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A+215
interv ie w
texte
asli cicek
photographie
martha schwartz
Artialisation
interview
L’artiste et paysagiste américaine, Martha Schwartz,
aménage des espaces à grande échelle à travers
le monde, en refusant de réaliser des facsimilés
de la nature, non par dégoût, mais par éthique.
Sa démarche vise à mettre en valeur la contemporanéité du site. A+ l’a rencontrée à Londres et vous
propose un avant-goût de sa conférence au palais
des Beaux-Arts de Bruxelles.
A+ Comment définissez-vous le paysage? En quoi se rattachet-il à la nature?
martha schwartz Ma définition du paysage est très simple: c’est
tout ce qui tombe en dehors de l’empreinte au sol du bâtiment. On
le retrouve parfois à l’intérieur de cette empreinte, mais il est alors
une plateforme sur laquelle on vit. La nature est un élément du
paysage. Cependant, les paysages qui m’intéressent le plus sont
ceux que l’on construit pour soi. De tous les animaux sur terre,
nous sommes les seuls à construire vraiment notre écotope. Nous
‘construisons’ le nid où nous mangeons, vivons, communiquons et
générons tout. C’est ce qui me captive dans ce nid. Nous construisons le monde dans lequel nous vivons tout comme nous construisons le paysage; c’est aussi simple que cela. Le paysage est un
produit artistique, au même titre que l’architecture, la sculpture,
la peinture ou les livres. Nous le fabriquons, nous y réfléchissons,
nous le dessinons; nous le dessinons parfois mal parce que nous
n’accordons pas beaucoup de temps au dessin… Les Néerlandais,
par exemple, sont de ce point de vue plus lucides, ce qui fait qu’ils
ont une culture paysagère plus efficace. Il est clair pour eux qu’ils
construisent leur paysage. Ce n’est pas un doux rêve: le territoire
sur lequel ils vivent n’existerait pas s’ils ne l’avaient pas construit.
En tant qu’Américain, nous avons hérité d’une mythologie qui
raconte que nous vivons sur un grand continent sauvage, ce qui
entrave la compréhension de comment nous façonnons, construisons et créons le paysage. En conservant cette mythologie en tête,
nous avons du mal à voir et à accepter ce que nous faisons.
A+ Quand vous parlez des Etats-Unis, vous évoquez l’image
d’un territoire vierge, une table rase sur laquelle on pouvait
bâtir des villes ou des grilles, sans se soucier du contexte historique car les environs construits ne charriaient pas d’histoire.
D’une certaine façon, les villes américaines sont un pur produit
de l’architecture. Quelle est la position du projet de paysage
dans ce contexte architectural?
martha schwartz C’est très intéressant parce que le paysage,
en tant que profession, vient d’Europe. Les gens qui créaient des
jardins vivaient à la cour, tout comme les sculpteurs et les peintres. Ils étaient engagés par les rois et les reines pour refléter
le pouvoir. Le Nôtre, par exemple, qui était mon héros, devait
projeter l’image du pouvoir et de la centralité, qui, en réalité,
faisaient défaut à Louis XIV. En fait, ils bluffaient, c’était une
autre espèce de guerre froide. La cour utilisait les artistes pour se
positionner. Les Américains n’ont jamais eu de rois et de reines, ni
de pouvoir financier central. Après les révolutions en Europe, la
profession a disparu pour refaire surface aux Etats-Unis, il y a une
centaine d’années. Même sans avoir eu de monarchie, nous avons
commencé à créer des jardins. Frederick Law Olmsted, l’auteur de
Central Park, a été le premier à se rendre compte que le paysage
pouvait se mettre au service de la santé publique, en proposant
un espace de distraction apportant un bol d’air et de lumière dans
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Martha Schwartz
Art and the Landscape
Conférence Bozar
22 janvier 2009 à 19h
Une coproduction
A+, Bozar, Ordre des Architectes
www.a-plus.be | www.bozar.be
Avec le soutien du Ministre de la
mobilité et des travaux publics de
la Région Bruxelles-Capitale
une ville aussi incroyablement dense et surchargée que New York.
Il ne s’agissait pas seulement de créer un jardin, mais surtout
de contribuer à structurer la ville, de créer un catalyseur autour
duquel la ville pourrait se développer et apporter des bienfaits
sociaux aux citoyens. Le jardin est devenu un geste démocratique
envers la population. Par la suite, le paysage est pensé comme un
système naturel qui converge dans le site. Vous pouviez alors faire
concorder votre projet avec le fonctionnement du lieu. Du point de
vue artistique, les architectes paysagistes se sont développés avec
le modernisme des années 1950 et aux côtés des modernistes européens qui s’étaient réfugiés aux USA pendant la Seconde Guerre
mondiale. Avec l’arrivée de Mies, Breuer et Gropius, la profession
a commencé à se considérer comme une adjonction aux premiers
modernistes qui se réclamaient ‘uber’ artistes. C’était eux qui
imaginaient la structure, le concept. Nous, les architectes paysagistes, venions après et apportions une réminiscence concrète
de la nature. Le Corbusier mettait en scène le modernisme en
plaçant les gens dans des tours et en voulant ‘libérer’ le paysage.
Le paysage redevenait cette terre sauvage. C’était le paradigme de
la machine et du jardin. C’est en réalité ce que nous avons fait et
ce que nous continuons de faire. Nous formons les architectes à
penser de cette manière.
A+ L’espace environnant devait devenir un socle pour l’objet
architectural.
martha schwartz Exactement. Mais comme l’architecture se
focalise toujours sur ce qu’est l’objet – ce qui est bien sûr une
nécessité –, il s’est fait au détriment de la cohésion dans la
construction de villes. Pour constater l’aberration de cette pensée,
allez visiter Dubaï. Vous verrez alors ce qui arrive lorsqu’une ville
se fonde sur une série de bâtiments construits comme de ‘l’art’,
sans aucune considération pour quoi que ce soit; un désastre…
Celui qui a déjà vécu dans une vraie ville ne choisira pas de vivre
ici. J’y travaille moi-même, mais je n’arrive pas à imaginer qui
vivra réellement ici, car la qualité du plan au sol et le tissu qui relie
tous les bâtiments entre eux est un véritable cauchemar. C’est le
modernisme poussé à son paroxysme. Peut-être parce que les
architectes dépendent tellement de différentes ressources économiques, toute idée voulue par l’investisseur doit se refléter dans
le bâtiment, tout le monde se focalise sur le bâtiment. De ce point
de vue, le modernisme a été très dur pour les architectes paysagistes. La profession se voit elle-même au service des architectes.
Chez moi, c’est un peu différent parce que je suis arrivée dans la
profession par le biais des Beaux-Arts. L’idée que j’ai poursuivie
toutes ces années était que le paysage peut avoir un contenu
culturel, intellectuel et émotif. C’est un produit artistique, nous le
fabriquons, alors pourquoi ne pourrait-il pas entamer un dialogue
avec les autres arts culturels, au même titre que la peinture, la
sculpture ou l’architecture? Malheureusement, l’idée bute sur pas
mal de résistance car les gens pensent que le paysage équivaut à
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la nature. Dès que vous dites “oui, le paysage peut faire partie de
la nature, mais si vous creusez dix étages près du puits de fondation pour un parking, vous construisez un produit artistique car
c’est un toit”, les gens disent “oui, mais je veux un facsimilé de la
nature, sans payer pour cela, sans entretien, sans nid d’oiseaux
sur ma voiture, sans arbre qui pousse trop haut et qui cache le
bâtiment, etc.”. La liste des réclamations est longue. C’est un
domaine très difficile lorsque vous êtes concepteur et que vous
entamez le dialogue avec le monde contemporain. D’après moi,
même le crâne en diamant de Damien Hirst a quelque chose à
voir avec la profession du paysage, parce que c’est actuel et que
ça appartient à la culture contemporaine. Or, les gens tiennent à
leur image instantanée de ce qu’est la nature. Et devinez ce qui se
passe quand quelqu’un vient vous raconter “Je ne vais pas vous
donner votre image de la nature, mais un instantané d’où nous en
sommes aujourd’hui en matière de culture”… Croyez-moi, il sera
vite remballé. Voilà la situation à laquelle nous sommes sans cesse
confrontés parce que je ne veux vraiment pas réaliser de facsimilé
de la nature. Je crois qu’éthiquement ce n’est pas ce qu’il faut
faire. Je pense qu’il faut rester honnête sur ce que nous sommes
et rendre le problème visible. Je ne veux pas punir les gens. Il
s’agit de dire: “Nous nous trouvons ici, sur le toit de dix étages
de parkings, tout en acier et en béton. Ici les gens prendront leur
lunch, conduiront, des camions arriveront, etc. c’est donc ici que
tout ce qui fonctionne se déroule”. Pourquoi ne pas faire quelque
chose qui corresponde à ce que nous sommes aujourd’hui?
A+ Une position éloignée de l’habituel discours des architectes
paysagistes: “il faut attendre dix ans avant de voir le résultat
réel, lorsque toute la végétation et les arbres auront grandi…”
martha schwartz Rendre un site vert est généralement une
préoccupation du client. Nous ne recourons pas si souvent à la
mise au vert dans nos projets, non pas parce que nous ne le souhaitons pas, mais parce que ‘personne’ n’en veut. Ce n’est pas notre
argent, donc c’est aux autres de décider de la valeur à donner au
paysage. Pour chaque projet individuel, nous demandons d’abord
au client: jusqu’où va votre engagement? Car, bien sûr, tout le
monde aime la nature, jusqu’au moment où ils se rendent compte
du coût que représente l’introduction de la végétation dans un
interview
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Grand Canal Square, Dublin, Irlande, 2005
Grand Canal Square est l’espace public le plus
important du Dublin Docklands Development. Les
paysagistes ont choisi de relier le théâtre, signé
Daniel Libeskind, au canal, par un tapis rouge et
l’hôtel et les bureaux, qui bordent les deux autres
côtés de la place, par un tapis vert. Le tapis rouge
vif se compose d’un nouveau matériau à base de
résine et les luminaires imitent ‘le remue-ménage’
qui anime habituellement ce genre de tapis. Le
vert est plus calme et offre des assises à différentes hauteurs. Des chemins définis cisaillent la
place. Ils permettent sa traversée sans entraver le
déroulement d’activités événementielles, comme
des marchés ou des foires.
Mesa Arts Centre, Mesa, Arizona, USA, 2004
Le complexe culturel Mesa est traversé par une
‘Promenade d’Ombres’. Les ombres sont crées
par l’architecture, les arbres et les canopées. Le
verre coloré des canopées et des écrans teinte les
ombres. Les végétaux sont choisis pour la précision
de leur silhouette en ombre portée.
L’eau est l’autre
élément qui anime
la promenade du
nord au sud
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Le parking, de
241 places de
voiture et de
450 places de
vélo, devient un
paysage graphique
environnement construit. Nous avons la réputation de ne pas étage du bâtiment était en porte-à-faux, au-dessus du jardin, et
aimer la nature. C’est absolument faux. Ce que nous tentons de le sol n’était pas assez profond pour les planter. Nous avons choisi
faire, c’est d’explorer ce manque de raison que nous avons dans de travailler avec des couleurs et des matériaux différents, de
notre culture en expérimentant ce que nous faisons réellement manière à créer un jardin spécial. Dans mon travail, je ne veux pas
et ce que sont nos phantasmes en matière de nature. J’ai pris des créer un ‘espace rien’, mais un ‘espace quelque chose’. Je veux que
photos marrantes de personnes peignant un parking en vert parce nos paysages soient vus et que les gens réagissent. Les couleurs
qu’elles voulaient de la verdure, mais ne voulaient pas y mettre sont à cet égard très importantes, parce qu’elles sont émotives,
le prix. Nous sommes complètement brouillés avec nous-mêmes. controversées et peuvent être interprétées à plusieurs niveaux.
Mon travail porte souvent là-dessus.
Pendant mes études de paysagiste, on me disait que, dans un bon
A+ Quel est le rôle des installations temporaires dans votre paysage, on ne devait pas déceler la main de l’homme. J’ai pensé:
travail?
“tiens, comme c’est bizarre”. Nous essayons de faire des paysages
martha schwartz Nous les trouvons fabuleuses parce qu’elles abstraits mais reconnaissables, ouverts à toutes les interprétapermettent de faire des tests intensifs dans un laps de temps très tions.
court. C’est un fait que l’architecture est un art caractérisé par une A+ Mais votre œuvre est souvent très à part et est très claire
évolution très lente. Et puis l’argent est un élément conservateur sur ses intentions. Elle montre aussi des influences directes
incontestable: plus il y a d’argent, plus il y a de monde et d’idées du Land art et du Pop art. On pourrait vous soupçonner d’être
impliquées. Dans les installations temporaires, nous explorons plutôt artiste que paysagiste?
rapidement une idée et en tirons les leçons. Nous voyons aussi à martha schwartz C’est ce que les gens me demandent souvent
quel point la nature est indifférente à ce que nous faisons. Vous et je ne leur réponds pas parce que je n’y attache pas d’imporpouvez vous faire sauter, la nature restera imperturbable. Au tance. On nous demande de faire des installations d’art. Je les
début de ma carrière, je voulais faire quelque chose qui rendait le réalise de la même manière que l’aménagement d’un parc. J’ai
site spécial, même s’il était complètement appauvri, sous-estimé toujours occupé cet espace intermédiaire. Je m’intéressais au
ou sous-financé. Aujourd’hui, nous rendons vivant et amusant ce paysage et j’ai su très vite que je trouverais une autre façon de
que nous avons.
travailler, parce que les galeries ne pouvaient pas me donner
A+ Quelle est la réaction quand vous utilisez des couleurs vives, l’espace nécessaire pour montrer mon travail. Il y a des artistes
des matériaux inhabituels et de larges gestes pour y parvenir? qui le font, comme Vito Acconci. Mais si vous vous intéressez à
J’ai visité, il y a plusieurs années, le Swiss Re building à Munich: l’espace public, vous devez rester un peu à l’écart du monde de
les couleurs et le graphisme des jardins résonnent encore dans l’art et des galeries. J’avais toujours l’idée de trouver non pas des
ma tête.
clients, mais des patriotes qui s’adressaient à nous pour ce que
martha schwartz Ce projet exprime les difficultés que je viens nous voulons faire. Nous n’empruntons pas d’échappatoires en
de décrire. Ils avaient construit un grand bâtiment sur pilotis, en prétendant que nous voulons faire quelque chose de naturaliste.
dehors de Munich, sur une espèce de no man’s land. Le jardin Nous disons d’emblée ce qu’il en est.
était censé venir en dessous du bâtiment: le rêve corbuséen. Nous A+ Et la réaction à votre attitude forte montre-t-elle des difféne pouvions pas y faire pousser d’arbres parce que le premier rences entre les clients, ou les projets, privés et publics?
interview
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Nexus Kashi III Housing Project, Fukuoka, Japon, 1997
Les différents immeubles qui composent le nouveau quartier
résidentiel japonais sont signés Mark Mack, OMA/Rem Koolhaas,
Steven Holl, Oscar Tusquets, Christian De Portzamparc, et Oshamu
Ishiyamu. Le paysage veut à la fois lier ces différentes architectures
et affirmer sa propre identité. Il raconte la migration de formes
aquatiques vers une forêt de bambous.
HUD Plaza, Washington D.C., USA, 1998
Les paysagistes ont souhaité contrecarrer la
“désolation” des abords du bâtiment de Marcel
Breuer pour le Department of Housing and Urban
Development: “Sans arbre et sans équipement
collectif, la place de 3 hectares a clairement été
conçue pour mettre en valeur le bâtiment, mais est
inhospitalière et inutilisable par les 4.800 salariés
de l’entreprise”. L’objectif était de réactiver la place
et d’exprimer la mission de l’entreprise qui consiste
à créer des espaces habitables pour tous. Le projet
s’inspire et répète un motif circulaire en blanc,
jaune et gris, rappelant l’utilisation par Breuer
d’éléments géométriques pour des écrans, des murs
et des plafonds. La place est ponctuée de jardinière-bancs plantées d’herbe et de canopées de 9
m de diamètre hissées à 4,5 m du sol. Ces bouées
sur pattes métalliques sont en résine, blanche ou
translucide, et contiennent l’éclairage.
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“ Pendant mes études de paysagiste, on
me disait que dans un bon paysage
on ne devait pas déceler la main de
l’homme. J’ai pensé, “tiens, comme c’est
bizarre”. Nous essayons de faire des
paysages abstraits mais reconnaissables,
ouverts à toutes les interprétations.”
martha schwartz
interview
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martha schwartz J’exerce depuis longtemps et, au début, nous demande notre analyse, ou même de suggérer une compopersonne ne venait frapper à ma porte. Personne ne voulait d’un sition qui puisse inclure davantage d’éléments d’infrastructure.
paysage urbain; on m’insultait lorsque je suggérais que le paysage Vous ne mesurez pas la difficulté d’imaginer une rue bordée d’arpouvait contenir une idée. Etre radical en matière d’architecture bres lorsque personne n’a pensé à placer dans le béton les seaux
paysagère, c’est comme tirer sur un poisson rouge dans un bocal. pour les arbres. Nous devons alors expliquer que les arbres ne se
Tout le monde est si sûr de la manière dont il faut voir le paysage. posent pas comme ça dans l’asphalte, qu’il leur faut de l’eau, de
J’avais accumulé plusieurs expériences lorsque j’ai été engagée l’entretien, etc. La crise environnementale a néanmoins attiré l’atpar un architecte singulier pour une architecture singulière. Vous tention sur ce à quoi devrait servir le plan du sol. Si nous voulons
ajoutez alors une partie de votre architecture au plan au sol et mettre à jour les infrastructures des villes, l’aspect esthétique
elle devient objet de controverse. Les architectes font donc des compte aussi, car l’environnement visuel et son design sont des
bâtiments complètement fous, mais quand le bâtiment touche le éléments critiques pour atteindre la durabilité.
sol sur le toit d’un parking, ils se braquent tous sur une certaine A+ Vous avez écrit un jour: “toute œuvre ne doit pas devenir un
image. Or, certaines personnes s’intéressent à l’art et souhaitent chef-d’œuvre”. Est-ce également une référence à votre interdes défis. Certains architectes veulent un dialogue et se concen- prétation de la permanence et de la temporalité de ce que vous
trent sur le rapport des rez-de-chaussée des bâtiments. Il n’em- créez, voire de la durabilité?
pêche que la plupart des architectes pensent en noir et blanc, de martha schwartz C’est un thème qui comprend deux éléments.
manière active ou passive: nous sommes le bâtiment, vous êtes L’un, que tout ne peut pas être un chef-d’œuvre et, l’autre, que
la nature… Même de très bons architectes, comme Foster par tout ne peut pas être conservé. Je suis convaincue que chaque
exemple, ne veulent que de l’herbe. Ce qui m’intéresse, c’est lieu est différent et, de là, que la durabilité est liée au site en
plutôt un dialogue qui permet d’explorer une tournure inattendue particulier. Il n’y a pas de règle générale qui créerait de la durabilité à l’échelle mondiale. Tout ne peut pas être un chef-d’œuvre,
dans le langage.
A+ Osez-vous parfois intervenir sur le bâtiment? Pour créer également parce que l’espace ouvert est un thème si vaste qu’il ne
un passage, vous avez par exemple proposé de démolir une peut pas être qu’une seule et unique chose. On fait surtout appel
partie du rez-de-chaussée dans le HUD building de Breuer à à nous pour des projets où quelqu’un souhaite donner une image
et veut se distinguer. C’est le type de travail que nous aimons.
Washington?
martha schwartz Absolument. Mais ils ne l’ont pas réalisé. Ceci ne signifie pas pour autant que cette approche doive s’apActuellement, nous sommes un peu des ‘médecins du site’: on nous pliquer partout. En termes de durabilité, il y a plusieurs choses à
montre des plans de site et on scrute notre réaction. Les choses dire. Disons, pour commencer, que j’ai grandi en travaillant aux
les plus évidentes ne sont souvent pas considérées. Personne ne Etats-Unis. Les gens y apprennent d’autres valeurs qu’en Europe.
prend, par exemple, le temps de dresser un diagramme des ombres. Les promoteurs immobiliers veulent les choses très rapidement,
Si vous voulez que votre espace extérieur fonctionne, vous ne ils les transmettent puis passent à autre chose. Sous plusieurs
pouvez pas laisser les gens à l’ombre. On nous demande aussi aspects, le développement des Etats-Unis est toujours celui du
notre avis sur la taille des bâtiments, ou sur les liens entre l’in- Wild West: les villes se développent comme dans les westerns.
térieur et l’extérieur et entre l’extérieur et le reste de la ville. On C’est un morceau de nature sauvage, peu peuplé, bon marché où
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Swiss Re
Headquarters,
Munich,
2002
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“ Nous avons la réputation de ne pas
aimer la nature. C’est absolument faux.”
martha schwartz
McLeod Tailings Project, Geraldton, Canada, 1998
L’objectif principal de la transformation de cette
mine d’or en parc est d’équilibrer la diminution et
l’ajout de terre, et de maintenir un déplacement
des terres maximal de 150.000 m3. La diminution
est minimum pour ne pas atteindre la partie polluée
et un maximum de 5 m peut être ajouté à la hauteur
du terril existant. 15 à 30 cm de tourbe ont été
ajoutés par endroit pour assurer la végétalisation
du site. Un plan de plantation utilise des essences
régionales et colorées, privilégiant la couleur or.
Swiss Re Headquarters, Munich, Allemagne, 2002
Le bâtiment du siège social de la compagnie d’assurance suisse, Swiss Re, aux environs
de Munich, s’organise autour d’un large patio central. Le patio devient un bassin
reflétant la lumière à l’intérieur du bâtiment. Les abords du bâtiment s’inspirent des
champs agricoles environnants: l’espace est subdivisé en quatre. Chaque quadrant
est défini par une couleur, matérialisée par des sillages utilisant un seul matériau: des
plantes, du verre concassé ou du gravier. Pour les parties situées sous les porte-à-faux
du bâtiment, des matériaux réfléchissants, comme des miroirs ou des boules de verre,
apportant de la luminosité.
© martha schwartz & peter kluska landschaftsarchitekt
les gens peuvent sortir en voiture, acheter à bas prix et rentrer
en voiture. Là-bas personne ne construit pour durer. L’économie
ne soutient pas encore l’investissement. La valeur de la propriété
augmentera avec la croissance de la population et, soudain, il y
aura une pression sur cette terre pour se développer autrement.
J’ai donc grandi en pensant: “Ici, il n’y a pas de ressources, ici,
personne ne veut investir, donc tout va disparaître dans 15 ans,
mais nous y faisons quand même quelque chose qui maintient
la personne ici, quelque chose qui donne l’idée de faire durer”.
L’idée peut durer éternellement, mais pas nécessairement la chose
physique. Je pense que ces situations valent mieux pour exploiter
nos ressources, en engendrant un moment de gloire lorsqu’une
idée est produite, une idée qui crée et qui propulse la discussion
sur ce que peut faire le paysage. Je pourrais sans doute vous
montrer que 90% des villes comportent des éléments médiocres
qui dureront longtemps, mais qui ne font rien bouger au niveau
culturel. Ils ne prennent pas activement part à la discussion. Ils
sont là, c’est tout. Je doute qu’ils soient meilleurs parce qu’ils
dureront. C’est comme aller voir un ballet: ce que vous voyez sur
scène se passe pour vous juste à ce moment-là mais est de nature
plutôt transcendante: vous avez à en faire l’expérience, et là se
trouve toute sa valeur.
A+
the reference for
architecture in belgium
A+215 NL
INTERVIEW MARTHA SCHWARTZ | VOETBALSTADIONS IN BELGIË | ARCHITECTUUR OP DE WERKPLEK
A+214 FR
214
DÉVELOPPEMENT DURABLE | INTERVIEW ANNE LACATON | PRINCESS ELISABETH STATION | DECOLONIZING ARCHITECTURE
REVUE BELGE D’ARCHITECTURE
bimestrielle octobre – novembre 2008
Développement
durable
TABLE RONDE ET PROJETS
interview
Anne Lacaton
a+plan 22
Princess Elisabeth Station
decolonizing architecture
Que faire des colonies
israéliennes abandonnées?
ciaud | bruxelles
bureau de dépôt
bruxelles x
p405054
BELGISCH TIJDSCHRIFT VOOR ARCHITECTUUR
tweemaandelijks december 2008 – januari 2009
Architectuur
op de werkplek
PROJECTEN
VOETBALSTADIONS
IN BELGIË
interview
Slechte plannen en goede voorbeelden
Martha Schwartz
landschapsarchitecte
technique
Du mur végétal
au mur écologique
a+plan 23
Qatar Petroleum Project
5
A+21
now le
ab
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v
a
215_COVER_v8.indd COVER1
214_COVER_v10.indd COVER2
Questo catalogo è un’edizione extra della
rivista belga di architettura A+. Prodotto in
collaborazione con il Campus Internazionale d’Arte
deSingel e l’Istituto per l’architettura fiamminga
(VAi) in occasione della partecipazione del
Belgio all’undicesima Biennale Internazionale di
Architettura di Venezia 2008.
A+1907 After the pArty
This publication is an extra issue of the Belgian
architectural review A+, produced in collaboration
with deSingel International Arts Campus and the
Flemish Architecture Institute. It is a catalogue in
the form of a magazine and is appearing on the
occasion of the Belgian contribution to the 11th
International Architecture Exhibition, La Biennale
di Venezia 2008.
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afgifte brussel x
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> www.a-plus.be/abonnement
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8/14/08 12:13:01 PM
A+1907 hors serie, english/italian edition of A+
at the occasion of la Biennale di Venezia 2008
geldig tot 20 januari 2009
* voor zover plaatsen beschikbaar
Valable jusqu’au 20 janvier 2009
* dans la limite des places disponibles