne
perd pas son identité en tant que cinéaste, poète, ou tout simplement en tant que personne
qui ressent, réfléchit et réagit à son entourage. Vertov rejette le mélange de toutes les
formes artistiques différentes, ce qui sera impossible chez Mekas : il intègre dans ses
films tout ce qui lui arrive — ne serait-ce qu’aux nombreux concerts ou lectures dans 365
Day Project.
Par contre, de manière analogue à Mekas, Vertov revendique les enregistrements de la
vie quotidienne dans sa propre réalité, sans mise en scène. Le but de Vertov est le
perpétuel mouvement que nous retrouvons chez Mekas, qui emporte tout le temps sa
caméra avec lui ; quand il filme, il la tourne constamment vers lui-même.
Le résultat est qu’il a réussi à insérer ses propres mouvements dans ses films puisque la
caméra est devenu un prolongement de son corps, traversé, au même titre qu’un membre,
de réflexes, d’inconscient, de l’affectivité animant l’artiste. Il décrit sa démarche, dans un
entretien54, de la manière suivante : c’est l’œil qui voit et c’est l’esprit qui décide quoi
filmer.
52
« Like Dziga Vertov’s cine-eye, the camera acts as an extension of Mekas’s own person, as he constantly
turns it on himself and allows to follow the mouvements of his body. » in Jonas Mekas. 365 Day Project,
cataloge d’exposition, Paris Galerie du Jour agnès b., École Nationale Supérieur des Beaux-Arts, 17
octobre 2009.
53
Le manifeste de Dziga Vertov a été publié en juin 1923 dans LEF sous le titre de Kinoki, Perevorot
(Kinoki-Révolution).
54
Dans l’entretien réalisé pour Les Films du Papillon et Les Rencontres cinématographiques d’Aix-en-
Provence, op. cit.
32
Les moyens techniques employés par Mekas, grâce à leur portabilité, garantissent une
facilité vis-à-vis tous les mouvements effectués : une mobilité du corps. Mais quels sont
ces mouvements chez Mekas ? Comment expriment-ils les pensées ? Quelles sont les
spécificités de cette pratique ?
Son style a changé en regard de sa pratique précédente : la manipulation les doigts n’a
plus autant d’importance qu’avec la Bolex. Car avant la vidéo, Mekas profitant du
fonctionnement du film, en appuyant sur le bouton de la caméra, s’arrêtait et reprenait des
moments à capter, récoltant ainsi des fragments de film et réduisant bien souvent le plan à
une rafale de photogrammes. En revanche, avec la vidéo il a tendance à tourner des planséquence, ce qui a pour résultat, au lieu de donner formes à des plans fixes de générer
beaucoup plus de mouvements continus corporels, et non plus des éclats
photogrammatiques morcelés, discontinus.
Avant 365 Day Project, il a extrait « de petits fragments de la réalité transformée en
quelque chose d’autre »55. Cependant, au cours de son travail sur cette œuvre :
« Le défi est de parvenir à enregistrer les moments de la vie réelle et à capturer l'essence du
moment en une seule prise ininterrompue. Pas de montage. Une seule prise, un seul plan.
Cela semble facile, mais ce ne l’est pas. Vous devez être en mesure d'attendre patiemment ce
moment. Je continue à me retrouver face au défi le plus difficile: être vraiment individuel
tout en enregistrant des situations réelles. Je crois que j’y parviens de mieux en mieux, mais
il faut une immersion totale de ma propre identité. C'est une rencontre entre transe et
folie. »56
Même si dans ce chapitre nous tentons d’analyser la pratique d’enregistrement de Mekas,
nous ne pouvons pas manquer de commenter ce que l’artiste exprime dans cette citation
relativement à la pratique du montage — en précisant d’emblée que bien qu’il ait
55
« extract little fragments of reality transformed into something else » in OBRIST (Hans Ulrich), op. cit.
56
« The challenge is that how to record moments of real life and catch the essence of the moment in one
unbroken take. No editing. One take, one shot. It sounds easy, but it’s not. You have to be able to wait
patiently for that moment. I continue to face the most difficult challenge : being really individual while
taping real life situations. I think I am coming closer to succeeding, but it takes a total submersion of my
own identity. It’s a meeting trance and madness. » in OBRIST (Hans Ulrich), op. cit.
33
tendance à capter le réel sans interruption, c’est-à-dire sans coupures soumises à quelque
découpage ou montage ultérieur, il n’élimine pas pour autant, après-coup, dans sa
production artistique, le montage.
Si Mekas se trouve dans une conversation, il tourne la caméra vers ceux ou celles avec
qui il parle. Il parvient à coordonner les mouvements de la caméra avec les autres parties
de son corps, il arrive aisément à parler et à filmer en même temps. Mais, fidèle à cet
aspect qu’on ne regarde pas tout le temps dans les yeux de notre interlocuteur, son
regarde se promène lui sur des détails périphériques, capte ce qu’il y a autour de lui.57
S‘il recherche ou suit tout simplement les événements qui lui sont proches dans sa
proximité, la caméra adopte et rend compte alors de cette poursuite.58
Mekas parcourt linéairement des textes avec sa caméra, dans une grande partie des films
du 365 Day Project59. Les textes, dans ce contexte filmique, deviennent images, bien que
Mekas en préserve leur sens textuel.
A l’aide des mouvements de sa caméra, il imite et reproduit en même temps, voire
substitue la lecture, de gauche à droite, de haut en bas, ligne par ligne.
Mais il ne suffit pas parler de ce que le cinéaste voit, car il est influencé aussi par ce qu’il
écoute ou entend. Déjà, au niveau de sa pratique d’enregistrement, il cherche
généralement la source sonore avec sa caméra, de même manière comparable à nos
réflexes perceptifs. De plus, il est beaucoup de fois plus écouteur qu’observateur, dans
des nombreuses situations où il participe à des différents types de manifestations
musicales.
Parmi les cinq sens, la caméra a la capacité de voir/faire voir, entendre/faire entendre,
mais aussi de toucher/faire toucher. Ce toucher est exprimé par les zooms ou plus
directement par des rapprochements physiques de l’artiste.60
57
Pour preuve, il ne faut que regarder par exemple le film du 3 avril.
58
Soit ici par exemple le film du 12 mars.
59
Voici quelques exemples sans l’exigence de la totalité: 2 janvier, 9 janvier, 25 janvier, 27 février, 12
mars, 6 avril, 22 mai, 23 mai, 28 mai, 16 juin, 14 août, 9 octobre, 28 octobre, 29 octobre, 21 novembre.
60
En l’occurrence du 29 avril, par exemple.
34
La Caméra stylo, notion de Alexandre Astruc, est une notion qui met explicitement en
rapport l’écriture littéraire et l’écriture cinématographique : les images en mouvements de
la caméra, elle aussi en mouvement linéaire, ressemble à l’écriture à la main.
Astruc décrit une transformation du cinéma comme un moyen d'expression se suffisant à
lui-même, un langage à part entière, « qui peut exprimer n’importe quel secteur de la
pensée »61. Il promeut une vision du cinéaste pleinement auteur de ses films, comme un
écrivain l'est avec ses romans et du cinéma qui devient « un moyen d’écriture aussi
souple et aussi subtil que celui du langage écrit ».
La technique de réalisation de Mekas est celle du tourner-monter. Il enregistre les plans
de ces films les uns à la suite des autres. Le brouillon et les notes, l’écriture affirmée de
son cinéma, constituent une forme où le tourné est déjà monté.
61
ASTRUC (Alexandre), « Naissance d’une nouvelle avant-garde », in L’Écran français, n˚144, 30 mars
1948.
35
II.) Nature et contenus du document mekassien
Dans les films de 365 Day Project nous ne sommes pas en face d’un monde reproduit,
par opposition à une pièce de théâtre (dont la structure est déterminée par les unités de
temps, espace et action), ou encore du cinéma classique. Nous avons l’occasion de voir
un vrai appartement, et au dehors de la vraie pluie, de la neige sale, des rues, et des vrais
gens qui les parcourent. Les personnages évoluent dans le contexte d'un monde réel. Au
cours d’une pièce ou un film classique, lorsque les gens sont confrontés à la mise en
scène, ils supposent souvent que tout se déroule dans un espace à part , et le monde
extérieur n'existe pratiquement pas. Le côté réel des films mekassiens ne peuvent bien sûr
pas empêcher les spectateurs d’être coupés de leur propre vie, de leur présent, mais le
doute, quant à l’existence de ce dont ils sont spectateurs, ne se produit pas. Faisant
contraste avec les films monumentaux, industriels, Mekas propose des micro-réalités
personnelles.
Chez Mekas nous sommes témoins des captures, des empreintes, des scènes de sa vie
réelle. Par contre nous n’y assistons pas en direct. Le déroulement du temps n’est pas
linéaire chez l’artiste : dans la plupart de ses films les niveaux de temporalité et de
matérialité sont divers. C’est-à-dire que parfois dans un seul film de la journée de 365
Day Project, Mekas insère plusieurs enregistrements qui ont pu être tournés à des
moments différents, et selon différents dispositifs.
Ces films, sont-ils des documents, des empreintes de sa vie, de l’histoire et si oui, dans
quel mesure ? Sont-ils des preuves, des témoignages ? Si oui, alors de quoi ? Mekas est-il
un documentariste, une personne qui voit son métier dans la réunification, le classement,
la conservation, l’utilisation des documents et de sa propre archive (ensemble de ses
documents) ?
Au cours d’un entretien évoquant son film enregistré en 1966 et monté en 2000, Mekas
soulève une telle question et y répond de la manière suivante :
36
« Donc, ce film [Mysteries] fonctionne comme un film et comme un document, mais qu’estce qui est un document, qu’est-ce qui est un film? Tous mes films sont des sortes de
documents, de ce qui se passe autour de moi. »62
Dans le film du 6 janvier de 365 Day Project Mekas a utilisé des rushes de la même
année (1966) et du même endroit (Cassis) initialement destinés à la production de
Mysteries. Il a pris les anciens enregistrements et à la fin du petit film, il a confronté ces
anciennes images avec une bande sonore beaucoup plus récente, prévue pour le 365 Day
Project.
Dans le cas de certains de ses films, comme par exemple celui du 20 janvier (où Mekas
raconte l’histoire de la barbe d’Allen Ginsberg, coupée par Barbara Rubin en 1965,
montrant en même temps, par un montage alterné, la boîte dans laquelle il l’a préservée),
du 16 février (où Mekas partage son enregistrement de 1990 sur l’indépendance lituanien,
diffusé dans la télévision), du 21 février (où il discute avec Benn Northover de la
signification des nouvelles sur Britney Spears par rapport au journal) ou du 11 septembre
(où Mekas diffuse son enregistrement de 2001 sur l’attentat), il nous semble évident et
nécessaire de parler des documents historiques.
Mais n’en est-il pas de même, quand Mekas raconte une histoire sur un film de Genet (le
11 janvier) ou quand nous, les spectateurs, tout comme Mekas, le filmeur, venons
d’apprendre que le jeune cinéaste américain, Harmony Korine, va se marier avec sa
fiancée (3 avril), ou bien quand Yoko Ono intervient pour Nam Yun Paik (26 avril) et
ainsi de suite. Où repose-t-elle, cette petite ficelle entre l’histoire publiquement
reconnaissable
et
l’histoire
personnelle ?
Peut-on
distinguer
les
documents
historiquement important et les enregistrements chers à Mekas ?
En fait, examiner les films de 365 Day Project comme des documentaires63, en
opposition aux films de fiction, ne serait pas juste. Au niveau de l’enregistrement, Mekas
évite toutes les mises en scène, comme dans le principe documentaire (même s’il
enregistre des spectacles ou des concerts qui ne sont pas fait originellement pour ses
62
« So, it works as a film and as a document, but what is a document, what is a film ? All my films are
documents of some kind, of what’s happening around me. » in FRYE (Brian L.), op. cit.
63
« Film didactique, présentant des documents authentique, non élaborés pour l’occasion (opposé à film de
fiction). » Définition proposée dans l’édition de 2009 par Le Petit Robert.
37
films). Mais le but de la production des documentaires repose purement sur la nécessité
de communication de la réalité le plus objectivement possible. Tandis que Mekas filme
selon son intérêt personnel, qui est de préserver les moments particuliers de sa vie pour
qu’il puisse après, sur un différent niveau, celui du montage, les rassembler, les travailler,
et puis sur un troisième niveau, les partager.
Dans les deux cas, celui des documentaires ou celui de 365 Day Project de Mekas, les
spectateurs sont des témoins, ils ont le sentiment d’être présents au cours des événements
et de faire confiance aux cinéastes. Pourtant ces questions restent ouvertes, telles que
Edgar Morin les poses au cinéma et à sa vérité en 1980.
« Il y a deux façons de concevoir le cinéma du réel. La première est de prétendre donner à
voir le réel. La seconde est de se poser le problème du réel. De même il y avait deux façons
de concevoir le cinéma-vérité. La première était de prétendre apporter la vérité. La seconde
était de se poser le problème de la vérité.
Or nous devons le savoir, le cinéma de fiction est dans son principe beaucoup moins illusoire,
et beaucoup moins menteur que le cinéma dit documentaire, parce que l'auteur et le
spectateur savent qu'il est fiction, c'est-à-dire qu'il porte sa vérité dans son imaginaire. Par
contre, le cinéma documentaire camoufle sa fiction et son imaginaire derrière l'image reflet
du réel.
Or, nous devons le savoir de plus en plus profondément, la réalité sociale se cache et se met
en scène d'elle-même, devant le regard d'autrui et surtout devant la caméra. La réalité sociale
s'exprime à travers des rôles. Et en politique, l'imaginaire est plus réel que le réel.
C'est pourquoi, c'est sous le couvert du cinéma du réel qu'on nous a présenté, proposé, voire
imposé les plus incroyables illusions, c'est que, dans les contrées merveilleuses dont on
ramenait l'image exaltante, la réalité sociale était mise en scène et occultée par le système
politique régnant et transfigurée dans les yeux hallucinés du cinéaste.
C'est-à-dire que le cinéma qui se pose les plus graves et les plus difficiles problèmes par
rapport à l'illusion, l'irréalité, la fiction, est bien le cinéma du réel, dont la mission est
d'affronter le plus difficile problème posé par la philosophie depuis deux millénaires, celui de
la nature du réel. »64
1. La texture mekassienne
64
http://compatibleincompatible.synesthesie.com/edgar.html
38
La texture des enregistrements mekassiens se construit tout au long de la vie de l’artiste.
Sa disposition est continuelle : étant ouvert à tout ce qui peut lui arriver au cours de sa
vie, attendant les moments d’éclat pour les capter. Pour Mekas toute sorte de chose peut
devenir un moment d’éclat : un bon verre du vin aussi bien qu’une conversation.
a. [Auto]-bio-graphie
L’étymologie du genre d’autobiographie porte sa signification dans la construction de
son propre nom (auto-bio-graphie) : la vie d’un individu écrite par lui-même. Ces trois
mots d’origine grec sont essentiels, d’autant plus dans les circonstances mekassiennes où
les enregistrements, que nous avons examinés jusque là, gravitent autour de ces 3
composants et des liens entre eux : la question de soi, de la vie et de l’inscription.
D’après cette logique étymologique, par le biais de la technique utilisée, nous ne pouvons
pas manquer d’aller jusqu’à la notion de vidéographie en tant que composition de vidéo
ou de l'élément filmique formant une écriture. Ou en élargissant encore plus le champs,
nous arrivons à la notion de la cinématographie.
Pourquoi ne pas reprendre l’idée d’auto-bio-vidéo-graphie — que Françoise Parfait nous
propose65 — pour désigner autrement, sur l’angle technique et en même temps sur l’angle
de la pratique artistique, les fragments de journaux intimes de Mekas ? Cette notion
correspondrait, au niveau des enregistrements de l’artiste, à un système d’écriture sur/du
vivant — inscription, empreinte, archive de la vie établie par les propres opérations de
vidéo de Mekas.
b. Inscription et métascription
Les films de 365 Day Project sont inscrits66 dans la vie de Mekas : ils sont des inscriptions, des enchâssement du vivant grâce à l’enregistrement de l’artiste. Par contre
l’archive ainsi établie par Mekas contient des éléments qui expriment, tout à la fois, la
réflexion, le changement, la succession de/sur la capture elle-même. Ces éléments
65
Françoise Parfait parle de l’auto-bio-vidéo-graphie dans le cinquième chapitre de son ouvrage Vidéo : un
art contemporain, Paris, Édition du Regard, 2001, p. 228-229.
66
Empr. au lat. inscriptio « action d'inscrire; ce qui est inscrit ». Empr. au lat. inscribere « écrire sur, mettre
une inscription à » (de in- « dans » et scribere « écrire ») avec francisation de la finale d'apr. écrire
39
instaurent un détachement de la texture d’enregistrement de la vie de Mekas, pour aller
au-delà et pour dévoiler ce qui est à côté de ce con-texte : les films sont les méta/parascription des vies.
c. Continuité du contexte et discontinuité du texte
Mekas donne les clés essentielles pour pouvoir mieux comprendre sa démarche
cinématographique dans le film du 24 décembre. Il confie qu’il ne sait plus si l'œil de la
caméra ne ment pas ; il lui semble être dans une sorte de cinéma, qui suppose être très
personnel, autobiographique, de la vie réelle. Mais en même temps il doute de la vérité de
cette idée, en arguant du fait qu’il a été enregistré, ce n’est pas lui l’auteur des images.
Sa pratique est de filmer une ou deux secondes, le lendemain encore deux ou trois
secondes, mais durant la plus grande partie de son temps, sa vie passe sans être filmée.
De sorte que tout ce qu’il finit par avoir dans sa salle de montage sont des petits,
minuscules fragments de sa vie, qu’il met ensemble pour former ses journaux intimes
censées représenter sa vie — alors que ce qu’il fait véritablement, est finalement la
fiction de ce qu’il pense être essentiel dans/de/à sa vie. Il réagit assez fortement pendant
ces moments pour les capter, et ensuite il les enchaîne et c'est sa vie. Donc dans un sens,
selon lui, ces enchaînements ne représentent pas la réalité totale, dans un autre, ils sont
des concentrations, des essences, distillations du vivant. Il se pose la question de savoir
si, réagissant vivement dans ces moments, ces concentrés peuvent représenter sa vie et
inversement.
Le propos de Mekas, dans cet autoportrait de 1980, est de parler des moments, des coups
d’œil67 denses, des éclats de sa vie qu’il choisit de capter, et qui deviennent ainsi des
concentrés, des essences, des distillations du déroulement du vivant. À l’époque de ce
film, Mekas ne travaillait pas encore avec la caméra vidéo. Nous savons par contre que
plus tard, à partir des années 90, lorsqu’il a fait un usage plus régulier de la vidéo, son
travail se déroulait sur un mode encore fragmentaire, même si des changements devaient
être opérés. Il avait tendance à enchaîner des tournages selon des blocs plus longs —
comparativement aux éclats rapides réalisés avec la Bolex — des plans-séquences.
67
Glimpses of beauty, notion appliquée par Mekas dans le titre de son film de 2000, As I Was Moving
Ahead Occasionally I Saw Brief Glimpses of Beauty.
40
Si on examine cette méthode ou démarche chez Mekas, nous constatons qu’il y a une
continuité du son propre contexte (sa vie et son attention sur ce qui s’y présente) et une
discontinuité du texte, de la texture filmique (la succession des scènes captées du vivant).
« Seul la main qui efface peut écrire. » dit Godard dans son film de l’Histoire(s) du cinéma.
Finalement Mekas n’applique pas l’effacement mais il sélectionne plutôt, se concentre
sur les fragments. Mais de ce comportement résulte quand même un effacement du reste.
La décomposition des mouvements, exposée par le dispositif cinématographique, c’est-àdire l’enchaînement des images par images — grâce à la vision analytique du mouvement
et le déclenchement séquencé à intervalle régulier de Muybridge — ne correspond pas à
la décomposition mekassienne.
Comme le mouvement n’est pas une succession des instants fixes, les blocs établis par
Mekas correspond mieux à une vision personnelle du réel. L’activité s’inscrit toujours
dans un temps rapportés à l’espace. La vidéographie, héritière de la photographie, est un
outil qui rend les questions, concernant ce temps, visibles. Ainsi la décomposition du
temps et de l’espace gagne un rythme différent, et acquiert en cela un rôle important dans
les films de la vie de Mekas, comme le 365 Day Project.
2. Le contexte mekassien
Faut-il décrypter le contexte, pour entendre parfaitement le sens du texte, de l’œuvre ?
N’avons-nous pas une difficulté à désigner le début et la fin de l’œuvre de Mekas pour
pouvoir distinguer le texte du contexte? La réponse serait-elle si évidente : l’œuvre
commence le 1 janvier et finie le 31 décembre, tandis que le texture des films est
beaucoup plus complexe en raison des différents niveaux temporels et matériels qu’y sont
présents ?
Jusque là nous avons vu l’emprise essentielle du quotidien dans la pratique artistique et
dans l’œuvre 365 Day Project de Mekas. Mais n’est-il pas nécessaire d’examiner plus
précisément l’influence de l’époque sur la production de l‘artiste et inversement,
41
l’influence de la production de l’artiste sur l’époque ? L’Histoire (d’un point de vue
collectif) n’impulse-t-elle pas l’histoire (d’un point de vue individuel) ?
Dans une œuvre comme 365 Day Project, où il n’y a aucun film sans l’énoncé de
nombreuses citations culturelles, est-il possible écarter le fil de l’histoire de l’art dont
l’œuvre est consciente et sur lequel elle se repose ? Nous ne pouvons non plus manquer
de parler du fil de(s) l’histoire(s) du cinéma, pour reprendre l’expression-titre de JeanLuc Godard, dans le rapport de ce dernier avec l’œuvre.
Pour nuancer les réponses simplement positives, nous allons voir de près ce que l’histoire
apporte à 365 Day Project.
a. Dimension collective (extime) et singulière (intime)
Commençant par l’aspect cinématographique de l’histoire, il nous semble important de
noter ceci :
« Les outils présupposent toujours la machine et la machine est toujours sociale, avant d’être
technique. Il y a toujours une machine sociale qui sélectionne ou assigne l'élément technique
utilisée. Un outil, un instrument, reste marginal ou peu utilisé aussi longtemps que la machine
sociale ou à la combinaison de l'agencement collectif étant capable de le prendre dans son
embranchement (phylum), n'existe pas.»68
Cette machine — dont Mekas, parle lui-même dans le film du 23 juin — est
effectivement sociale en tant qu’elle touche la société.
Mais l’outil une fois déterminé donne des possibilités infinies pour celui qui l’utilise. Ces
applications ainsi établies entraînent le fait que dans la technique personnelle, singulière,
le social y devient intime. Et inversement, dans l’œuvre née de cette technique
personnelle l’intimité passe à l’extimité : du champ privé au champ public.
68
« The tools always presuppose the machine and the machine is always social before it is technical. There
is always a social machine which selects or assigns the technical element used. A tool, an instrument,
remains marginal or little used for as long as the social machine or the collective arrangement-combination
capable of taking it in its phylum does not exist.» in COMOLLI (Jean Louis), « Machine of the Visible » in
DE LAURETIS (Teresa ) et HEATH (Stephen), The Cinematic Apparatus, London, Macmillan, 1980. p. 138.
42
Mais sont-ils, ces films de 365 Day Project — laissant le contexte technique derrière et se
concentrant sur le contenu — exemplaires, personnels, ou avons-nous plutôt le sentiment
d’envisager les scènes universelles, lieux communs ? Même si les événements peuvent
sembler peu familiers à première vue, ne pourrions-nous pas être convaincu que ce qui se
passe dans ces films pourrait se produire n'importe où, à tout moment, en tout lieu ? Ce
qui se passe dans ces films est réaliste, mais Mekas fait-il du réalisme ? Ne sommes-nous
pas dans une sphère, dans un monde intime ? Si cette sphère était onirique, elle ne
construirait pas des rêves surréels mais de l’irréel en tant que le réel impossible. Comme
Godard dit dans l’Histoire(s) du cinéma (repris du générique du Mépris) :
« Le cinéma substitue à un regard un monde qui s‘accorde à nos désirs. »
Pour Mekas, la vie réelle n’est-elle qu’un prétexte à nourrir l’autre, la vraie vie, celle où il
est cinéaste dans le sens fabricant, acteur (« maker », « doer ») ? Ou sont-elles, ces deux
vies, tellement entremêlées qu’il ne nous est plus possible de les dissocier ?
Laure Maurat69 nous rappelle que Proust voyait cette dichotomie dans la distinction du
moi social et du moi de l’écrivain : ce « moi profond qu’on ne retrouve qu’en faisant
abstraction des autres », ce « moi qui a attendu pendant qu’on était avec des autres, qu’on
sent le seul réel, et pour lequel seul les artistes finissent par vivre… »70.
À cause de sa pratique d’enregistrement particulière, les moments où Mekas vit le plus
intime de soi-même coïncident avec les moments de son soi social. Nous sommes des
témoins du déroulement de la vie et du travail entre amis, en groupe.
Les quelques exceptions que l’artiste nous propose de voir sont les films caractérisés par
ces exemples : le 4 février, où il est seul à contempler l’océan (pareil avec la pluie, le 10
janvier), le 22 janvier, où il attend le moment d’inspiration (il est seul dans sa cuisine
écoutant la radio), et le 26 septembre, où il nous introduit dans la phase du montage.
69
MAURAT (Laure), « Écriture : intimité d’une pratique », in L’intime, sous la direction d’Elisabeth
Lebovici, Paris, Édition École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, collection « D’art en question », 2004,
p. 114.
70
PROUST (Marcel), « Méthode de Sainte-Beuve », in Contre Sainte-Beuve, Gallimard, Bibliothèque de la
Pléiade, 1989, p. 224.
43
Pour un écrivain les matériaux constitutifs de l’œuvre sont donnés par la langue, mais un
cinéaste doit d’abord tourner et l’action créatrice parallèle à l’écriture passe par la phase
de montage. Est-ce au moment du montage où Mekas prend des décisions purement
personnelles sur le dénouement de l’œuvre ? Le film du 20 mars, par exemple, nous
montre que dans cette phase de création non plus, il n’est pas dépouillé de son soi social :
il entraine toujours le monde autour de lui, en lui. Dans la phase particulière du montage,
si Mekas monte numériquement, il travaille avec Ella Burchill. Sur pellicule, il travaille
seul.
b. Chronologie entremêlées : Histoire et histoires
« L’histoire selon Foucault nous cerne et nous délimite, elle ne dit pas ce que nous sommes,
mais ce dont nous sommes en train de différer, elle n’établit pas notre identité mais la dissipe
au profit de l’autre que nous sommes. […] Bref, l’histoire est ce qui nous sépare de nousmêmes, et ce que nous devons franchir et traverser pour nous penser nous-mêmes. Comme
dit Paul Veyne, ce qui s’oppose au temps comme à l’éternité, c’est notre actualité. »71
Le commentaire de Gilles Deleuze sur Michel Foucault et sur sa perception de l’histoire
nous semble intéressant sous l’angle de l’étude historique des films de 365 Day Project et
sous l’angle du rapport l’œuvre à son temps. Il s'agit de comprendre la singularité des
modes de production et des opérations artistiques en les distinguant de ce qui est
commun, autrement dit de saisir l'art en action, in actu.
C’est également au cours de ce commentaire, plus tard, dans une partie non citée, que
Deleuze parle de l’existence non pas comme sujet mais comme œuvre d’art. Parmi les
contemporains de Mekas, c’est Andy Warhol qui a entièrement réussi à mener sa vie de
cette manière72.
Mais Mekas s’est-il senti ou pensé dans une écriture de sa propre histoire sur le mode de
Warhol ? Ou a-t-il sinon, de manière différente, imbriqué son histoire dans la grande,
comme la grande dans la sienne particulière ? A-t-il par ailleurs décidé de ne pas hériter
71
DELEUZE (Gilles), « La vie comme œuvre d’art » in Pourparlers 1972 - 1990, Paris, Les éditions de
Minuit, 1990, p. 130.
72
Mekas se réfère à ce phénomène dans le film du 5 mars (« He [Warhol] made his life as a work of art »).
44
passivement de l’héritage culturel, de se trouver ses propres précurseurs ? A-t-il créé une
autre histoire comme Warhol l’a fait lui-même ?
Chez Mekas l’existence reste fragmentairement dévoilé dans les éclats enregistrés et
enchaînés. Mais si sa vie s’infiltre définitivement dans ces œuvres, ce n’est pas elle, sa
vie, qui devient une œuvre d’art : tous les moments de sa vie peuvent devenir les
constituant (éclatants) de l’œuvre — sans faire de sa vie une œuvre d’art. Une certaine
distance, un certain écart entre vie et œuvre reste maintenu.
« […] peu de films autres que ceux de Jonas Mekas déploient le principe généralisé du
filmage systématiquement intégré à l’activité quotidienne du cinéaste, qui a pour contrepartie
la présence amplifiée de l’histoire. » 73
Mais que deviennent ces matériaux filmiques dans 365 Day Project ? Mekas est-il à
rompre la forme de la narration cinématographique (qui passe par un processus
d'énonciation non naturelle, non spontanée et de structuration du discours) ? Manquonsnous une seule histoire parmi les histoires ? Retrouvons-nous l’idée de l’absence
d’histoire, comme dans le cinéma d’expérimental et poétique, ou son contraire, la
présence exclusive du récit dans le cinéma narratif ?
Mekas nous impose des strates complexes de l’histoire que nous pouvons différencier
selon trois niveaux. Un premier niveau, probablement historique, tracé par des
événements historiques (par exemple le film du 4 novembre sur la célébration de
l’indépendance lituanien), ou bien tracé par des récits qui renvoient à de tels événements
(par exemple le film du 9 janvier où Jean-Jacques Lebel montre des œuvres d’Apollinaire
en les commentant). Deuxièmement, un niveau non historique, voire anti-historique, tracé
par la pratique artistique d’enregistrement du quotidien, presque machinique, répétitive.
Troisièmement, un niveau anecdotique, qui se situe hors du déroulement empirique
traversé par ceux qui font le récit (comme le principe de Milles et une nuit ou Les contes
de Canterbury, cités par Mekas respectivement dans les films de 365 Day Project, le 8
novembre et le 28 mai).
73
in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit., p. 35.
45
Mekas hérite lui-même d’une histoire du cinéma — qu’il ne cesse pas de décrire avec la
métaphore d’un arbre ayant différentes ramifications, correspondant aux différents
mouvements croissant de façon imprévue — arbre sur lequel il se situe lui-même, selon
un axe propre, avec sa production il désigne un avant et un après.
« Le cinéma, c’était la seule façon de faire, de raconter, de rendre compte… moi, j’ai une
histoire en tant que moi mais si le cinéma n’existait pas, je ne serait pas une histoire en tant
que moi. Moi je lui devais ça. »74
La conviction de Mekas est claire dans son choix du titre pour ses expositions à
Melbourne, à Venise et à Vilnius : Célébration du minuscule et de l’intime à une époque
de grandeur75. C’est avec cette conviction qu’il propose une autre histoire.
Mekas fait partie d’une génération qui a agrandi juste avant la deuxième guerre mondiale,
qui a fait l’expérience douloureuse des camps de travail, et qui, comme nombre de
personne déplacées, a finalement dû immigrer aux Etats-Unis. Son journal intime sur
support papier, Je n’avais nulle part où aller76, témoigne de cette période initiale de sa
vie.
« Quand une “ personne déplacée “ devient consciente du voyage, alors les deux, Wilhelm
Meister et la “ personne déplacée “ commencent à se confondre. Au moins dans mon cas
c’est en train de passer comme cela. Wilhelm Meister et une “ personne déplacée “ trouvent
un nouveau foyer et ils découvrent qu’ils ont tous les deux le même foyer : la culture. »77
Mais contrairement à Wilhelm Meister, Mekas accueille ce qui vient. Il n’est pas en
quête, à la recherche de quelque chose.78 Ce sont les événements historiques qui l’ont
chassé constamment de son foyer.
74
Jean-Luc Godard, L’Histoire(s) du cinéma.
75
Celebration of the Small and personal in the times of bigness.
76
MEKAS (Jonas), op.cit.
77
in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit., p. 56.
78
Ibid., p. 55.
46
Pour Mekas, les années 50 et 60 sont très importantes puisque à New York il aura enfin
l’occasion de vivre librement cette culture dans laquelle il s’était absorbé de manière
intense juste avant la guerre. Son engagement culturel s’étend alors de la position de
critique (fondation du journal Film Culture en 1954, rédaction de la chronique légendaire,
Movie Journal, dans Village Voices), à celle de poète, de cinéaste, de directeur de
plusieurs institutions cinématographiques (fondation de Film-Maker’s Cooporative en
1962, puis celle de Film-Maker’s Cinematheque en 1964 qui est devenue l’Anthology
Film Archive). Depuis cette époque, Mekas est resté le directeur de l’Anthology Film
Archive, un des plus grands fonds du cinéma d’avant-garde, qui est également un lieu de
projection. C’est ce lieu quasi mythique, désormais, que Mekas incite à découvrir dans de
nombreux films de 365 Day Project.
Nous pouvons poser l’hypothèse que le cinéma, dont il était/est obsédé dès ses débuts, lui
permet dès son installation à New York de fixer son attention sur une activité solitaire
jouant comme premier repère, tout en commençant à se créer de nouvelles racines, à
découvrir celles de son entourage. Un des premiers intertitres de Lost, lost, lost, son film
monté en 1976, nous informe d’une identité, d’une personne en exil, désigné par Mekas :
« Voici quelques uns des sons et des images enregistrés par une personne en exil. »79
Dans 365 Day Project, plus précisément dans le film du 24 décembre où il s’agit d’un
autoportrait capté 4 ans après Lost, lost, lost, en 1980, Mekas parle de New York comme
d’une ville à laquelle il se sent attaché — sans que ce sentiment de nouvel attachement
n’efface, ne fasse disparaître les liens intimes à son pays d’origine, la Lituanie.
Dans le film du 20 avril, nous assistons à la rencontre, à Los Angeles entre Mekas et la
cinéaste russe, Marina Glodovskaya. C’est à l’initiative de celle-ci que, au cours de cette
rencontre, ils évoquent ce thème de sentiments patriotiques, de l’appartenance à quelque
« mère-patrie », au pays d’origine. Ces moments de paroles partagées en contrastent
fortement avec les scènes d’ouverture et fermeture du film, où Mekas écoute la chanson
Hollywood de Madonna. La rupture est d’autant plus marquante, si nous nous rappelons
les contextes, les origines, le milieu mekassiens : le rêve hollywoodien contre les ruines
79
« These are some sounds and images recorded by someone in exile. »
47
d’après guerre, les métropoles contre la campagne, la richesse pauvre américaine contre
la pauvreté riche lituanienne.
Parmi les films de 365 Day Project, nous trouvons celui où se déroule la cérémonie au
cours de laquelle Mekas peut récupérer à nouveau son passeport et sa nationalité
lituanienne.
Le passeport, en tant que pièce délivrée par une autorité et permettant de voyager
librement, réapparait sous un autre angle dans le film du 9 janvier :
« Je demande maintenant un passeport pour le pays de la poésie. »
Mekas, s’installant à Williamsburg dans Brooklyn, rejoint l’épicentre de la création
artistique de son époque, des mouvements de contre-culture new-yorkais.
Relativement à ce contexte, Hans Ulrich Obrist, dans un entretien récent, l’interroge :
« Dans la création des films d'avant-garde qu’elle est finalement l’importance de cet élément
contestataire, d'opposition vis-à-vis de la société?
Quand vous regardez les artistes d'avant-gardistes du passé, vous rencontrez un certain type
de schizophrénie. Les manifestes sont emplis de colère et de formes de contestations, mais
les œuvres sont positives et passionnantes, elles réalisent des bonds en avant par rapport à
leurs contemporains. La forme, le contenu, la technique y progressent en même temps. Il y a
un besoin, dans cet élan d'opposition, d’ordre psychologique, comme si cette constatation
était surtout un prétexte pour opérer des bouleversements drastiques dans la pratique des
artistes. Le film d'avant-garde ne s’opposait as au film hollywoodien : il s’agissait
simplement d’animaux, d’espèces différentes. De même que des genres artistiques différents.
Manger de la viande ne suffit pas pour vivre, il nous faut aussi consommer de la salade.
Mettez un peu de fumier au pied d’un arbre et celui-ci poussera mieux — j’ai appris cela de
mon père. »80
80
« Finally how important is the element of opposing to society in creating avant-garde film ?
— When you look at the avant-garde artists of the past, you find out a certain kind of schrizophrenia. The
manifestos are angry and full of oppositional stances, but the Works are positive and exciting, a jump
forward from their contemporaries. Form, content, technique move ahead. The oppositional stance is
needed only psychologically ; it is like an excuse to make drastic change in their practices. The avant-garde
film was not opposed to Hollywood film : we were simply different animals. Same in the arts. Man cannot
48
George Maciunas, principal fondateur du mouvement Fluxus, est lui aussi d’origine
lithuanien. Dans un film de 365 Day Project, quand Mekas rend visite dans son loft à
Shigeko Kubota, le compagnon de Nam June Paik, celle-ci attire notre attention sur
l’importance de l’influence de ces lituaniens, dans le milieu des avant-gardes newyorkais, grâce à leur pensée originale et créatrice.
Fluxus apparaît à plusieurs reprises dans l’œuvre de Mekas : dans ses relations
personnelles de Mekas, des conférences, des performances, des hommages organisés —
et non pas, comme dernièrement, au musée de Vilnius, Jonas Mekas Visual Center
Vilnius représenté dans les films de 16, 17 novembre. Ce centre qui est le fruit d’une
collaboration entre le maire de la capitale lithuanienne, Arturas Zuokas, Maya et Harry
Stendhal, et Jonas Mekas, accueille, depuis le 4 novembre 2007, une considérable
collection Fluxus de Georges Maciunas dont le directeur nommé est Kristijonas A.
Kučinskas. Cette collection fera éventuellement partie d’un grand projet de construction
de Vilnius Guggenheim Hermitage Museum, qui présentera des expositions d'art de
nouveaux médias, des parties de l'archive à New York du film d'anthologie, et l'art
Fluxus. Collections du Musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg et du Musée
Guggenheim de New York seront ainsi exposées. Dans 365 Day Project le film du 21
juillet témoigne de ce pacte culturel qui fait naître le projet.
Nombre de films de 365 Day Project nous montre des personnages principaux des années
50 dessinant les branches les plus importantes des différents mouvements artistiques de
cette période, selon un tableau réalisé par Maciunas lui-même81 :
« La Flux-planète apparaît dans les années cinquante (en gros 1952-1961) comme une
nécessité d’inventer de nouvelles connexions ENTRE les arts visuels, la poésie, la danse et le
théâtre : c’est la musique indéterminée (quant à son exécution, ce que prône John Cage), les
poésies simultanées, concrètes (Jackson Mac Low, Emett Williams…), le happening (Allen
live with melodrama alone. And also, man cannot live by steak alone : occasionally we need some salad.
Put some manure on the roots so the tree grows better, I learned that from my father. », OBRIST (Hans
Ulrich), op. cit.
81
J‘ai relevé ceux dont on parle dans l’œuvre de Mekas.
49
Kaprow, Red Grooms, Robert Whitman, Dick Higgins, Al Hansen, Claes Oldenburg, JeanJaques Lebel...), les correspondances phénoménales (Bob Watts), la Création Permanente
(Robert Fillon), l’art auto-destructif (Gustav Metzger, Jean Tinguely), la musique statique
(La Monte Young), l’Event (Georges Brecht), l’art conceptuel (Henry Flynt), la
musique/action (Nam June Paik, Wolf Vostell, Philip Corner, Ben Patterson…), le Théâtre
du vide (Yves Klein), la peinture/action (Pollock, Gutaï), l’art multiplié (Daniel Spoerri), la
sculpture sociale (Joseph Beuys), l’Art total, appropriations (Ben Vautier), l’art du
comportement (Pierre Manzoni…), la danse (Ann Halprin, Merce Cunningham, Simone
Forti…), le Mail Art (Ray Johnson), l’environnement (Walter de Maria, Christo…), le
cinéma expérimental (Robert Beer, Jonas Mekas…) … : ENTRE L’ART ET LA VIE »82
Si Mekas avait écrit une liste analogue, elle aurait sans aucun doute consisté en une
grande quantité de noms d’amis et de citations entremêlés à sa propre vie. Finalement,
après avoir vu les films de 365 Day Project, nous avons l’impression qu‘une telle liste
s’est en fait écrite ou filmée inconsciemment. Par contre, il ne nous propose pas un
compte rendu historiographique de ce qui s’est passé dans les années 50 : tous les
personnages qu’il évoque sur une large période de temps — correspondant à sa propre
temporalité, c’est-à-dire à sa vie — demeurent toujours vivants, présent dans l’actualité
de chaque jour de son existence.83
Pourtant, même si nous savons qu’on ne peut pas totaliser et embrasser toutes les
influences ainsi toujours présentes dans la vie de Mekas, nous pouvons essayer de
montrer quelques éclats, en fonction de leur apparition dans de nombreux films de cette
œuvre.
Nous rencontrons d’abord des membres du group de la Beat Generation : Yoko Ono,
John Lennon, Allen Ginsberg, Gregory Corso, William Burroughs. Ces personnages et ce
mouvement ne sont pas seulement très présents dans les films, ils ont profondément
influencé la pratique de l’artiste :
82
Happenings & Fluxus, sous la direction de DREYFUS (Charles), catalogue d’exposition, Paris, Galerie
1900-2000, Galerie du Génie, Galerie du Poche, Édition J.R., 1989. p. 17.
83
Dans l’annexe vous retrouvez un essaie, un concentré des lieux parcourus, des citations et des gens
rencontrés par Mekas dans 365 Day Project.
50
« Les Beats n’ont pas séparé leur art de leur vie, mais les deux étant intimement reliées, leurs
articulations traversaient fréquemment la séparation traditionnelle entre l'art et la vie, et de
faisant de ces deux versants l’expérience de célébrations uniques. »84
Puis nous devons voir aussi l’influence de Fluxus à ce point où se souligne l’importance
du rapport entre vie et œuvre, et plus précisément où surgit le thème de la spontanéité, de
l’ouverture à ce qui vient, à ce qui arrive — ce que Georges Brecht exprime de la façon
suivante :
« Ce qui est beaucoup plus intéressant pour moi, c'est l'événement qui se produit ainsi. Ce
qui est intéressant, c'est que le téléphone sonne, et ça devient un événement. »85
La relation à ce qui est spontanément découvert et le fait d’en faire de l’art rappellent les
mots de Duchamp :
« Signe, avec l’indication précise du jour, de l’heure et du minute, un ready-made ce que tu
pouvais contempler pour un temps quelconque et indéterminé de l'instant d'avant. »86
Mais la démarche artistique de Mekas ne correspond pas totalement à ce changement de
statut du matériau chez Duchamp — par un acte relevant de la définition, du décret
appliqué à un objet, ce en quoi consiste un ready-made. Tel que Mekas retravaille la
matière qui s’offre spontanément à lui, — en indiquant à la fois la date et la signification
de cette date — il opère une métamorphose qui transforme qualitativement le matériau
par son inclusion dans le nouveau continuum du film. Nous y reviendrons plus loin à ces
questions en examinant la forme éphéméride de 365 Day Project.
84
« The Beats did not separate their art from lives, but saw the two as intimately connected, their
articulations frequently crossed the traditional séparation between art and life, and they experienced both as
unique célébrations. » in SARGEANT (Jack), Naked Lens : Beat Cinema, London, Creation Books, 1997,
p.6.
85
Les mots de Georges Brecht in Fluxus. Interjúk, szövegek, események-esetek, Budapest, Artpool
Művészetkutató Központ, Ludwig Múzeum- Kortárs Művészeti Múzeum Budapest, 2008, p. 19.
86
L’affirmation de Duchamps, in Ibid.
51
L’idée que tout peut devenir art en questionnant la consommation de masse a fait naître le
mouvement artistique du Pop art. Il s’intéresse au rôle de la société de consommation et
des déformations qu'elle engendre dans les comportements au quotidien. Mekas, en
opposition avec ce mouvement, ne suit pas le fil de cette critique de la société. Son focus
est ailleurs, malgré le fait qu’une partie de l’Amérique qui l’entoure travaille sur ce
thème :
« Je ne peux filmer, et en quelque sorte ne promouvoir que ce que j’aime et admire. Je filme
des enfants. Je filme l’amitié que je considère comme essentielle, les hommes et les femmes
autour d’une table en train de manger et boire. (..) Rien d’autre ne me paraît essentiel autour
de moi en Amérique. »87
Mekas retrouve ce qui lui est important dans le cinéma underground, amateur des home
movies, documentary-fictions, un cinéma en pleine expérimentation avec des classiques
comme les films de Maya Deren. C’est dans ce cinéma que ses affinités rencontrent
l’importance des événements, de la famille et des amis, la liberté des cinéastes.
En résumant le contexte historique de Mekas, dont nous avons essayé de montrer la large
amplitude, nous constatons que chez lui les divers genres (la poésie, la littérature, la
musique, les arts plastiques et visuelles, l’architecture, le théâtre, la danse, le cinéma) et
les différents mouvements se mêlent à une expérience de la vie, identique à ses films. Sur
la scène de sa vie, les frères Lumière jouent le même rôle que Harmony Corine, jeune
réalisateur américain. Ils apparaissent tous les trois dans 365 Day Project, œuvre où
Beethoven est considéré comme étant aussi important que le groupe Cobra, et ainsi de
suite.
Mekas, quant à la signification de ses films, quant au rapport entre vie et film, est
explicite :
« Je m’attache à témoigner des moments de joie, de célébration de la vie »88
87
in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op.cit., p. 66.
88
Ibid., p. 71.
52
Parmi ses contemporains et amis, nous reconnaissons Hermann Nitsch, fondateur de
Orgien-Mysterien Theater.
Mais ce lien entre les deux artistes recouvre en même temps une différence profonde de
nature, quant à la forme, à la portée, à la conception de la célébration. Chez Nitsch les
performances cérémonielles visent à faire naître une œuvre d’art totale, mettant
progressivement en éveil tous les sens des participants, jusqu'à ce que, arrivé au point
culminant, chacun prenne différemment conscience de son existence. Les actions sont
méticuleusement décrites, et les partitions
contiennent à côté des instructions d'action, des
textes de morceaux de musique graphiquement notés.
De son côté Mekas établit une pratique inverse : ses enregistrements, qui au final dans
365 Day Project deviennent des bouts de cérémonie, de célébration, puisent dans une
réalité pure, non abstraitement reproduit par des partitions.
3. La mémoire et ses temporalités
Si la mémoire humaine gagne un rôle important dans le travail de Mekas, c’est dans les
temporalités générées par l’artiste, comme dans les films de 365 Day Project, que ce
rapport à la mémoire doit être cherché. Ces niveaux temporels sont présents non
seulement dans la composition de chaque film quotidien, mais également dans la forme
choisie, calendaire, de l’œuvre. L’ensemble des films du 365 Day Project ne recouvre
bien sûr plus la linéarité temporelle d’un film continu, tel que projeté en salle, et que nous
verrions se dérouler du début jusqu’à la fin sans rupture : l’attention des spectateurs qui
consultent ces films est de fait fragmentaire en regard de tout le corpus d’images, de films
composant le projet.
Nous avions abordé plus haut plusieurs problématiques touchant à l’écoulement du
temps : la perception temporelle de l’artiste au cours de l’enregistrement, celle au cours
du montage, celles encore lisibles dans les films singuliers, puis dans leur ensemble, et
enfin la perception temporelle des spectateurs. L’intérêt porte cependant sur la notion de
mémoire. Est-elle une construction, ou plutôt une archive des souvenirs ? Dans quelle
mesure est-elle influencée par la perception temporelle ?
53
À ces questions, l’analyse du film daté du 21 mai offre des éléments de réponse. Ce film
se compose en effet d’enregistrements différents, de 1993 et de 2000, entre lesquels
Mekas a inséré des intertitres. Nous plongeons dans une séquence enregistrée en 1993, à
quoi succède une partie tournée en 2000, pour nous voir reconduits à la fin dans le champ
temporel de 1993. Mais le lieu et le personnage communs y sont respectivement l’Italie et
Tonino de Bernardi, ami cinéaste de Mekas. La première et la dernière partie du film
acquièrent une riche signification grâce au lien qu’elles entretiennent avec la partie
centrale du film.
Mais il nous faut distinguer ici le champ des choses faites et celui des choses dites. Parmi
ces dernières, le film témoigne d’une conversation qui s’est déroulée dans la cuisine de
Bernardi, entre celui-ci, Mekas et son fils. Tonino de Bernardi évoque sa peur du passé,
car le passé devient pour lui quelque chose de très grand. C’est un temps à ses yeux
inconnu, affirmant qu’il peut seulement connaître le présent. Par exemple, s’il touche à
un ancien film, il lui devient immédiatement présent. Bernardi trouve cela à la fois
extraordinaire et terrible. Pour lui, le passé n’est qu’une convention ; le fait que l’on
pense quitter quelque chose semble impliquer que l’on en fasse quelque chose de passé
— or pour lui, le passé est aussi (vivant dans) son présent.
C’est à cette idée que fait écho une formule de Mekas, énoncée dans un entretien récent :
« le passé est automatiquement incorporé dans le présent »89
Nicole Demby dans l’avant-propos du catalogue de 365 Day Project le résume de la
manière suivante :
« Le temps personnel, dans lequel agit toujours la mémoire, se substitue au temps
standardisé »90
89
« automatically the past is incorporated in the présent », énoncé par Mekas dans un entretien de radio
Wavelenght à Londres, le 14 novembre 2008 (http://jonasmekasfilms.com/interviews.php).
90
« Standardized time is replaced by a personal time in which memories are ever present » in Jonas Mekas,
365 Day Project, op. cit.
54
Si nous abordons maintenant le champ des choses faites, nous découvrons Mekas qui en
compagnie de quelques amis visite, à la campagne, une manufacture de fromage où il
trouve sur une table un exemplaire de La Divina Commedia ; il finit un peu plus tard,
dans la même région de hameaux, par partager un repas avec Bernardi, dans la maison
duquel la table est déjà dressée avec goût, et où se laisse entendre de la musique
classique. Ces images sont en fait et implicitement remplies de significations, sous
l’angle de la mémoire de Mekas, renvoyant à des éléments pourtant absents de l’écran.
Elles peuvent donner l’occasion de nous rappeler nos éventuelles lectures de son journal
intime, dans les pages duquel il évoque son rapport à la vie rurale : réapparaissent ses
mots sur la vie entière des paysans qu’il a connus en Lituanie, ou encore les tâches
agricoles effectuées un peu plus tard dans sa vie chez une famille allemande durant la
guerre ; résonnent également toutes ses métaphores sur la saine vie paysanne, des
habitants de la campagne. Mais ceux qui n’ont pas lu son journal peuvent aussi bien
tramer de telles correspondances de sens avec certains autres films du 365 Day Project
dans lesquels Mekas met l’accent sur les plantes, la nature, et où il raconte sa propre vie,
y mêlant de nouveau des métaphores.
À ce point de l’analyse, une nouvelle distinction est indispensable, qui se joue entre les
souvenirs spontanés et les souvenirs volontaires. Voyons comment fonctionne le premier
chez Proust et dans les anciens films de Mekas :
« […] le narrateur de À la recherche du temps perdu raconte ses expériences de la mémoire
involontaire qui surgissent dans sa vie quotidienne, Walden place directement le spectateur
dans les conditions d’expérimentation de la survenue de la sensation pure et du temps anhistorique dans le cadre de la mémoire cinématographique. »91
Le phénomène propre À la recherche du temps perdu de Proust, qui est d’approcher des
expériences imprévisibles de la mémoire involontaire du narrateur, est lui-même cité dans
le film du 16 août :
« […] quand je m’éveillais au milieu de la nuit, comme j’ignorais où je me trouvais, je ne
savais même pas au premier instant qui j’étais; j’avais seulement dans sa simplicité première,
91
in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit., p.34.
55
le sentiment de l’existence comme il peut frémir au fond d’un animal: j’étais plus dénué que
l’homme des cavernes; mais alors le souvenir — non encore du lieu où j’étais, mais de
quelques-uns de ceux que j’avais habités et où j’aurais pu être — venait à moi comme un
secours d’en haut pour me tirer du néant d’où je n’aurais pu sortir tout seul; je passais en une
seconde par-dessus des siècles de civilisation, et l’image confusément entrevue de lampes à
pétrole, puis de chemises à col rabattu, recomposaient peu à peu les traits originaux de mon
moi. »
Mais ne nous trouvons-nous pas ici dans une autre mémoire que celle des
films cinématographiques, submergés que nous sommes déjà dans le grand nombre de
blocs de film de 365 Day Project ? Cette œuvre ne trace-t-elle pas une autre mémoire en
tant que propre à une œuvre fermée en elle–même ? Il semble impossible d’ignorer tout
ce dont nous sommes individuellement et collectivement le produit, toute l’ancienne
culture s’infiltrant dans notre époque, faisant de nous l’homme que nous sommes
maintenant ? Ce sont de telles interrogations que Mekas soulève, comme lorsqu’il
renvoie à la conscience possible du fait de rêver, dans le film daté du 9 février.
Dans tous les cas le versant relevant de la mémoire est essentiel chez cet artiste, eu égard
à la dimension chez lui affective de ce versant. Et c’est ici que surgit la notion de
réminiscence, au sein de laquelle miroite cet état d’affection92.
« Bien sûr, l’esprit n’est pas un ordinateur. Et cependant, il marche un peu comme un
ordinateur et tout ce qui présente est jaugé, confronté à des souvenir, aux réalités qui ont été
enregistrée dans le cerveau ou ailleurs et tout cela est très réel. »93
a. Fabrication prothétique du souvenir psychique
Depuis les ethnologues comme Gilbert Simondon et André Leroy-Gourhan, puis dans
leur sillage les philosophes Jacques Derrida, Bernard Stiegler, la compréhension du
rapport entre l’homme et la technique s’est affinée, en partie apaisée. Ce rapport entre
92
Reminiscences of a Journey to Lituania, titre de son film de 1972.
93
in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit., p. 50.
56
homme et technique n’est autre, à un certain niveau fondamental, que celui entre la parole
comprise comme mémoire vivante, et les instruments techniques d’écritures ou
d’inscription.
« L’homme n’est homme que dans la mesure où il se met hors de lui, dans ses prothèses.
Avant cette extériorisation, l’homme n’existe pas. […] Homme et technique forment un
complexe, ils sont inséparables, l’homme s’invente dans la technique et la technique
s’invente dans l’homme. Ce couple est un processus où la vie négocie avec le non-vivant en
l’organisant, mais de telle manière que cette organisation fait système et a ses propres lois.
Homme et technique constituent les termes de ce que Simondon appelait une relation
transductive : une relation qui constitue ses termes, ce qui signifie qu’un terme de la relation
n’existe pas hors de la relation, étant constitué par l’autre terme de la relation. »94
Il faut voir la caméra de Mekas comme relevant d’un tel outil technique, d’une prothèse
lui permettant de s’inventer dans cette technique et vice versa. Le caractère prothétique
de la technique d’enregistrement s’inscrit dans cette constitution mutuelle.
b. Film en tant qu’extériorisation de la psyché
« […] je marche dans cette réalité authentique, figurative, et ces images sont toutes des
enregistrements de la réalité authentique, même si c’est seulement par fragments. Peu
importe comment je filme, vite ou lentement, comment j’expose, le filme représente une
certaine période réelle, historique. Mais comme groupe d’images, il dit plus sur ma réalité
subjective — on pourrait dire ma réalité objective — que n’importe quelle autre réalité. »95
Mekas parle d’une réalité extérieure et d’une réalité intérieure lorsqu’il mentionne deux
objectivités du réel faussement séparées et appliquées comme subjective et objective. La
problématique de ces deux réalités n’apparaît pas dans le journal intime de Pessoa Le
livre de l’intranquillité, où le double de l’écrivain, Bernardo Soares, ne considère pas sa
vie intérieure comme étant réelle.
94
STIEGLER (Bernard), « L’inorganique organisé », in Cahiers de médiologie, n° 6, p. 190.
95
in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit., p. 50.
57
« Quelle que soit la chose qui se trouve au centre du Monde, elle m'a donné le monde
extérieur comme exemple de Réalité, et quand je dis : "cela est réel", même d'un sentiment, je
le vois malgré moi en un quelconque espace extérieur, je le vois avec une vision quelconque
hors de moi et à moi étranger. Être réel, cela veut dire n'être pas au dedans de moi. De ma
personne intérieure je ne tiens aucune notion de réalité. Je sais que le monde existe, mais je
ne sais pas si j'existe. Je suis plus certain de l'existence de ma maison blanche que de
l'existence intérieure du maître de la maison blanche. »96
Chez Mekas la différence entre réalité et fiction, entre document et œuvre, se confondent
tout en demeurant dans le vivant. Il y a une volonté de ne pas séparer le monde intérieur
et le monde extérieur, mais au contraire le vœu de les vivre selon une unité.
Mais nous devons attirer l’attention sur le fait que pendant l’enregistrement, il y a entre
Mekas et le monde dans lequel il vit cet intermédiaire technique, ce médium qu’est la
caméra. Le travail d’abstraction du monde de l’artiste commence déjà à ce moment là.
C’est une sorte d’extérioration de la psychè, ce que Foucault définit comme étant un
processus de subjectivation, si l’on maintient provisoirement l’opposition entre sphère
subjective et étendue objective.
« (…) chaque images, chaque photogramme capte non seulement ce qui est devant la caméra
ou devant l’objectif mais aussi tout ce qui est dans mon cœur, dans mon cerveau, dans toutes
les cellules de mon corps, et il y a plusieurs générations de cellules. »97
c. Reconstruction du lieu perdu, d’un chez-soi
Dans la langue française, le terme équivalent au mot anglais home, ou encore home
country, n’existe pratiquement pas si ce n’est dans l’expression d’un chez-soi.
Le chez-soi, souvent avec une valeur affective, désigne un foyer, un domicile, ou encore
une maison où on vit. C’est la présence de cette valeur affective qui nous intéresse en
regard des lieux présents et parcourus dans les films du 365 Day Project.
« D'un côté, en tant qu'espace objectivé, le chez-soi peut être décrit comme le lieu par
excellence de l'appartenance (à moi), de l'ipséité (moi) et de la propreté (par moi) : à ce
96
PESSOA (Fernando), Livre de l’intranquillité, Édition Christian Bourgois, 1992.
97
Déclarations de Paris, op. cit., p. 23.
58
niveau, le chez-soi représente en effet à la fois une propriété, une personnalité et un mode de
vie spécifiques; niveau adaptatif, fonctionnel et formaliste, nous sommes dans l'ordre de la
séparation et de la mesure. […]
Mais d'un autre côté, en tant qu'espace objectivant, le chez-soi apparait dans sa
morphogénèse comme le lieu de l'appropriation, de l'autoréférence et de l'épuration. »98
L’étude d’un chez-soi est chez Mekas d’autant plus importante que nous tenons compte
du fait de la reconstruction du lieu perdu, cette perte causée principalement par la
seconde guerre mondiale et l’exil (les exils).
« - L'attachement au logis est conditionné par la reconnaissance satisfaite d'une sorte de
partenaire avec lequel coexister. Espace d’ubiquité, logis accueille les relations d’affectivité,
pour autant qu'elles soient positives et valorisantes.
- Le chez-soi est un espace totalisant, le seul qui parvienne à articuler simultanément les lieux
et épisodes de la vie. L'investissement domiciliaire est par essence "cosmogonique", par
conséquent apte à concilier le proche et l'infini, I'instantané et l'éternel.
- La relation intime au chez-soi demande à être continuellement réaffirmée, c'est-à-dire
repensée et réélaborée. Les images de prédilection du chez-soi sont souvent des métaphores comme la forêt ou la prison - destinées à conjurer 1'éphémère et à appeler de leurs vœux
l'éternité, sans se départir pour autant du sens de la familiarité. »99
Mekas confie dans un entretien que pour lui le chez soi est la culture, le cinéma, New
York, là où il aime être et ça c’est à Paris : le chez soi est aussi les endroits où ses amis
sont.100 C’est en rapport avec cette idée que Brigitte Cornand a tourné un film sur l’artiste
en 2000, en l’intitulant précisément My Country is Cinema: Scenes From the Life of
Jonas Mekas.
Mais à quoi assistons-nous dans l’œuvre du 365 Day Project ? Nous constatons que sur le
plan de l’espace, des lieux, les films sont finalement très diversifiés. Les lieux de
tournage varient entre les États-Unis (New York City, Long Island Minnesota, Los
Angeles), le Brésil, l’Europe (la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Suisse,
98
Architecture & Comportement /Architecture Behaviour, Vol. 5, no. 2, p. 135-150.
99
Ibid., p. 88-89.
100
Déclarations de Paris, op. cit., 2001, p. 16.
59
l’Allemagne, le Finlande, l’Autriche, la Lituanie), le Japon. Tels qu’ils apparaissent aussi
dans le champ des citations et des références, ces lieux se dévoilent comme éléments
d’une culture construite autour de/dans/par Mekas, et se révèlent en cela comme porteur
d’un chez-soi pour l’artiste. Ce que produisent les films du 365 Day Project, ce n’est
jamais finalement que la construction d’un lieu virtuel, jouant significativement comme
reconstruction d’un espace affectif propre à l’artiste — et ce par la constellation des
enregistrements du quotidien dans/de tous les lieux traversés.
d. Vie et mort des existences dans les déroulements filmique et
empirique
Le temps cinématographique est à la fois celui qui s’écoule (qui se perd) et celui qui reste
(qui s’enregistre). C’est aussi la qualité innée du temps de la vie, en tant que perdu et
remémoré.
« Toute mon enfance a fondu maintenant comme ces images s'effacent. »101
En ce qui concerne le principe technique de la photographie comme celui du film,
l’enregistrement de la réalité a été rendu possible par le toucher de la lumière et la trace
laissée par ce toucher. Nous pourrions introduire ici, comme Roland Barthes le faisait
dans le champ photographique, la notion de référence cinématographique, qui renvoie à
la chose nécessairement réelle, nécessairement présente, qui a été placée devant la caméra
et sans laquelle il n’y aurait aucune trace, aucun enregistrement.
« Dans la photographie, je ne puis jamais nier que la chose a été là. Il y a une double position
conjointe : de passé et de réalité […] La photo d’être disparu vient me toucher comme les
rayons différés d’une étoile. Une sorte de lien ombilical relie le corps de la chose
photographique à mon égard. La lumière, quoique impalpable, est bien ici un milieu charnel,
une peau que je partage avec celui ou celle qui a été photographié. La chose d’autrefois, par
ses radiations immédiates, ses luminances, a réellement touché la surface qu’à son tour mon
regard vient toucher. »102
101
« All my childhood’s fading now like these images fade away. » in Lost, Lost, Lost.
102
BARTHES (Roland), La chambre claire, Paris, Édition Gallimard, 1979, p. 120.
60
Au musée, institution dont le principe est la stabilité, la permanence, l’éternité, nous
avons le sentiment que ce qui s’y trouve exposé est intouchable. Les œuvres sembleraient
y reposer jusqu’à la fin du temps, y seraient nettoyées, de préférence, mais pas par nous
car nous ne pouvons les toucher : nous pourrions être seulement contemplateur de choses
qui, ayant de la valeur, y sont conservées.
Dans le film daté du 6 mai de 365 Day Project, tout au début, il y a une conversation sur
le pouvoir attribué à la photographie. Un jeune homme évoque certaines régions du
monde où les gens pensent que les prendre en photo revient à leur voler leur âme ;
d’autres endroits, dans lesquels il s’est rendu, où le fait de prendre une photo aurait
quelque pouvoir de guérison sur le sujet photographié. C'est, dit-il, comme une magie.
Dans l’histoire de l’art, cette sorte de magie des images acheiropoïètes, c’est-à-dire des
images qui ne sont pas faites de la main de l’homme mais produites par contact — dans
le cas de la photographie et de la cinématographie c’est le toucher de la lumière —
remonte à la toile de Véronique et au saint suaire de Turin.
Ces images saintes, en tant qu’empreintes, se fondent sur une absence, comme la nonprésence du Christ, qui est constitutive de l’image elle-même. Le Christ manifeste alors
son pouvoir à distance grâce au contact premier. Le pouvoir de Dieu se renouvelle dans
cette trace, qui est le signe de son absence et à la fois de sa présence.103
L’effet fantomatique de la photographie a été mis en évidence par Barthes, discuté plus
tard par Derrida. Mais ce dernier en prolonge cependant les incidences dans le champ de
la cinématographie.
« Un spectre est à la fois visible et invisible, sensible et insensible, à la fois phénoménal et
non phénoménal : une trace qui marque d’avance le présent de son absence. La logique
spectrale est de facto une logique déconstructrice […] comme le travail du deuil »
e. Mise en mémoire mekassienne
103
Voire pour plus de précision BELTING (Hans), Image et culte : Une histoire de l'image avant l'époque de
l'art, Paris, Éditions du Cerf, 2007.
61
La réutilisation des vieux matériaux, dans les films du 365 Day Project, relève d’une
sorte de remémoration. Entre les phases d’enregistrement et du montage, dans la pratique
de Mekas, il existe une rupture, un laps de temps relativement long.
Dans 365 Day Project il y a un travail considérable portant sur d’anciens enregistrements
déjà utilisés dans des films précédents, et que Mekas remonte à l’occasion de cette œuvre.
Ce n’est pas un procédé systématique, mais il indique à chaque fois, sur les intertitres ou
sur les cartels produits pour chaque film du projet, leur date de création et également les
lieux, les personnes qui apparaissent dans les séquences.
Les spectateurs savent que les moments filmés du vivant de Mekas sont déjà passés,
sinon ils n’auraient pas l’occasion de les voir sur l’écran, mais ces films les touchent
encore, indubitablement, comme le disait Derrida.
« C’est é-mouvant (cela provoque en moi un sourd mouvement) : l’effet fantomal, c’est ici le
sentiment d’une absolue irréversibilité. Voilà ce qu’a de singulier ce " toucher " : cela me
touche, je suis touché, mais je ne puis toucher. Je ne puis être " touché-touchant ". »104
f. Achèvement, (in)finitu du film de la vie
« En réalité, tout mon travail est un grand film qui se poursuit encore aujourd'hui. »105
Est-ce que la propre existence de Mekas — celle d’un cinéaste dont la pratique
d’enregistrement puise dans sa vie quotidienne — est celle avec laquelle il crée une unité
en expansion, tournée pour sa propre production ? L’œuvre qui dépend ainsi
constamment de vivant ne manquerait-t-elle, ne manquera-t-elle que la mort, pour
atteindre à son achèvement parfait ? Est-elle la mort qui sera la clôture du film, du film de
sa vie ?
104
DERRIDA (Jaques) et STIEGLER (Bernard), Écographies de la télévision. Entretiens filmés, Paris, Édition
Galilée – INA, collection « Débats », 1996, p. 171.
105
« In reality all my film work is one long film which is still continuing.» in YUE (Geneviéve), « Jonas
Mekas », in Senses of Cinema (http://archive.sensesofcinema.com/contents/directors/05/mekas.html).
62
Comment apparaît-il dans 365 Day Project, le champ temporel du futur qui est entre le
présent et la mort de Mekas et qui porte des possibilités inconnues, innombrables ?
L’œuvre de Mekas pourra-t-elle se dire — avec ou sans la mort — entièrement achevée ?
Les réponses éventuelles à ces questions vont dès lors dépendent de la problématique de
la limitation d’une œuvre. Nous pourrions considérer cette œuvre comme une partie de
l’inscription de la vie de Mekas, un chapitre des journaux intimes de Mekas, simplement
déposé selon un nouveau dispositif. Mais dans le cas de 365 Day Project nous avons une
journée d’ouverture et une journée de clôture concrètes correspondant à la durée
prédéterminée d’une année.
L’œuvre OPALKA 1965/1—∞ de l’artiste Roman Opalka, qui selon le mot même de son
auteur106 est fini par le non fini, porte l’idée d’un tel futur, limité par sa propre mort, par
la mort de l’auteur. Depuis 1965, comme le titre nous l’indique, l'artiste français d'origine
polonaise peint des nombres en ordre croissant sur des toiles, afin d'inscrire la trace de
l’écoulement irréversible du temps, de manière très analogue au projet tasmanien de
Christian Boltanski, qui débute en 2010 et où l’activation de l’œuvre dépend ici encore de
la mort (dans ce cas de l’artiste ou du collectionneur). Les projets de Boltanski que nous
évoquons ici ressortent d’un pari, d’un jeu sur la durée de la vie, sur le temps de
l’expérience vivante qui passe. Elles conduisent à penser l’art comme engagement et
l’artiste comme organisme. Boltanski a trois projet d’œuvres permanentes, deux en
dehors de l’enregistrement de vidéo de la vie de l’artiste dans son atelier projeté en
Tasmanie : l’archive du cœur au Japon (les cœur qui battent infiniment), l’horloge parlant
à Salzbourg (horloge qui annonce infiniment l’heure par la voix de Boltanski). Ces trois
projets se ressemblent dans la préservation des empreintes (sonore ou vidéographique)
d’une personne après sa mort.
106
Entretien
sur
son
exposition
à
Jeu
de
Paume,
L’autre
moitié
de
l’Europe,
2001
(http://www.youtube.com/watch?v=rKDyAb-dPvk).
63
B / VERS LA FORME DE L’EPHEMERIDE107
Les 365 films de l’œuvre de Mekas s’inscrivent dans une forme calendaire — un système
officiel de mesure du temps par sa division en années, mois et jours, dont l'organisation
est réglée par des facteurs astronomiques, climatiques ou sociaux —, permettant de
rassembler chronologiquement des événements de la vie relatés au jour le jour. Il s’agit
d’un journal sous forme d’éphéméride dans lequel Mekas consigne les faits
remarquables, quotidien ou non, de sa vie.
Les rubriques de cette éphéméride se distinguent par les mois de l’année 2007, de janvier
à décembre. Le tableau du mois est formé d’un ensemble d’images dont chacune
marque/substitue un film correspondant à un jour du mois. Les images ainsi présentées
sont ordonnées selon la chronologie dans le calendrier. Ces mosaïques d’images de
chaque tableau forment un réseau, un fil de photogrammes qui par cette forme suit le fil
linéaire du temps. Leur unité renvoie de plus formellement à l’unité des moniteurs vidéo
des installations de Mekas.
Tandis que la forme de l’éphéméride et celle technique du film supposent une linéarité, la
chrono-logie même, le contenu des films mekassiens, dans l’éphéméride, à l’intérieur des
films et d’un film à l’autre, se compose de fragments puisés à des instants tout à fait
différents dans le temps : leurs matériaux n’obéissent, dans la construction fictionnelle, à
aucune linéarité. Dans le tableau du mois, il y a cinq ou six lignes horizontales, et sept
colonnes verticales d’images.
Devant cette présentation formelle des films du 365 Day Project, il est nécessaire de faire
un détour par la technique, et plus précisément par l’enregistrement du réel image par
image et par le rapport qu’entretient cet enregistrement avec la forme calendaire. Le
principe des images formant des continuités filmiques est la linéarité et la succession.
Autrement dit, le fil de la pellicule, basé sur la lecture optique des photogrammes, repose
sur une linéarité du temps réel et du temps de défilement — le découpage puis le
défilement réguliers du temps photogrammatique permettant d’accéder au temps
107
Emprunté au grec ἐφηµερίς, -ιδος « journal ou registre quotidien » et « mémoires historiques ou
militaires ».
64
différenciellement rythmé de la réalité. Nous apercevons que, sous cet aspect, les images
de chaque jour dans la présentation de l’éphéméride mekassien s’apparentent à des
photogrammes, au fil technique de la pellicule du film. La lecture de ce fil est cependant
fondamentalement différente. Dans le cas des films projetés (inscrits dans une continuité
dans le temps et l’espace grâce à la projection) le sens de lecture est contraint, imposé.
Dans le cas du calendrier de Mekas nous nous retrouvons face à des règles, et donc à des
libertés, différentes.
L’image correspondant à une vidéo est censée être choisie par le spectateur selon le jour
de son upload. Nous devons savoir que la plupart du temps, les jours indiqués ne désigne
pas la date de la création mais seulement la date du chargement des films sur internet.
Une fois que le spectateur a cliqué sur une image parmi toutes celles du mois, une
nouvelle fenêtre s’ouvre avec le film souhaité, légendé par un cartel situé au-dessous. Ce
cartel contient d’abord la date (jour de la semaine/mois/jour du mois/année) et la place
précises du film dans le calendrier — c’est à la fois un temps et un lieu virtuel
correspondant à l’évolution de l’œuvre de Mekas —, puis la durée du film, et en fin une
brève description du contenu du film, écrite par l’artiste. Ces vidéos composent des blocs
(image-mouvement-son) ou des périodes en général assez courts, allant d’une à vingt
minutes. Les blocs ainsi établis proviennent du geste de capture : ce sont soit des plansséquences montés l’un après l’autre, soit présentés seuls, laissés dans leur intégrité
originale. La vidéo commence toujours avec l’adresse du site de Mekas. Cette phase initiale est
suivie par la vraie partie de la vidéo, dont la clôture est chaque fois la même pour tous les
films : un bouquet de fleur dessiné par l’artiste. Ainsi le cadre de chaque film est la
désignation au début d’une adresse, et de fleurs à la fin.
65
I.)
Contexte de genre(s) dans l’écriture de soi
Michel Foucault dans son article d’Écriture de soi108 de 1983, définit deux genres comme
deux branches originales dans ces types d’écrits, qui sont en fait des remarques écrites :
remarques qui décrivent des actions et celles traduisant les mouvements de notre âme, des
pensées. Il souligne premièrement la valeur purificatrice de l’écriture de soi chez Sainte
Athanase ; la nécessité reconnue de mieux connaître les péchés revient à entraînement de
soi, par soi. Généralement, l’écriture de soi est l’objet de conversations tenues avec soimême (méditation pour s’affronter le réel) ou éventuellement avec un (des) autre(s). Ces
deux genres techniques, ou encore méthodes, sont désignés par Foucault comme étant
respectivement des hypomnêmata et la correspondance. Nous examinerons d’abord les
liens entre la technique des hypomnêmata et la méthode dans la production de Mekas.
Dans une partie suivante du mémoire, nous aborderons ensuite le rôle de la
correspondance dans l’œuvre de l’artiste.
Pour éclaircir ce que sont les hypomnêmata, citons Foucault :
« Les hypomnêmata, au sens technique, pouvait être des livres de compte, des registres
publics, des carnets individuels servant à l’aide-mémoire. »109
Ces aide-mémoires ne donnent pas un récit de soi-même mais la constitution de soi.
Selon Foucault on se constitue dans la pratique quand on rassemble, organise et utilise
des supports de mémoire. C’est-à-dire que ceux que nous avons pu entendre ou lire
connaissent une subjectivation par cette pratique d’organisation de mémoire : c’est la
subjectivation au sens du processus, et le soi comme rapport soi-même. Chez Sénèque,
cité plusieurs fois dans article de Foucault, cette technique est décrite par la métaphore de
la digestion. Sigmund Freud utilise la même image (manger et digérer) dans son article
108
FOUCAULT (Michel), « Écriture de soi », in Dits et écrits, tome IV, Paris, Gallimard, 1994, pp. 415-430.
109
Ibid.
66
de 1925, La négation110, pour contourner la question de dehors et de dedans, de
l’introduction en soi et de l’exclusion de soi, finalement adéquat à la subjectivation de
Foucault.
Bernard Stiegler, reprenant les constats de Foucault, a nommé trois niveaux de mémoire
dont la rétention tertiaire correspond aux hypomnêmata. Les deux autres rétentions que
Stiegler distingue sont les primaires et secondaires, désignant respectivement la
conscience que nous avons de ce qui s’écoule, puis celle qui est formée de souvenirs
influant en retour les rétentions primaires. Mais l’essentiel, quant aux rétentions, se
situerait dans ce que Freud avait entrevu dans sa recherche de modélisation de l’appareil
psychique sous la forme du Wunderblock, ou bloc magique :
« Remarquons que la profondeur du bloc magique est à la fois une profondeur sans fond, un
renvoi infini, et une extériorité parfaitement superficielle : stratification [nous soulignons] de
surfaces dont le rapport à soi, le dedans, n’est que l’implication d’une autre surface aussi
exposée. »111
L’espacement aussi bien en surface qu’en profondeur qu’implique cette stratification —
espacement qui inclut en lui tout linéarisation temporelle, plutôt que d’y être soumis —
est bien ce à quoi se réfère le critique Georges Gusdorf, lorsqu’il souligne qu'un des
obstacles à la transcription du vécu intérieur, réside dans son caractère stratifié, alors que
le langage est purement linéaire. La vie intérieure, de son côté est souvent confuse et
simultanée.112
1. Écriture du journal intime (littérature vs cinématographie)
110
in FREUD (Sigmund), Résultat, idées, problèmes, tome II (1921-1938), Édition Presses Universitaires de
France (PUF), coll. « Bibliothèque de Psychanalyse », 1995.
111
in DERRIDA (Jacques), « La scène de l’écriture » in L’écriture et la différence, Paris, Édition du Seuil,
1967, p. 331. Nous ne retenons ici pour notre propos que cette « stratification », qui suffit à ébranler tout
primat d’une linéarité, sans aborder toutes les dimensions et implications de la scène d’écriture méditée par
Derrida.
112
in GUSDORF (Georges), Lignes de vie I. Les Écritures du moi, Paris, Édition Odile Jacob, 1991, p. 41.
67
Le journal intime, avant d’être un genre littéraire, est une écriture ordinaire à la portée de
tout un chacun : une pratique de vie qui consiste en la notation de traces datées d’une
personne, formant une série chronologique de notes. Nous pouvons aborder le sujet du
journal intime en tant qu’outil d’exploration du quotidien (d’après le sens étymologique,
diarium signifiant écriture par jour) pour noter les observations, les relire, capitaliser le
vécu : garder une mémoire pour soi-même ou pour les autres, une pensée qui se forme au
quotidien dans la succession des observations et des réflexions.
Le journal intime est caractérisé par un certain découpage temporel de l'existence du moi.
Comme son nom l'indique, il prend pour unité temporelle la journée du moi. Du même
coup, il offre nécessairement une figuration fragmentaire du moi, scandée par le silence
et le sommeil des nuits. De plus, les nécessités de la vie engendrent souvent des lacunes
dans l'écriture au fil des jours. Le journal intime ne prétend pas fournir une figuration de
soi intégrale et définitive. Il accompagne l'existence sans jamais pouvoir s'achever, si ce
n'est par la maladie ou la mort.
Dans le domaine littéraire, les études sont nombreuses sur les ouvrages qui contiennent
ces caractéristiques mentionnées. Les critiques littéraires essayent à naviguer entre un
genre littérairement reconnu et une pratique répandue.113 Une histoire et une évolution de
l’écriture de soi, et plus précisément du journal intime pourrait être éventuellement
établies en remontant de l’anonymat d’un prête français au début de XVème siècle114
jusqu’aux bloggeurs de nos jours. Mekas, en parlant des prédécesseurs littéraires du genre
de ses œuvres, cite dans ses films du 365 Day Project St. Augustin, Proust, Dostoïevski,
Kafka, Joyce, Max Frisch et, en raison d’une pratique quotidien de l’écriture, Dante,
Pétrarque, Pirandello, Balzac.
La pratique artistique de Mekas a beaucoup de points communs avec la pratique
d’écriture du journal intime. C’est la raison pour laquelle Adams P. Sitney a proposé
d’introduire la notion de journal filmé : une écriture audio-visuelle ou filmique du
journal. Dans l’écriture filmique de Mekas, la matière travaillée n’est pas la langue
113
SIMONET-TENANT (Françoise), Le journal intime : genre littéraire ou écriture ordinaire, avant-propos
de Philippe Lejeune, Paris, Tétraèdre, coll. « L'écriture de la vie », 2004.
114
Journal d’un bourgeois de Paris tenu par un prête anonyme de 1409 à 1431, puis continué par une autre
main jusqu’à 1449.
68
comme pour l’écriture, mais c’est l’archive des captures — nous rappelant que celles-ci
sont déjà formées au cours de l’enregistrement — de la vie quotidienne. C’est cela que
Stan Brakhage reconnaît comme mode archéologique du travail.115
L’écriture, dans un large sens, est « l’action de signifier une réalité matérielle ou
spirituelle au moyen de structures artistiques » selon la définition du dictionnaire du
Trésor de Langue Française. Dans la littérature, tout comme dans le cinéma, c’est une
manière personnelle de tracer les caractères, d’où résulte finalement un style personnel,
original.
L’opposition entre texte et image n’est cependant pas si marquée. Car d’une part nous
nous exprimons avec des images ancrées dans la langue. D’autre part la langue écrite
possède d’une image, une force visuelle aussi.
a. La démarche de l’écriture
« Notre journée, telle qu’elle revient à la conscience au moment où l’on écrit, est jaugée, triée,
acceptée, refusée et réévaluée par ce que l‘on est et en fonction de l’état où l’on est au moment où
on le met par écrit. Tout arrive de nouveau et ce que l’on met par écrit est plus vrai de ce qu’on est
au moment où l’on écrit, que des événements et émotions du jour qui sont passés et disparus.
Donc, je ne vois plus de si grandes différences entre journal écrit et journal filmé, du point de vue
du processus. »116
Mekas revendique l’analogie entre l’écriture du journal intime et son journal filmé,
mettant l’accent sur la réactivation de la mémoire et la sensation de vérité des souvenirs
renouvelés, transposés.
Le démarche propre à Mekas, comme nous l’avons vu, repose sur trois phases : celle de
l’enregistrement et son accumulation, celle du montage, et enfin celle de la diffusion via
le téléchargement sur le web. Au niveau de l’enregistrement, en prenant des notes
vidéographiques avec sa caméra, Mekas touche le champ de reportage du quotidien, un
travail journalier, documentaire ludique.
115
in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit.
116
in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit., p. 49.
69
Nous retrouvons plusieurs genres d’écrits parallèles au type du journal filmé, constituant
des enregistrements adéquats aux notes prises et datées : le carnet de bord ou le journal de
voyage. Ces notes les plus précises possibles, correspondant le plus à une état ressenti
comme réel, visent l’objectif d’une éventuelle relecture, consultation, ou analyse.
Cette analogie entre ces deux genres est autant plus intéressante dès lors que nous
reconnaissons des traits communs au voyage et à la vie, celle-ci étant appréhendée
justement comme voyage, comme fait d’être en chemin. Mais si le vécu est alors en soi
voyage, comment cela apparaît-il, par quel intermédiaire ?
b. Écriture filmique
Quand nous évoquons une écriture filmique par rapport à Mekas, il ne s’agit pas de
l’écriture de scénario. Par écriture, nous entendons ici la construction filmique de son
œuvre 365 Day Project. Cette construction est une sorte d’écriture, qui ne comprend pas
seulement des textes écrits (dans ce cas là des citations, des indications spatiotemporelles ou de l’étiquetage), mais dont l’ensemble des éléments forme en fait une
texture qui se compose et dépend de différents supports ou modes de perception :
« l’image, le son musical, le son phonétique des " paroles ", le bruit, le tracé graphique
des mentions écrits ».117
L’étude générale des systèmes de signes (intentionnels ou non) au sein de la vie sociale et
des systèmes de communication, depuis Ferdinand de Saussure et dans le domaine de la
du cinéma depuis Christian Metz, est désigné par la sémiologie.
Le langage cinématographique est « l’ensemble des codes et des sous-codes », tandis que
l’écriture filmique est « l’ensemble des systèmes textuels ».118
« Le cinéma, " langage souple ", langage " sans règles ", langage ouvert aux milles aspects
sensibles du monde, mais langage forgé dans l’acte même de l’invention de l’art singulière et,
pour ceci ou pour cela, lieu de la liberté l’incontrôlable ».119
117
in METZ (Christian), Langage et cinéma, Montrouge, Édition Larousse, collection « Langue et
langage », 1971, p. 10.
118
Ibid., p. 216.
119
Ibid.
70
Ce langage cinématographique surgit dans l’écriture filmique où les images dépendent du
cadrage, du plan, des champs et des contre-champs, de la lumière.
Sans renier de tels constituants du cinéma, Deleuze pour sa part en relativisera la
conception linguistique :
« Le cinéma n’est pas langue, universelle ou primitive, ni même langage. Il met à jour une
matière intelligible, qui est comme un présupposé, une condition, un corrélat nécessaire à
travers lequel le langage construit ses propres " objets " (unités et opérations signifiantes).
Mais ce corrélat, même inséparable, est spécifique : il consiste en mouvements et procès de
pensée (images prélinguistiques), et en points de vue pris sur ces mouvements et procès
(signes présignifiants). »120
C’est donc bien le concept d’écriture qui nous intéresse ici et doit intervenir, sans y
insérer par une trop rapide analogie quelque fonctionnement linguistique. De plus c’est à
cette écriture que se réfère Mekas lorsqu’il l’évalue comme dépendant toujours de la
situation qu’il vit, le moment même où il la vit. C’est dans un deuxième temps qu’il polit,
adoucit ses matériaux captés. Au final le tissu de ses films correspond à une logique
associative, il construit des fragments par rapprochements, à la fois fidèle au principe de
montage cinématographique mais tout en montrant le phénomène d’éclatement inhérent à
ce principe. Les échos — due à la forme, au sujet, à la coïncidence du lieu et des gens —
donne l’impression de déjà-vu, de déjà-entendu, dans cette grande quantité de courtsmétrages où les mémoires sur les films vus se mélangent avec des images du film que
nous sommes en train de visionner. Nous pouvons nous rappeler, grâce à la construction
de 365 Day Project, le jeu Memory dans lequel les joueurs — ici les spectateurs — se
forcent à retrouver des paires associées selon la règle de similitude des cartes — ici des
images, des films.
c. Cursivité
120
Deleuze (Gilles), , L’Image-Temps: Cinéma 2, Paris, Éditions de Minuit, 1983, p. 342.
71
Le concept développé par le réalisateur et théoricien du cinéma Alexandre Astruc, la
caméra stylo121 est l’interprétation du cinéma comme un moyen d'expression se suffisant
à lui-même, un langage à part entière, une matière
« […] dans laquelle et par laquelle l’artiste peut exprimer sa pensée, aussi abstrait soit-elle,
ou traduire ses obsession exactement comme il en est aujourd’hui de l’essai ou de roman »122.
« Toutes pensée, comme tout sentiment, est un rapport entre un être humain et un autre être
humain ou certain objets qui font partie de l’univers. C’est en explicitant ces rapports, en en
dessinant la trace tangible, que le cinéma peut se faire véritablement le lieu d’expression
d’une pensée. »123
Astruc parle d’un scénariste qui fait lui même ses films, et c’est là une pratique à laquelle
Mekas reste étranger, cependant le résultat s’avère également valable pour les films de
Mekas : il y est question, ici comme là, de l’abolition de la distinction entre auteur et
réalisateur.
La notion de caméra stylo
« […] cherche obscurément à jouer sur deux tableaux, et voudrait se donner à la fois,
par l’inclusion de tous les " arts ", un vaste champ de déploiement, et par allusion
privilégiée à la littérature qui y est sous-entendu, une allure de précision sélective en
même temps qu’une promotion de légitimité culturelle, dans la mesure où la
littérature (chez nous) est de tous les arts le plus reconnu et le plus noble. »124
d. Omniprésence du texte
Dans ce chapitre nous aborderons la notion du texte dans un sens très limité, suite de
signes linguistiques constituant un écrit.
121
in ASTRUC (Alexandre), op. cit.
122
Ibid.
123
Ibid.
124 in
METZ (Christian), op. cit., p. 200.
72
Chaque film dispose d‘un cartel sur le web — se situant au-dessous du film — qui
souligne la présence permanente des textes. Ces cartels ne donnent pas seulement le
contenu résumé du film mais le plus part du temps ils nomment ce qui est dans le film, ils
désigne le genre. L’étude des cartels nous informent sur les activités de Mekas (par
exemple dans le cas du film du 9 novembre : « Je cuisine, je dance, j’écris des
haïkus »125), sur les indications sur les circonstances, parfois les réflexions sur le film audessus. Finalement, les derniers films du mois reprennent ces cartels de l’extérieur des
films, figurant maintenant à l’intérieur de flux des images en mouvement : ils feront
partie intégrante de la série des films de 365 Day Project.
Quel rôle jouent-t-ils encore, dans cette série de notes et des haïkus visuels les textes,
intercalé aux images sous forme d’intertitres ou superposé sur images ? D’une part ce
sont des textes informatifs, explicatifs qui indiquent une date, un endroit, des
protagonistes, un événement (14 août), des répétition d’un message qui a été dit pendant
le film (25 octobre). D’autre part ce sont des poèmes ou les textes poétiques.
Par contre nous devons distinguer encore une présence différentes des textes, des textes
qui ont été captés, lus par la caméra : en silence (9 octobre) ou lu également en haute voix
(23 mai).
Sur le web, dans ce contexte technique particulier de l’œuvre, nous pouvons trouver
quelques caractéristiques innées que nous retrouvons aussi dans 365 Day Project.
Concernant la textualité, ce sont des métadonnées d’une base de données, textes courts à
dimension emblématique : les tags, les étiquettes. Les cartels, les sommaires mensuels,
les jeux de mots basés sur le support d’iPod (eye-pods, sit-pods dans la version
mekassienne) relèvent de cette fonction. Ainsi la cause de cette omniprésence des
textes est qu’ils servent à l’organisation des films : permet un tri préalable des choses, et
utilisés pour chercher dans un contenu et pour interconnecter les choses entre elles. Par
contre dans le tissu filmique de 365 Day Project, les textes ont un aspect primordial en
rapport avec des images pour éprouver l’existence dans le quotidien d’un langage
différent du langage visuel.
e. L’image sonore
125
« I cook, I dance, I write haïkus »
73
Cette notion devra désigner la réflexion sur le son, indissociable de la dimension visuelle
dans l’analyse de 365 Day Project : l’unité de chaque film est de nature audio-visuelle.
Relativement à ses anciens films, Mekas a déclaré que
« (…) le plus souvent, la nécessité d’utiliser une forme sonore vient de la
structure du film et non du contenu du séquence. »126
Dans le passé, l’utilisation de sa caméra Bolex impliquait un travail séparé de la bande
sonore, au cours du montage, car l’enregistrement visuel et sonore se déroulait
séparément. Cette influence technique a changé avec la vidéo où l’image visuelle est
également sonore — ou peut l’être, car l’artiste a désormais le choix. 365 Day
Project étant constitué d’enregistrements effectués à différentes époques de l’artiste, les
possibilités de forme d’expression, en regard de leurs conditions techniques respectives,
se révèlent ici très riches.
Dans cette œuvre le travail sur le son est remarquable, qu’il s’agisse du son non dissocié
de l’image (forme gardée directement lors de la capture de la vie de Mekas, où le son fait
partie intégrante), ou bien du son qui en est dissocié (l’image et le son ont été associés au
cours du montage).
Le rôle des paroles est essentiel dans cette série de récits, dans ces films narratifs où un
des objectifs est la compréhension du contenu.
La voix humaine est présent encore sous la forme du chant : dans les tubes à la mode de
la radio ou au cours des concerts, des jam sessions. Cette voix porte également un
message en regard du contenu, même si la mélodie, le rythme nous transporte dans le
monde spécifiquement musical. Mekas joue de la musique, écoute la musique, mais la
présence de sa voix, plus précisément de son rire (dans le film du 24 janvier par exemple)
est une voix critique sur les événements.
Le son a pour rôle de créer une ambiance et du rythme, là encore soit dans sa prise
directe, soit dans son association ultérieure au cours du montage. Parfois le son
126
in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit., p. 68.
74
correspondant à un plan se laisse entendre avant même que l’image n’arrive, parfois il se
prolonge lorsque l’image qui lui correspond a disparu.
2. Les liens entre plastique, cinématographie, numérique
« En égard à l’extension de la plastique à l’ensemble des arts, dans l’orbe néoplasticiste
notamment, nul doute que le cinéma puisse ou doive être convoqué ; et, mieux encore, en
égard à l’extension de la plasticité à l’ensemble des aspects de l’être humain, matériels
comme mentaux ou comportementaux. Si l’on prend le concept de plasticité en ce sens le
plus riche, celui qui à la fois dépasse et inclut les autres, il ne s’agit donc ni de se demander si
le cinéma a des relations avec les (autres) arts, ni s’il en a subit l’influence formelle ou
thématique, ni de décider qu’il appartient aux arts plastiques dans l’optique d’une
classification des arts. La question que l’on se pose est de savoir si le cinéma est un art
plastique, en tenant " art plastique " pour syntagme figé et en accordant à " plastique "
127
le
maximum d’intensité sémantique. On formule mieux encore cette question en demandant si
le concept de plasticité permet de rendre raison du cinéma. »128
Le cinéma en tant que modelage des formes résume leur formation, leur présence et leur
devenir puisque, reprenant la formulation d’Epstein, il « représente le monde dans sa
mobilité continue » que la pensée active. Si ainsi nous nous mettons d’accord sur le fait
que le flux filmique est la plasticité en acte, nous révélons la première particularité du
cinéma à l’égard de plasticité. Au cinéma les formes vibrent, se déplacent, se
transforment : elles ne se figent pas. Dominique Château le formule de la manière
suivante :
« En peinture ou en sculpture, il y a comme dit Louis Marin, des " effets de présence " ; au
cinéma, il y a fondamentalement, une présence de l’effet. »129
127
Étymologie révélée dans la Trésor de la langue française : emprunté au latin plasticus, -a, -um «relatif au
modelage» et subst. fém. plastica, -ae «art du modelage», du gr. πλαστικός «malléable, qui sert à modeler,
propre au modelage, relatif au modelage» et subst. πλαστική «l'art de reproduire ou créer des formes».
128
CHATEAU (Dominique), Philosophie d’un art moderne : le cinéma, Paris, Édition L’Harmattan, coll.
« Champs visuels », 2009, p. 135.
129
Ibid. p. 142.
75
La deuxième particularité, au même titre que la plasticité, se rattache au modelage des
idées, à l’analogie entre le processus de transmutation matérielle et les processus
intellectuels.
Le cinéma et sa plasticité, comme toutes les branches de l’art, ont été impactées, voire
contaminées par le numérique. Les arts plastiques, photographie, musique, poésie,
littérature connaissent également ce mouvement vers le virtuel multisupport et
protéiforme.
a. Le collage et le montage
« […] mes journaux écrits sont souvent des fragments de ce à quoi j’ai assisté. Une sorte de
collage d’observation et d’images. »130
L’analogie que Mekas établit entre ses journaux écrits et les collages mentaux évoqués,
ne pourrait-elle pas être valable cette fois entre ses journaux filmés de 365 Day Project et
des collages artistiques ? Dans ces derniers, le travail est caractérisé par une
« animation élective, qui exclu toute élaboration préalable, décide seule, par le truchement
qui se trouve littéralement sous la main, de la venu d’un corps ou d’une tête »131.
Ce n’est pas l’action de coller et de couper qui est déterminante. Cette affirmation est
exprimée de la façon suivante par Max Ernst :
« Si ce sont des plumes qui font le plumage, ce n’est pas la colle qui fait le collage. »132
L’unité initiale est l’image mais, tandis que la logique du montage d’un film est basée sur
la succession linéaire des images, celle du collage concerne essentiellement un champ de
superposition. Nous révélons ici la cause, pour laquelle la première logique, relativement
130
in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit., p. 63.
131
citation de Breton in TAYLOR (Brandon), Collage. L’invention des avant-gardes, Édition Hazan, 2005,
p. 69.
132
ERNST (Max), « Œuvre de 1919 à 1936, Au-delà de la peinture », in : Cahier d’arts, Paris, 1937, p. 31.
76
à une règle optique, forme des mouvements, alors que la seconde demeure statique. Mais
dans les films de 365 Day Project, à la linéarité, disons horizontale, s’ajoute encore un
axe supplémentaire, celui des associations, des réflexions, des pensées non linéaire —
axe qui reprend la logique des collages.
Les caractéristiques qui relient ces associations aux matériaux sont le sens réel, la
personnalité de choix, et la soudaineté de ce même choix.
En regard du principe d’enregistrement dans la pratique artistique de Mekas, qui est celui
du plan-séquence, nous pourrions considérer l’unité de base d’un film dans les plans, et
non pas au niveau de l’image. Ce sont ces fragments que le cinéaste réunit ensemble au
cours du montage : il sélectionne des parties, distantes ou non dans l’enregistrement, puis,
après avoir écarté les parties non sélectionnées, il rassemble et colle ensemble les
premières.
La méthode appliquée dans ces films s’inscrit dans un monde numérique dépendant d’un
support numérique. Depuis l’évolution de la technique, les collages non plus ne se font
plus seulement manuellement, mais à l’aide d’une transmission sur ordinateur. C’est sur
cet ordinateur que les enregistrements, transmis sur un différent support, sont gérés,
travaillés.
Au cours des films de 365 Day Project, sont évoqués trois artistes dont la construction
artistiques nous intéresse de près : Joseph Cornell133 et Peter Beard134 de la scène newyorkaise et Jean-Jacques Lebel à Paris.
En élargissant l’éventail des significations du collage, c’est-à-dire en considérant son
principe comme technique radicale et ouverte des arts d’assemblages, les montages de
Joseph Cornell incluent les formes d’art composite et les modes de juxtaposition.
Le journal intime en collage de Peter Beard qu’il a édité en 1993135, s’appuie sur la même
technique évoquée, mais il l’associe avec la pratique du journal.
Jean-Jacques Lebel avec ses collages précoces, son Monument à Félix Guattari, ou
encore son exposition de 2009 à Paris136, juxtapose des éléments de même nature au
même niveau.
133
Ses films expérimentaux repose dans l’archive de l’Anthology Film Archive.
134
Cousin de Jerome Hill.
135
BEARD (Peter), Diary, Édition OBI, 1993.
77
b. Fragmentation
La structure de 365 Day Project — reposant sur une construction fragmentaire, des
fragments s’ajoutant à des fragments — nous renvoie à la question de savoir quelle est
l’unité d’un fragment de l’œuvre ? Comment dé-limiter cette unité ? Où trouver d’une
part l’origine, son commencement ? Où rencontrer d’autre part sa fin, son achèvement ?
Autrement dit dans quel ensemble, dans quelle totalité reconnaissable ces morceaux
s’inscrivent-ils ? Est-ce que, selon une approche globale, les fragments sont
interchangeables, réductibles, développables ? Ces questions se posent en réalité dans le
principe constructif et structurel même du collage. Elles se posent également avec tous
les genres qui tentent de retracer l’empirie par des bribes, par des fragments, et qui
reposent sur l’idée d’enchaînement, de série.
Pour la définition du fragment même, il faut reconnaître que notre analyse porte sur une
œuvre dont nous possédons aujourd’hui la totalité des composants, mais qui en fait a été
diffusé en tant que work in progress : les fragments n’étaient découverts qu’au fur et à
mesure.
De son côté, Mekas travail sur les bribes de sa vie qu’il enregistre, comme nous l’avons
vu dans la première partie de notre étude. Des paroles, des conversations, qu’il captent en
grand nombre puis intègre dans le tissu de 365 Day Project, sont elles-mêmes des éclats
d’un ensemble bien plus grand — un ensemble qui est à la fois de connaissances, de
relations, d’affections, de pensées, autant chez Mekas lui-même que chez ses autres
protagonistes. Ces bribes du film sont des empreintes de la vie entière de l’artiste.
Si nous examinons la segmentation dans l’histoire du cinéma, nous voyons une
fragmentation due à la séparation des parties de l'œuvre, œuvre qui ne peut plus être
considérée comme une totalité organique, mais comme un montage et comme un
appareillage. Le cinéma comme l'art de la coupure du temps montre un monde, du monde
brisé dans sa matière et dans son événement historique.
Au niveau de la forme éphéméride de l’œuvre 365 Day Project, il est important de noter
qu’elle ne favorise pas seulement la construction fragmentaire mais elle détermine aussi
un certain cadre de l’œuvre. Dès le début du travail sur l’œuvre, Mekas s’était donné des
136
Soulèvement, à la Maison Rouge à Paris, 25 octobre — 17 janvier 2010.
78
contraintes relativement précises : concernant la durée des films (ils ne peuvent pas
dépasser 20 minutes), le téléchargements des films (chaque jours il met un film en ligne,
correspondant du jour même), la durée du projet (à partir du 1 janvier 2007 au 31
décembre 2007).
Mais dès après avoir étudié la forme web de diffusion, et la structure en éphéméride qui
l’accompagne, nous poserons l’hypothèse de savoir si l’unité étalon n’est pas plutôt
photographique que filmique, si elle ne procède pas de l’image statique plutôt que de
celle en mouvement : c’est en effet la mosaïque des photogrammes du mois qui offre le
premier accès à l’œuvre, la première porte vers les films. Porte ou entrée — qui reprend
ici la notion de portail web : lieu ou seuil par lequel d’une part on accède à du contenu,
mais d’autre part auquel on revient, une fois le contenu consulté, pour initier une autre
nouvelle entrée dans l’œuvre. Ce n’est qu’ensuite que le film isolé, préalablement choisi
par le lecteur-spectateur, apparaît seul sur la page web.
3. Journal filmé
Mekas dans ses journaux filmés intègre plusieurs genres qui suivent le principe consistant
à garder en mémoire un certain déroulement de l’empirie à l’aide de son inscription sur
un support.
Dans les cartels qui se situent au-dessous de chaque film et dans les intertitres, sous-titres
des films, l’artiste précise/nomme ces genres ouverts, catégories : épisode, fragment,
déclaration, poème, poésie, leçon, mémoire, réminiscence, bribes, hommage à, rencontre,
visite, guide, conversation, discussion, réunion, show, blague, expérience journalière,
anecdote, histoire, histoire d’amour, récit, référence, requiem, carte postale,
enregistrements, conte de fée, achèvement, ballade, chanson, concert, jam session,
impresario, pensées, toast, description, improvisation, brise, chapitre, aventure,
performance, exercice, aperçu, segment, saga, scène, notes, sketch, bataille, jeu,
rumination, rajeunissement, eye-pod/sit-pod.
Cette grande quantité de genres, bien que différenciés — c’est bien pour cela qu’ils
portent des noms différents — interroge autant les analogies voire une seule et profonde
79
analogie qu’ils entretiennent entre eux, que la possibilité d’une inscription commune dans
un complexe plus large, qui les déborderait chacun.
a. Film(s) constitué(s) des bribes
Les bribes de film, dans de nombreux cas, appartiennent à un bloc plus grand. Les leçons
sont des blocs de ce type137, tout comme les genres mentionnés plus haut par Mekas luimême. Nous pourrions encore ajouter des confessions, remontrances, essais, mais dans
tous les cas notre énumération contiendrait des formes qui sont essentiellement
fragmentaires et qui participent toutes, dans leur accumulation, de la genèse d’un recueil
démesuré, celui de 365 Day Project.
L’art de Mekas, tel qu’il est imprimé dans cette œuvre, est l’art de donner : l’artiste se
donne voix en passant par la voie de la parole, du montage du film. C’est une œuvre de
réflexion débattant de multiples sujets, survenus par hasard dans le cours de la vie, et qui
sont médités selon un point de vue d’auteur. Mekas laisse certes passer des choses — la
rétention qu’il travaille est indissociable d’une certaine perte — mais en même temps les
maitrise. Ainsi ce qui lui arrive se transforme, par son art, en une histoire qu’il partage.
Ce qu’il vit est pour lui occasion, en raison de l’exemple au sens fort que constitue
chaque expérience, de donner naissance à des leçons, comme nous l’avons vu plus haut.
Le récit se fait chez lui soit déjà directement dans la présentation d’une expérience qu’il a
captée (concert, scène théâtrale, conférence, discussion), soit par narration (commentaire
oral et/ou visuel), soit par la rencontre des plans, établie au cours du montage (association
des images basé sur le contenu).
Mekas présente la scène de sa vie pour tous ses amis, toutes les personnes qu’il croise, en
vue de révéler, d’ouvrir les arrières mondes qu’ils possèdent, qu’ils portent (leur vécu,
leur passé réactivé par la rencontre au présent). Dans les films de 365 Day Project,
Mekas donne des représentations diverses de certaines valeurs morales, des points de vue,
137
Le 4 janvier (comment préparer une boisson classique, brésilienne), le 15 janvier (à Sébastian comment
apprécier/aimer un cigare), le 24 janvier (sur yoga), le 26 janvier (comment faire et servir l’Omelette de la
mère Poulard), le 10 février (sur musique et Confucius), le 2 avril (sur art), le 8 mai (sur le danse country),
le 1 juin (sur le cinéma), le 3 juin (sur comment se débarrasser du mal de tête), le 15 juin (sur le café
japonais), le 14 septembre (sur l’art de servir fromage).
80
qui, parce qu’ils sont exprimé voire adressés par l’auteur, enjoignent les spectateurs à
penser, à les réfléchir : c’est vers ce partage-ci que tend le fait de donner à voir les
éléments dont sa vie se compose — la donnant en fait à voir dans sa recomposition
filmique.
Nous reconnaissons deux pratiques de réflexion dans le travail de Mekas consistant à
rendre public des éclats de sa vie et dans le fait de les recueillir au sein d’une plus grande
forme, celle, calendaire, de tout le projet. Il y a d’une part entre artiste et spectateur une
dimension pour ainsi dire mythique, au sens étymologique du terme : représentation de
certaines valeurs humaines par la composition d’un récit qui nous conduit à penser.
D’autre part, concernant les liens entre les différentes parties de l’œuvre, il y a une
dimension cultuelle, ou encore rituelle en regard du traitement du temps : les choses se
reproduisent à l’intervalle régulier, elles ne se répètent pas mais elles recommencent.
b. Le lyrisme
Parmi les genres poétique nous avons mentionné les haïkus, rappelés par la forme dense
et fragmentaire, mais il nous semble important de démontrer également un parallèle entre
la poésie bucolique et le recueil de films de 365 Day Project.
L’amour et la célébration de la vie présentés dans les films de Mekas comme sujet de
l’œuvre rejoignent l’objectif des églogues, des pastorales : présenter la vie idyllique des
champêtres. Cet aspect de la vie quotidienne dans le cinéma de Mekas apparaît en tant
qu’opposition entre la vie métropolitaine et sa propre vie. Dans plusieurs films de
l’œuvre, Mekas se rappelle sa vie pure en tant que farmer ; et ce rappel transparaît alors
sous la forme de l’idylle nostalgique.
c. Forme calendaire
Tous les fragments du 365 Day Project sont disposés sous la forme d’un schéma
calendaire.
Nous pouvons d’abord remarquer que ce schéma redouble, de manière fractale, la
structure sérielle propre à chaque film : si chaque film est une série de plan, le calendrier
progresse comme une série de films. Les lignes de l’ensemble, qui est en fait un tableau,
reprennent schématiquement les photogrammes de la pellicule cinématographiques, et
81
poursuivant sur cette métaphore, elles en montrent précisément l’aspect discontinu, brisé.
Dans cette idée, la succession des films sur le fil de l’année, sur ce fil formé par les lignes
en pointillé du tableau — chaque point étant un film — parvient à exprimer la dimension
parcellaire du fil entier de la vie, du moins de la trace discontinue et partielle que Mekas
sait fort bien seulement retenir. Les éclats des films, sur la forme du calendrier, et les
éclats des plans au sein de chaque film se font mutuellement écho.
Le tableau calendaire, en tant que schéma, est par définition une forme. Nous entendons
par là qu’il rassemble des éléments visuels ou graphiques épars en une certaine unité, qui
est en l’occurrence construite par alignement, de ligne, de colonnes. En informatique,
cela porte même le nom de matrice. Plutôt que de parler d’unité, il suffit de reconnaître
que le schéma dessine une agrégation, une constellation reconnaissable, et dans le cas de
ce projet, extensible. Ces aspects ont pour effet de construire virtuellement une sorte
d’enveloppe138 transparente, réunissant en elle les éléments que sont les films de chaque
jour. Aussi la forme calendaire retrace-t-elle un fil, une succession, une série temporelle,
mais elle officie en même temps comme contenant, comme un espace relativement
délimité, par simple accrétion de ses éléments.
Cette forme est devenue, depuis les développements du réseau internet et des multiples
interfaces que sont les pages web, extrêmement triviale, banale : quel site, quel blog,
quelle interface ne présente-t-elle pas, dans la mise en page, ces petits tableaux calendaire
pour accéder à leur contenus archivés ? En s’appropriant cette forme fonctionnelle,
l’œuvre du 365 Day Project, la conduit à une portée esthétique et signifiante — en un
mot, allégorique. Car en tant qu’à la fois fil et contenant, et eu égard aux thématiques
présentes dans les films singuliers qui la composent, c’est la question du temps, mais du
temps nu de l’existence et même celui plus nu encore des cycles cosmiques que l’œuvre
nous fait rendre sensible. Autant le temps, par les mouvements qui l’épousent, est-il le
matériau du cinématographe, autant Mekas prolonge cette matérialité, cette sensibilité
jusque dans la présentation sérielle, nous disions également extensible, du calendrier.
138
Si l’on rappelle qu’en anglais, le terme d’enveloppe est traduit par pod, nous pouvons rapprocher cet
effet d’enveloppe que produit la forme calendaire avec l’intention initiale du projet qui était de réaliser des
films en vue de les diffuser sur le support de type iPod.
82
Pour reprendre la distinction chère à Deleuze, le temps du 365 Day Project n’est pas
seulement Chronos, celui de la succession effective des films quotidiennement diffusé sur
le fil de la vie de l’artiste — c’est aussi et peut-être surtout Aion, qui déborde, traverse et
embrasse cette succession, ce fil vivant.
83
II.)
L’éphéméride sur le web
Le web en tant que technique particulière, qui a ses propres spécificités, représente une
nouvelle étape dans la création artistique de Jonas Mekas. Il n’est pas tout simplement un
support de 365 Day Project, mais en générant des nouveaux fonctionnalités aux niveaux
de l’adresse, de l’esthétique, de la perception du temps et de l’espace, du rapport entre
sphère publique et sphère privée, du quotidien et même du contenu, du symbolique et de
la signification — il détermine, en grande partie, l’œuvre et sa portée.
Les différentes étapes techniques connues dans la production artistique de Mekas sont
très importantes justement en raison des changements qu’elles produisent. Nous avons
étudié plus haut les différences entre la photographie, le film et la vidéo. Maintenant nous
consacrons cette dernière partie du mémoire à l’étude de cette nouvelle technique, le web,
et de son influence tant sur le contenu que sur la forme de l’œuvre.
Par suite, étant donné que cette œuvre était censée être téléchargeable depuis internet sur
des iPods, nous devrons aborder également les aspects de ce support mobile.
Les caractéristiques du web nous conduirons aux points d’analyse de l’œuvre de Mekas.
L’une des premières spécificités d’internet, réseau informatique mondial, est qu’il
constitue un ensemble de réseaux qui coopèrent dans le but d'offrir une interface unique à
leurs utilisateurs.
Les films de 365 Day Project sont dans un contexte de superposition par rapport à cette
interface. Selon le principe du cinéma, le fond de l’image est toujours déjà une image.
Cette règle repose sur le fonctionnement du regard humain grâce à laquelle l’image en
mouvement peut potentiellement naître. Avec l’apparition de l’interface informatique des
ordinateurs personnels, toute image glisse sur autre image. Le cinéma lui ressemble sur
ce point, cependant tandis que ce médium possède par principe une continuité et unité
dans le mouvement, l’espace numérique ne connaît une telle continuité et une telle unité
que dans le cas d’un affichage en plein écran d’un film sur ce support : elles deviennent
un cas particulier d’un mode d’apparition plus étendu. Sur un écran d’ordinateur, nous
avons la possibilité d’ouvrir autant de fenêtres qu’on le désire, qui servent en tant que
84
cadres stables de leurs contenus, ces derniers pouvant être, visuels ou textuels, aussi bien
dynamiques que statiques. Cette superposition ne cesse de prévaloir dans l’espace virtuel
du web. La distinction entre ce qu’il y a à voir et/ou à entendre et ce qui forme l’arrièreplan éventuel, n’est plus évidente. Nous sommes dans un perpétuel changement avec des
fragments d’expérience. Cet effet correspond d’une part à la perception deleuzienne des
images en mouvement, d’autre part à la perception dostoïevskienne du déroulement de
vie en tant qu’enchaînement d’éclats d’expérience — et au final à la forme et en partie au
contenu de l’œuvre mekassienne.
La deuxième caractéristique du web est son ambition de relier entre eux tous les
ordinateurs du monde. C'est l'alliance de l'informatique et des télécommunications : la
télématique au véritable sens du terme. Il est un système mondial de partage et d'échange
de documents électroniques : textes, fichiers, images, sons et séquences audiovisuelles.
Les documents multimédias sont reliés entre eux par des hypertextes. Quant aux
informations du réseau, elles sont accessibles à partir du « lieu » appelé site Internet,
auquel nous accédons grâce à un logiciel spécifique : un navigateur.
Dans le cas de 365 Day Project, le site portait le nom de Mekas et se trouvait initialement
sur le serveur de son ancienne galerie new-yorkaise, la Stendhal Gallery
(www.jonasmekas.com). Après qu’une séparation ait eu lieu en 2009 entre lui et sa
galerie, Mekas a déménagé ces œuvres sur un site personnel, construit dans l’urgence
(www.jonasmekasfilms.com). La création de ce site signifie que l’artiste a ressenti la
nécessité de conserver sa présence sur le web. Nous n’avons qu’à saisir le nom de son
site, ou bien son nom, et tout moteur de recherche le trouve, c’est-à-dire que la présence
virtuelle coïncide à un espace virtuel. Mais en allant plus loin, dans le cas de Mekas,
pouvons-nous considérer qu’il s’agit d’une image virtuelle, d’une identité numérique et
son propre branding ? Comment le contrôle-t-il ? Peut-t-on parler d’un cercle vicieux dû
au prolongement de la vie numérique sur le réel ?
Ou bien l’intérêt se situe-t-il pour lui aussi dans une approche télématique, puisant dans
la possibilité d’archivage permise par les fonctionnalités de base de données du web, et
en même temps dans la possibilité du partage de cette archive ?
La rapidité de la technique (upload des films chaque jour pendant toute l’année 2007) ne
bouscule-t-elle pas la frontière entre temps réel et temps virtuel, entre réel et fiction ?
85
Dans quelle mesure ce milieu technique change-t-il le quotidien de l’artiste et comment
ce changement opère-t-il dans l’œuvre plus précise du 365 Day Project ?
1. Type d’énonciation, postures, positions
Nous savons bien — la littérature nous l’a constamment rappelé — que l’identité de
l’auteur et celle de son personnage/double dans l’œuvre ne se recoupent pas, ni
entièrement, ni systématiquement. Dans la tradition littéraire plusieurs types
d’énonciation, postures d’auteur, sont connus, et peuvent ici nous aider à déterminer
comment Mekas se positionne dans 365 Day Project. Nous devons graviter, au cours de
notre étude, non seulement autour des textes écrits et de la parole, des rapports entre
émetteur, destinataire et circonstances temporelles et spatiales, mais également autour du
langage audiovisuel utilisé par Mekas dans le contexte du web.
Mekas édite ses différents segments de soi dans les films en ligne de 365 Day Project. Il
parle de cet effet, qui a été également examiné par Nietzsche, dans son autoportrait du 24
décembre. Quant à Nietzsche, il dit que
« Nous sommes absolument incapables de ressentir l'unité, l'unicité du moi, nous sommes
toujours au milieu d'une pluralité. Nous sommes scindés et nous nous scindons
continuellement. »139
Mekas est à la fois acteur et spectateur émancipé de sa propre histoire, protagoniste,
chroniqueur, citateur, témoin, immigré, ami, cinéaste (le 4 janvier, filmmaker’s drink),
voyageur, ou même voyageur cinéaste (28 septembre, « That is my life, the travelling
filmmaker. »), le toujours jeune (7, 8 janvier), le sauveur des films (11 janvier), père,
poète (18 janvier, Mekas cite Basho : « un poète doit se discipliner chaque jour »140),
écrivain (20 janvier) et ainsi de suite. Un soi changeant ou pluriel ne peut être désigné
que par une figuration elle-même multiple, voire interminable.
139
140
Cité par GUSDORF (Georges), op. cit., p. 32.
« A poet needs to discipline himself every day ». Dans le contexte de ce film la citation pourrait
renvoyer au travail de Mekas à l’Anthology, à la création de 365 Day Project, à la pratique de Mekas en
tant que poète.
86
Le point essentiel se situe dans le fait que l’artiste (se) raconte, au moyen d’images et de
sons. Le fait qu’il capte des scènes de la vie laisserait entendre qu’il ne s’agit que d’un
document mais sa démarche est en réalité différente. C’est par élimination qu’il travaille
d’abord, et cette soustraction, cette occultation constitue déjà une sorte de commentaire
— en tant que renvoyant à, et repoussant à la fois ce qui est passé sous silence. Puis il
annote les notes qu’il a choisi de conserver. Ainsi l’histoire que Mekas raconte, à l’aide
des multiples outils (confrontation d’un récit avec des images, d’une musique avec une
situation empirique, d’un texte avec l’image ou avec le son), est basée sur de nombreuses
autres histoires.
Prenons le film daté du 20 janvier. Nous pourrions distinguer essentiellement trois
couches de l’histoire racontée par Mekas, qui nuancent son rôle dans chacune de ces
parties. La première partie introduit la deuxième, tout en désignant un côté différent de la
posture cinéaste de Mekas, celle de l’écrivain (des anecdotes). Le propos, l’anecdote
principale, celle de la barbe d’Allen Ginsberg, puise dans la deuxième partie. Et
finalement dans la troisième, il ne fait que conclure le film en exposant sa raison d’être, le
partage d’un fragment de vie de Mekas rappelé à l’aide d’un document retrouvé : la boîte
dans laquelle, depuis 1965, la barbe, coupée par Barbara Rubin, repose. Cette troisième
partie nous montre l’activité d’archiviste, d’archéologue de Mekas.
Au cours de ce récit (en linguistique il s’agirait de l’énoncé ancré dans la situation
d’énonciation) Mekas, premièrement en tant que narrateur (mais pas omniscient), est
dans sa cuisine, chez lui. Mais sa cuisine artistique n’est que sa propre vie, sa véritable
cuisine, pourrions-nous dire. De plus, ce qu’il raconte, sa vie exprimé par l’emploi du je,
n’acquiert quelque sens qu’en étant en rapport avec tu, vous, les spectateurs, les amis.
C’est-à-dire que la situation n’est d’autre qu’une situation d’énonciation, tendue en même
temps dans un geste d’adresse.
a. À la troisième personne
Le procédé consistant à emprunter la troisième personne, dans l’énoncé, afin s’éloigner
d’une trop grande subjectivation inhérente au je, remonte en littérature à longtemps. Dans
le film du 30 janvier Mekas emploi ce il, en racontant trois histoires au cours d’un des
87
concerts qui se déroulent dans le bar new-yorkais Zebulon. Le premier de ces récits se
trouve d’ailleurs dans son journal intime, dans Je n’avais nulle part où aller.141
Dans la bande sonore nous entendons sa voix qui dit :
« Maintenant je vais vous raconter un conte de fée. Il était une fois un homme… »
Nous interrogeons d’emblée : parle-t-il ici de lui-même, l’homme en question, est-ce lui ?
Ce qui est proposé par l’artiste dans le film est en fait plus complexe : il faut prêter
attention non seulement à la parole mais aussi aux photographies captées en vidéo qui
défilent pendant ces paroles. Si nous considérons l’image et parole comme faisant partie
d’une unité, les photographies sur Mekas chronologiquement montrées correspondent à
l’histoire qu’il raconte en même temps, c’est-à-dire à sa propre vie. Suivant la même
logique, l’image sur Israël du journal correspond à l’anecdote qui l’accompagne, qui ne
parle plus de la vie de Mekas.
« Relater mon expérience passée à la troisième personne n’est donc pas un effet prémédité,
mais répond au sentiment d’être déjà étranger à ce que je raconte. (…) Là, l’enregistrement
de l’événement peut être fait par moi ou par quelqu’un prenant part à la situation. Une fois le
film terminé, le " métrage " tourné par autrui se fond dans celui que j’ai moi-même cadré. Ce
procédé me paraît normal, même naturel. Il enrichit la relation qui a eu lieu entre une
situation et la caméra. »142
Quant au monde virtuel des jeux de vidéo la perception de soi se plaçait initialement à la
troisième personne : la caméra était placée derrière le personnage correspondant à un moi
virtuel, un avatar. Autrement dit, les joueurs vivaient et faisaient tout à la troisième
personne, avant que la technologie ne permette d’avoir une vue subjective, à la première
personne. Nous ne saurons jamais ce que cela donnerait dans la vie quotidienne si nous
avions la possibilité d’une vue arrière ou en plongée143. Mais avec l’évolution des jeux
141
MEKAS (Jonas), Je n’avais nulle part où aller, Paris, Édition P.O.L., 2004.
142
L’entretien avec Hopi, in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit,, p. 62.
143
Seul peut-être le film Film de Samuel Beckett a tenté de répondre à cette question.
88
numériques, et l’apparition d’un avatar avec lequel on s’identifie subjectivement et
perceptivement, cette question est passée dans l’oubli.
b. À la première personne
Le je de l'énonciation est une figuration de l'instance productrice du discours en même
temps que de l'instance dont on parle – ou je de l'énoncé. Ainsi, lorsque je dis « Je suis né
en Lituanie », je désigne à la fois celui qui profère cette parole et celui dont il est
question, moi, dont on précise le passé. La première personne du singulier est en général
la personne par laquelle nous donnons une image de soi-même parfaitement unifiée.
L’étude du genre de l'autofiction144 est nécessaire dans le cadre de l’œuvre mekassienne
en tant qu’une figuration de soi confine à la fiction. Lorsqu'un moi fabule sa propre
existence, il modifie les circonstances et les événements de son existence, dans le cas de
Mekas, par élimination, sélection. Dans ce genre — ce qui n’est pas le cas chez Mekas —
le moi se projette dans des personnages imaginaires qui sont des prolongements plus ou
moins proches de lui.
« Fiction d'événements et de faits strictement réels, si l'on veut, autofiction, d'avoir confié le
langage d'une aventure à l'aventure du langage. »145
Dans l'autofiction, le je se figure comme une instance énonciative quasi-fictive. Mais la
plupart du temps, comme chez Mekas, l'autofiction vise par ce détour à une plus grande
authenticité, et une vérité du moi.
La caractéristique de la parole, de la langue, est qu’elles impliquent la précision des
rapports personnels tandis que ce n’est pas le cas des images, sauf si elles coïncident avec
144
Le terme de Serge Doubrovsky recouvre des genres de discours assez différents : les romans à
coloration autobiographique (du type La Recherche du temps perdu où Proust gomme l'existence de son
frère, rebaptise les lieux de son enfance et condense les figures de sa mère et de sa grand-mère), les
autobiographies problématiques (comme W ou le souvenir d'enfance de Georges Perec, qui, pour essayer
de reconstituer le secret de l'enfance, mêle des souvenirs incertains et un récit fictif, allégorique de ce que
dissimulent les lacunes de la mémoire).
145
http://www.autofiction.org/index.php?post/2008/10/13/Rubrique-a-venir
89
la bande sonore. Dans le film du 5 janvier, au sujet des choses dites, chantées, Mekas
répète ces deux phrases :
« Je laisse tout passer. Je ne garde que l’amour, l’amour aussi pur que le ciel. »
Et en même temps, comme la scène a été enregistrée et gardée avec le son original, les
image et le son créent une unité. Ce film pourrait être le contre-point de celui du 30
janvier, mentionné plus haut, où il raconte trois histoires en employant la troisième
personne.
L’évocation du moi apparaît dès les tout premiers films de 365 Day Project, la première
fois dans celui du 7 janvier. Au début du film nous voyons la dédicace de Mekas dans
laquelle il souhaite un bon anniversaire à son ami Ben :
« Cher Ben,
bon 27ème anniversaire ! Reste à cet âge pour toujours, tout comme moi !
Jonas »
Par la suite une jam session commence, où l’artiste en chantant répète l’âge de son ami
Ben Northover, 27 ans, un âge et une jeunesse — en tant qu’âge mental — que
s’approprie et s’attribue Mekas dans un autre film. C’est de cet âge mental dont Suzanne
Sontag parlera et s’entretiendra dans le film suivant (celui de 8 janvier).
Pour marquer la frontière fragile de l’énonciation sans parole entre je et il, nous n’avons
qu’à nous arrêter sur le film du 10 janvier. Concernant les images en mouvement, la
possibilité de désigner un regard personnel, de créer une identité, dépend des prises de
vue. Supposons d’abord que le je, dans le cas de Mekas, est perceptible par le biais du fait
que c’est l’artiste qui tient la caméra et qu’il enregistre une vue dite subjective. Mais que
se passe-t-il lorsque ce n’est pas lui qui filme ? Et s’il laisse la caméra fixe ? S’il tourne la
caméra fixe vers lui-même? Et plus précisément s’il tourne la caméra vers lui-même en la
gardant dans ses mains ?
Dans le cas du film du 10 janvier, la caméra est d’abord fixe et neutre. Nous ne
connaissons pas encore la personne qui filme, et dans le premier plan il n’y a qu’une
90
fenêtre à travers de laquelle nous voyons la pluie tomber. Après une coupe, notre regard
tombe sur un deuxième plan fixe, dans lequel Mekas apparaît assis à côté de sa table,
buvant son verre de vin blanc et regardant vers la fenêtre. Puis sur le même plan, il se
lève et prend la caméra pour qu’il puisse effectuer ensuite une autre prise de vue, dans
laquelle il est cette fois devant la fenêtre, regardant au dehors, nous donnant ainsi à voir
ensemble l’artiste et la fenêtre. Puis une nouvelle coupe survient, un intertexte sous forme
de poème apparaît. Une autre coupe nous ramène plus loin au plan initial.
Prenons les conséquences de ce film sans parole. L’introduction du je, le point de
renversement du film est lorsque Mekas prend la caméra et la fixe pour montrer une vue
personnel. Ici sa vue et la vue de caméra ne coïncident pas, car celui de caméra a un
champs plus large. Jusque là, dans le film, tout était perçu objectivement. Et l’envie de
fixer le regard sur soi, qui survient alors, ne parvient pas à la subjectivité totale. Les
pensées, évoqué dans l’intertexte ne deviennent qu’éventuellement les pensées de Mekas.
« pluie, pluie, pluie laisse la pluie tomber sur mes pensées sur mon âme »146
La subjectivité totale de caméra est atteinte quand la vue de Mekas et celle de caméra
coïncident parfaitement.
c. La représentation de soi
Parmi les films de 365 Day Project il y a une série de films particuliers, dont les prises de
vue ont été faites dans la cuisine de Mekas. Les éléments de cette série se ressemblent
beaucoup d’une part à cause de leurs prises de vue quasi identiques, d’autre part à cause
du type de présence de Mekas — qui est autoréflexive — à l’auto-filmage par des
personnages de films de sciences-fictions. Dans ces films grand public, les protagonistes
se filment soit systématiquement pour tenir un carnet scientifique sur support vidéo qui
rend compte de leurs expérimentations, soit ils créent des messages vidéo pour
communiquer. Ces captures sont faites à partir d’une caméra fixe.
La plupart de temps, chez Mekas, la caméra est en mouvement. Mais, parce qu’elle est
tenue par la main de l’artiste, l’image qui en résulte nous donne l’impression qu’elle se
146
« rain rain rain let the rain fall on my thoughts on my soul »
91
trouve sur un endroit fixe. Le membre de l’artiste sert ici de bras articulé, articulable. Le
propos mekassien s’accorde de plus à notre association : communication directe avec des
spectateurs, définition de soi, critique de ses activités, mais restant toujours en rapport
avec autrui. Dans le film du 12 janvier il demande ce qu’il peut bien donner à ses
spectateurs. Avec cette question, il interroge rien moins que la raison d’être de cette
œuvre : pourquoi donner et partager des choses sur internet, si, comme il le constate juste
après, nous possédons tous essentiellement tout ce dont nous avons besoin, c’est-à-dire
un ou deux amis.
Dans les autres films du 365 Day Project, nous rencontrons diverses formes de
représentation de Mekas. Ce qui est le plus important au cours de ces films, c’est la
présence de l’artiste dans sa propre vie : sa disposition à accueillir la vie qui est la sienne
et de rendre présent aux autres en l’incarnant dans l’œuvre.
Si nous adoptons la métaphore de Mekas utilisée pour soi-même147, celle d’Odyssées,
nous allons voir à quel point il n’est pas un voyageur goethéen en quête de quelque
chose, mais un voyageur qui accueille simplement ce qui lui arrive, ce qui arrive à lui.
Dans le film du 1er juillet, il évoque précisément cela de la manière suivante :
« Je ne sais pas ce que le lendemain apportera. Je ne sais jamais car je progresse/développe
avec ce projet. Je suis ma vie, comme elle va. Mais j'ai aussi derrière moi une immense, une
énorme quantité de matériaux. J'essaie donc en quelque sorte de tenir en équilibre. »148
Aussi sa représentation de soi est-elle inscrite dans sa vie de tous les jours, son daily life.
Ici nous ne pouvons pas manquer de remarquer que cette vie, qui se déroule de jour en
jour, a donné les unités à l’œuvre de Mekas. 365 Day Project cherche à exposer les
variations quotidiennes du soi. En fait, pour reprendre le terme de Rousseau, les films
sont les baromètres de l’âme de Mekas, renvoyant à une météorologie personnelle.
147
EIZYKMAN (Claude), « Mekas Film Mémoire », in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu
de Paume, op.cit.
148
« I don’t know what the next day will bring. I never know as I’m progressing with this project. I’m
following my life, as it goes. But I also have so much, big back log of materials. So I’m trying to balance
somehow. »
92
Parmi les utilisateurs du web la possibilité de mener une deuxième vie virtuelle, un
second life est connue. Le virtuel et réel s’entremêlent, coïncident inlassablement.
Chez Mekas nous pourrions penser que le but n’est pas la création d’une image de soi
mais la métamorphose des images du réel en poésie. Il vit dans sa propre vie réelle149, et
nullement dans le virtuel, même s’il est virtuellement présent en diffusant des captures du
réel sur le web. L’objectif de Mekas, avec 365 Day Project, est avoué dans le film du 1er
juillet : c’est celui d’atteindre la poésie du réel au sens des haïku, qui rejoint l’essence, la
distillation de ce que nous sommes, ce qui est la vie quotidienne, intra- ou infra-mondaine
de l’humanité.
Si on considère le langage poétique comme le seul langage qui s’élève au-dessus de la
langue, c’est bien ce que Mekas cherche dans la cinématographie. Dès que nous savons
ce que nous allons dire, nous tombons déjà sur un sémantème de la langue. En revanche
le langage poétique est celui qui doit se relever au-dessus de la langue : savoir à un
moment donné réinventer le moment d’ouverture de la langue. La démarche artistique de
Mekas consiste à tenter de créer un tel langage poétique, à l’aide des moments de
distillation, d’éclat du vivant.
Sa démarche, d’un autre point de vue, consiste en l’examen, l’observation continuelle de
soi et de ce qui est autour de soi, de ce qui vient, arrive, advient dans le champ du regard,
de l’attention. Après cette observation active, il lui donne forme, structure. Le résultat est
un autoportrait vidéographique au sens large, car le regard de soi adopté par la caméra
crée une position essentiellement autoréflexive. Il y a des films, comme ceux du 30 et du
31 mars, qui sont de manière explicite autoréflexifs, par exemple lorsque Mekas parle de
sa propre production artistique. Mais d’autres films, en revanche, deviennent
autoréflexifs par le contexte de la pratique d’enregistrement de la vie quotidienne de
l’artiste.
D’un point de vue spatial, l’univers de 365 Day Project couvre plusieurs mondes en
superposition. Si nous faisons une énumération astronomique, nous arrivons à distinguer
149
« But I’m here tonight just with this music. », dit-il dans le film du 12 janvier.
93
premièrement le monde réel de Mekas, celui de ses spectateurs, le monde
cinématographique150, et puis le monde numérique (par exemple le web) qui coïncident
dans l’œuvre. Ainsi, si nous avions à tracer des cartes mouvantes des déplacements de
Mekas dans l’ensemble des films, cela pourrait nous en offrir une analyse plus pointue.
Nous nous rapprocherions en cela de l’idée de l’artiste contemporain Masaki Fujihata par
cette saisie possible des mouvements, par une telle cartographie dynamique apparentée à
une autre forme d’écriture de soi. L’artiste japonais réalise en 1992 son œuvre Impressing
velocity à l'aide d'un GPS et d'une caméra vidéo. L’installation numérique basée sur
l’association de ces techniques a été exposée à Paris au festival Artifices.
« Vous pouvez voir d'abord sur le moniteur la trajectoire des données collectées grâce au
GPS. Celle-ci se présente sous la forme d'une image fil de fer tridimensionnelle. Chaque
point de cette forme est connecté avec une image vidéo d'une minute. Lorsque vous cliquez
sur l'un de ces points, la vidéo qui présente ma vision subjective de l'ascension de la
montagne à ce point précis apparaît. En les cliquant successivement, vous pouvez suivre mon
expérience et surtout comprendre la cause et l'effet des formes recomposées du mont Fuji
telles qu'elles sont produites à partir des données collectées par le GPS.
Nous pouvons mémoriser notre expérience de deux manières. L'une est la mémoire de notre
cerveau (de notre corps) et l'autre est le système en dehors de notre corps (par exemple le
bloc-notes sur lequel on écrit à la main ou l'enregistrement sur cassette). Nous avons ainsi
deux possibilités de construire l'impression d'une même expérience. Mes souvenirs d'enfance
ne résultent pas seulement de mes expériences réelles directes, mais aussi de l'information
indirecte donnée par mes parents, comme les photos prises quand j'étais bébé. Plusieurs
couches composent un même souvenir : l'expérience directe, le souvenir à partir d'éléments
enregistrés, le montage qui en est fait. Et tout cela se passe au même moment.
Dans ce projet, je peux constater les différences entre l'impression de la vitesse de mon
ascension issue de mon expérience directe et l'impression venant de l'image composée par
l'ordinateur. Je ne saurais dire laquelle est juste ou non. Cette différence des images montre la
différence des points de vue en fonction de la vitesse ou de la distance. Ce document donne à
150
« Si chaque film est un voyage, si chaque voyage cinématographique présente une énigme visuelle,
l’ensemble des films à ce jour compose une étrange carte mouvante » in catalogue d’exposition de la
Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit., p.25
94
l'utilisateur la possibilité d'accéder aux images d'une expérience, qui n'est pas l'expérience
réelle que j'ai eue, et de saisir les choses dans leur propre déroulement ».151
Dans le cas de Mekas le voyage dans le réel coïncide avec son déplacement
cinématographique dans 365 Day Project. Ainsi les spectateurs, comme dans le cas de
l’installation de Fujihata peuvent parcourir les mêmes endroits. Le spectateur voyage,
navigue, surfe d’abord dans le monde numérique, puis dans le monde virtuel de Mekas
(son site), puis dans le monde cinématographique qui s’avère être le monde réel de
Mekas, capté par lui.
Mais comment Mekas se repère-t-il dans cet univers complexe ? Il invente en fait une
forme claire, qui est celle du calendrier. Il crée un bloc d’espace-temps (virtuel, qui
correspond à un déroulement de temps réel) où un jour calendaire correspond à une
fenêtre de son site. Et par cet acte, il questionne tous les temps et espaces potentiels de
ses films, mêlant encore la perception du réel et la fiction.
« Mon film est une réalité qui est isolée à travers moi par ce processus très complexe et, bien
sûr, pour celui qui peut le " lire ", ce film raconte beaucoup sur moi que sur la ville où je
filmée : on ne voit pas la ville, on ne voit que ces détails isolés. »152
L’auteur des histoires, des récits a un rapport particulier avec la mort, qui a été éclairé par
Michel Foucault153 : d’une part l’auteur fait inlassablement récit pour écarter la mort (soit
ici l’exemple des récit arabes de Milles et Une Nuits, mentionné par Foucault), d’autre
part l’œuvre dans laquelle s’inscrivent ces récits leur confère une certaine immortalité.
Mais depuis les études de Roland Barthes154 et de Michel Foucault155 sur le rapport entre
l’auteur et l’œuvre, dans la philosophie ou dans la littérature, nous nous méfions d’établir
151
Citation de Masaki Fujihata sur la page :
http://www.stephan.barron.free.fr/technoromantisme/fujihata.html
152
in catalogue d’exposition de la Galerie Nationale du Jeu de Paume, op. cit., p. 50.
153
FOUCAULT (Michel), « Qu’est-ce qu’un auteur ? », in Dits et écrits, tome I, Gallimard, coll. « Quarto »,
Paris, 2001, pp. 789-821.
154
BARTHES (Roland), « La mort de l’auteur », in Le Bruissement de la langue. Essais critiques IV,
Éditions du Seuil, Paris, 1984, pp. 61-67.
95
un lien univoque entre les deux. Il y aurait à méditer les arguments de ces chercheurs
dans le cadre du cinématographe.
Barthes dit que « le scripteur moderne naît en même temps que son texte », puis il ajoute
qu’« il n’y a d’autre temps que celui de l’énonciation, et tout texte est écrit éternellement
ici et maintenant », « l’énonciation n’a d’autre contenu (d’autre énoncé) que l’acte par
lequel elle se profère ». Pourrions-nous penser que ces particularités sont aussi celles de
365 Day Project ? Mekas en tant que cinéaste, filme son présent, et quand il met en
forme se films, lorsqu’il les monte, il actualise ses enregistrements avec sa touche finale ?
2. Questions de l’adresse et du partage
Nous pourrions penser que l’œuvre de Mekas, 365 Day Project, constitue un support de
mémoire au sens des hypomnêmata. Cela n’est pas aussi sûr, car dans les hypomnêmata
on écrit pour soi, et un des aspects essentiels des films de 365 Day Project est celui du
partage. Combien de notes relèvent réellement d’une activité constituante, visant à
rassembler et organiser sa mémoire ? Et à qui s’adresse Mekas, lorsqu’il publie ainsi ses
notes cinématographiques ?
À ce point, celui du partage, nous devrons aborder une deuxième notion importante de
Foucault, celle de la correspondance. Cette technique de l’écriture de soi repose sur la
réciprocité : des interlocuteurs, des correspondants se font des confidences, se donnent
des conseils, s’apportent de l’aide, témoignent de leurs regards respectifs. Dans 365 Day
Project, les correspondances apparaissent d’abord explicitement sous la forme de cartes
postales vidéographiques (video postcards) adressées156. D’autre part, l’artiste, dans
plusieurs films, s’adresse directement aux spectateurs. Mais la situation primordiale
repose sur le fait qu’il partage ces films sur internet, qui couvre le monde entier. Ainsi
tout le monde devient potentiellement destinataires de ses films. Ce n’est plus ici
seulement une adresse ou une parole adressée explicite qui entraîne le phénomène de
correspondance, c’est la publicité, le fait de rendre ses films publics et accessibles sur
155
Ibid.
156
Ce sont les films de 12 février, 22 mars, 21 juin, 12, 15, 22 juillet, 5, 29 août, 7 septembre, 13, 14, 15, 26
octobre, 9 novembre, 17, 18, 22 décembre.
96
internet — précisément dans une sphère de diffusion/consultation où s’interpénètrent
espace public et espace privé : si la page consultée est publique, l’écran est généralement
privé. Aussi le fil relativement intime de la correspondance, entre correspondants, se
retrouve privilégié dans un tel contexte de diffusion. Le caractère public de la diffusion
s’y évanouit, sans pour autant disparaître structurellement, techniquement, au profit d’une
mise en regard et d’une adresse d’individu à individu. Les moments qui ont été donnés à
Mekas, condensés dans cette œuvre, deviennent accessibles, potentiellement présents
dans la vie des spectateurs lointains — d’une manière d’ailleurs presque tout aussi
aléatoire que ce que l’étaient les événements vécus initialement par l’artiste.
a. Narcissisme157, mise en scène de soi158
En utilisant le moniteur vidéo comme un miroir, l’image de Vito Acconci Centers (1971)
— un regard sur soi — a configuré un narcissisme tellement endémique dans les œuvres
vidéo que Rosalind Krauss a cru nécessaire de généraliser cela comme la condition du
genre entier. Dans son article de 1976, elle s’est demandée si le support de la vidéo était
essentiellement narcissique ? Elle pose que « contrairement aux autres arts visuels, la
vidéo est capable d’enregistrer et de transmettre en même temps — produisant un retour
[feedback] instantané »159. Elle s’intéresse à la relation spécifique entre la caméra et son
viseur. L’utilisation du viseur ou du moniteur est essentielle car tous deux reflètent
immédiatement ce qui est/sera capté par la caméra. Ils fonctionnent comme un miroir à
l’aide duquel le soi est créé, au travers des retours retransmis électroniquement par le
dispositif.
Chez Mekas les spécificités de ce médium analysées par Krauss apparaissent aussi. La
présence corporelle acquiert un rôle très important, tout comme la réalité dédoublée, le
réel et l’enregistrement en parallèle dans sa pratique artistique. Dans le stade du montage
toutes ces captures prises par l’artiste, de sa vie du passé tombent dans un présent et
157
KRAUSS (Rosalind), « Video : The Aesthetics of Narcissime », in October, Vol. 1., printemps, 1976, pp.
50-64.
158
ROMAN (Mathilde), Art de vidéo et mie en scène de soi, préface de Françoise Parfait, Paris,
L’Harmattan, coll. « Histoire et idées des Arts », 2008.
159 KRAUSS
(Rosalind), op. cit., p. 52.
97
gagnent un nouveau sens par l’ajout d’un commentaire actuel, énoncé par sa personne
actuelle. Un travail sur soi, sur sa vie.
b. L’aspect communautaire/social : journal intime partagé
Mekas disait dans un premier temps qu’il ne filme en fait que sa famille. Puis dans les
entretiens plus récents il parle des amis, puis des gens captés. Ces aspects sociaux,
communautaires le conduise à dire que c’est pour les partager qu’il travaille ces
matériaux et qu’il montre son quotidien, tout en insistant sur les choix qu’il effectue,
retenant ce qu’il aime ou qu’il considère important.
Il a donc toujours eu la volonté de partager ses journaux intimes (écrits ou
cinématographiques). En revanche, dans le contexte actuel du web, ce partage est non
seulement souhaité par l’artiste, mais aussi offert immédiatement par la technique. Les
représentations des réseaux d’amitiés, d’affinités, donne le contexte et également le
prétexte de narration de l’œuvre.
Nous pouvons distinguer dans 365 Day Project, dans ce journal intime partagé les
aspects sociaux : ceux de Mekas, puis ceux qui sont représentés dans les films et enfin
ceux qui ont été stimulés par ces films.
En regardant les films, nous tombons toujours dans différents cercles sociaux, mais il y a
des
caractères,
personnages
récurrents
qui
reviennent
sur
scène,
presque
systématiquement. Mekas souhaite des anniversaires et envoie des cartes postales
vidéographiques à ses compagnons du moment. Mais les films témoignent du fait qu’ils
passent beaucoup de temps ensemble. Il est important de souligner que Mekas vit dans
son présent, l’enregistre par passion et partage à la demande des amis, tandis que sous un
certain aspect, la jeune génération, qui a grandi avec les réseaux sociaux du web, capte
son présent pour illustrer son image virtuelle avec laquelle elle s’identifie.
365 Day Project a été présenté la première fois en dehors de sa sortie sur l’internet à
l’agnès b. Galerie du Jour, à Paris, en 2009. Le titre de l’exposition : A Few Things I
Want to Share with You, My Paris Friends160, montre bien cette notion de partage, si cher
pour l’artiste.
160
Des petites choses que j’aimerais partager avec vous, mes amis parisiens [nous traduisons] (titre qui
sera gardé en anglais pour l’exposition).
98
Mais n’oublions pas que ce journal intime partagé de Mekas repose sur un langage
cinématographique. Le but de ce langage, dès sa création, est d’atteindre chacun, de
s’adresser à chacun.
Les pionniers du film et les théoriciens ont spéculé sur la possibilité de la nouvelle forme
d'art pour devenir une sorte de langage universel. D. W. Griffith, par exemple, parle
potentiellement du cinéma muet comme un espéranto visuel, capable de communiquer
avec les gens du monde entier. Sergueï Eisenstein a imaginé un calcul
cinématographique pour manipuler les pensées d’un auditorium à un niveau inférieur à
l'accès du langage verbal ordinaire. Les avant-gardes, comme Germaine Dulac et Jean
Epstein, et plus tard Alexandre Astruc, ont spéculé, chacun à sa manière, sur le film
comme un langage visuel partagé qui pourrait aider à unir un monde post-Babel.
3. Les caractéristiques du web
« L'Internet est l’underground des gens. Il est unique, il n’est pas comme quelque chose
avant. Il fait partie d'une avant-garde technologique. Il n'a rien à voir avec les anciens
phénomènes d'avant-garde qui ont traversé les arts. »161
Nous ne pouvons pas écarter l’étude rapide des trois grandes étapes de l’évolution du
web, de cet underground des gens, pour reprendre les mots même de Mekas. C’est
seulement à l’aide de ses caractéristiques précisées que nous pourrions définir le rôle de
cette technique particulière dans 365 Day Project.
Initialement, le web (nommé dans ce contexte le Web 1.0) comprenait des pages
statiques. Il était considéré comme un outil de diffusion et de visualisation de données, où
le nombre de pages vues et l’esthétique revêtaient une très grande importance.
Des applications du Web 2.0, qui apparaissent en 2003, ont une architecture de
participation, dans laquelle les utilisateurs génèrent, partagent, et organise le contenu.
161
« The Internet is the People’s Underground. It’s unique, not like anything before. It’s part of a
technological avant-garde. It has nothing to do with past avant-garde phenomena that swept through the
arts. » OBRIST (Hans Ulrich), op. cit.
99
Web 2.0 supprime l'autorité du fournisseur de contenu et le place dans les mains de
l'utilisateur.
Le Web 3.0, désigne le web à venir, et devrait reposer, tel qu’il est anticipé et théorisé
aujourd’hui, sur sa dimension sémantique.
De son côté, Mekas ne laisse aucune possibilité d’interactivité sur le web, dans son
œuvre. Le fonctionnement de cette partie de son site, où se situe le 365 Day Project, ne
facilite pas l’interaction entre utilisateurs. S’est-il arrêté alors sur les applications du web
1.0 ?
Sa version est mise à jour littéralement, c’est-à-dire tous les jours au cours de l’année de
la création de l’œuvre, en 2007, ce qui n’est pas le cas des sites de 1.0.
« Nous voulons être au courant de tout ce qui se passe à l’instant même où il passe et se
passe. Sur nos écrans, dans nos oreilles, non seulement s’inscrivent sans retard les images des
événements et les mots qui les transmettent, mais il n’y a plus d’autre événement, en fin de
compte, que ce mouvement d’universelle transmission : " règne d’une tautologie
énorme ". Les inconvénients d’une telle vie publiquement et immédiatement étalée sont dès
maintenant observés. Les moyens de communication — langage, culture, puissance
imaginative — à la force de n’être tenus que pour des moyens, s’usent et perdent leur force
médiatrice. Nous croyons connaître les choses immédiatement sans images et sans mots, et
en réalité nous n’avons plus affaire qu’à une prolixité ressassant qui ne dit rien et ne montre
rien. »162
Dans ce paragraphe cité, Maurice Blanchot critique la soif d’information des gens, qui ne
peut être apaisée que grâce à une perpétuelle transmission, aujourd’hui connexion.
Parallèlement au principe de l’usage de web 2.0, Mekas rend accessible et recommande
l’information dans ses films de 365 Day Project. La communication de ces informations
dans ce contexte du web est un acte de partage, sharing. L’internaute, ainsi Mekas, est
acteur dans ce monde virtuel.
Mais n’oublions pas que dans un premier temps, c’est en contournant la virtualité de
l’internet que Mekas crée des interactions entre les gens de son entourage, dont ses films
162
in BLANCHOT (Maurice), op. cit., p. 358.
100
de 365 Day Project portent les empreintes. C’est à l’intérieur de cette forme calendaire et
à l’intérieur des films mêmes que nous retrouvons d’abord les caractéristiques de la
culture d’internet de nos jours.
La vie n’est-elle pas une plate-forme où il y a des connaissances implicites que nous, les
gens, gérons, partageons ? Ne connaissons-nous pas les effets des réseaux ? N’est-elle en
perpétuelle bêta, notre vie : toujours en voie d’adaptation ? C’était bien ces applications
qui ont été annoncées par Tim O’Reilly pour le web 2.0.
a. L’adresse
Le cheminement de l’œuvre de privé à public, et inversement, crée un schéma en boucle
dans le cas de la littérature, décrit par Laure Maurat :
«
(…) parti de la sphère intime de l’écriture, passant à l’extime par la
publication (ou, littéralement, son passage privé au public) et retournant à
l’intime de la lecture, sphère symétrique à la première, constituée d’éléments
semblables — bien que plus relatifs — d’isolement, de retranchement, de
silence. »163
Ce cheminement correspond difficilement à celui de l’œuvre de Mekas où déjà, la
première phase, qui désigne le geste d’enregistrement dans la vie quotidienne de l’artiste,
ne passe pas par l’isolement. Plus tard, au cours du montage, Mekas travaille avec un
monteur, numériquement. Le partage de l’œuvre sur web nous renvoie toujours dans la
sphère publique. Rajoutons, par contre, que cette sphère n’est plus dans un espace
public : les films entrent chez nous, dans une espace intime, sur l’ordinateur personnel
tout en restant publiquement accessible pour tout le monde sur le web.
« La vision individuelle des films et des vidéos n'est pas si nouvelle. Je me rappelle qu’avant,
Georges Maciunas regardait des films sur son tout petit écran de télévision de 6x8in durant
toute la nuit. Le plus étonnant, et que j'ai appris de lui, c'est que vous n’avez pas besoin de
regarder un film de Western sur grand écran pour obtenir la sensation d'espace dans Wide
West. En fait, il m'a dit qu'après un certain temps, l'espace 6x8 devient aussi large que l'écran
de maison de cinéma le plus large. Tout est dans votre esprit. Le petit écran de l’iPod est très
163
MAURAT (Laure), op. cit., p. 118.
101
large. C'est moins viscéral — peut-être plus l'esprit que le corps — mais ce sont les
changements normaux de l'évolution dans la vie et la culture. Les gens qui regardent les
choses sur un iPod continuent d’aller aux projections en salle. Mais le petit écran, l'écran de
l'iPod, occupe une position dominante parmi les jeunes générations. Le passage de la vision
commune au visionnage privé est effectif et il ne va pas disparaître. Mais les musées et les
galeries ne vont pas disparaître non plus. Même certaines œuvres qui ont été présentées
uniquement sur Internet et vues sur un iPod, finiront dans les musées et les galeries. L'avenir
est imprévisible. »164
Nous arrivons à un point, par l’influence de la citation de Mekas, où il est indispensable
de faire la distinction entre les diverses formes de présentation et de diffusion.
Le contexte original de l’œuvre 365 Day Project était la production de films
téléchargeables sur les iPod. La citation ci-dessus se réfère à cette idée. Cette condition
de diffusion est entièrement différente de celle du cinéma où la disposition scénique semi
onirique désigne la projection dans une salle obscure sur un écran, sur lequel la
proportion des protagonistes du film est plus grande que dans la vie. Mais elle diffère
aussi de la présentation des films dans le white cube des galeries, dans la neutralité des
murs blancs. Ici, nous ne manquons pas de rajouter que le fond blanc du site de Mekas
garde les traces d’un besoin de neutralité.
b. Manque de rassemblement avant la diffusion
164 « The individual viewing of film and video is not so new. I remember when Georges Maciunas used to
watch movies on his tiny 6x8in TV screen all night long by himself. The amazing thing that I learned from
him is that you don’t have to watch a Western movie on a large screen to get the feeling of space in the
Wide West. In fact, he told me that after a while that 6x8 space becomes as wide as the widest movie-house
screen. It’s all in your mind. The tiny iPod screen is very wide. It’s less visceral — maybe more mind than
body — but thèse are the normal evolutionary changes in life and culture. People watch things on iPods
still attend screening in public movie theaters. But the Small screen, the iPod screen, is dominant among
the younger generation. The shift from communal to private viewing is here and it won’t go away. But
museums and galleries won’t go away either. Even some Works that presented only on the Internet and
viewed on iPods will eventually end up in museums and galleries. The future is unpredictable. » OBRIST
(Hans Ulrich), op. cit.
102
Avant le 365 Day Project, Mekas avait une démarche au cours de montage qui était basé
sur le rassemblement des fragments. Dans cette œuvre il n’y a pas de décantation, de
composition totale avant la diffusion.
Par conséquence l’artiste, au cours de la production, est dans un stade de préparation, il
rejoint en cela l’écriture automatique des surréalistes, par laquelle il laisse agir le hasard
— certes non plus par irruption de l’inconscient, de l’intériorité, mais, par un
renversement radical, par ouverture au social, à l’extériorité. Il ne dispose pas d’une vue
globale, d’une vision synthétique sur son travail, ni sur sa vie d’ailleurs — caractère
analogique entre travail et vie. Cette préparation va vers une pratique constante de se
faire de surprise.
La fin de l’œuvre est fixée (le 31 décembre 2007) mais le résultat, l’ensemble, l’unité
restent dissimulés avant ce terme.
c. Quotidien sur l’ordinateur
En élaborant des films puis en les diffusant de manière quotidienne, Mekas ne fait rien
moins qu’alimenter en même temps le contexte à partir duquel ces films prennent
naissance. Ils génèrent une sorte de cycle fertile : l’enregistrement monté et déposé en
ligne initie des rapports, des thèmes, des scènes qui sont autant de brins ensemencés et
repoussant sur le fil plus global de son existence, dont Mekas va se ressaisir, les
prolongeant autrement ou plus loin, pour les faire à nouveau revenir dans l’œuvre. Sans
du reste qu’en réalité on puisse déterminer quoi revient à quoi, quoi suscite quoi. Œuvre
et vie mekassiennes se constituent mutuellement, rompant et renouant en cela le sens
univoque que connaît le plus souvent la pratique artistique, en allant principalement de la
vie à l’œuvre. Nous savons bien qu’en coulisse, les tours d’ivoire créatrice sont témoins
de tels retours, où les œuvres antérieures d’un auteur, telles des fruits de son existence et
de sa production, retombent dans le terreau de son élaboration présente : les œuvres ne
sont pas que des mues, des peaux mortes de son vivant et abandonnées de lui. Mais il est
vrai que ces retours sont souvent passés sous silence : il importe plus d’en relever la
sublimation esthétique. Mekas n’a cure de la direction univoque de celle-ci. Son œuvre,
sans emphase, la fait passer alternativement de la vie à l’œuvre, de l’œuvre à la vie.
103
d. Nouvelles temporalités
« Ce qu’on appelle temps réel, c’est simplement un " différence " extrêmement réduite, mais
il n’y a pas de temps purement réel puisque la temporalisation elle-même se structure à partir
d’un jeu de rétention ou de protention, et par conséquent de traces : la condition de possibilité
du présent vivant, absolument réel, est déjà mémoire, anticipation, c’est-à-dire jeu de
traces. »165
Nous avons abordé dans les chapitres précédents plusieurs temporalités des films
mekassiens, reliées aux deux grands axes de la technique filmique et du fonctionnement
de la mémoire. Mais dans le cadre du support du web, ces différentes temporalités se
voient intégrées à de nouveaux déroulement et appréhension du temps, en fait des temps
de l’œuvre et à l’œuvre dans l’œuvre — sans commune mesure avec celui connu jusque
là par les films de Mekas.
En effet, le fait de produire et diffuser en ligne quotidiennement ce qui sur le réseau
prend le nom de contenu, rapproche inexorablement l’élaboration et le fait de rendre
public ses produits d’une transmission en temps réel : le flux de la vie, du moins les
fragments ou scories qui s’en détachent, et se déposent sur ces nouvelles surfaces
d’inscription, tend asymptotiquement vers son énonciation et sa prise de connaissance
immédiate. C’est sur ce principe que fonctionnent les récents et plus récents encore
moyens techniques, sur le réseau, de publication : blogs, plateformes de réseaux sociaux
de type Facebook, de microblogging de type Twitter, procédé de flux RSS mettant à jour
automatiquement, au niveau des espace de réception et de lecture le contenu mis en ligne.
Il serait cependant impossible, pour ne pas dire absurde, que la production vienne à
coïncider avec ce qui relèverait d’une anti-production, comme la présence sur le réseau
d’images retransmises en direct à partir de webcams installées par exemple dans certains
quartiers de villes célèbres166. Même sous le phénomène de microblogging, qui dépose et
diffuse instantanément des pensées, sinon des réactions de tout un chacun sur le réseau
165
La notion du temps réel, mise en rapport avec la « spectralité », que ce soit du temps réel ou de temps
différé voir DERRIDA (Jacques) et STIEGLER (Bernard), op. cit, pp. 144-145.
166
Voir la webcam du Carrefour de Time Square à New-York :
http://www.earthcam.com/usa/newyork/timessquare/
104
social, le temps, aussi réduit soit-il, ne peut totalement dissoudre un certain délai — qui
est celui de la pensée, de l’expression, de l’énonciation. Car l’archive, par essence, en
tant précisément que technique (de soi) nécessite son propre temps d’émergence et de
constitution.
Il nous faut donc, plutôt que de parler de temps réel — et ce même si la notion et le
phénomène guettent la pensée et sa possible disparition —, faire appel à la notion et au
phénomène de flux tendu, dans lequel vient se placer l’œuvre 365 Day Project. Mekas, en
tendant ce fil de l’élaboration et de la production, sait pertinemment contracter en même
temps le temps. La conséquence de tout cela, dans son œuvre, sans que cela soit
entièrement nouveau, est de la rapprocher du procédé musical d’improvisation : l’artiste
connaît ses gammes et ses thèmes, pour les avoir précisément travaillés antérieurement
dans des procédés prenant le temps, au montage, de la composition. Improvisation
nullement nouvelle, en fait, car c’était déjà, dans le temps du tournage, intempestif et
continuel chez lui, une façon, dans la perception et le geste de capture, d’improviser face
au tout-venant de l’expérience.
Nous disions plus haut, quant à l’irruption de ces nouvelles temporalités : sans commune
mesure/. Mais cela est à la fois vrai et faux. Plus précisément, ce que semble bien
accomplir le 365 Day Project, c’est en même temps de se mesurer, de se hisser à la démesure même du milieu technique et esthétique dans lequel cette œuvre vient s’ancrer.
Une démesure qui tendrait vers les deux infinis de Pascal. L’infiniment grand par la
possibilité, le nombre, l’étendue, l’immédiateté d’accès à l’œuvre, par également le
champ temporel, calendaire, embrassé par celle-ci : même circonscrit à une année, cette
coupe qui n’est autre que le temps pris par la Terre pour accomplir sa révolution autour
de son étoile, en tant que coupe, elle suggère, plus loin que la naissance et la mort de la
personne qui la réalise, en l’occurrence l’artiste, les horizons du passé et de l’avenir entre
lesquels cette frêle vie s’écartèle. Mais l’infiniment petit, aussi, par la manière dont elle
scrute la moindre parcelle d’existence, de temps comme d’espace, comme si elle était
l’application directe de la philosophie benjaminienne du détail selon laquelle le plus petit
fragment de monde peut réfracter tout l’univers, par enfin, sous cette idée de petitesse, le
rapprochement intime induit par ce nouveau médium du réseau planétaire, entre l’auteur,
sa vie, son œuvre, et le spectateur, sa vie, l’archive à laquelle lui aussi s’acharne, sans
105
peut-être en mesurer la portée. C’est à cette (dé)mesure empirique et esthétique de
l’archive de soi — entre lesquelles peut prendre feu le sublime, si le mot conserve
aujourd’hui quelque sens — que semble pouvoir confiner le séjour terrestre d’un homme.
106
CONCLUSION
Au travers de notre cheminement dans l’œuvre toute récente de Jonas Mekas, 365 Day
Project, réalisée en 2007, nous avons développé l’idée qu’une telle œuvre, si elle s’inscrit
dans la continuité de tout le travail antérieur de l’artiste, de manière tout à fait fidèle à la
pratique et au genre du journal filmé qu’il a adoptés depuis 1949, elle s’avance en même
temps comme une nouvelle modalité de cette pratique artistique personnelle, quotidienne,
influencée par la technique de vidéo-diffusion et de partage sur le web.
Dans ses différentes périodes de l’œuvre, Mekas a toujours puisé dans le concret de sa vie
quotidienne, selon un geste de capture, de saisie continuelle et fragmentaire des
événements qui se déroulaient autour de lui. La continuité de cette posture s’est vue
confrontée aux nouvelles techniques vers lesquelles l’artiste se dirigeait : celles-ci ont
modifié qualitativement la facture et la structure de ses films. La période
cinématographique, liée à sa caméra Bolex et au montage sur pellicule, a révélé des
formes fleuves d’éclatement intégral, photogrammatique ; la vidéo, dans la période
suivante, a entrainé peu à peu un rapprochement de l’artiste à l’égard des événements
captés, et, plus remarquable encore, un étirement considérable du photogramme vers le
plan-séquence. La période récente, si elle a conservé voire accentué les acquis de la
pratique vidéo, a résolument abordé les spécificités du multimédia formé par le réseau
web, du point de vue de la production, de sa diffusion, en réalité de sa consultation.
L’élaboration des films, dans le cadre du 365 Day Project, s’est accéléré, pour pouvoir
s’adapter au rythme d’une diffusion ou mise en ligne par jour. Cette diffusion procédait
par ajout successif, donc accumulation de films-fragments quotidiens, ceci impliquant
une forme d’exposition de l’œuvre d’une part calendaire, d’autre part fonctionnant
comme corpus, librement explorable ou consultable, des films élaborés. La linéarité
antérieure et inhérente à la forme film s’est vue, contre toute attente dans l’œuvre de
Mekas mais dans toute la logique de ce nouveau (multi)médium, intégrée à la linéarité de
la vie même de l’artiste (son propre emploi du temps), en même temps que portée à la
non-linéarité d’une simple accumulation sérielle. La vie enregistrée par l’artiste de
107
manière quotidienne, et dont il donnait à voir jusque là les fragments montés (films des
périodes cinématographique et vidéo), est comme ressortie des films mêmes pour
déterminer et structurer l’ensemble de l’œuvre — sous la forme du calendrier. Cela veut
dire que 365 Day Project est en fait constitué de plusieurs strates d’enregistrement du
quotidien : ceux dont rendent compte les films-fragments proprement dit, et celui dont
rend compte formellement, graphiquement, la succession calendaire des jours sur le site
de l’œuvre.
Notre analyse, en se penchant sur ce fait, tendait à montrer que la forme de l’éphéméride,
loin d’être anodine et insignifiante, possède au contraire toute sa portée expressive dans
l’œuvre de Mekas, dans le rapport à son contenu thématique.
Depuis ses premiers plan réalisés, Mekas s’est placé d’emblée dans une écriture de soi,
qui, sous le genre du journal filmé, accueillait, sélectionnait et recomposait les éléments
de plus grande extériorité de sa vie réelle : ses rencontres, ses relations, son travail, son
environnement proche, urbain et naturel, familial et artistique. Sous cet angle, son œuvre
serait comme la preuve, en recourant précisément et essentiellement à l’image et non plus
au seul langage comme dans les journaux intimes traditionnels, que le moi n’est jamais
qu’un nœud de concentration de tout ce qui arrive à lui, de l’extérieur : l’intime ainsi
retroussé vers ses propres constituants, se révèle comme un prisme, champ de force qui
cristallise — dans toute sa singularité irremplaçable — le milieu dans lequel il vit. Tout
en célébrant ainsi les moindres événements de l’existence, tout en ayant accompagné cet
accueil d’une inclination autoréflexive, sur soi, sur sa vie, son exil, son propre geste
artistique, l’évolution de son œuvre montre que la distance, le rapport à cette matière
empirique ont varié avec le temps. Et c’est dans la confrontation au médium du réseau,
nouveau pour lui, que certains traits se sont vus précisés, accentués.
Contrairement aux films plus anciens, dans lesquels Mekas restait le témoin relativement
passif, distant et silencieux des événements captés, 365 Day Project montre l’artiste
s’avançant, impulsant des situations dont il n’est plus vraiment possible de différencier
les motifs ou intentions animant le geste artistique et ceux respirant au fond du vécu
empirique. C’est en corrélation avec cette initiative de l’artiste vieillissant à l’égard d’un
monde qu’il quittera bientôt, que fait irruption le geste bien plus récent de l’adresse au
108
spectateur, prononcée et inscrite dans les films même. Ce geste est déjà un partage, en
étant explicitement dans le champ thématique du don, de la leçon (de choses), de
l’injonction que seuls légitiment le grand âge et son expérience — tout ceci convergeant
vers une sorte de carpe diem nullement ordonné mais chanté. Mais c’est structurellement
et fonctionnellement le médium du web qui éclaire et étend un tel partage. La note, la
confidence, la confession, les minima moralia mekassiennes font irradier de l’intérieur la
nature de ce médium, précisément sa configuration récente, de plus en plus explicite, de
réseau social : l’œuvre en renverse toutes les dimensions commerciales, consuméristes,
triviales, pour en aiguiser la substance en réalité toute fragile — l’archive déposée à flux
tendu de tant de vies minuscules.
Ce dont témoigne enfin 365 Day Project, c’est l’opération pour ainsi dire de synthèse que
le dispositif calendaire, la diffusion quotidienne, et les spécificités multimédiatiques du
réseau ont offert à l’œuvre entière de Mekas, c’est-à-dire en fait à sa plus intime
motivation. Les multiples temporalités qui s’y logent entretissent des séquences
enregistrées loin ou moins loin dans le passé avec des séquences tournées au moment du
projet et de sa diffusion. S’associent dans les films des plans cinématographiques,
vidéographiques, avec leur cortège de dimensions sonores, vocales, musicales, des
intertitres textuels, qui vont jusqu’à reprendre pour matériaux, en les listant, en les
récapitulant, des éléments de l’interface comme les cartels journaliers. C’est dire que
l’œuvre admet consciemment en elle les métadonnées qui décrivent son corpus, générant
ainsi des rabattement incessants et réciproque de la forme sur le contenu.
Notre hypothèse initiale, qui était d’entrevoir dans le 365 Day Project un passage à la
seconde puissance du tissu mekassien, tissu déjà confirmé par toutes ses réalisations
antérieures, nous aura conduit presqu’au-delà. Les principes structurant son œuvre que
notre étude devait nécessairement revisiter, non seulement se voient amplifiés, et ce de
manière fractale, dans le nouveau contexte du web, mais ils viennent de plus transformer
en retour la compréhension ou la vision du médium lui-même. C’est à cela que peuvent
se reconnaître des œuvres réellement incidentes : elles font atteindre à leur médium un
point qu’il ne se connaissait pas, et qui pourtant résidait, en chacun de ses points, au plus
profond de lui.
109
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
FILMOGRAPHIE
:
films
2008
Lithuania and the Collapse of USSR (290’)
2007
Notes on american Film Director : Martin Scorsese (80’)
2003
Willamsburg, Brooklyn /1960-2003/ (15’)
Notes on Utopia (59’)
2000
As I Was Moving Ahead Occasionally I Saw Brief Glimpses of Beauty (16 mm,
288’)
Song of Avignon (8’)
Mysteries /période : 1966-2000/ (34’)
Mozart & Wien and Elvis (3’)
1999
This Side of Paradise (16 mm, 25’)
1988
Song of Avignon (5’)
1997
Birth of a Nation (80’)
1996
Memories of Frankenstein (95’)
Happy Birthday to John (18’)
1995
Imperfect 3 - Image Films (6’)
On the Way to Fujiyama (25’)
1992
Zefiro Torna or Scenes from the Life of George Maciunas (35’)
Quartet #1 (5’)
1991
Dr Carl G Jung by Jerome Hill or Lapis Philosophirum /1950/ (29’)
1990
Scenes from the Life of Any Warhol /1965-1982/ (36’)
1985
He Stands in a Desert Counting the Seconds of His Life /1964-1984/ (160’)
1983
Erick Hawkins : Excerpts from « Here and Now With Watchers »/ Lucia
Dlugoszewski Performs (1962-1983) (6’)
Cup/Saucer/Two Dancers/Radio (1965-1983) (23’)
Street Songs (1966-1983) (11’)
1981
Travel Songs /1967-1981/ (28’)
110
1980
The Song of Stockholm (4’)
1979
Paradise Not Yet Lost (97’) /filmage en 1977 à Manhattan, puis le voyage
bifurque vers la Suède, se poursuit de nouveau en Lituanie et en Autriche, et
continue en Italie pour se terminer à New York/
1978
In Beetween : 1964-8/ (52’)
Notes for Jérôme /période : 1966-1967 et 1974, exclusivement à Cassis/ (45’)
1975
Lost, Lost, Lost /période : 1950-1953/ (180’)
1972
Reminiscences of a Journey to Lituania /1950-1971/ (82’)
1970
The Song of Moscow (3’)
1969 Walden - Diaries, Notes & Sketches /période : 1964-1968/ (180’)
1968
Time and Fortune Vietnam Newsreel (4’)
1967
The Italien Notebook (15’)
The Song of Assisi (2’)
The Song of Avila (4’)
The Song of Italy (15’)
1966
Notes on the Circus (12’)
Cassis (4’)
Hare Krishna (4’)
Report from Millbrook (1965-66) (12’)
1964
Award Presentation to Andy Warhol (12’)
1963
The Brig (68’)
Film Magazine of the Arts (20’)
Moires : Dali/Oster Newsreel
1962
Guns of the Trees (75’)
1950
Grand Street (films inachevés)
1953
Silent Journey (films inachevés)
vidéos
2004
Letters from Greenpoint (80’)
2003
Dedication to Léger (vidéoinstallation)
2001
Ein Märchen (6’)
111
2000
Autobiography of a Man Whose Memory Was in His Eyes (53’)
Remedy for Melancholy (20’)
1999
Laboratorium (63’)
A Few Notes on Andy’s Factory (59’)
Notes on Film-Maker’s Cooporative (40’)
1997
Letters from Nowhere - Laikas is Neikur N.1 (75’)
Scenes from Allen’s Last Three Days on Earth as Spirit (avril 1997, 67’)
Symphony of Joy
Letters to Friend #1 (88’)
1996
Cinema Is Not 100 Years Old (5’)
1992
The Education of Sebastian or Egypt Regained /période : décembre 1991-janvier
1992/ (360’)
1992
Mob of Angels at St. Ann’s
1991
Mob of Angels/ The Baptism (60’)
web
projet 1001 Nights/ One Thousand Nights and Night
2007
365 Day Project
films sur Mekas
2009
Visionaries : Jonas Mekas and the (Mostly) American Avant-Garde Cinema,
Chuck WORKMAN (93’, vidéo)
2002
Meanwhile a Butterfly Flies, Julius ZIZ (vidéo)
Jonas Tourne Toujours, Pip CHODOROV (vidéo, 10’)
As Jonas Was Moving Ahead, Peter Rode Off, Pip CHODOROV (16 mm, 5‘)
2001
Cinéastes de notre temps: Jonas Mekas, Jackie RAYNAL
As Radau.., Arba Palakiojimai (I Found... or Flyings), Algimantas MACEINA (his
75th birthday, Christmas in Lithuania) (Beta SP, 20’)
Moving Images – the Film-Makers' Cooperative Relocates, Joel SCHLEMOWITZ
(16 mm, 14’)
112
Jonas présente REMINISCENCES (Guillaume Lauras [La Femis], 2001) 7 min,
vidéo
2000
Fête d'anniversaire de Jonas Mekas avec portraits d'invités, Boris LEHMAN (16
mm, 5’)
1999
My Country is Cinema. Scenes from the Life of Jonas Mekas, Brigitte CORNAND
(vidéo, 58’)
Happy Birthday Jonas, Auguste VARKALIS (16 mm, 3’)
Oona's wedding, Robert FENZ (16 mm, 5’)
1998
Jonas Mekas joue de l'accordéon, Boris LEHMAN (16 mm, 3’)
1997
Jonas Mekas in Paris 10/97, Pip CHODOROV (16 mm, 4’)
1995
Jonas Mekas, Friday the 13 Okt, Anja CZIOSKA (16 mm, 6’)
1994
Jonas in the Desert, Peter SEMPEL (16 mm, 120’)
1993
Portrait of Jonas and Peter, Friedl KUBELKA-BONDY (16 mm, 3’)
1969
Filmmakers series - Jonas Mekas, Taka IIMURA (16 mm, 6’)
1967
Festival Mix, Jud YALKUT (16 mm)
Jonas, Gideon BACHMANN (16 mm)
1966
Shooting Guns, Charles I. LEVINE (16 mm, 8’)
Screen Tests – Jonas Mekas, Andy WARHOL
Song 15, Stan BRAKHAGE (16 mm)
1964
Newsreel – Jonas in the Brig, Storm de HIRSCH (16 mm, 5’)
113
OUVRAGES ECRITS PAR JONAS MEKAS
:
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Jonas Mekas Présente Flux Friends. George Maciunas, Yoko Ono, John Lennon, Paris,
Éditions du Centre Pompidou, 9 octobre 2002.
Déclarations de Paris/ Statements from Paris, Paris, Édition Paris Expérimental, coll.
« Les Cahiers de Paris Expérimental » (n° 2), édition bilingue anglais et français, 8
novembre 2001.
Zefiro Torna or Scenes From the Life of George Maciunas (diaries), New York, Édition
Arthouse, 1998.
Lettres de nulle part - Lettres from nowhere, introduction par Algimantas Antanas
Naujokaitis, traduction de lituanien par Marielle Vitureau, Paris, Édition Paris
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Je n'avais nulle part où aller, traduit d’américain par Jean-Luc Mengus, Édition P.O.L.,
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Knyga Apie Karalius ir Zmones, Tubingen, 1947. (en lituanien)
poèmes
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voir, 2007.
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There Is No Ithaca : Idylles of Semeniskiai & Reminiscence, traduit de lithuanien en
anglais par Vyt Bakaitis, de Semeniskiu Idiles et de Reminiscensijos, Édition Black
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Poezija, Vilnius, 1971. (en lituanien)
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« Where are we ?- The Underground », in The American Experience, sous la direction de
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« The other direction », in The Movies as Medium, sous la direction de JACOBS (Lewis),
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« A Call for a New Generation of Film Makers », Film Culture, n° 19, 1959.
116
EXPOSITIONS DE JONAS MEKAS:
2010
Manifesto Marathon
Serpentine Gallery, London
2009
FIAC (Galerie du Jour agnès b.)
A Few Things I Want to Share with my Paris Friends
16 mai - 20 juin 2009, Galerie du Jour Agnès B
commissaire : Benn Northover
Jonas Mekas : New York
13 novembre-21 février 2009, Maya Stendhal Gallery
commissaire : Harry Stendhal
2008
Jonas Mekas (rétrospective)
8 novembre 2008- 1 mars 2009, Ludwig Museum, Cologne
6 opere di Jonas Mekas
11 octobre-2 novembre, Lucca, Fondazione Centro Studi Ragghianti
commissaire : Benn Northover
28th Biennial of Sao Paulo
The Foundation of Sao Paulo, Sao Paulo, Brésil
Whatever Happened to Sex in Scandinavia?
Office for Contemporary Art Norway, Oslo, Norway
That Was Then…This Is Now
P.S.1 Contemporary Art Center, Long Island City, New York
117
Reykjavik Arts Festival, Reykjavik, Islande
From Fluxus to Media Art
Stendhal Gallery, New York
2007
From Futurism to Fluxus
The Jonas Mekas Visual Arts Center, Vilnius, Lithuania
Universal Language & The Avant-Garde
Stendhal Gallery, New York
Jonas Mekas: The Beauty of Friends Being Together Quartet
P.S.1 Contemporary Art Center, Long Island City, New York
www.jonasmekas.com
novembre – février, Stendhal Gallery
2006
The Destruction Quartet 2006
10 novembre-4 octobre, Darren Knight Gallery, Sidney, Australie
commissaire : Danius Kesminas
Celebration of the Small and Personal in the Times of Bigness
13 juillet-16 août, Monash University Museum of Art, Melbourne
Jonas Mekas
27 janvier-19 mars, CAC, Vilnius
Jonas Mekas
Mead Gallery, Warwick Arts Center, Royaume-Uni
Jonas Mekas
118
Sketch Gallery, London
He Stands in the Desert Counting the Seconds of His Life
Tamayo Contemporary Art Museum, Mexico City
Jonas Mekas, Film Screenings
Hirshhorn Museum, Washington DC
Jonas Mekas
Baltic Art Center, Visby
The Expanded Eye
Kunsthaus Zurich
Onestar Stop
Galerie Erna Hécy, Brussels
2005
Dagsboksfilmen = The Diary Film
1 mars- 17 avril, Moderna Museet, Stockholm
Inventaire contemporain III.
projection des films de Jonas Mekas
24-30 avril, Jeu de Paume
Fragments of Paradise
mars-avril, Maya Stendhal Gallery, Chelsea
Celebration of the Small and Personal in the Times of Bigness
La Biennale de Venezia : 51. International Art Exhibition, Pavillon lituanien
commissaires : Liutauras Psilpilskis et lolita Jablonskiene
119
Balance and Power- Performance and Surveillance in Video Art
Krannert Art Museum, Champaign, IL.
Thank You for the Music
Spruth Magers Projeckte, Munich
Repetitions
Stendhal Gallery, New York, Group Show
2003
Jonas Mekas : A Camera for Jonas,
To Petrarca Who Walked Over the Hills of Provence
Dedication to Ferdinand Leger (vidéoinstallation de 24 heures)
2 juillet-28 septembre, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
commissaire : Hans Ulrich Obrist & Angelina Scherf
Moderna Museet
Baltic Art Center, Visby
Fables de L’Identité
Centre National de la Photographie, Paris
Jonas Mekas: Frozen Films Frames
Maison Europòene de la Photographie, Paris
Frozen Film Frames
Sideshow Gallery, Williamsburg, Brooklyn
Dedication to Fernand Leger
Museum of Contemporary Art, Vilinius
La Biennale di Venezia. Installation at the Utopia Station Pavillion
120
2002
Documenta 11, Kassel
Maison Européenne de la Photographie, Paris
2000
Voilà – Le monde dans la tête. (films et installations)
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
Laboratorium
Antwerpen Open, Antwerpen
1999
This Side of Paradise
en septembre et octobre 1999, Galerie du Jour Agnès B
7 janvier-28 février 1999, Gandy Gallery, Prague
Frozen Film Frames, A Celebration/Films immobiles, Une célébration
(photogrammes)
juillet, James Fuentes Gallery, New York
juillet, Galerie du Jour agnès b., Paris
juin, Susan Inglett Gallery, New York
mai, Pupelis Gallery, Obeliai
1998 Frozen Film Frames, A Celebration/Films immobiles, Une célébration
(photogrammes)
été, Gandy Gallery, Prague
juin, Le Printemps de Cahors, Cahors
1997
Giedre Bartett Galerie, Berlin
Gandy Gallery, Prague
121
Frozen Film Frames, A Celebration/Films immobiles, Une célébration
(photogrammes)
décembre, Museum of Contemporary Art, Vilnius
février, Madrid Art Fair
novembre 1996-mars 1997, Metropolitan Museum of Photographie, Tokyo
ART et Cinéma, Centre d’art contemporain Le Parvis, à Tarbes (exposition
collective)
accrochage de groupe, Galerie du Jour agnès b., Paris (exposition collective)
1996
Foire de Bâle (Galerie du Jour agnès b.)
Foire de Chicago
Jonas Mekas. Films immobiles, une célébration
Galerie du Jour agnès b. et American Centre, Paris
Frozen Film Frames, A Celebration/Films immobiles, Une célébration
(photogrammes)
mai, Still Gallery, Edinburgh
8 février-2 mars, Galerie du Jour agnès b., Paris
Laurence-Miller, New York
1995
rétrospective de ses films au Centre d’Art Contemporain, Vilnius, Lituanie
1994
Jonas Mekas (conférence, concert, projection)
122
12 octobre - 15 novembre, CinéMAC, Marseille, Musée d’Archéologie
Méditerranéenne
1993
la première rétrospective en Europe de ses films et vidéos :
5 -18 mai 1993 au Musée d’art contemporain à Marseille ;
15 décembre 1992 – 31 janvier 1993 à la Galerie National du Jeu de Paume à
Paris
commissaire : Angela Engelbach
rétrospective à Sao Paolo
Jonas Mekas (rétrospective)
15 décembre 1992-31 janvier 1993, Jeu de Paume
commissaire : Danièle Hibon
1992 Frozen Film Frames, A Celebration/Films immobiles, Une célébration
(photogrammes)
février-mars, Galerie du Jour agnès b., Paris
1991
novembre 1991, rétrospective complète de ses films au Musée Whitney
123
CATALOGUE D’EXPOSITIONS (CHRONOLOGIQUEMENT)
Jonas Mekas. 365 Day Project, Paris, Galerie du jour agnès b., Édition École Nationale
Supérieur des Beaux-Arts, 17 octobre 2009.
Jonas Mekas. A Pétrarque : Qui traversa les collines de Provence à pied, Édition Dis
Voir, 15 avril 2009. (édition anglaise : To Petrarca)
Jonas Mekas. Manifesto Marathon, Cologne, Ludwig Museum, Londres, Serpentine
Gallery, Édition Koenig Books, 2008.
6 opere di Jonas Mekas, Lucca, Fondazione Centro Studi Ragghianti, 2008.
Jonas Mekas : The Destruction Quartet 2006, avec l’essai de Jan Verwoert, Sidney,
Darren Knight Gallery, 2006.
Jonas Mekas. Dagboksfilmen/The Diary Film, Stockholm, Moderna Musset, 2005. (en
suédois et anglais)
La Biennale de Venezia : 51. International Art Exhibition, 2005.
Jonas Mekas. “This Side of Paradise”. Fragments of an Unfinished Biography, Paris,
Galerie du jour agnès b., 1999.
Jonas Mekas: Frozen Film Frames. Images et textes, Tokyo, Édition Photo-Planete,
1997.
Sustabdytos akimirkos, Vilnius, Contemporary Art Museum, 1997.
Jonas Mekas. Frozen Film Frames, Tokyo, Metropolitan Museum of Photography, 1996.
124
Jonas Mekas. Films immobiles, Une célébration, Paris, Galerie du Jour agnès b., 1996.
Jonas Mekas, Paris, Galerie National du Jeu de Paume, Marseille, Centre Charité, Maison
Méditerranéenne de l’image, 1992.
Jonas Mekas, Tokyo, 1983.
The Pleasure Dome. American Experimental Film 1939-1979, sous la direction
SÖDERQUIST (Claes), Stockholm, Moderna Museet, 1980.
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ouvrages (chronologiquement)
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Entretien avec Jonas Mekas, sous la direction de SANS, BOEDIC, GAUTHIER, Édition Paris
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Jonas Mekas. Just Like a Shadow : An Interview With Jérôme Sans, sous la direction de
MEKAS (Jonas), SANS (Jérôme), REMY (Patrick), Göttingen, Édition Steidl, octobre 2000.
Le livre de Lost Lost Lost/ The Lost Lost Lost book, sous la direction de CHODOROV (Pip)
et IMBEAU (Elodie) et en collaboration avec Christian Lebrat. textes de Michael Renov et
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Le Livre de Walden, sous la direction de CHODOROV (Pip) et LEBRAT (Christian), Paris,
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BRIGGS (Judith E.), Jonas Mekas, Minneapolis, Édition Walker Art Center et
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Literature Film Quarterly : D. H. Lawrence, Jonas Mekas, Andrew Sarris, sous la
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Cinema Now : Brakhage, Cage, Mekas, Vanderbeek, sous la direction de CURRIE (H.) et
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articles (chronologiquement)
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http://archive.sensesofcinema.com/contents/01/17/mekas_camper.html
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Biography », in Senses of Cinema, octobre 2001,
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HUGHES-FREELAND (Tessa), « An Interview with Jonas Mekas », in SARGEANT (Jack),
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ROLLET (P.), « Les exiles de Jonas Mekas », in Cahier du Cinéma, n° 463, janvier 1993.
« Jonas Mekas », (d’après les rencontres du décembre 1982 et janvier 1983), in
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139
ANNEXES
LISTE DES FIGURES CULTURELLES CITEES DANS L’ŒUVRE
Appollinaire, Guillaume
Edison, Thomas
Artaud, Antonin
Eisenstein, Sergei
Ashbery, John
Freud, Sigmund
Astaire, Fred
Fuller, Buckminster
Baillie, Bruce
Gehry, Frank
Basho, Matsuo
Genet, Jean
Baudelaire, Charles
Ginsberg, Allen
Beethoven, Ludwig van
Godard, Jean-Luc
Berman, Wallace
Goethe, Johann Wolfgang von
Bogart, Humphrey
Gumbats, Marija
Bresson, Robert
Hilton, Paris
Bruno, Giordano
Imus, Don
Bunuel, Louis
Issa, Kobayashi
Burroughs, William S.
James, Skip
Cavafy, Constantin
Johnson, Blind Willie
Cave, Nick
Joyce, James
Cézanne, Paul
Kabalevsky, Dimitri
Clarks, Larry
Keaton, Buster
Cornell, Joseph
Lennon, John
Corso, Gregory
Lumière, Auguste et Louis
Dante, Alighieri
Luzzato, Moshe Chaim
Dao, Bei
Maciunas, Georges
De Amicis, Edmondo
Malevitch, Kazimir
Deren, Maya
Malle, Louis
Duanaire, Tinnakill
Niestche, Friedrich
Dylan, Bob
Nitobe, Inazo
140
Ono, Yoko
Simon, Nina
Paik, Nam June
Smith, Harry
Petrarca, Franceso
Spears, Britney
Pinter, Harold
Stendhal, Marie-Henri Beyle
Pirandello, Luigi
Sudek, Josef
Proust, Marcel
Tompkins, Peter
Reis, Ricardo
Verdi, Giuseppe
Rubin, Barbara
Vigo, Jean
Sade, Donatien Alphonse François
Warhol, Andy
Saint-Exupéry, Antoine de
Wilde, Oscar
Schjeldahl, Peter
Ying, Dodo Ming
Scorsese, Martin
Zwick, Edward
Shakespeare, William
141
LISTE DES GENS QUI APPARAISSENT DANS L’ŒUVRE
Abraham, Raimund
Erica, petite-amie de Valkaris
Adamkus, Vladas
Evgen, le photographe aveugle
agnès b.
Ford, Charles Henri
Ahwesh, Peggy
Friedman, Betty
Anger, Kenneth
Gehry, Frank
Arbus, Diane
Glass, Philip
Bacigalupo, Massimo
Goldovskaya, Marina
Bartas, Sarunas
Gordon, Douglas
Beard, Peter et Zara
Graham, Billy
Berger, Mark
Grass, Günter
Berman, Tosh
Guedji, Georg-Henri
Berteto
Guerero
Bogdanovich, Peter
Hagen, Nina
Bui, Phong
Haller, Robert
Burchill, Ella
Hill, Jerome
Carrie
Hollis
Cave, Nick
Hutton, Peter
Chappels, Pola
Ito, Kaori
Chedid, Matthieu
Jacobs, Ken et Flo
Cohen, John
Johns, Nora
Coleman, Ornette
Julius
Coppa
Jurga
Cornand, Brigitte
Kardish, Larry
Corso, Gregory
Kelly, Ellsworth
Corso, Sherry
Kenny
De Bernardi, Tonino
Kilb, Paul
Donovan
Korine, Harmony
Drake, Nick
Kouyate, Baye
Dubosc, Dominique
Krens, Thomas
142
Kubelka, Peter
Nponda, Menard
Kubota, Shigeko
Obrist, Hans Ulrich
Kuchars, George et Mike
Ono, Yoko
Kuenstler, Frank
Paik, Nam June
Landsbergis, Vytautas
Païni, Dominique
Lebel, Jean-Jacques
Papatakis, Nico
Lehman, Boris
Parkash, Deva Hari
Leslie, Alfred
Pedro, le barman à Sao Paolo
Liotta, Jeanne
Perkins, Jeff
Lund, Zoe
Pip Chodorov
Maciunas, Georges
Rachev, Valentin
Maciunas, Nijole
Radziwill, Lee
Madonna
Raissnia, Raha
Mailer, Norman
Raynal, Jackie
Major, Ursula
Reed, Lou
Marshall, Chan
Ridgely, Tona "Tbird Luv"
Maxi, chat
Rumple, chat
McGettwick, John
Rushdie, Salmon
Meed, Taylor
Samantha
Mekas, Adolfas
Saskia
Mekas, Oana
Schwarzenegger, Arnold
Mekas, Sebastian
Sempel, Peter
Michel, Ariane
Serra, Richard
Mitzi, chat
Shiva, chat
Natema, Nakai
Smith, Patti
Naujo, Dalius
Sontag, Susan
Neria
Stendhal, Harry
Nitsch, Hermann
Stendhal, Maya
Noro, Satchie
Sze, Sarah
Northover, Benn
Tarr, Béla
Nov, John Waters
Thierney, Moira
143
Thierre, James
Young, La Monte
Valkaris, Auguste
Youth, Sonic
Vautier, Ben
Zedd, Nick
Viva, Alexandra, Luzia
Zevola, Guiseppe
Yamagata, Hiro
Zorn, John
Yoshimasu, Gozo
Zuokas, Arturas
144
LIEUX GEOGRAPHIQUES DANS L’ŒUVRE
125th Street, atelier de Ornette Coleman
80 Wooster Street, Fluxushouse Cooperative, Soho
Anthology Film Archive
BAM
Bedford Avenue, Williamsburg, Brooklyn
Berlin/Weimar Cabaret, NYC
chez Mekas, 491 Broadway, Soho, NYC
Cremcafé, 2nd Avenue & 3rd Street, NYC
Danny’s Skylight Room Cabaret
East River, NYC
Grace Exhibition Place, Brooklyn, NYC
Grace Place, Buschwick, Brooklyn
Grace Space Buschwick, Brooklyn, NYC
Grand Ferry Park, Williamsburg, Brooklyn
Greenpoint, Brooklyn, NYC
Guggenheim Museum
Hiro Ballroom, NYC
Hudson River
Huston & Second Avenue, NYC
Huston Street, NYC
Lucien Restaurant, East Village, NYC
Madison Square Garden
Mars Bar, au coin de 1st Street & 2nd Street Avenue, NYC
Maya Stendhal Gallery
McGlorick Park, Greenpoint, Brooklyn
New York’s School for Strings
Pete’s Candy Store, Brooklyn, NYC
Pink Pony, Lower East Side, NYC
Prospect Park, Brooklyn, NYC
145
Reed Hook, Brooklyn
Rockefeller Center Rainbow
Spoonbill & Sugartown Bookshop, Williamsburg, Brooklyn
St. Ann’s Church, NYC
The Brooklyn Rail, P.S.1 Gallery
Third War Gallery, NYC
Thomas Erben Gallery
Union Square, NYC
Utopia Parkway , Queens, la maison de Joseph Cornell
Village Gate, NYC
Washington Square Park
Zebulon, Williamsburg, Brooklyn, NYC
Cape Code
Coney Island
Hollywood
Kiahkeya, Long Island City
Montauk, Long Island
San Francisco Film Festival
St. Paul, Minnesota
202 boulevard St. Germaine, Paris
Arc de Triomphe, Paris
Bar au passage, Paris
Bar du Marché, rue de la Seine, Paris
Cimetière de Montmartre, Paris
Cinémathèque Française, Paris
FIAC, Paris
Hôtel Louisianne, Paris
Hôtel Ritz, Paris
146
Le Grand Café, Paris
Prison de la Santé, Paris
Shakespeare Company, Paris
Wepler, Paris
Antibes, France
Cahors, France
Camargue, Sud de la France
Cloître St. Louis, Avignon, France
Hôtel de la Mère Poulard, Mont St. Michel,
France
La Ciotat, France
Provence, Lacoste, France
St. Claire Église, Avignon, France
St. Rémy, France
Capri, Italie
Cumiana, Italie
Lac Maggiore, Italie
Musée Stradivari, Cremona, Italie
Naples, Italie
Rome, Italie
Torino, Bookfair
Torino, Italie
Venise, Italie
Jonas Mekas Visual Art Center, Vilnius
Semeniskia, Lithuania
Uzupis, Vilnius
Vilnius, Lithuania
147
Heike Curtze Gallery, Vienne
Stammendorf, Autriche
Vienne, Autriche
Willendorf, Autriche
Nyon, Suisse
Willison Jazz Festival, Suisse
Zurich, Suisse
Fundoa Film Festival, Portugal
Girona, Espagne
Helsinki, Tampere Film Festival
Lux, London Filmmaker’s Cooperative
Luxemburg
Munich, Allemagne
Sao Paolo, Brésil
Yokohama, Japon
148
CAPTURES D’ECRAN DES SITES DE L’ŒUVRE
www.jonasmekas.com
149
150
151
152
www.jonasmekasfilms.com
153
154
155
156
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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films
2008
Lithuania and the Collapse of USSR (290’)
2007
Notes on american Film Director : Martin Scorsese (80’)
2003
Willamsburg, Brooklyn /1960-2003/ (15’)
Notes on Utopia (59’)
2000
As I Was Moving Ahead Occasionally I Saw Brief Glimpses of Beauty (16 mm,
288’)
Song of Avignon (8’)
Mysteries /période : 1966-2000/ (34’)
Mozart & Wien and Elvis (3’)
1999
This Side of Paradise (16 mm, 25’)
1988
Song of Avignon (5’)
1997
Birth of a Nation (80’)
1996
Memories of Frankenstein (95’)
Happy Birthday to John (18’)
1995
Imperfect 3 - Image Films (6’)
On the Way to Fujiyama (25’)
1992
Zefiro Torna or Scenes from the Life of George Maciunas (35’)
Quartet #1 (5’)
1991
Dr Carl G Jung by Jerome Hill or Lapis Philosophirum /1950/ (29’)
1990
Scenes from the Life of Any Warhol /1965-1982/ (36’)
1985
He Stands in a Desert Counting the Seconds of His Life /1964-1984/ (160’)
1983
Erick Hawkins : Excerpts from « Here and Now With Watchers »/ Lucia
Dlugoszewski Performs (1962-1983) (6’)
Cup/Saucer/Two Dancers/Radio (1965-1983) (23’)
Street Songs (1966-1983) (11’)
1981
Travel Songs /1967-1981/ (28’)
1980
The Song of Stockholm (4’)
1979
Paradise Not Yet Lost (97’) /filmage en 1977 à Manhattan, puis le voyage
bifurque vers la Suède, se poursuit de nouveau en Lituanie et en Autriche, et
continue en Italie pour se terminer à New York/
1978
In Beetween : 1964-8/ (52’)
Notes for Jérôme /période : 1966-1967 et 1974, exclusivement à Cassis/ (45’)
1975
Lost, Lost, Lost /période : 1950-1953/ (180’)
1972
Reminiscences of a Journey to Lituania /1950-1971/ (82’)
1970
The Song of Moscow (3’)
1969 Walden - Diaries, Notes & Sketches /période : 1964-1968/ (180’)
1968
Time and Fortune Vietnam Newsreel (4’)
1967
The Italien Notebook (15’)
The Song of Assisi (2’)
The Song of Avila (4’)
The Song of Italy (15’)
1966
Notes on the Circus (12’)
Cassis (4’)
Hare Krishna (4’)
Report from Millbrook (1965-66) (12’)
1964
Award Presentation to Andy Warhol (12’)
1963
The Brig (68’)
Film Magazine of the Arts (20’)
Moires : Dali/Oster Newsreel
1962
Guns of the Trees (75’)
1950
Grand Street (films inachevés)
1953
Silent Journey (films inachevés)
vidéos
2004
Letters from Greenpoint (80’)
2003
Dedication to Léger (vidéoinstallation)
2001
Ein Märchen (6’)
2000
Autobiography of a Man Whose Memory Was in His Eyes (53’)
Remedy for Melancholy (20’)
1999
Laboratorium (63’)
A Few Notes on Andy’s Factory (59’)
Notes on Film-Maker’s Cooporative (40’)
1997
Letters from Nowhere - Laikas is Neikur N.1 (75’)
Scenes from Allen’s Last Three Days on Earth as Spirit (avril 1997, 67’)
Symphony of Joy
Letters to Friend #1 (88’)
1996
Cinema Is Not 100 Years Old (5’)
1992
The Education of Sebastian or Egypt Regained /période : décembre 1991-janvier
1992/ (360’)
1992
Mob of Angels at St. Ann’s
1991
Mob of Angels/ The Baptism (60’)
web
projet 1001 Nights/ One Thousand Nights and Night
2007
365 Day Project
films sur Mekas
2009
Visionaries : Jonas Mekas and the (Mostly) American Avant-Garde Cinema,
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2002
Meanwhile a Butterfly Flies, Julius ZIZ (vidéo)
Jonas Tourne Toujours, Pip CHODOROV (vidéo, 10’)
As Jonas Was Moving Ahead, Peter Rode Off, Pip CHODOROV (16 mm, 5‘)
2001
Cinéastes de notre temps: Jonas Mekas, Jackie RAYNAL
As Radau.., Arba Palakiojimai (I Found... or Flyings), Algimantas MACEINA (his
75th birthday, Christmas in Lithuania) (Beta SP, 20’)
Moving Images – the Film-Makers' Cooperative Relocates, Joel SCHLEMOWITZ
(16 mm, 14’)
Jonas présente REMINISCENCES (Guillaume Lauras [La Femis], 2001) 7 min,
vidéo
2000
Fête d'anniversaire de Jonas Mekas avec portraits d'invités, Boris LEHMAN (16
mm, 5’)
1999
My Country is Cinema. Scenes from the Life of Jonas Mekas, Brigitte CORNAND
(vidéo, 58’)
Happy Birthday Jonas, Auguste VARKALIS (16 mm, 3’)
Oona's wedding, Robert FENZ (16 mm, 5’)
1998
Jonas Mekas joue de l'accordéon, Boris LEHMAN (16 mm, 3’)
1997
Jonas Mekas in Paris 10/97, Pip CHODOROV (16 mm, 4’)
1995
Jonas Mekas, Friday the 13 Okt, Anja CZIOSKA (16 mm, 6’)
1994
Jonas in the Desert, Peter SEMPEL (16 mm, 120’)
1993
Portrait of Jonas and Peter, Friedl KUBELKA-BONDY (16 mm, 3’)
1969
Filmmakers series - Jonas Mekas, Taka IIMURA (16 mm, 6’)
1967
Festival Mix, Jud YALKUT (16 mm)
Jonas, Gideon BACHMANN (16 mm)
1966
Shooting Guns, Charles I. LEVINE (16 mm, 8’)
Screen Tests – Jonas Mekas, Andy WARHOL
Song 15, Stan BRAKHAGE (16 mm)
1964
Newsreel – Jonas in the Brig, Storm de HIRSCH (16 mm, 5’)
OUVRAGES ECRITS PAR JONAS MEKAS
:
Daybooks 1970–1972, traduction de lithuanien en anglais par Vyt Bakaitis, Brooklyn,
New York, Édition Portable Press by Yo-Yo Labs, 2003.
Artists’ book, Paris, Édition Onestar, 2003.
Le cinéma de la nouvelle génération, Paris, Édition Paris Expérimental, coll. « Les
Cahiers de Paris Expérimental » (n° 8), 10 novembre 2002.
Jonas Mekas Présente Flux Friends. George Maciunas, Yoko Ono, John Lennon, Paris,
Éditions du Centre Pompidou, 9 octobre 2002.
Déclarations de Paris/ Statements from Paris, Paris, Édition Paris Expérimental, coll.
« Les Cahiers de Paris Expérimental » (n° 2), édition bilingue anglais et français, 8
novembre 2001.
Zefiro Torna or Scenes From the Life of George Maciunas (diaries), New York, Édition
Arthouse, 1998.
Lettres de nulle part - Lettres from nowhere, introduction par Algimantas Antanas
Naujokaitis, traduction de lituanien par Marielle Vitureau, Paris, Édition Paris
Expérimental, 1 janvier 2003.
Jonas Mekas, Paris, Édition agnès b. galerie du jour, coll. « Point d'ironie » (n° 0), 1997.
I Had Nowhere to Go. Diary of a Deplaced Person. 1944-1954, New York, Édition Black
Thistle Press, 1991.
Je n'avais nulle part où aller, traduit d’américain par Jean-Luc Mengus, Édition P.O.L.,
2
décembre 2004.
Ningún lugar a donde ir, traduction espagnole par Leonel Livchits, prologue par Emilio
Bernini, Caja Negra, Buenos Aires, mars 2009.
Three Friends (Sur John Lennon, Yoko Ono et George Maciunas), Tokyo, Édition Sha,
1990.
Movie Journal. The Rise of a New American Cinema (1959-1971), New York/Toronto,
Édition Collier-Macmillan, 1972.
Ciné-journal. Un nouveau cinéma américain (1959-1971), traduit d’anglais par
Dominique Noguez, Paris, Édition Paris Experimenal, coll. « Classiques de l ‘AvantGarde », 1992
Knyga Apie Karalius ir Zmones, Tubingen, 1947. (en lituanien)
poèmes
Ma vie nocturne, traduction par Marc Ulbrich, Vilnius, Baltos Lankos, Paris, Édition Re :
voir, 2007.
Dienu Rastai, Vilnius, 1998. (en lituanien)
There Is No Ithaca : Idylles of Semeniskiai & Reminiscence, traduit de lithuanien en
anglais par Vyt Bakaitis, de Semeniskiu Idiles et de Reminiscensijos, Édition Black
Thistle Press, octobre 1996.
Home, Édition Black Thistle Press, édition bilingue de ses premiers poèmes (anglais et
lituanien), 1992.
Dienorasciai, New York, 1985. (en lituanien)
Reminiscensijos, New York, 1972. (en lituanien)
Poezija, Vilnius, 1971. (en lituanien)
Pavieniai Zodziai, Chicago, 1967. (en lituanien)
Géliu Kalbejimas, Chicago, 1961. (en lituanien)
Semeniskiu Idiles, Kassel, 1948. (en lituanien)
sélection d’articles :
« Textes par Jonas Mekas », in Drift, New York, sous la direction de SINGER (Leah) et
SONIC YOUTH , Plexifilm, 2005.
« Underground un cinéma américain », in Art Press, n° 175, décembre 1992.
« Fluxus : A conceptual Country », in Visible Language, vol. 26, n° ½, hiver/printemps
1992.
« Where are we ?- The Underground », in The American Experience, sous la direction de
TYTELL (John) et JAFFE (Harold), New York, Harper and Row, 1970.
« The other direction », in The Movies as Medium, sous la direction de JACOBS (Lewis),
New York, Staus & Giroux, 1970.
« A Call for a New Generation of Film Makers », Film Culture, n° 19, 1959.
EXPOSITIONS DE JONAS MEKAS:
2010
Manifesto Marathon
Serpentine Gallery, London
2009
FIAC (Galerie du Jour agnès b.)
A Few Things I Want to Share with my Paris Friends
16 mai - 20 juin 2009, Galerie du Jour Agnès B
commissaire : Benn Northover
Jonas Mekas : New York
13 novembre-21 février 2009, Maya Stendhal Gallery
commissaire : Harry Stendhal
2008
Jonas Mekas (rétrospective)
8 novembre 2008- 1 mars 2009, Ludwig Museum, Cologne
6 opere di Jonas Mekas
11 octobre-2 novembre, Lucca, Fondazione Centro Studi Ragghianti
commissaire : Benn Northover
28th Biennial of Sao Paulo
The Foundation of Sao Paulo, Sao Paulo, Brésil
Whatever Happened to Sex in Scandinavia?
Office for Contemporary Art Norway, Oslo, Norway
That Was Then…This Is Now
P.S.1 Contemporary Art Center, Long Island City, New York
Reykjavik Arts Festival, Reykjavik, Islande
From Fluxus to Media Art
Stendhal Gallery, New York
2007
From Futurism to Fluxus
The Jonas Mekas Visual Arts Center, Vilnius, Lithuania
Universal Language & The Avant-Garde
Stendhal Gallery, New York
Jonas Mekas: The Beauty of Friends Being Together Quartet
P.S.1 Contemporary Art Center, Long Island City, New York
www.jonasmekas.com
novembre – février, Stendhal Gallery
2006
The Destruction Quartet 2006
10 novembre-4 octobre, Darren Knight Gallery, Sidney, Australie
commissaire : Danius Kesminas
Celebration of the Small and Personal in the Times of Bigness
13 juillet-16 août, Monash University Museum of Art, Melbourne
Jonas Mekas
27 janvier-19 mars, CAC, Vilnius
Jonas Mekas
Mead Gallery, Warwick Arts Center, Royaume-Uni
Jonas Mekas
Sketch Gallery, London
He Stands in the Desert Counting the Seconds of His Life
Tamayo Contemporary Art Museum, Mexico City
Jonas Mekas, Film Screenings
Hirshhorn Museum, Washington DC
Jonas Mekas
Baltic Art Center, Visby
The Expanded Eye
Kunsthaus Zurich
Onestar Stop
Galerie Erna Hécy, Brussels
2005
Dagsboksfilmen = The Diary Film
1 mars- 17 avril, Moderna Museet, Stockholm
Inventaire contemporain III.
projection des films de Jonas Mekas
24-30 avril, Jeu de Paume
Fragments of Paradise
mars-avril, Maya Stendhal Gallery, Chelsea
Celebration of the Small and Personal in the Times of Bigness
La Biennale de Venezia : 51. International Art Exhibition, Pavillon lituanien
commissaires : Liutauras Psilpilskis et lolita Jablonskiene
Balance and Power- Performance and Surveillance in Video Art
Krannert Art Museum, Champaign, IL.
Thank You for the Music
Spruth Magers Projeckte, Munich
Repetitions
Stendhal Gallery, New York, Group Show
2003
Jonas Mekas : A Camera for Jonas,
To Petrarca Who Walked Over the Hills of Provence
Dedication to Ferdinand Leger (vidéoinstallation de 24 heures)
2 juillet-28 septembre, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
commissaire : Hans Ulrich Obrist & Angelina Scherf
Moderna Museet
Baltic Art Center, Visby
Fables de L’Identité
Centre National de la Photographie, Paris
Jonas Mekas: Frozen Films Frames
Maison Europòene de la Photographie, Paris
Frozen Film Frames
Sideshow Gallery, Williamsburg, Brooklyn
Dedication to Fernand Leger
Museum of Contemporary Art, Vilinius
La Biennale di Venezia. Installation at the Utopia Station Pavillion
2002
Documenta 11, Kassel
Maison Européenne de la Photographie, Paris
2000
Voilà – Le monde dans la tête. (films et installations)
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
Laboratorium
Antwerpen Open, Antwerpen
1999
This Side of Paradise
en septembre et octobre 1999, Galerie du Jour Agnès B
7 janvier-28 février 1999, Gandy Gallery, Prague
Frozen Film Frames, A Celebration/Films immobiles, Une célébration
(photogrammes)
juillet, James Fuentes Gallery, New York
juillet, Galerie du Jour agnès b., Paris
juin, Susan Inglett Gallery, New York
mai, Pupelis Gallery, Obeliai
1998 Frozen Film Frames, A Celebration/Films immobiles, Une célébration
(photogrammes)
été, Gandy Gallery, Prague
juin, Le Printemps de Cahors, Cahors
1997
Giedre Bartett Galerie, Berlin
Gandy Gallery, Prague
Frozen Film Frames, A Celebration/Films immobiles, Une célébration
(photogrammes)
décembre, Museum of Contemporary Art, Vilnius
février, Madrid Art Fair
novembre 1996-mars 1997, Metropolitan Museum of Photographie, Tokyo
ART et Cinéma, Centre d’art contemporain Le Parvis, à Tarbes (exposition
collective)
accrochage de groupe, Galerie du Jour agnès b., Paris (exposition collective)
1996
Foire de Bâle (Galerie du Jour agnès b.)
Foire de Chicago
Jonas Mekas. Films immobiles, une célébration
Galerie du Jour agnès b. et American Centre, Paris
Frozen Film Frames, A Celebration/Films immobiles, Une célébration
(photogrammes)
mai, Still Gallery, Edinburgh
8 février-2 mars, Galerie du Jour agnès b., Paris
Laurence-Miller, New York
1995
rétrospective de ses films au Centre d’Art Contemporain, Vilnius, Lituanie
1994
Jonas Mekas (conférence, concert, projection)
12 octobre - 15 novembre, CinéMAC, Marseille, Musée d’Archéologie
Méditerranéenne
1993
la première rétrospective en Europe de ses films et vidéos :
5 -18 mai 1993 au Musée d’art contemporain à Marseille ;
15 décembre 1992 – 31 janvier 1993 à la Galerie National du Jeu de Paume à
Paris
commissaire : Angela Engelbach
rétrospective à Sao Paolo
Jonas Mekas (rétrospective)
15 décembre 1992-31 janvier 1993, Jeu de Paume
commissaire : Danièle Hibon
1992 Frozen Film Frames, A Celebration/Films immobiles, Une célébration
(photogrammes)
février-mars, Galerie du Jour agnès b., Paris
1991
novembre 1991, rétrospective complète de ses films au Musée Whitney
CATALOGUE D’EXPOSITIONS (CHRONOLOGIQUEMENT)
Jonas Mekas. 365 Day Project, Paris, Galerie du jour agnès b., Édition École Nationale
Supérieur des Beaux-Arts, 17 octobre 2009.
Jonas Mekas. A Pétrarque : Qui traversa les collines de Provence à pied, Édition Dis
Voir, 15 avril 2009. (édition anglaise : To Petrarca)
Jonas Mekas. Manifesto Marathon, Cologne, Ludwig Museum, Londres, Serpentine
Gallery, Édition Koenig Books, 2008.
6 opere di Jonas Mekas, Lucca, Fondazione Centro Studi Ragghianti, 2008.
Jonas Mekas : The Destruction Quartet 2006, avec l’essai de Jan Verwoert, Sidney,
Darren Knight Gallery, 2006.
Jonas Mekas. Dagboksfilmen/The Diary Film, Stockholm, Moderna Musset, 2005. (en
suédois et anglais)
La Biennale de Venezia : 51. International Art Exhibition, 2005.
Jonas Mekas. “This Side of Paradise”. Fragments of an Unfinished Biography, Paris,
Galerie du jour agnès b., 1999.
Jonas Mekas: Frozen Film Frames. Images et textes, Tokyo, Édition Photo-Planete,
1997.
Sustabdytos akimirkos, Vilnius, Contemporary Art Museum, 1997.
Jonas Mekas. Frozen Film Frames, Tokyo, Metropolitan Museum of Photography, 1996.
Jonas Mekas. Films immobiles, Une célébration, Paris, Galerie du Jour agnès b., 1996.
Jonas Mekas, Paris, Galerie National du Jeu de Paume, Marseille, Centre Charité, Maison
Méditerranéenne de l’image, 1992.
Jonas Mekas, Tokyo, 1983.
The Pleasure Dome. American Experimental Film 1939-1979, sous la direction
SÖDERQUIST (Claes), Stockholm, Moderna Museet, 1980.
SUR JONAS MEKAS :
ouvrages (chronologiquement)
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Entretien avec Jonas Mekas, sous la direction de SANS, BOEDIC, GAUTHIER, Édition Paris
Expérimental, coll. « Les Cahiers de Paris Expérimental » (n° 24), 2006.
Jonas Mekas. Just Like a Shadow : An Interview With Jérôme Sans, sous la direction de
MEKAS (Jonas), SANS (Jérôme), REMY (Patrick), Göttingen, Édition Steidl, octobre 2000.
Le livre de Lost Lost Lost/ The Lost Lost Lost book, sous la direction de CHODOROV (Pip)
et IMBEAU (Elodie) et en collaboration avec Christian Lebrat. textes de Michael Renov et
Patrice Rollet, Paris, Édition Paris Expérimental et Re:Voir Vidéo, 2000.
Le Livre de Walden, sous la direction de CHODOROV (Pip) et LEBRAT (Christian), Paris,
Édition Paris Expérimental et Light Cone Vidéo, 1997.
To Free the Cinema. Jonas Mekas & The New York Underground, sous la direction de
JAMES (David E.), Princenton, Édition Princenton University, 1992.
BRIGGS (Judith E.), Jonas Mekas, Minneapolis, Édition Walker Art Center et
Filmmaker’s Filming Film in the Cities, 1980.
Literature Film Quarterly : D. H. Lawrence, Jonas Mekas, Andrew Sarris, sous la
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ARBASINO (Alberto), Entre el “underground” y el “off-off”, Barcelona, Édition
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Cinema Now : Brakhage, Cage, Mekas, Vanderbeek, sous la direction de CURRIE (H.) et
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articles (chronologiquement)
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Sur Jonas Mekas, in LEBRAT (Christian), Cinéma radical : dimensions du cinéma
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Interview avec Jonas Mekas, in PATTERSON (Clayton), Captured : A Film/Video History
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Interview avec Jonas Mekas, in Journal of Fine Arts (Fine Art Festival Committe of the
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Pip Chodorov, in Senses of Cinema,
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ouvrages universitaires (mémoire, thèse)
GROSSE (Charlotte), Jonas Mekas et les images mouvantes, EHESS, Master 2, TPLA,
2009.
TOURNEUR (Cécile), Le régime de la voix dans les films de Jonas Mekas, 1966-2007, sous
la direction de Claudine Eizykman, thèse, Esthétique, Sciences et Technologies du
Cinéma et de l’Audiovisuel à l’Université Paris 8. 2009.
LEE (Dorim), Le ravissement visuel dans "Walden" de Jonas Mekas, sous la direction de
Claudine Eizykman, Université Paris 8, 2002.
ABENSOUR (Judith), Figures et identité : dans le cinéma de Jonas Mekas, sous la
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2006.
Écographies de la télévision. Entretiens filmés, DERRIDA (Jaques) et STIEGLER (Bernard),
Paris, Édition Galilée – INA, coll. « Débats », 1996.
The Essential Cinema : Essays on the Films in the Collection of Anthology Film
Archives, sous la direction de SITNEY (P. Adams), 1975.
The Everyday, An anthology on the everyday in the word of contemporary art, éditeur
JOHNSTONE (Stephen), London, Whitechappel, Cambridge, Massachusetts, Édition MIT,
coll. « Documents of Contemporary Art », 2008.
Film and Video Art, London, Tate Gallery, 2009.
Film Culture, sous la direction et avec l’introduction de SITNEY (P. Adams), New York,
Édition Cooper Square Press, 2000.
Film Culture, An Anthology, sous la direction et avec l’introduction de SITNEY (P.
Adams), Londres, Secker and Warburg, 1971.
Film : Book I (The Audience and the Filmmaker), sous la direction de HUGHES (Robert),
dont la contribution Jonas Mekas, New York, Édition Grove, 1959
Fluxus. Definíciók és idézetek. Szöveggyűjtemény a Fluxus Németországban 1962-1994
című kiállításhoz, catalogue d’exposition, Budapest, Műcsarnok, 1996.
Fluxus. Interjúk, szövegek, események-esetek, Budapest, Artpool Művészetkutató
Központ, Ludwig Múzeum- Kortárs Művészeti Múzeum Budapest, 2008.
Future Cinema. The cinematic Imaginary after Film, catalogue d’exposition, ZKM
Karlsruhe, 2003.
Il Grande Occhio Della Notte. Cinema d’Avantguardia Americano 1920-1990, sous la
direction de BERTETTO (Paolo), Turin, Museo Nazionale del Cinema, 1992.
Happenings & Fluxus, sous la direction de DREYFUS (Charles), catalogue d’exposition,
Paris, Galerie 1900-2000, Galerie du Génie, Galerie du Poche, Édition J.R., 1989.
A History of the American Avant-Garde Cinema, sous la direction de (SINGER Marylin).
Imaginable, sous la direction de DEL FAVERO (Dennis), FROHNE (Ursula), WEIBEL
(Peter), Édition Hatje Cantz, 2008.
L’intime, sous la direction de LEBOVICI (Elisabeth), Paris, Édition École Nationale
Supérieure des Beaux-Arts, collection « D’art en question », 2004.
Into the Light. The Projected image in American Art. 1964-1977, sous la direction de
ILES (Chrissie), catalogue d’exposition, New York, Whitney Museum of American Art.
Inverted odysseys : Claude Cahun, Maya Deren, Cindy Sherman, sous la direction de
RICE (Shelley), dont la contribution Jonas Mekas [essai sur Maya Deren par Jonas
Mekas], New York, Grey Art Gallery North Miami, Museum of Contemporary Art
Cambridge, London, Édition MIT, 1999.
Le je filmé, catalogue d’exposition (Centre Georges Pompidou et MNAM du 31 mai au 2
juillet 1995), Paris, Édition de Centre Pompidou, Schratch Projection, 1995.
The New American Cinema – A Critical Anthology, sous la direction de BATTCOCK
(Gragory), New York, Édition E. P. Dutton and C°, 1967.
Passages de l’image, sous la direction de BELLOUR (Raymond), DAVID (Chaterine), VAN
ASSCHE (Christine), catalogue d’exposition, Paris, Édition du Centre Georges Pompidou,
1990.
Resolutions. Contemporary Video Practices, sous la direction de RENOV (Michael) et
SUDERBURG (Erika), Minnesota, 1996.
Serial Imagery. sous la direction de COPLANS (John), MEKAS (Jonas), TOMPKINS
(Calvin), Pasadena Art Museum, Pasadena, California, 1968.
Syntax des Sehens. Die Videosammlung ZKM, sous la direction d’ANGERMEYERDEUBNER (Marlene), WEIBEL (Peter), Kehrer, 2006.
Videos Europa, catalogue d’exposition, Le Fresnoy, Studio national des arts
contemporains, 2009.
You have not been honest. Contemporary film & vidéo from the UK, catalogue
d’exposition, Naples, British Council, 2007.
ouvrages universitaires (mémoire, thèse)
DOFOUR (Sophie-Isabelle), « Imaginem vidéo ». Image vidéo dans « l’histoire longue »
des images, thèse dirigée par Philippe Dubois, Paris III, 2004.
WAGON (Gwenola), Utopies d’un cinéma interactif. Accessibilité des images en
mouvement, thèse, sous la direction de Jean-Louis Boissier, Université de Lille III., 2008.
ANNEXES
LA LISTE DES CITATIONS DES FUGURES CULTURELLES DANS L’ŒUVRE
Appollinaire, Guillaume
Dylan, Bob
Artaud, Antonin
Edison, Thomas
Ashbery, John
Eisenstein, Sergei
Astaire, Fred
Freud, Sigmund
Baillie, Bruce
Fuller, Buckminster
Basho, Matsuo
Gehry, Frank
Baudelaire, Charles
Genet, Jean
Beethoven, Ludwig van
Ginsberg, Allen
Berman, Wallace
Godard, Jean-Luc
Bogart, Humphrey
Goethe, Johann Wolfgang von
Bresson, Robert
Gumbats, Marija
Bruno, Giordano
Hilton, Paris
Bunuel, Louis
Imus, Don
Burroughs, William S.
Issa, Kobayashi
Cavafy, Constantin
James, Skip
Cave, Nick
Johnson, Blind Willie
Cézanne, Paul
Joyce, James
Clarks, Larry
Kabalevsky, Dimitri
Cornell, Joseph
Keaton, Buster
Corso, Gregory
Lennon, John
Dante, Alighieri
Lumière, Auguste et Louis
Dao, Bei
Luzzato, Moshe Chaim
De Amicis, Edmondo
Maciunas, Georges
Deren, Maya
Malevitch, Kazimir
Duanaire, Tinnakill
Malle, Louis
Niestche, Friedrich
Shakespeare, William
Nitobe, Inazo
Simon, Nina
Ono, Yoko
Smith, Harry
Paik, Nam June
Spears, Britney
Petrarca, Franceso
Stendhal, Marie-Henri Beyle
Pinter, Harold
Sudek, Josef
Pirandello, Luigi
Tompkins, Peter
Proust, Marcel
Verdi, Guiseppe
Reis, Ricardo
Vigo, Jean
Rubin, Barbara
Warhol, Andy
Sade, Donatien Alphonse François
Wilde, Oscar
Saint-Exupéry, Antoine de
Ying, Dodo Ming
Schjeldahl, Peter
Zwick, Edward
Scorsese, Martin
LA LISTE DES GENS QUI APPARAISSENT DANS L’ŒUVRE
Abraham, Raimund
Dubosc, Dominique
Adamkus, Vladas
Erica, petite-amie de Valkaris
agnès b.
Evgen, le photographe aveugle
Ahwesh, Peggy
Ford, Charles Henri
Anger, Kenneth
Friedman, Betty
Arbus, Diane
Gehry, Frank
Bacigalupo, Massimo
Glass, Philip
Bartas, Sarunas
Goldovskaya, Marina
Beard, Peter et Zara
Gordon, Douglas
Berger, Mark
Graham, Billy
Berman, Tosh
Grass, Günter
Berteto
Guedji, Georg-Henri
Bogdanovich, Peter
Guerero
Bui, Phong
Hagen, Nina
Burchill, Ella
Haller, Robert
Carrie
Hill, Jerome
Cave, Nick
Hollis
Chappels, Pola
Hutton, Peter
Chedid, Matthieu
Ito, Kaori
Cohen, John
Jacobs, Ken et Flo
Coleman, Ornette
Johns, Nora
Coppa
Julius
Cornand, Brigitte
Jurga
Corso, Gregory
Kardish, Larry
Corso, Sherry
Kelly, Ellsworth
De Bernardi, Tonino
Kenny
Donovan
Kilb, Paul
Drake, Nick
Korine, Harmony
Kouyate, Baye
Northover, Benn
Krens, Thomas
Nov, John Waters
Kubelka, Peter
Nponda, Menard
Kubota, Shigeko
Obrist, Hans Ulrich
Kuchars, George et Mike
Ono, Yoko
Kuenstler, Frank
Paik, Nam June
Landsbergis, Vytautas
Païni, Dominique
Lebel, Jean-Jacques
Papatakis, Nico
Lehman, Boris
Parkash, Deva Hari
Leslie, Alfred
Pedro, le barman à Sao Paolo
Liotta, Jeanne
Perkins, Jeff
Lund, Zoe
Pip Chodorov
Maciunas, Georges
Rachev, Valentin
Maciunas, Nijole
Radziwill, Lee
Madonna
Raissnia, Raha
Mailer, Norman
Raynal, Jackie
Major, Ursula
Reed, Lou
Marshall, Chan
Ridgely, Tona "Tbird Luv"
Maxi, chat
Rumple, chat
McGettwick, John
Rushdie, Salmon
Meed, Taylor
Samantha
Mekas, Adolfas
Saskia
Mekas, Oana
Schwarzenegger, Arnold
Mekas, Sebastian
Sempel, Peter
Michel, Ariane
Serra, Richard
Mitzi, chat
Shiva, chat
Natema, Nakai
Smith, Patti
Naujo, Dalius
Sontag, Susan
Neria
Stendhal, Harry
Nitsch, Hermann
Stendhal, Maya
Noro, Satchie
Sze, Sarah
Tarr, Béla
Yoshimasu, Gozo
Thierney, Moira
Young, La Monte
Thierre, James
Youth, Sonic
Valkaris, Auguste
Zedd, Nick
Vautier, Ben
Zevola, Guiseppe
Viva, Alexandra, Luzia
Zorn, John
Yamagata, Hiro
Zuokas, Arturas
ÉTUDE DES LIEUX DANS L’ŒUVRE
125th Street, atelier de Ornette Coleman
80 Wooster Street, Fluxushouse Cooperative, Soho
Anthology Film Archive
BAM
Bedford Avenue, Williamsburg, Brooklyn
Berlin/Weimar Cabaret, NYC
chez Mekas, 491 Broadway, Soho, NYC
Cremcafé, 2nd Avenue & 3rd Street, NYC
Danny’s Skylight Room Cabaret
East River, NYC
Grace Exhibition Place, Brooklyn, NYC
Grace Place, Buschwick, Brooklyn
Grace Space Buschwick, Brooklyn, NYC
Grand Ferry Park, Williamsburg, Brooklyn
Greenpoint, Brooklyn, NYC
Guggenheim Museum
Hiro Ballroom, NYC
Hudson River
Huston & Second Avenue, NYC
Huston Street, NYC
Lucien Restaurant, East Village, NYC
Madison Square Garden
Mars Bar, au coin de 1st Street & 2nd Street Avenue, NYC
Maya Stendhal Gallery
McGlorick Park, Greenpoint, Brooklyn
New York’s School for Strings
Pete’s Candy Store, Brooklyn, NYC
Pink Pony, Lower East Side, NYC
Prospect Park, Brooklyn, NYC
Reed Hook, Brooklyn
Rockefeller Center Rainbow
Spoonbill & Sugartown Bookshop, Williamsburg, Brooklyn
St. Ann’s Church, NYC
The Brooklyn Rail, P.S.1 Gallery
Third War Gallery, NYC
Thomas Erben Gallery
Union Square, NYC
Utopia Parkway , Queens, la maison de Joseph Cornell
Village Gate, NYC
Washington Square Park
Zebulon, Williamsburg, Brooklyn, NYC
Cape Code
Coney Island
Hollywood
Kiahkeya, Long Island City
Montauk, Long Island
San Francisco Film Festival
St. Paul, Minnesota
202 boulevard St. Germaine, Paris
Arc de Triomphe, Paris
Bar au passage, Paris
Bar du Marché, rue de la Seine, Paris
Cimetière de Montmartre, Paris
Cinémathèque Française, Paris
FIAC, Paris
Hôtel Louisianne, Paris
Hôtel Ritz, Paris
Le Grand Café, Paris
Prison de la Santé, Paris
Shakespeare Company, Paris
Wepler, Paris
Antibes, France
Cahors, France
Camargue, Sud de la France
Cloître St. Louis, Avignon, France
Hôtel de la Mère Poulard, Mont St. Michel,
France
La Ciotat, France
Provence, Lacoste, France
St. Claire Église, Avignon, France
St. Rémy, France
Capri, Italie
Cumiana, Italie
Lac Maggiore, Italie
Musée Stradivari, Cremona, Italie
Naples, Italie
Rome, Italie
Torino, Bookfair
Torino, Italie
Venise, Italie
Jonas Mekas Visual Art Center, Vilnius
Semeniskia, Lithuania
Uzupis, Vilnius
Vilnius, Lithuania
Heike Curtze Gallery, Vienne
Stammendorf, Autriche
Vienne, Autriche
Willendorf, Autriche
Nyon, Suisse
Willison Jazz Festival, Suisse
Zurich, Suisse
Fundoa Film Festival, Portugal
Girona, Espagne
Helsinki, Tampere Film Festival
Lux, London Filmmaker’s Cooperative
Luxemburg
Munich, Allemagne
Sao Paolo, Brésil
Yokohama, Japon
CAPTURES D’ECRAN SUR L’ŒUVRE
www.jonasmekas.com
www.jonasmekasfilms.com

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