DU CARTEL AU PARTENARIAT

Transcription

DU CARTEL AU PARTENARIAT
MARS 1994 - W 150 - 10 F
,
ED 1 T 0
ION DU 5 FEVRIER
OXYGÈNE
El répolSe ail eHets désastreux des lois Pas"
q.o-Bolladur, 10US oyons préparé ce S lévrier
poli' res~rer III pet d'air freis. (eHe fIG,aeslatioa ~,el5e el jeuH lOIS a laissé le goï! de la
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de MOlf-cle·Marsan à Drm, qli, qlotidime·
lIul, se démènent au prix d'efforts gigGi'
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Aider les Hmmes, les fmnes, les elfanls privés
do droit ., séjoIr, de vi,re .. IIIIIII~, ; ~ lat..
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partOUI, dans la ne, les préfedures, les quartiers, les émies. Relever ce défi sllflPClse la mise
en oeme (OIQ'ète et créative de Hire utirads.. de p~xililé qri riait pemreII<. de lair. édare
laules ~s sof'rdarilé, dool .. 'lay.IS de bol"
''''Ié ,ont œpabfes,
MocrIwrIAOUNrr
DU CARTEL AU
PARTENARIAT
Après les manifestations
et pose quelques règles
ous étions 20 000 personnes dans
les rues de Paris pour di re notre
volonté de voir le di spositif Pasqua-Méhaignerie- Balladur abrogé et pour
revendiquer l'égalité des droits pour tous.
A ces manifestant,> à Paris, il faut ajouter
ceux qui ont défil é dans les rues de Lyon,
Nice, Marseille, Rouen et Bordeau x. A
l'évidence, la manifestation est un succès
pour ses organi sateurs, et en particulier
pour ceux, moins nombreux, qui ont voulu
jusqu ' au bout que la manifestation ait lieu
et qui lui ont assuré son succès.
Ce tt e manifes tati o n es t la pre mière
démonslTation massive depuis que le di spositif Pasqua-Balladur est en application.
Elle correspondait à un besoin d'expression des ant iracistes. Le nombre des mani festants, la fort e présence de jeunes dans
le cortège, le caractère festif et ludique des
pour l'activité à venir.
Lire la suite page 4
N
du 5 février à Paris
et en province,
Alain Cal/ès dresse un bilan:
il y relate les difficultés
qui ont jalonné la préparation
de cette action unitaire
(80 organisations
y ont participé)
, SEMAINE DE
L'EDUCATION CONTRE
LE RACISME
La 9 ème semaine de l' Education
contre le racisme aura lieu du 28 Mars
au 2 Avril 1994, Elle est organisée par
les assoc iat ions suivantes: MR AP.
SOS- RACISME, Ll CRA. LDH, FEN.
SGEN-Cf-"IH, FSU, FDL. UNEF-ID.
UN EF , FC PE , LFE EP (ligue de
rense ignement). CIDEM. Fédération
française des Clubs UN ESCO. Un
matériel sera édité à celte occasion
(une afficheue et des fiches pédagogiques): il pourra être commandé au
siège du MRAP,
Par ailleurs, un fascicule (4 pages
couleur) co nsacré aux nouvelles dispositions du CODE DE LA NAT IONA LI TE édité par le MRAP est à
votre disposition dès le 14 mars. Il
mérite une très large diffusion,
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REPÈRES
REPÈRES
CHRONO
VAILLANCE MÉDIATIQUE
EN ALLEMAGNE
TSIGANES ROUMAINS
Malgré l'intervention de huit associations dont le MRAP auprès de
Charles Pasqua, les Tsiganes roumains de Nanterre qui se sont
réfugiés à dans les communes environnantes, notamment à Gennevilliers, depuis leur expulsion de Nanterre, ont compam le 20 janvier devant Je Tribunal de Grande Instance de Nanterre. Lequel a
rendu, le 24 janvier, une ordonnance en référé qui accorde aux
familles concernées trois mois de délai. Dans un communiqué
rendu public le 26 janvier, le MRAP note que "ces personnes
occupent illicitement des terrains et ne le contestent pas. La
demande de l' Etat justifiée par l'intérêt général doi t primer l'intérêt particulier. Il est toutefois reconnu en l'espèce que "celui présenté par les demandeurs révèle un incontestable imérêt humain ".
L' association prend positivement acte de la décision du tribunal
dont la motivation est ainsi énoncée:
"Compte tenu de ce qu'il existe des dispositions légales d'ordre
public qui prévoient, d'une part, de choisir SOl/. mode d'habitation
et, d'autre part, que les communes de plus de 5000 habitants doivent participer en faveur des Nomades à l'éléboraûo/l d'un schéma départemental d'accueil -article 28 de la Loi du 31 mai 1990-,
il cO/lvient à tous les défendeurs un délai de trois mois à comtper
de la présente ordonnance pour quitter les lieux occupés illégalement, ce laps de temps del'ant être mis à profit par tous les responsables appelés à intervenir dans l'élaboration d 'un plan d 'accueil
en faveur des personnes expulsées. Passé ce délai l'Etat français
sera autorisé à faire procéder cl l'expulsion ... ..
Le MRAP souhaite que "cette décision sérieusement argumentée
du Tri bunal de Nanterre ferajurispmdence."
La nouvelle était trop bonne! Le lendemain, le 2S janvier, une
opération policière spectaculaire était déclenchée à Courtry (Seine
et Marne) visant des terrains où séjournent des Voyageurs (quasi
sédentarisés ).
Le MRAP porte à l'attention de l'opinion que cette opération
"a mobilisé 400 hommes au moins (CRS, policiers, gendarmes),
nombre dépassant de loin celui des occupants de ces terrains, avec
3 hélicoptères".
Le MRAP dénonce:
" • l'ampleur de l'opération. Elle a duré de 6 heures à 18 heures,
avec bouclage total ( .. .)
• le déroulement: familles tirées du lit dès l'aube et fouille sans
ménagement. Toute la journée: les enfants interdits d'école, les
hommes de travail, les femmes de commissions indispensables,
même un malade empêché de ses soins quotidiens.
• les conséquences psychologiques et morales
- sur la population environnante et l'opinion publique: renforcement des préjugés et méfiance à l'égard des Gens du Voyage dans
leur ensemble
- sur les Gens du Voyage, collectivement suspectés et humiliés, et
spécialement les enfants et les jeuens, pour qui la peur du gendarme n'est pas forcément le commencement de la sagesse, bien au
contaire:
- sur les membres des forces de l'Ordre, déjà accoutumés à considérer les "nomades" comme population "criminogène", à traiter en
tant que telle.( ... ).
Le MRAP saisit le Procureur de la République et les Ministres de
l'Intérieur et de la Justice pour réprouver vigoureusement cette
opération" (communiqué du 31 janvier).
L'un des responsables de la
plus grosse chaîne de télévision
allemande, Reinhard Graetz de
la WDR, a annoncé le 13 janvier qu'il engagera à l'avenir
plus de présentateurs non allemands en signe de mobilisation
contre le racisme. Cette chaîne
a également décidé de présenter plus de reportages sur la vie
quotidienne des étrangers en
Allemagne et d ' émissions
pédagogiques pour combattre
"les violences néo-nazies par
l'éducation"; pour M.Graetz,
les "étrangers devraient être
naturellement intégrés dans les
prog ramme de télévision".
Malgré une baisse des attaques
d'extrémistes contre les étranger s qui avaient fait trente
morts en 1990, la violence
xénophobe reste élevée: 1814
cas d'agressions violentes ont
été enregistrés en 1993 par
l ' Office de protection de la
Constitution.
PAYS-BAS: INSTRUCTION
Le Parquet de La Haye a
ouvert le 20 janvier une instruction sur le caractère discriminatoire des déclarations
faites par le chef du parti
d'extrême droite, CD (Democrates du Centre), lors d'un
entretien publié par un hebdomadaire national. Concernant
deux ministres d'origine étrangère, Hans Janmaat a notamment déclaré selon Le Monde
du 2S janvier: "Je n'en veux
pas aux Juifs de circuler
comme des nomades mais ils
ne doivent pas remplir de fonctions publiques ". M. Janmaat
désavoue les propos que lui
attribue l ' hebdomadaire; ce
désaveu reste à démontrer mais
l'inspiration xénophobe du programme du CD présenté par ce
parti dans le cadre des élections
législati ves fixées au 3 mai
prochain est clair: il y est en
particulier proposé l'ouverture
de camps de travail pour les
demandeurs d'asile ainsi que le
renvoi des immigrés chômeurs
dans leur pays d'origine.
ITALIE, DÉ-FASCISATION
TROP ANNONCÉE
Le parti néo-fasciste de Gianfranco Fini , le MSI, a changé
2
de nom et de profil le 23 janvier : le MSI tenait congrès
avec 2000 délégués provenant
de divers horizons: intellectuels
de droite, monarchistes, transfuges de la Démocratie chrétienne, etc. Ce regroupement se
nomme désormais Alliance
nationale et se donne pour
objectif à court terme de barrer
la route à la gauche lors des
prochaines élections législatives qui se tiennent en ce mois
de mars 94. Un représentant de
M . Chirac était présent à ce
congrès. Le RPR semble représenter le modèle sur lequel M.
Fini ve ut réformer le vieux
parti néo-fasciste . Pour celuici , "la polémique fascismeantifascisme a disparu (. .. ). La
nouvelle Italie n'a pas besoin
de repentis ni de renégats mais
de nouvelles synthèses pour
des ententes cl partir de valeurs
communes ".
PÉTITION
EN FAVEUR DE
MARCUS KLINGBERG
Dix personnalités françaises
ont rendu public le 2S janvier
un appel adressé au chef de
l'Etat israélien demandant la
grâce du chercheur israélien
Abraham Marcus Klingberg
condamné à vingt ans de prison
pour "la transmission cl
l'URSS de renseignements sur
les recherches effectuées à
l'Institut de Nes Ziona, où ce
chercheur exerçait des responsabilités importantes dans le
domaine des armes chimiques
et biologiques" . Les signataires
ne contestent pas les faits qui
sont reprochés à cet homme de
75 ans, mais ils demandent "au
président de l'Etat israélien de
consentir un geste humanitaire
en faveur de cet homme gravement malade qui, en tout état
de cause, n'a pas agi pour de
basses raisons, afin qu'il puisse vivre auprès de sa fille et de
son petit-fils le temps qui lui
reste ". En tout état de cause,
les signataires de ce t appel
comme les vingt cinq professeurs de médecine et chefs
d'hôpitaux de Tel-Aviv qui
sont intervenus en faveur de M.
Klingberg souhaitent qu'une
page soit tournée par l 'Etat
israélien en prenant simplement en compte la disparition
de l' Union Soviétique.
DU MOIS
ALBERT JACQUARD:
"JE SUIS DESCENDU
DANS LA RUE EN 1980"
Dans une interview publiée par
L'Hebdo de l'actualité sociale
(n 02579118), édité par la CGT,
Albert Jacquard qui vient de
publier un livre sur ses rencontres avec des élèves intitulé
E=MC2, déclare ne s' identifier
ni à Jeanne d' Arc , ni à Louis
XIV, ni à Napoléon. Alors, à
qui? A des hommes de Lettres
et de Philosophie: Montaigne,
Pascal , Voltaire, Zola, Gide.
L' action militante de ce généticien de renom, membre du
comité d'honneur du MRAP, a
débuté en 1980: "C'est le
MRAP ,
explique-t-il
à
L' Hebdo, qui m'a fait descendre dans la rue, pour la
première fois en octobre 1980,
après de l'attentat de la rue
Copernic. Ce jour-là, j'ai compris que je faisais mon métier
de généticien en défilant dans
la rue".
MONTARON-PASQUA
AU TRIBUNAL
Charles Pasqua a intenté un
procès en diffamation à
l'encontre de Georges Montaron, directeur de Témoignage
chrétien, pour un éditorial paru
en mai 1993 où il contestait les
nouvelles lois sur l'immigration et les contrôles d'identité
qui portent désormais le nom
du ministre de l'Intérieur. Le
26 janvier, la 17 ème chambre
correctionnelle entendait les
deux parties ainsi que huit personnalités citées comme
témoins dont M. Aounit, secrétaire général du MRAP. Verdict le 23 février.
M. WILMOTTE RÉCIDIVE
ÀHAUTMONT
M. Wilmotte, maire d'Hautmont, a décidé de ne pas inscrire à l'école trois enfants d'origine algérienne dont la mère
est hautmontoise de naissance.
Le MRAP se félicite de la rapide prise de position du souspréfet d'Avesnes-sur-Helpe qui
a clairement mis en demeure
JoÎI Wilmotte de revenir sur sa
décision. Dans un communiqué
rendu public le 28 janvier, "le
MRAP se réserve le droit
d'ester en justice contre le
maire d' Hautmont pour discrimination raciale s'il persiste
dans son refus de scolariser ces
trois enfants. Il rappelle que
Pierre Bernard, maire de Montfermeil, a été condamné en
1988, sur plainte du MRAP,
pour des faits identiques".
.
EX-YOUGOSLAVIE:
DECLARATION DU BUREAU NATIONAL
DU MRAP
Les horreurs de la guerre en ex-Yougoslavie, les atrocités qui
accompagnent la purification ethnique, provoquent légitimement
la consternation de l'opinion publique.
Le MRAP tient à souligner que l'argument de la proximité du
drame qui se joue dans les Balkans ne saurait suffire pour soulever
la condamnation. Les atrocités sont les mêmes partout que ce soit
en Afrique, en Asie, au Caucase ... Notre indignation ne peut être
sélective sous prétexte de la proximité et de "l'européanité" des
victimes.
Ceci étant, le MRAP salue le répit partiel en Bosnie. Il exprime
l'espoir qu'il s'agit enfin d' un vrai premier pas vers l'issue pacifique de l'abominable tragédie.
Le MRAP dénonce tous ceux où qu'ils soient qui en appellent aux
armes sans autres perspectives que d'ajouter le feu au feu, le sang
au sang. De même, il souligne l'hypocrisie des auteurs des formules lénifiantes et vagues qui, trop souvent, sont le masque de
l'incapacité de proposer un terme véritable et durable aux guerres.
Il faut que les pays qui se réclament de la démocratie affirment
concrètement leur solidarité avec celles et ceux qui, dans toutes les
parties de l' ex-Yougoslavie, luttent avec courage contre la purification ethnique, s'opposent aux partitions à base ethnique, clament
leur haine de la guerre et leurs idéaux aux Droits de l'Homme. Ces
femmes, ces hommes, intellectuels, couples pluri-ethniques dont,
par notre silence, nous étouffons la voix, sont aussi bien à Belgrade qu'à Sarajevo, à Zaghreb qu'à Pristina.
Il faut, avec plus de force, exiger la dissolution des factions armées
et des milices qu'elles entretiennent. Faute de quoi, tous les cessez-le-feu et tous les accords resteront à la merci des chantages et
des ruptures sanglantes. De nouveaux conflits resurgiraient sans
qu'on puisse les prévenir.
Les projets de "cantonalisation" ne sont que le camouflage du
dépeçage de la Bosnie et offrent un exemple à ceux qui rêvent
d'en découdre.
La France doit, dans les instances européennes et universelles,
défendre ces positions avec rigueur. Sa contribution humaine et
matérielle sur le terrain porte témoignage de ses moyens.
Elle doit en outre ouvrir plus largement ses portes aux réfugiés,
aux objecteurs de conscience, à ceux qui, au risque de leur vie,
refusent la guerre.
Le MRAP, avec la Ligue Internationale pour les Droits et la Libération des Peuples, a depuis plusieurs mois engagé une procédure
de poursuites devant le Tribunal permanent des Peuples contre les
auteurs de la purification ethnique en ex-Yougoslavie. Il lance une
souscription pour contribuer aux frais de cette session du Tribunal (1).
Par ailleurs, il demandera prochainement audience au Président de
la République.
11 souhaite en appeler à ceux et celles qui partagent ses positions à
s'associer à sa démarche.
le 18 février 1994
MONTFERMEIL:
LE MAIRE COMPTE
LES BÉBÉS ÉTRANGERS
"Après les parents, les enfants,
ce sont les bébés que Monsieur
Pierre Bernard, maire de Montfermeil, prend en otages pour
mener sa croisade raciste et
xénophobe. En effet, selon
Libération,
à
quelques
semaines des élections cantonales, sous le titre "Etudes des
naissances étrangères intervenues à l'hôpital intercommunal
de Montfermeil", M Pierre
Bernard publie une comptabilité des naissances étrangères
dans sa commune. Fait sur la
base d'un fichage des étrangers
habitants dans la commune, ce
document constitue une inadmissible provocation raciste
dont l'objet est de se servir une
fois de plus du racisme comme
support de propagande pour les
élections cantonales.
Sur plainte du MRAP, M. Bernard a été condamné en 1988 et
1990 pour discrimination raciale. Il fait l'objet actuellement
d'une poursuite pour avoir
insulté le MRAP dans son
combat contre la discrimination
dans le logement. Le MRAP
saisira prochainement la CNIL
ainsi que le Procureur de la
République afin que des suites
adéquates soient données à
cette scandaleuse affaire" . ( ... )
Communiqué du MRAP du
4 février.
M. Bernard aurait dû lire
l'interview d'Albert Jacquard
citée plus haut dans laquelle ce
spécialiste des gènes déclarait
"Je n'ai pas été fait par un
ovule qui chantait la Marseillaise pour attirer un spermatozoïde qui brandissait un
drapeau bleu-blanc-rouge! Si
je suis français, c'est parce que
je suis allé à l'école en France". Mais s ' il ne tenait qu'à
lui, M. Bernard interdirait peutêtre l'école aux enfants nés de
parents étrangers! Une solution
radicale qui rimerait bien avec
solution finale?
Etablie par Chérifa B.
( 1) lire page 12
3
MANIFESTATION DU 5 FÉVRIER
MANIFESTATION DU 5 FÉVRIER
DU CARTEL AU PARTENARIAT
Suite de la page 1
expressions, ainsi que le contenu très
revendicatif des slogans dans une foule
multicolore, ont participé au succès de la
manifestation et à son impact sur l'opinion.
Le MRAP peut s'enorgueillir d'avoir été
de ceux qui ont tout fait pour que les
objectifs, déterminés en commun dans le
cadre du collectif pour l' Egalité des
Droits qui regroupe 80 organisations,
soient atteints. Il a démontré cette volonté par un des cortèges les plus importants ; cette forte mobilisation est
l'expression de l'engagement de nos
adhérents et sympathisants dans une
lutte sans équivoque contre le racisme et
les dispositifs qui le nourrissent. Elle
correspond également à la volonté de
dire que le racisme est à la fois un vecteur et un effet des exclusions. C'est
aussi l'affirmation que , malgré ces
grandes difficultés, on ne peut pas occulter en France ce qui questionne le fondement même de la société. Toucher aux
Droits de l'Homme, c'est toucher à la
démocratie, réduire ces droits, c'est
s'attaquer à la citoyenneté.
Notre démarche se propose, à travers
l'égalité des Droits de l'ensemble des
personnes résidant en France, de
déployer pour tous une citoyenneté économique, sociale et civique. Il s'agit
d'une citoyenneté nouvelle en ce sens
qu ' elle induit une nouvelle forme de
contrat social. C'est la démarche qui
nous a animé, Renée Le Mignot et moimême, dans le cadre du collectif et de
son secrétariat composé des organisations antiracistes. Le MRAP y a pris une
part très active, et nous y avons toujours
cherché l'accord le plus large sur des
objectifs clairs.
HISTOIRE D'UN COLLECTIF
Ce constat sur les exigences politiques
portées par le MRAP au sein de la manifestation et du collectif nous amène à
examiner comment les autres organisations partenaires se positionnent dans ce
combat. Toutefois, avant d'examiner le
fonctionnement du collectif national unitaire, il me paraît nécessaire de rappeler
comment s'est développée cette pratique
collective. En 1989, est né un collectif
unitaire "j'y suis, j'y vote" autour de la
revendication du droit de vote pour les
résidents étrangers en France. Il existait
au sein du collectif de nettes différences
d'appréciation sur le type de vote auquel
pouvaient prendre part les étrangers
(local, législatif, présidentiel, européen;
électeur, éligible, direct, consultatif) et
sur les possibilités de mise en application (conseillers associés, etc ...).
Toutefois, un accord se dégageait sur la
tactique à employer pour parvenir à
convaincre les décideurs politiques. En
particulier, se sont développées des campagnes de sensibilisation auprès de l'opinion publique (débats, collectifs locaux,
pétition, dépliant...).
Néanmoins, le clivage sur le contenu
politique, en partie masqué par une animation très peu démocratique du collectif, s'est vite révélé comme un obstacle
insurmontable à partir du moment où il
s'est avéré que la classe politique manquerait de courage politique et abandonnerait cette revendication, même dans
ses objectifs à long terme. Cet abandon a
été facilement entériné par une partie du
collectif et en particulier ceux qui l'animaient.
Si ce collectif n'a pas atteint les objectifs
politiques qu' il s'était fixés, il a pourtant
réussi à réunir les organisations, pour la
première fois, dans une action politique
durable. C'est notamment le cas des
organisations antiracistes et de défense
des droits de l'homme. C'est ainsi que
l'on a vu côte à côte le MRAP, la LDH,
SOS racisme, la FAST! et le CAlF. A
l'époque, ce travail en commun, malgré
les divergences de fond, était un événement politique qui a été plus important
que les réalisations du collectif, par ce
qu'il engageait comme démarche unitaire dans le futur.
Au fil du temps et des luttes, la pratique
des collectifs unitaires s'est développée
sur d'autres thèmes et en particulier dans
le cadre de la préparation de manifestations nationales autour de ces thèmes.
Cela a été le cas pour la préparation du
25 janvier 1992, du 6 février 1993 et du
5 février 1994. Au fur et à mesure que
ces actions se sont déroulées, l'union des
organisations auxquelles s'est parfois
associée la LICRA, n'a plus été un événement en soi. L'important était la finalité revendicative et l'aboutissement des
revendications portées par les collectifs.
Or, c'est à ce niveau du développement
des collectifs qu'apparaissent deux types
4
de difficultés: l'un concerne la définition du contenu politique et l' engagement de toutes les organisations sur les
objectifs définis, l'autre est relatif à la
matérialisation par la mobilisation de la
volonté d'agir pour le succès de l'action
entreprise.
LA DIVERSITÉ: UN BLOCAGE?
En effet, une manifestation réussie, c'est
très satisfaisant en soi, mais ce n'est pas
suffisant. Ainsi, au-delà du 5 février et
des slogans qui y ont été criés, reste dans
la gorge le désir de les voir concrètement
se réaliser: des papiers pour les irréguliers, la libération des Kurdes, la fin des
dispositifs de fabrication d'exclus, l'arrêt
des contrôles au faciès . Or, dès la constitution du collectif en septembre, et alors
que la volonté a immédiatement été
affirmée de mener de multiples actions
de réflexion et de sensibilisation en
dehors de la manifestation (dépliant,
meeting décentralisés, "exemplarisation"
de cas symboliques, débats dans les
entreprises et les écoles), il a été évident
que le collectif ne parviendrait au mieux
qu'à organiser la manifestation.
Il y a de multiples causes à cette incapacité, mais on peut affirmer que la diversité des organisations et de leurs objectifs
politiques a été un frein à une action en
profondeur, alors qu'on aurait pu supposer que de cette diversité naîtrait un enrichissement par complémentarité. Ainsi,
certains, ne pouvant pas mettre le collectif sous leur direction, ont préféré s'en
détacher avec condescendance. L' aspect
positif réside dans le constat que le collectif a été assez fort dans sa diversité
pour exiger un secrétariat pluriel avec un
fonctionnement démocratique.
D'autres, poursuivant à travers le collectif plusieurs objectifs politiques, ont usé
de mécanismes d'alliance à géométrie
variable. A la poursuite du désir de donner l'illusion d'être représentatifs, ils ont
constamment tenté de chambouler les
objectifs du collectif au gré de leurs
propres angoisses de voir se refléter leur
image réelle. Certains, en cours de route,
ont changé leur fusil d'épaule et ont
trouvé plus gratifiant vis-à-vis de leur
électorat potentiel d'abandonner en partie l'engagement dans la mobilisation
pour l'égalité des droits au profit de
thèmes plus consensuels comme l'école.
Bien entendu, ce genre d'action est
recouvert d'une épaisse couche de
langue de bois. Le summum de ces pratiques du "courage, fuyons" a été atteint
lors du sabotage des collectifs locaux de
province et de la région parisienne auxquels a été annoncé peu de temps avant
la manifestation, l'abandon de celle-ci et
son report sine die. Il est évident qu'une
telle entreprise, faite au nom du secrétariat du collectif et dans son dos, sans
même qu ' ait déjà eu lieu un débat au
sein du collectif sur l'opportunité ou non
de poursuivre la mobilisation, a été un
frein important à son développement.
Sans ce sabotage, il est certain que nous
aurions été encore plus nombreux dans
la rue. Ce manque de courage et de responsabilités politique a été encore plus
manifeste dans la volonté exprimée par
les organisations qui souhaitaient rendre
leur tablier de faire porter un éventuel
échec de la manifestation par celles, et
en particulier le MRAP, qui défendaient
les engagements pris par tous dans le
cadre du collectif. Si ces démarches nuisent à un travail serein dans la transparence, on peut noter que le collectif a su
résister. Il a réussi à maintenir une cohésion pour poursuivre son action. Par làmême, il montre la nécessité de poursuivre le travail en commun.
UNE NÉCESSAIRE ÉVALUATION
En dehors de ces obstacles d'ordre politicien, le collectif a éprouvé de grandes
difficultés à pouvoir mettre en application ses projets de sensibilisation de
l'opinion. Ainsi, à notre connaissance, il
n'y a pas eu de débat au sein des entreprises ou des écoles sur le dispositif Pasqua-Balladur alors que nous avions fixé
ces débats comme objectif. Force est de
constater qu'il est difficile en cette
période de crise, de sensibiliser sur le
lieu de travail, autour de nos thèmes.
Cette difficulté à faire passer un thème
général plaide en faveur d'actions de
sensibilisation sur des points concrets
proche du quotidien des gens. Pour
s'attaquer au dispositif Pasqua, il faut
faire preuve de pédagogie et montrer aux
gens qu'il peut toucher leur voisin de
palier et eux-mêmes.
Une autre difficulté réside dans la définition de ce qui est commun aux organisations du collectif. Ainsi, dès la constitution du collectif, ont été pointés les
mécanismes d'exclusion et leurs sup ports législatifs et réglementaires comme
vecteur de racisme comme la loi Pasqua
mais aussi les accords de Schengen.
Dans le même esprit, les points significatifs de l'égalité des droits ont été illus-
trés par la revendication de droit de vote
des résidents étrangers, qui, si elle est
ancienne, n'en demeure pas moins
d'actualité. Ces éléments faisaient partie
de la plate-forme a minima que chacun a
reconnue comme telle et dont la reconnaissance était significative de l'appartenance au collectif et de la poursuite par
tous de ses objectifs. Malgré cet accord,
des organisations ont modulé une plateforme à leur convenance au fil du temps.
Selon la règle selon laquelle le succès dû
à quelques-uns rejaillit sur l'ensemble des
composantes d'un groupe, certains se
sont efforcés de garder des liens avec le
collectif. C'est ainsi qu'on a pu voir des
organisations refuser la signature de la
plate-forme parce qu 'elle mentionnait les
accords de Schengen, mais revendiquer
leur appartenance au collectif pour bénéficier de l'éventuelle aura médiatique que
cela supposait en cas de succès de la
manifestation. D'autres ont refusé un
texte commun exigeant le droit de vote,
mais ont bien fait attention d'apparaître
dans le carré de tête. Curieusement, ces
organisations représentées dans le carré
représentant le collectif avaient omis de
mobiliser et d'avoir un cortège spécifique
dans le défilé...
Ces attitudes montrent, s'il en était encore
besoin, la nécessité pour tous d' avoir des
engagements précis sur des contenus précis pour assurer des actions communes
réellement partagées par tous. Toutefois, le
fait que malgré leur manque de bonne
volonté, ces organisations jugent nécessaires de poursuivre un minima en commun, même s'il est motivé par de l'opportunisme organisationnel, illustre la force
d'attraction que peut générer le collectif.
Ce n'est pas un aspect négligeable de ses
capacités. Mais, dans le futur, il faudra que
chacun ne puisse pas tordre le cadre commun en fonction de ses intérêts. La réponse réside certainement dans une définition
des objectifs qui ne soit pas trop générale
et mollement consensuelle. Au contraire la
mobilisation devra se faire sur des revendications précises et ciblées qui puissent être
arrachées. Une mobilisation est d'autant
plus forte qu'elle dégage la perspective
d'une victoire à terme. Ainsi l'exigence de
l'abrogation du dispositif Pasqua aurait
due être accompagnée des revendications
concrètes telle la régularisation des "sanspapiers" générés par ce dispositif.
CONCRÉTISER C'EST AGIR
EN PARTENAIRES
L ' organisation d'actions communes
exige
, que les organisations, après avoir
5
montré leurs capacités d'unité, ne doivent pas se laisser enfermer dans une
cartellisation de leur problématique. Au
contraire, elles doivent rechercher de la
manière la plus diversifiée possible un
partenariat sur objectif. Pour le succès de
la cause qui nous est chère, il est urgent
de passer d'une pratique de cartel à celle
d'un véritable partenariat, avec des liens
traversant les mouvements représentatifs
de la société française . Ce partenariat se
définit par l'engagement concret, sur un
objectif précis et non général et sur les
moyens pour y parvenir. Le temps des
cartels n'est plus opérationnel et directement productif, et hormis le prestige de
signatures, il est plus efficace de réunir
20 000 personnes à une vingtaine de partenaires qu'à une centaine d' organisations. Les réseaux existent et ils ont
redressé la tête le 5 février. A nous de
savoir redynamiser ce que nous sentons
frémir en réinventant de nouveaux rapports au-delà de l'union consensuelle et
en restant exigeants dans nos projets.
Alain Callès
Secrétaire Général Adjoint
NB: Malgré les difficultés énoncées ci-dessus, le collectif a édité un dépliant sur les
conséquences du dispositif Pasqua-Balladur. Il est destiné au grand public. C'est un
outil pédagogique que vous pouvez vous
procurer au MRAP et sa vente participe à
couvrir les frais de la manifestation.
ÉCHOS DE PROVINCE
Par centaines, ils ont manifesté samedi
après-midi dans plusieurs villes de province contre l' exclusion. le racisme et
pour l'égalité des droits.
A Pau, 400 manifestants ont dénoncé "Ies
mécanismes d'une société qui, d'exclusion en exclusion. s'acharne à dresser les
gens les uns contre les autres".
A Perpignan, 150 personnes ont répondu
contre l'arbitraire en matière d'immigration.
A Marseille, ce sont plus de 300 personnes qui se sont mobilisées pour l'abrogation des lois Pasqua-Méhaignerie,
A Rouen, 250 manifestants.
Un millier de personnes se sont rassemblées à Lyon, autant qu'à Nice.
A Grenoble 500 personnes se sont
réunies.
Une idée originale et symbolique, à
Mont-de-Marsan, 450 ballons ont été
lâchés par les enfants. Ils ont confié leur
message de tolérance et de fraternité au
ciel et aux vents.
Norbert Haddad
SOLIDARITÉ
SOLIDARITÉ
A QUEL PRIX LES KURDES
ONT ILS ÉTÉ VENDUS?
Renée Le Mignot et Alain Callès qui ont suivi, pour le MRAP, l'affaire des Kurdes en France
rappellent ici les principaux faits et livrent leur analyse sur ces faits.
L
e 18 novembre 1993, sous
prétexte de "chasse aux
terroristes", la police française , procédait sur ordre du
ministre de l'Intérieur et avec
approbation du gouvernement
turc, à une rafle parmi les réfugiés kurdes, simultanément, dans
plusieurs villes de France: arrestations arbitraires d'une centaine
de personnes, perquisitions,
locaux associatifs saccagés. A la
légitime protestation de la communauté kurde, notamment par
une manifestation place de la
République, la police répondait
avec brutalité, molestant les
manifestants, y compris les
enfants. Un responsable du Yek
Kom Kurdistan contactait alors
le MRAP pour demander que
notre mouvement convoque en
leur nom une réunion d' un collectif d' organisations, leur matériel ayant été rendu inutilisable
par la police. Répondant à cette
demande, une première réunion
était convoquée en urgence, au
siège du Yek Kim, le 22
novembre. Lors de cette réunion
où nous représentions le MRAP,
l'organisation d'une conférence
de presse pour le 26 novembre et
une manifestation à Paris le 2
décembre étaient décidées, sur la
base des revendications suivantes:
• libération de tous les Kurdes
emprisonnés,
• levée de l'interdiction des
associations kurdes dissoutes le
30 novembre à la demande du
Ministère de l'intérieur,
• solidarité avec le peuple kurde
et ceux qui défendent la démocratie et la justice en Turquie.
• Une demande de rendez-vous,
restée sans réponse, était adressée aux Ministres de l'intérieur
et de la justice.
• Un appel aux personnalités
était lancé: il a recueilli une centaine de signatures dont celles de
l'abbé Pierre, Maurice Béjart,
Francine Demichel, Jean Ferrat,
Monseigneur Gaillot, Costa
Gavras, J.C Gawsewitch, Bernard Granjeaon, Bernard Langlois, Colette Magny, JeanMarie Muller, Didier Niels,
Gilles Perrault, Antoine Spire,
Jean Suret-Canale, Théodore
Monod, Christine Daure-Serfaty,
Sine, Anne Tristan, Odette Uzan,
Pierre Vidal-Naquet.
La communauté kurde se voyant
refuser la salle prévue pour
l'organisation de leur fête le 25
décembre sollicitait l'appui du
MRAP. Non sans d' énormes difficultés, le MRAP a permis la
tenue de cette fête qui a rassemblé environ 4000 personnes sous
un chapiteau à Ivry avec l'accord
de la municipalité.
noms des personnes interpellées
sans souci des représailles dont
risquent d'être victimes leurs
familles et au mépris de la protection à laquelle a droit tout
réfugié politique), le maintien en
détention depuis plus de deux
mois de personnes n'ayant rien
d'autre à se reprocher que leur
soutien à la cause du peuple
kurde, les arrestations totalement
arbitraires, l'arrestation et l'assignation à résidence, avec menace d' une "expulsion en urgence
absolue" d'Azad Dere, réfugié
politique qui servait d'interprète
à une délégation kurde. Cette
délégation composée d'un député et d'un maire élus du DEP,
parti démocratique légal et d'un
journaliste d ' Ozgur Gundem
était justement en France pour
rencontrer des parlementaires et
des associations de défense des
droits de l'homme afin de sensibiliser l'opinion sur la répression
par le gouvernement turc que
subit le peuple kurde.
235 MILLIONS
DE DOLLARS
En province, de nombreux comités de soutien ont été créés et les
comités locaux du MRAP y ont
pris toute leur place : à Rouen et
à Poitiers en soutien à Rogine
Ayaz, à Dreux où une manifestation devant la Préfecture était
organisée dès le 22 novembre, à
Grenoble, à Agen, dans le Gard,
à St Ouen, à Marseille et plus
récemment à Albi et Toulouse
suite à l'arrestation et l'assignation à résidence d'Azad Dere,
responsable du centre d' information du Kurdistan.
Cependant, malgré ces mouvements de solidarité, la chasse aux
Kurdes continue sous le même
prétexte de lutte contre le terrorisme". Cela signifierait que les
services qui renseignent Pasqua
et ses prédécesseurs sont
aveugles ou incapables. En réalité, les dossiers sont vides. Il est
clair que la répression qui frappe
les réfugiés kurdes en France
comme en Allemagne, résulte de
la conclusion d'un accord avec
le gouvernement turc. A quel
prix les Kurdes ont-ils été vendus ? Contre les 235 millions de
dollars que représente la vente
des hélicoptères "Puma" si efficaces pour la répression des
Kurdes en Turquie ? La France
se déshonore en se soumettant
ainsi aux exigences de l'Etat turc
qui bafoue depuis des décennies
les droits légitimes du peuple
kurde. Jusqu'où ira-t-on dans
cette voie? Après les rafles (qui
continuent puisque de nouvelles
arrestations ont eu lieu à Marseille), la délation (informations
données à la police turque
notamment communication des
700 VILLAGES BRULÉS
Mouloud Aounit et Renée Le
Mignot, représentant la direction
nationale du MRAP les avaient
rencontrés quelques jours avant
cette délégation. Ils ont pu noter
leur esprit de responsabilité et
leur volonté d'utiliser tous les
moyens légaux pour imposer une
solution négociée qui mettrait fin
aux souffrances terribles du
peuple kurde et reconnaîtrait
enfin ses droits fondamentaux.
C'est là, la seule voie possible
pour stopper l'engrenage de la
violence: si les puissances occidentales refusent d' imposer cette
solution au gouvernement turc et
face à la menace de génocide, le
peuple kurde n' aura pas d' autre
solution que le recours à la lutte
armée et cela malgré son profond attachement (maintes fois
répété par les membres de la
délégation) à la paix et à l'amitié
entre les peuples turc et kurde.
C'est ce soutien, pour éviter le
pire, que la délégation kurde
était venue chercher en France.
Répondre par l'arrestation de
leur interprète est un acte inqualifiable.
6
Le 27 mars prochain, des élections doivent avoir lieu en Turquie. La répression s'aggrave
afin d'empêcher leur déroulement démocratique et notamment d ' interdire aux candidats
du DEP de se présenter. Pendant
que la France vend ses hélicoptères, en un an, 700 villages ont
été brûlés, des dizaines de milliers de personnes déplacés. On
compte plus de 1000 assassinats
d' intellectuels kurdes (médecins,
avocats, journalistes dont 66 élus
du DEP et 12 journalistes
d'Ozgur Gundem plus que le
journal de Sarajevo!). Le peuple
kurde a droit à notre solidarité.
Le MRAP demande la présence
d'observateurs internationaux en
Turquie, afin de contrôler le
déroulement des élections, l'arrêt
de toute livraison d'armes à la
Turquie, la libération de tous les
kurdes emprisonnés en France, la
levée de l'interdiction de leurs
organisations. Il appelle ses adhérents à renforcer leur solidarité.
Vous trouverez ci-après la liste de
personnes détenues; vous pouvez
leur adresser un message d'amitié, vous pouvez écrire au ministère de l'Intérieur pour exige leur
libération. Une série de 4 cartes
sera bientôt à votre disposition .
Ne manquez pas de la réclamer
au siège du MRAP.
]
LISTE DES PRISONNIERS
KURDES EN FRANCE
A 111 Maison d'arrêt
de Flellry Merogis
7 avenue des Peupliers
91705 Sainte Geneviève des Bois
CAPKUR Mehmet
prévenu n0228575 B
BASKARA Zeki
prévenu n~228584 M
AYDIN Serran
prévenu 0°228585 N
DEMIR Ali
prévenu n0228574 A
ALTUN Halil
prévenu n"230752 T
CAN Ali
prévenu n0230753 U
CAMPAGNE DE
SIGNATURES ET MEETING
FRANCO-KURDE
Actuellement le collectif national de soutien aux prisonniers
kurdes poursuit sa campagne de
signatures auprès de personnalités. Regroupant une quarantaine
d ' organisations, il projette
d'organiser bientôt un meeting
de solidarité avec les prisonniers
et d'informer à cette occasion
sur le peuple kurde. Ce meeting
aura une composante festi ve
interculturelle franco-kurde.
Le gouvernement français ne
peut ignorer que récemment un
ressortissant kurde qui a été arrêté dans un autre cas que ks
rafles et qui a été expulsé est
porté disparu depuis son arrivée
à Ankara. Il ne peut ignorer non
plus le risque encouru par les
familles des personnes arrêtées
en France et dont les noms ont
été jetés à la presse turque.
L'attaque que le gouvernement
français vient de faire à
l'encontre d'une communauté
entière et de réfugiés politiques
éclaire sinistrement sur les principes fondamentaux de notre
pays que ces pratiques remettent
en cause. Qu'en est-il d'une
société où l'on gouverne impunément à coup de rafles? Qu'en
est-il d'une démocratie où
simultanément à la remise en
cause du droit d'asile, on rafle
parmi les réfugiés politiques qui
ont cru trouver protection sur
son sol? Qu'en est-il de l'honneur d'un pays qui se veut berceau des Droits de l'Homme et
où le devoir de protection des
réfugiés politiques est bafoué
par leur dénonciation au pays
qu'ils ont fuit? Qu' en est-il des
droits d'association et de manifestation quand le fait du Prince
les dénie à une communauté et à
ses organisations culturelles?
Il semble que la réponse à ces
questions se tienne dans la vente
de quelques hélicoptères, pour la
répression du peuple kurde, à un
pays qui frappe à la porte de la
Communauté Européenne.
Alain Callès et
Renée Le Mignot
A la MAF de Fleury Merogis
1
9 avenue des Peupliers
91705 Sainte Geneviève des Bois
MANAZ Elif (Mme) prévenue 0'28485 N
A la CJD de Fleury Merogis
5 avenue des Peupliers
. 91705 Sainte Geneviève des Bois
COBANOGLU Servet prévenu n'228587 Q
A la Maison d'arrêt de 111 Santé
48 rue de la santé· 75014 PARIS
KA YAK Gûllekio
prévenu n"255635 Q
PARMAKSIZ Hizir prévenu n' 255637 S
YILDIRIM Huseyin prévenu n"155638 T
YILDIRIM Ekcem prévenu n' 255639 T
KURU Kemal
prévenu n'256327 S
YESILKA YA Hasan prévenu n"156331 W
AssignalÙm à résidence
AYAZGurbet
(Deux Sèvres)
tel: 4%940 Il
KISA Mustafa (Lyon) tél : 67656870
SALlKARA Hasan
(St Ouen)
tél: 40129513
LES ROSENBERG
,
CONTRE-PROCES
A NEW YORK
Aaron Katz, président du Comité National (américain) pour le Réexamen
de l'Affaire Rosenberg, a adressé à Albert Lévy une lettre dont
nous publions ici des extraits.
un procès régulier, dans tous les
sens du terme.
Le verdict "non-coupable" a été
prononcé par deux jurys de six
membres, constitués par tirage au
sort sur les listes de la juridiction
de New York. Le premier devait
donner son appréciation immédiate, après les témoignages, les
conclusions des conseillers et
avocats, les observations du juge.
Le second devait discuter et élaborer sa décision pendant une durée
de quatre heures. Son porte-parole
expliqua que la thèse du Ministère
Public était "minable" et qu'aucune preuve convaincante de culpabilité n' avait été présentée.
De fait, les règles et modalités
fixées pour le contre-procès tendaient à protéger l'accusation, le
FEI et le juge du procès d'origine,
Irving R. Kaufman.
Les verdicts "non"coupable" des
deux jurys étaient d'autant plus
significatifs qu'à aucun moment,
les artifices du Pouvoir Exécutif
et de l' appareil judiciaire n'ont été
abordés au cours du contre-procès! Les médias, jouant les procureurs, pendant presque trois
années, depuis l'arrestation des
Rosenberg jusqu'à leur exécution,
n'avaient cessé de proclamer que
"les Rosenberg ont transmis le
secret de la bombe atomique à
l'Union Soviétique". Pourtant, au
long des 14 jours du procès, en
mars 1951, l'accusation était, non
pas qu '·ils avaient effectivement
transmis quoi que ce soit, mais
uniquement qu'ils avaient
"conspiré" en vue de transmettre.
Aucun témoin ne vint attester que
les Rosenberg aient jamais transmis à quiconque la moindre information secrète. Cependant, le juge
Kaufman, rendant sa sentence une
semaine après le verdict de
"conspiration" prononcé par le
jury, justifia sa décision inouïe
d'infliger une double peine de
mort en déclarant que les Rosenberg "avaient remis la bombe A
entre les mains des Russes". Cette
effroyable contradiction n'a
jamais été relevée par aucun des
L
es personnalités françaises,
au nombre de plus de deux
cents, qui ont fait parvenir
au Président Clinton un appel
commun demandant le réexamen
de l'affaire Rosenberg des années
cinquante (1) n' ont pas encore
reçu de réponse officielle de notre
Président. Leur lettre lui était parvenue en mai 1993, à temps pour
qu'un écho lui soit donné à
l'occasion du quarantième anniversaire de la tragique électrocution des époux Rosenberg, le
19 juin.
Mais une autre réponse, émouvante et encourageante, a eu lieu,
même si c'est indirectement. Elle
émane de la piNS importante association américaine d'avocats et de
magistrats, sous la forme du
contre-procès organisé les 9 et JO
août par l'Association du Ban'eau
Américain (A.B.A.) avec, en
conclusion, ce gros titre du "Journal Juridique de New York", le 11
août 1993: "Les Rosenberg acquittés quarante ans après. Le contreprocès de l'A.B.A. s'achève par
un retournement de l'Histoire".
Ce n'était pas la réponse du Président; mais le groupement juridique fort influent qui l'exprime
n'a jamais été, à ce jour, considéré
comme ayant une orientation "de
gauche". Elle ne manquera pas
d'avoir des conséquences de grande portée, comme le montre déjà
son retentissement dans l'opinion.
Le contre-procès était organisé
sous la direction du juge Marvin
E. Aspen , de l'Illinois du Nord,
avec le concours de deux équipes
de juristes qualifiés, spécialisés
dans les domaines de l'accusation
et de la défense. Il s'est tenu à
New York, à l'Hôtel WaldorfAstoria, en présence de quelque
500 avocats, magistrats et dirigeants notoires. Le juge Aspen et
les deux équipes de juristes
avaient consacré des centaines
d'heures de recherche et de préparation à la mise en place des
règles et modalités du procès.
Chacune des deux équipes
s'efforçait de l'emporter. Ce fut
7
quotidiens de la grande presse aux
Etats-Unis! Kaufman a proféré
cette stupéfiante affirmation frauduleuse dans l'exposé accompagnant sa sentence, alors qu'au
second jour du procès, le 7 mars
1951, il avait notifié aux jurés
qu'en votant "coupable" ou "noncoupable", il ne s'agissait pas de
dire si les Rosenberg avaient
effectivement transmis quelque
chose, mais seulement s'ils
avaient conspiré en vue de transmettre!
Il faut féliciter Harry M. Reasoner, de Houston, Texas, et Gary
Naftalis, de New York, pour leur
excellent travail au service de la
défense. Egalement efficace fut le
travail du Ministère Public, assuré
par Thomas P. Sullivan et Andrea
Zopp, tous deux de Chicago.
Alors que la pente naturelle semblait favoriser l'accusation, la réalité des faits contribua clairement
à étayer les positions de la défense
des Rosenberg. Ce qui ne diminue
en rien les mérites de l''équipe des
défenseurs. Après tout, les faits
étaient les mêmes en 1951, mais
si l'accusation, alors, a "gagné",
c'est grâce au soutien du FEI, du
juge Kaufman et de la Loi
McCarran de 1950 sur la Sécurité
intérieure, supprimée depuis. Ce
texte anticonstitutionnel, appliqué
à l'époque, considérait que tous
les membres du Parti Communiste et les membres de quelque cent
organisations qualifiées de "front
communiste" étaient des agents
de l'Union Soviétique.
Cher Albert Lévy, je vous prie de
communiquer les remerciements
chaleureux des fils des Rosenberg, Michael et Robert Meeropol , et des membres de notre
Comité National pour le Réexamen de l'affaire Rosenberg à tous
les signataires de la si précieuse
lettre au Président Clinton. Nous
sommes reconnaissants à tous et à
chacun.
Aaron KATZ
(1) Voir "Différences ", nO142,
juin 1993.
EXPÉRIENCES EUROPÉENNES
LES ÉTRANGERS DANS LA CITÉ
LES IMMIGRÉS AUX PAYS-BAS
Un excellent recueil rassemblant
une quinzaine de textes,
intitulé Les étrangers
dans la cité présente
un panorama sur les droits
civiques des étrangers
dans un certain nombre de pays
d'Europe. Ces textes, à lafois
savants et simples, montrent
notamment comment les partis
politiques se sont affrontés
sur ce thème, en quoi chaque
expérience nationale est
édifiante pour les autres.
Nous avons choisi de publier ici,
avec l'aimable autorisation
de La Découverte et de la Ligue
des Droits de l'Homme,
co-éditeurs de l'ouvrage,
de larges extraits de l'article
de Jan Rath qui porte sur le droit
de vote aux Pays-Bas.
Voilà une expérience originale
qui mérite toute l'attention
des militants du droit de vote
des étrangers en France.
Une expérience qui révèle
l'attitude courageuse
du gouvernement des Pays-Bas
qui prenait lui-même en 19,75
l'initiative d'une campagne
pour le droit de vote
des étrangers aux élections
locales. Si l'auteur défend
le principe des droits civiques
accordés aux étrangers,
il montre aussi que cet acquis
n'a pas empêché l'émergence
d'un parti d'extrême droite
particulièrement virulent.
D
ans l ' Europe d'aujourd ' hui où des
millions d'immigrants sont venus
s'installer sans prendre la nationalité
du pays d'accueil, l'exercice des droits politiques est l'objet d' un débat fondamental. La
contradiction entre le droit de participer aux
affaires d'un pays et la situation d'exclusion
politique peut néanmoins être résolue. Le
droit -y compris la Constitution- n' est pas
fixé pour l'éternité, mais peut être modifié si
les électeurs et les élus expriment cette
volonté. Aux Pays Bas, c ' est chose faite
depuis 1985 et, dans ce pays, le droit de tout
homme et de toute femme de participer à la
vie politique locale s' appuie sur la notion de
"pays de résidence" plutôt que sur celle de
"pays de naissance".
( ... )
LE DROIT DE VOTE EN DÉBAT
Il a fallu attendre 1985 pour que le droit de
vote et l'éligibilité soient accordés aux étrangers résidant aux Pays-Bas depuis au moins
cinq ans. Pour la majorité des Turcs, Marocains, Allemands, Espagnols, Belges, Italiens, Américains, Algériens et Français, les
élections municipales du 19 mars 1986 furent
la première occasion d ' exercer leur droit de
vote dans le pays.
C'est en 1975 que le gouvernement avait proposé de modifier la Constitution pour permettre la participation des non-Néerlandais à
l'élection des conseils municipaux. Au début,
les partis politiques réagirent de façons très
diverses à la proposition gouvernementale.
Le PVDA (sociaux-démocrates) ainsi que les
autres partis de gauche ont soutenu l'initiative. Pour eux, la proposition était même trop
timide: ils étaient favorables au droit de vote
des étrangers aux élections législatives . A
l'inverse, les partis chrétiens-démocrates, qui
allaient former le CDA, et les libéraux
(VVD) se prononcèrent contre la proposition.
Les chrétiens démocrates ne voulaient accorder le droit de vote qu ' aux ressortissants de
la Communauté européenne domiciliés aux
Pays-Bas, ce qui excluait la quasi-totalité des
travailleurs immigrés.
Les détracteurs du projet défendaient l'idée
que les immigrés qui voùlaient jouer le jeu
politique devaient se naturaliser. Au fil des
années, néanmoins, il devenait clair que la
grande majorité des immigrés de nationalité
étrangère n'optait pas pour cette solution, et
cela à la fois pour des raisons affectives et
pratiques. Dès lors, lier droit de vote et naturalisation est apparu aux yeux de beaucoup
comme une exigence antidémocratique.
D'autres opposants défendaient l'idée que les
immigrés pouvaient faire entendre leur voix
dans la politique locale au moyen d ' organes
consultatifs séparés: effectivement, durant
les années soixante-dix, dans beaucoup de
municipalités des conseils d'immigrés ou des
commissions consultatives furent fondés afin
de défendre les intérêts des étrangers. Cependant, de tels organes , bien que largement
acceptés, fonctionnaient rarement de façon
efficace. Leur influence politique était faible,
voire nulle.
8
Un autre argument était avancé par les opposants au projet: les étrangers connaissaient
mal les règles du jeu du système politique
démocratique. Nombre d ' entre eux proviennent de pays où ces traditions n'existent pas
et, par conséquent, ils ne sont pas habitués à
des élections au suffrage universel à bulletin
secret. De plus, leur connaissance imparfaite
du néerlandais allait limiter leur participation
pleine et entière à la vie politique. Fallait-il
donc exiger des futurs électeurs la maîtrise
du néerlandais et/ou une durée de séjour
minimale aux Pays-Bas?
De plus, arguaient-ils, en accordant le droit de
vote aux immigrés non naturalisés, le pays
courait également le danger d'une ingérence
des puissances étrangères dans la politique
néerlandaise et risquait de devenir le lieu
d ' expression de conflits politiques des pays
d' origine des immigrés. Les milieux chrétiens
orthodoxes craignaient surtout que les musulmans ne participent aux élections avec leurs
propres partis. Le fait même que les immigrés
pourraient fonder leurs propres partis était de
toute façon envisagé avec réticence.
Dans différents partis politiques, la crainte
portait sur le profit que pouvaient tirer, du
vote des étrangers, les partis néerlandais en
compétition ; cette crainte, cependant, fut
rarement exprimée ouvertement. Lorsque le
Centrumpartij (parti d'extrême droite) , au
début des années quatre-vingt, se développa,
adoptant un programme électoral dans lequel
la xénophobie était l'argument central , de
nombreuses personnes redoutaient que ce
parti controversé n' exploitât les réactions de
rejet d'une partie de la population défavorable au droit de vote pour les étrangers. Au
total, les opposants avaient avancé beaucoup
d'arguments dans le but de faire échouer
l'adoption de l'amendement à la Constitution. Une majorité des deux tiers étaitnécessaire au Parlemeîlt pour faire adopter un tel
amendement: le soutien des trois grands partis était donc nécessaire les sociaux-démocrates (PVDA) défendant le projet, l'accord
des chrétiens-démocrates (CDA et des libéraux (VVD) était indispensable. L ' attitude,
hostile au départ, de ces derniers se modifia
peu à peu. Lorsque le projet de loi fut voté en
1981 et en 1982 (après les élections législatives), les deux chambres l'approuvèrent.
Comment expliquer cette évolution en faveur
du droit de vote des étrangers?
En premier lieu, dès l'origine du projet de
loi, on assista à des changements de gouvernement. Le ministère des Affaires intérieures,
qui fut le principal acteur de la modification
de la loi, fut dirigé en alternance par chacun
des trois grands partis. Les ministres du
PVDA, du CDA et du VVD ont chacun soutenu le projet et l'ont défendu devant la
deuxième Chambre. Les grands partis furent
donc obligés d'adapter leur politique à celle
de leur ministre. Cela n'alla pas toujours de
soi : en 1981, le congrès électoral du VVD
vota contre la politique de son ministre de
l'époque, H. Wiegel, concernant le droit de
vote des non-Néerlandais. Celui-ci n'en tint
pas compte et, lors d'une réunion ultérieure
du parti, le VVD réexamina sa position.
En deuxième lieu , le gouvernement a toujours pu défendre le projet de loi, en avançant
l'argument qu'il s' agissait seulement de créer
dans la Constitution la possibilité d'accorder
le droit de vote, l' adoption d'un tel projet de
loi n'impliquant pas un accord automatique
sur le droit de vote des immigrés de nationalité étrangère. Les révisions de la Constitution sont en effet très complexes et demandent donc beaucoup de temps ; aussi cette
occasion unique devait-elle être mise à profit.
En troisième lieu le changement d'opinion
est en relation avec la nouvelle politique des
minorités en ce qui concerne les immigrants.
Depuis 1979, le gouvernement a soutenu
qu'il fallait une participation égale des immigrés dans la société hollandaise, y compris
dans le domaine politique, ce qui pouvait
déboucher sur leur obtention du vote. Tous
les grands partis politiques ont accordé leur
soutien à ces orientations. Le fait que certains
immigrants (Surinamois, Antillais et Moluquois) sont des citoyens néerlandais et jouissent en conséquence du droit de vote a aussi
joué son rôle. L'inscription des immigrés sur
les listes électorales était ainsi en harmonie
avec une politique de non-discrimination.
Enfin, les expériences menées à Rotterdam
(1979) et Amsterdam (1981) avec la constitution de "conseils partiels" furent une bonne
publicité en faveur du droit de vote. Le
conseil partiel est une sorte de conseil de
quartier élu et ayant des compétence limitées.
Par ailleurs, l'argument le plus important
défendu par les partis politiques en faveur de
ce droit portait également sur la conviction
que son refus à long terme serait contraire
aux principes de la démocratie. Toutes ces
conditions ont donc contribué au consensus
politique et permis d'accorder ce droit aux
immigrés.
LE SOUTIEN SOCIAL
Il est à noter que l'instauration du droit de
vote n'a pas été le résultat d'une lutte de la
part des immigrés: bien que leurs organisations et les organismes sociaux néerlandais
aient accueilli à bras ouverts l'instauration de
ce droit politique, leur soutien se manifesta
principalement au moment où l'amendement
à la Constitution qui avait permis l'établissement du principe de ce droit fut voté. En fait,
ce sont les législateurs néerlandais, et surtout
les juristes, qui ont ouvert ensuite le débat
sur la réalité de son application.
Alors que le droit de vote au niveau municipal est devenu une réalité, on assiste de la
part des immigrés les plus actifs à une revendication de plus en plus forte pour obtenir le
droit de participer aux élections législatives .
Le droit de vote des immigrés non naturalisés
a été généralement bien accepté par la population néerlandaise. Celle-ci s ' est en effet
majoritairement prononcée en sa faveur, au
moins pour les élections municipales. Le plus
grand soutien s' est exprimé pour le droit de
vote aux conseils partiels, mais la proposition
d'accorder ce droit aux législatives n'a pas
trouvé la même approbation. Le soutien
accordé au droit de vote dans les communes
est d'autant plus important qu'un sondage
réalisé en 1984, lors du second vote des
immigrés au conseil partiel (à Rotterdam), a
montré que la population s' était familiarisée
avec ce principe. Les partisans du droit de
vote se trouvaient dans toutes les couches de
la population, mais étaient surtout représentés dans les groupes en contact avec les
immigrés et parmi les électeurs jeunes et progressistes.
Malgré ces faits encourageants, la plupart des
partis politiques redoutait ce que l'on nomme
le backlash, réaction négative de la part des
Néerlandais autochtones. Pour ne pas provoquer inutilement l'opinion publique, la quasitotalité des partis s' était mise d ' accord pour
éviter un débat "chaud" . Conséquence de
cette prise de position modérée, les divergences s ' exprimèrent à l'intérieur de la
Chambre. C'est pour limiter le risque d'un
backlash que le Parlement donna son accord
pour l'organisation d'une campagne d'information sur ce nouveau droit accordé aux résidents étrangers.
Jusqu ' à maintenant, il y a eu deux occa8ions
où les citoyens étrangers ont pu exercer leur
droit de vote : les élections municipales de
1986 et celles de 1990.
LES ÉLECTIONS DE 1986
Les élections furent largement discutées dans
les différentes communautés . Les débats portèrent essentiellement sur la participation au
vote et sur le choix des partis. Ces thèmes
connurent une large audience au travers des
médias des minorités et tout particulièrement
dans les médias turcs. Des candidats issus de
groupes ethniques minoritaires y jouèrent un
rôle étonnant, devenant le symbole de l'association entre ces groupes et la politique néerlandaise. De plus, en faisant appel, délibérément ou non, aux sentiments d ' ethnicité, ils
cOil tribuèrent à la mobilisation des électeurs,
Surinamois, Turcs et Marocains. Il est à noter
que le roi du Maroc, Hassan II, considérant
l'élection comme une étape peu souhaitable
vers l'assimilation, a invité ses sujets "à rester à la maison".
Environ 150 immigrants ont été désignés
comme candidats (sur un total de 40 000),
mais seulement 50 -pour la plupart des socialistes- ont été élus (sur un total de 10 000
conseillers) . Ces statistiques indiquent que
les immigrants étaient extrêmement sousreprésentés aussi bien comme candidats que
comme élus dans les conseils locaux. La participation moyenne était de 40 %.
Cependant, les taux de participation des
minorités diffèrent largement d'un groupe à
l'autre. Celui, relativement bas , des nonNéerlandais est surtout dû à la faible participation des Marocains. Leur score (16 %) a
rabaissé la moyenne de tous les étrangers.
Sans comptabiliser les Marocains, le taux de
participation des non-Néerlandais aurait été
de 45 %, ce qui correspond plus ou moins à
celui des Surinamois et des Antillais, tout en
restant très en dessous de celui des Néerlandais. Le taux de participation des électeurs
turcs équivaut à celui des Néerlandais
(61 %).
Le système électoral holl andais étant fondé
sur le principe de la représentation proportionnelle, on redoutait le soutien des immigrés à leurs propres partis. A tort, car la plupart votèrent pour les grands partis.( ... )
Il convient de souligner que la participation
des immigrants n' a pas fondamentalement
changé le paysage politique. D'abord, ils
constituent une minorité dont le comporte-
9
ment électoral est très peu différent du comportement des électeurs hollandais de souche
occupant la même position sociale. Deuxièmement, les partis ont inscrit les activités
politiques des minorités ethniques dans des
institutions spécifiques pour ces groupes. En
faisant ainsi, ils ont empêché l'inclusion
d'activités de minorités ethniques dans les
positions de pouvoir au sein du monde politique. Troisièmement, en 1986, aucun parti sauf le Centrumpartij- n'a fait un effort pour
gagner les votes anti-immigrants.
LES ÉLECTIONS DE 1986
La situation politique avait changé de plusieurs façons. D'abord, la position sociale
d'un grand nombre d'immigrants s'était détériorée considérablement. Les hommes politiques en vue ont exprimé leur déception à ce
propos et aussi au sujet de -ce qu ' ils croient
être- l'échec de la politique des minorités
ethniques mise en place depuis le début des
années à ce que les minorités ethniques
s' intègrent à la société hollandaise après seulement quelques années. La persistance de la
marginalité de certaines de ces minorités a
souvent été attribuée aux immigrants euxmêmes, à qui il fut reproché une "mauvaise
volonté" à s'intégrer. Une nouvelle politique,
avec comme but l'intégration forcée, a été
débattue. En même temps, le Centrumpartij
regagnait de l'influence. Et, pour la première
fois , certains hommes politiques populaires
des partis du centre, parmi lesquels le Premier ministre, ont flatté les sentiments
racistes d'une partie de l'électorat. Tous ces
événements ont coïncidé avec la perte de
confiance de la population dans la politique.
Les résultats des élections municipales de
1990 ont beaucoup bouleversé le pays. La
participation générale était extrêmement
basse, surtout dans les grandes villes ; le
PVDA a enregistré de lourdes pertes et le
Centrumpartij a nettement progressé. La participation moyenne des électeurs de souche
hollandaise était estimée à environ 50 % tandis que celle des immigrants passait de 40 %
en 1986 à 33 %. Il est difficile de préciser ce
qui a provoqué cette faible participation des
immigrants. Mais il est vraisemblable que
leur position sociale marginale et le durcissement du climat politique ont contribué à leur
manque de participation.
En conclusion, les expériences hollandaises
montrent clairement que l'exercice d'un droit
fondamental comme le droit à la représentation politique ne peut être nié par la loi.
Même la Constitution peut être modifiée, si
les hommes politiques montrent la volonté
politique de le faire. En changeant la loi, et
donc en enlevant les barrières légales à la
participation politique des citoyens étrangers,
le législateur manifeste publiquement que les
citoyens de souche et les immigrants sont
unis dans une seule communauté. La signification symbolique d'une telle mesure ne doit
pas être sous-estimée. Par ailleurs, l'expérience hollandaise montre aussi que l'attribution du droit de vote ne représente qu'un pas
vers la participation complète à la vie politique et l'égalité sociale des immigrants.
Cependant, cela ne doit jamais servir d'argument pour nier les droits essentiels aux étrangers.
Jan Rath
G RANDE·BRETAGNE
ALLEMAGNE
sous tutelle: il est à la merci d' un
système qui a tout prévu et qu'il
ne peut pas comprendre. En
effet, ce dernier est sur-organisé,
mais si un rouage de la machinerie coince, le système ne fonctionne plus. C'est ainsi que des
réfugiés sont trimbalés d'un
camp à l'autre ou bien ils attendent durant plusieurs mois avant
d'être transférés définitivement
dans une commune, parce que
leur dossier a disparu ...
( ... )
ROULEAU COMPRESSEUR SUR
LE DROIT D'ASILE
Les principaux extraits de l'intervention de Francette Gutberlet au colloque tenu à Genève
sur le thème Violence et droit d'asile en Europe(l) permettent de suivre la dégradation progressive
du droit d'asile en Allemagne. Et les difficultés à engager une contre-offensive efficace.
ans l'histoire de la République Fédérale d'Allemagne, aucun domaine
juridique n'a subi autant d'amendements, voire de modifications
profondes que celui réglant le
statut des étrangers et particulièrement des demandeurs d'asile.
Plus de trente fois depuis 1949,
le Parlement s'est prononcé pour
préciser cette phrase lapidaire de
l'article 16.2.2 de la Constitution
allemande: "Politisch Verfolgte
genieBen Asylrecht" : (ceux qui
sont persécutés en raison de
leurs opinions politiques jouissent du droit d'asile).
Ce principe de base reposait sur
l'expérience douloureuse et dramatique du III ème Reich où
800000 ressortissants de l'Allemagne d'alors avaient dû quitter
leur pays pour chercher refuge
ailleurs -nombreux sont ceux qui
ne revirent jamais leur patrie.
Les auteurs de la Constitution
savaient bien que les mouvements de fuite sont généralement
des mouvements de masse. (... )
Depuis treize ans, la RFA
cherche le moyen d'empêcher
"légalement" l'accès de son territoire aux réfugiés. Est-ce un
hasard que cette attitude défensive a commencé au moment où
des demandeurs d'asile sont arrivés du Tiers-Monde?
Toutes les restrictions qui
aujourd'hui caractérisent la politique européenne d'asile ont été
introduites peu à peu pour vider
l'article 16 de son contenu (visas
d'entrée et de transit, "pays tiers
sûrs", acception de plus en plus
restreinte du terme de réfugié) et
le flanquer d'une série de
mesures dissuasives telles que
l'obligation de séjourner dans
des camps ou des centres, aide
en nature et non en espèces,
interdiction de travail, circulation non libre, minimum de soins
médicaux etc
Le sommet de ce développement
a été atteint lors du "compromis"
conclu entre les Chrétiens
Démocrates (CDU) et les Libéraux (FDP) le 6 décembre 1992;
D
ce compromis s'est concrétisé
par la Loi sur la Procédure
d'Asile qui a été votée le 26 mai
1993 et qui est entrée en vigueur
le 1er juillet dernier. La loi précédente sur "l'accélération de la
procédure d'asile" venait
d'entrer entièrement en vigueur
le 1er avril de cette même année.
La loi du 1er juillet 1992 complétée par les amendements du
1er juillet 1993 ont rendu l'accès
de l'Allemagne presque impossible aux réfugiés et la situation
de la plupart de ceux qui sont
dans le pays est devenue très
précaire.
( ...)
a- Réfugiés venant de pays en
guerre ou de pays où sévit une
guerre civile
( ... ) Ne peuvent bénéficier du
statut de réfugiés de guerre
civile que des personnes qui en
ont fait la demande avant
d'entrer sur le territoire allemand
et qui peuvent être acceptées
dans le cadre d'un contingent
fixé par les Lander. Actuellement seuls les Bosniaques sont
au bénéfice de ce règlement,
mais l'effectif du contingent est
déjà atteint... Des réfugiés parvenus par leurs propres forces en
Allemagne ne peuvent pas en
faire partie. Par ailleurs, comme
ils arrivent par un pays tiers sûr,
ils peuvent être refoulés à la
frontière sans qu'ils aient eu la
possibilité de déposer une
demande d'asile. (... )
L'ancien article 16.2 .2 de la
Constitution a été supprimé au
profit d'un article 16a.
1- La phrase "Po/itisch Vergogte
genieBen Asylrecht" subsiste pro
forma.
2- L'entrée en RFA est refusée
aux réfugiés qui ont passé par un
"pays tiers sûr" ayant signé la
Convention de Genève et la
Convention Européenne des
Droits de l'Homme (la liste des
pays tiers sûrs est établie par une
loi) . Même en cas de persécution
politique, ces personnes sont
refoulées vers le pays tiers sans
avoir une chance d'être entendues. Ainsi, l'Allemagne s'est
entourée d'un "cordon sanitaire"
(Etats de la CEE, Finlande, Norvège, Autriche, Pologne, Suède,
Suisse et République Tchèque).
Un accord a été signé avec la
Pologne dans le but officiel
d'aider ce pays à recevoir des
réfugiés, mais en fait surtout
pour renforcer ses frontières
avec les autres Etats de l'Est.
3- Une liste de "pays d'origine
sûrs" où "il n' y a ni persécution
politique, ni châtiment ou traitement humiliant ou inhumain" est
établie par la loi; ce sont: la Bulgarie, le Ghana, la Pologne, la
Roumanie, le Sénégal, la République Slovaque, la République
Tchèque et la Hongrie.
Les réfugiés venant de ces pays
sont soumis à une procédure
accélérée de rejet (détention dans
les zones de transit, "demande
manifestement non fondée",
expulsion).
4- Des mesures d'expulsion
seront prises dans les cas de
demandes manifestement nonfondées.
b- Demandeurs d'asile
( ... ) Depuis l'introduction des
sanctions contre les compagnies
de transport en 1987, la généralisation des visas et l'introduction
de visas pour enfants mineurs,
les aéroports ont perdu de leur
importance pour les réfugiés.
( ... ).
Ainsi, la plupart des réfugiés
arrivent-ils par voie de terre et en
1992 , plus des trois-quarts
venaient d'Europe de l'Est et du
Sud-Est. Il n'y a presque pas
d'information dans la presse sur
ce qui se passe vraiment aux
frontières est-allemandes mais la
police frontalière annonçait ses
succès début août: 60% des
demandeurs sont refoulés aux
frontières bavaroises.( ... ).
Par le passé, les demandeurs
d'asile devaient attendre des
mois et même des années avant
10
de pouvoir exposer devant
l'Office Fédéral des réfugiés
(Bundesamt für die Anerkennung auslandischer Flüchtlinge)
les raisons pour lesquelles ils
avaient fui leur pays. C'est maintenant immédiatement après
leur arrivée à l'aéroport ou
dans un camp d'accueil qu'a
lieu l'interview qui décidera
s'ils pourront rester en Allemagne. Lors de cette audition,
ils doivent surtout indiquer la
route suivie (pays tiers sûrs) et,
s'ils en ont le temps, expliquer
toutes les causes de leur fuite,
car plus tard, il ne sera pas tenu
compte de données nouvelles,
même lors d'un recours éventuel au tribunal administratif.
Inutile de souligner que l'état
physique et psychique à l'arrivée
est tel que la plupart des demandeurs ne sont pas en état de
répondre correctement à l'interrogatoire- car c'est bien de cela
qu'il s'agit! Une filiale de l'Office Fédéral se trouve à l'aéroport
et dans chaque camp d'accueil.
Le camp où se déroulera la procédure d'asile est désigné par
ordinateur au requérant (selon
un système semblable à celui de
la réservation d'hôtel avec un
réseau couvrant l'ensemble de
l'Allemagne).
( ... )
En plus de la quasi-fermeture
des frontières, le second but
déclaré de la nouvelle loi est
l'expulsion de masse des réfugiés dont la demande a été rejetée. A ce jour, l'appareil permettant des renvois à grande échelle
n'a pas encore été mis en place
par la plupart des Lander; les
expulsions sont encore sporadiques, mais cela va certainement changer sous peu. Par
ailleurs, la protection accordée
par certains Lander à quelques
groupes de réfugiés (Kurdes,
Tamouls etc) a été supprimée au
profit de décisions fédérales plus
restrictives.
( ... ) A partir du moment où un
réfugié demande l'asile politique, il est pratiquement mis
T
ABSENCE D'liN LOgBY
POUR LES REFUGIES
Dans la plupart des cas, l'arrivée
de réfugiés dans une localité est
accompagnée de deux réactions
caractéristiques: une partie de la
population s'organise pour
empêcher leur installation tandis
que l'autre, moins nombreuse, se
prépare à accueillir les nouveaux
venus. Alors que la première
jouit généralement de l'appui de
politiciens, la seconde se recrute
plutôt dans les églises ou mouvements humanitaires et n'a pas
d'ambition politique, son seul
motif est d'ordre chari table.
Cette polarisation des réactions
est d'autant plus forte que les
réfugiés sont envoyés à l'improviste, parfois en grand nombre,
sans que la population ait été
prévenue à l'avance; cela fait
partie du système ...
C'est ainsi que de nombreux
groupes de solidarité, touchés
par la situation des réfugiés ont
surgi un peu partout dont certains se sont vite lassés. Le
manque de connaissance des cultures, les préjugés, les difficultés
linguistiq ues, une information
incomplète et parfois erronée sur
l'asile et une certaine naïveté
sont à l'origine de nombreux
malentendus ...
( ... ) La grande manifestation en
faveur du maintien de l'article
16 de la Constitution qui eut lieu
à Bonn le 14 novembre ' 1992 où
se réunirent plus de 100 000 personnes a montré qu'un large
mouvement en faveur des réfugiés est possible. Mais déjà le 26
mai 1993, les manifestants qui
voulaient bloquer pacifiquement
l'entrée au Parlement, le jour du
vote de la loi, étaient beaucoup
moins nombreux.
L ' évolution de la politique
d'asile s'est faite comme un rouleau compresseur, anéantissant
toute attente de voir surgir un
grain d'espoir sur son passage. Et
les groupes qui essayaient d'être
en opposition (extra-parlementaire) sont consternés sans avoir
réussi à formuler d'alternative.
Ces groupes ne sont pas parvenus non plus à se faire des alliés
(par exemple dans le Mouvement
de la Paix qui lui aussi se trouvait après la guerre du Golfe
dans une grave crise d'identité
dont il ne s'est pas relevé).
Les problèmes auxquels la nouvelle Allemagne est confrontée
absorbe les forces des uns (chômage, récession environnement)
et rend les autres apathiques: "on
est déçu, on n'a plus confiance
dans la politique, à quoi bon
s'engager, puisqu'on ne sait pas
ce que demain nous réserve ".
Une des rares voix qui s' élève
régulièrement pour dénoncer la
politique d ' asile et ses conséquences est celle de Pro AsyI.
Cette organisation qui ne réunit
que très peu de membres actifs
(et fonctionne grâce à ses
membres supporters) fut fondée
dans le but de créer le lobby souhaité avec l'aide de personnalités
du monde de la culture, des
Lettres, de la presse etc. De fait,
ses membres se recrutent parmi
les Eglises et les organisations
engagées dans l'aide aux réfugiés. Ils sont presque tous bénévoles. Mais Pro Asyl vit par la
personnalité de son porte-parole,
Herbert Leuninger, un prêtre
catholique dO.!1t l'opinion est
reconnue et citée par les médias.
Pro Asyl n'est pas une organisation regroupant les initiatives de
solidarité avec les réfugiés; c'est
la voix qui crie dans le désert.
Quelle sont encore les chances
de pouvoir changer quoi que ce
soit dans la situation des réfugiés
en Allemagne? Nous l'avons dit
plus haut: nombreux sont les
juristes et les juges qui estiment
que la nouvelle loi n'est pas
conforme à la Constitution. Des
avocats engagés font recours sur
recours. Peut-être l'un d'eux
seulement réussira-t-il à faire se
prononcer le Tribunal Constitutionnel non seulement sur des
cas individuels mais sur]' essence même de cette loi qui sera
jugée anticonstitutionnelle. Les
critiques du HCR à Bonn n'ont
pas réussi à modifier les décisions du "compromis". Espérons
que la Justice y parviendra.
Francette Gutberlet
Responsable dans un camp
d'hébergement de réfugiés près
de Francfort/Main
FORTERESSE
EUROPE,
VERSION
BRITANNIQUE
Q
uatre jours avant Noël,
les passagers débarquant à l'aéroport de
Londres-Gatwick d'un vol charter de la Jamaïque pour rendre
visite à leurs familles étaient
traités de façon "exceptionnelle"
par les services de la police des
frontières. Au même moment,
alors que les contrôles d'identité
se multipliaient, 26 Algériens
étaient expulsés vers la France.
Une fin d'année annonçant un
resserrement de la politique de
verrouillage de l'Europe?
Les passagers provenant de la
Jamaïque ont été retenus pendant
dix heures à l'aéroport où ils ont
subi fouilles et interrogatoires.
Les familles et les amis venus
les accueillir furent surveillés,
arme au poing, par la police.
Certains passagers furent refoulés immédiatement, d'autre s
furent admis temporairement et
d'autres encore admis normalement. 57 personnes furent, pour
leur part, envoyées dans le
centre de détention de Campsfield récemment ouvert près
d'Oxford, sous la charge d'une
compagnie privée.
Malgré les protestations vigoureuses d'associations et de
quelques députés, la plupart des
détenus furent empêchés de
consulter un avocat. Le seul qui
y parvint échappa de justesse au
refoulement. Toujours est-il
qu'un grand nombre de Jamaïquains furent refoulés, dans le
plus grand secret, le jour de
Noël, alors que traditionnellement tout, ou presque tout ,
s'arrête en Grande-Bretagne ce
jour-là.
Cette opération spectaculaire
pose de graves interrogations. A
la fin des années quatre-vingt, un
refoulement massif similaire de
visiteurs a précédé l'imposition
(1) Les actes de ce colloque, qui
s'est tenu les 23-24 et 25 septembre
1993, seront bientôt publiés; les
commandes seront à adresser à
Marie-Claire Caloz-Tschoppe, 153
Montolieu, CH-J010 Lausanne
11
de visas aux visiteurs de nombreux pays du Commonwealth
(Ghana, Nigeria, Inde, Bangladesh). Aujourd'hui, une sur
quatre des demandes de visa du
Ghana et du Bangladesh est
refusée. A la même époque, le
nombre de Jamaïquains rejetés à
la frontière avait aussi augmenté,
mais sans aggravation grâce à
une campagne de protestation.
A présent, l'Union Européenne a
l'intention d'imposer de nouvelles réglementations, en particuier d'exiger des visas pour
nombre de visiteurs en provenance du Tiers Monde. En Grande-Bretagne, un tel système retirerait le droit d'appel, déjà restreint par la loi de 1993 (Asylum
and Immigration Appeals Act)
qui ne permet d'appel contre le
refoulement que sur la base
d'une irrégularité de procédure
plutôt que de fond.
Ces nouvelles mesures et leur
extension possible par l'Union
Européenne sont une atteinte au
droit des personnes issues de
l'immigration de maintenir des
liens avec familles et amis dans
leurs pays d' origine. Les regroupements familiaux sont de plus
en plus difficiles et les épisodes
tels que celui du charter de Gatwick ne font qu'accroître les
soupçons. Il est bien connu que
le renforcement des contrôles
renforce les préjugés. Les antiracistes ont une double campagne
à mener: contre l'introduction de
contrôles discriminatoires et
contre les réactions racistes
qu'elles légitiment. Nous avons
une tâche commune en Europe:
dénoncer l'injustice quand elle
se manifeste, comme ce Noël, et
travailler à créer un climat dans
lequel l' injustice ne puisse pas
se produire.
Cathie Lloyd
CO URRIER
EN BR EF
A PROPOS DE LA LAICITÉ
TRIBUNAL CONTRE LA
PURIFICATION ETHNIQUE
Dans notre dernière
publication, des lecteurs
Ollt abordé la position
du MRAP concernant
le port des foulards
dans les écoles. Mireille
Mailer, Secrétaire
nationale chargée de
l'Education, apporte ici
SOli point de vue.
Le problème sou levé par le pon
du foulard ne paraît pas être prin-
cipalement celui de la visi bilité
ou du confon (de toute façon le
port d'un bijou dist incti f serail
tout de mê me signe d'appartenance), mais bien plutôt celui de
la raIdlé et du droit des femmes.
Le MRAP est naturellement atta·
ché à ce principe de laïcité; ayan t
participé à la manifestation du
16 janvier. il fait maintenant parlic du collectif qui en est né.
Collectif qui sc pose aujourd'hui
la question des fon ds illégalement anribués par cenaines collectivités locales à récole privée
catholique. Et, que dire du statut
scolaire de l'Alsace-Moselle toujours sous régime concordataire
et où renseignement religieux
est dispensé sur le temps scolaire
à l'école publiq ue? Que penser
des absences tolérées aux cours
du samedi matin d'enfants appartenant à certaines religions ou
sectes? Que dire enfin de l'étrange myopie de ceux qu i ne voient
dans les classes ni les CroÎII ni les
kippas? Pourquoi donc considérer le port du foulard comme un
"acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande", si l'on ne confère pas
les mêmes caractéristiques aux
autres insignes re ligieux '!
De plus, si on s'en tient aux
principes, il semble particulièrement injuste et dangereux de
sacrifier ainsi la scolarisation de
ces jeunes filles; on risque de
faire ainsi le jeu des intégristes
qui tentent de maintenir les
femmes dans un état d'ignorance obscurantiste, de sujétion,
d' interdire à celles-ci tou t espoir
d'évolution différente. On risque
aussi de pousser à la création
d'écoles communautaires, Que
deviendraient alors les principes
répub licains d'intégration?
Enfin, comment accorder cette
attitude de rejet avec nos grands
tex tes humanistes telles que la
Déclarat ion des droits de
l'hommes, la Convention sur le
droit des enfants, la Constitution
de 1946 ou plus simplement la
loi sur l'obligation scolaire en
France ?
Mireille Mailer
des récépissés de ti tre de séjour
dont le dernier en date arrivait 11
expi ration le 23 décembre
1993".
Les lectcurs de Différences
savent que le MRAP en commun
avec la Ligue Internationale pour
les Droits et la Li bération des
Peuples, a déposé une plainte
devant le Tribunal Permanent
des Peuples, contre les auteurs
de la purificalion ethnique en exYougoslavie,
Cette plainte et ce tribunal ne se
confondent pas avec la procédure autorisée par la résolu tion
SOS de l'O,N.V, contre les criminels de guerre,
Le tribunal permanent des
peuples est la suite du tribunal
Russell-Sartre, créé par Russell
et Sartre lors de la guerre du
Vietnam, Il s' agit d'une institution privée.
Sa réunion deman de évidemment un effort financicr auquel il
est nomml quc les auteurs de la
plainte participe nt.
Nous appelons tous les membres
du MRA P à se mobiliser pour
recueillir les fonds nécessaires à
celle réunion qui se dérou lera
sans doute à Bâle, d'ici la fin du
printemps,
Les soutiens financiers pour que
se tienne celte Assemblée doivent être adressés par chèque
bancaire ou postal au siège du
MRAP (89 rue Oberkamp f
75543 PAR IS Cedex 11) et stipuler au dos "tribunal permanent
des peuples",
D'avance, nous vous remercions,
Jeon Jocques Kirk)'achan'an
A la suite d'un conflit qui l'a
opposée à l'ex-député du 18 ème
arrondisse ment de Paris, le
MRAP lui a apporté son soutien
(démarc hes admin istratives,
conférence de presse etc), J-P.
Pierre-Bloch a, par ailleurs, été
débouté d'une plainte en diffamation qu'il a engagée contre lu
plaignante, l'avocat du MRAP,
Pierre Mai rat ct le secrétaire
général du MR AP.
Aujourd'hui, cette affaire semble
se dénouer puisque que "le préfet des Yvelines, M, Erignac, a
fait savoir le 15 février 11 Mouloud Aounit, qu'à la lumière des
docume nts fournis lors de
l'entrevue avec une délégation
du MRA P le jeudi 3 février, la
Préfectu re revenait sur sa décision enjoignant F. Kha ldi à quitter la France sous un délai de 30
jours, Elle se verra dans les prochains jours délivrer une aUestation provisoire de séjour renouvelable,
Le MRAP exprime sa satisfaction à l'annonce de celte mcsure
préfectorale hu maine et équitable .. ,(communiqué du MRAP
du 16 février 1994).
OMAR RADDAD,
UNE RÉVISION
DU PROCÈS DEVENUE
INDISPENSABU
Le MRAP, bien que très attaché
li lu présomption d'innocence,
FATIMA KHALDI :
UNE VIGOIRE DE
LA SOLIDARITÉ
s'était bien défendu j usqu'à présent dc prend re position dans
l'affaire d'Omar Raddad où les
seu ls princi pes de justice étaient
en cause, Rien dans la teneur des
débats ou dans les positions des
jurés qui ne peuvent manifes ter
durant le procès leur opinion ne
laissait présager des propos ou
des comportements racistes 11
l'égard d·Omar Raddad.
Depuis, certains jurés ont, dans
une interview à VSD, évoqué la
teneur des débats du délibéré el
notamment les propos de certains d'ent re eux qui "parlaient
comme s'ils étaien t experts
d'une supposée mentalité maghrébi ne" pour renforcer leur
conviction de la culpabilité
d'Omar Raddad,
Le M RAP auquel elle s'est
adressée il y a plusieurs mois a
soutenu celle femme, Fatima
Khaldi qui "a passé son enfance
à Paris (",) avant d'être mariée
contre son gré en Algérie à l'âge
de 16 ans. Lorsqu-elle parvient li
revenir en France en 1992, elle
est contrainte à la clandestinité
jusqu'à sa rencontre avec le
député-maire adjoint de Paris,
M,Jean-Pierre Pierre- Bloch, Ce
dernier lui propose de travailler
dans sa Pelmanence, F. Khaldi a
reçu une attestation de confirmation de son embauche 11 la suite
de laquelle lui ont été délivrés
12
Le MRA P s'indigne de ces présupposés racis tes et s'associe
avec tous ceux qui ont réc lamé
la révision du procès d'Oma r
du
Ra ddad,(Communiqué
MRAP du 16 février 1994).
RENDEZ-VOUS
LE 25 MARS
La Com mission "(llI/isémilis/léo- n azisme" du
MRAP propose à tous les
adhére nts du MRAP une
séance de fomlation la veille
du prochain Bureau national
le vendredi 25 mars de 19 à
21 heures au siège de l'association, Celle séance ponera
sur l'analyse de l'antisémitisme, La Commission souhaite
que ces fo r mat io ns soient
régulières afi n de nourrir la
réflexio n de touS sur les axes
majeurs de l'act ion du
MRAP,
me el
89, rue Oberkampf
75543 Paris Cede~ Il
Tél.: 48068800
Tél&::opie : 48 06 88 01
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n° 63634ISSN 0247-9095
Dépôt légal 1992-10