Les actes du cinquantenaire du CIL
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Les actes du cinquantenaire du CIL
LES ACTES DU CINQUANTENAIRE DU C.I.L. Jacques Briard Chronique de 50 ans de laïcat …………………………………………………………………………..2 Pierre de Locht Témoignage ……………………………………………………………….............................................9 Brigitte Laurent Etre chrétien dans une société sécularisée …………………………………………………………….12 Christian Laporte Du rôle des laïcs………………………………………………………………………………………..17 Résumé des débats …………………………………………………………………………………… 21 Intervention du Cardinal Danneels…………………………………………………………………………………..29 Conclusions de Paul Löwenthal …………………………………………………………………………………….32 Le Conseil Interdiocésain des laïcs Belgique francophone Rue Guimard, 1, 1040 Bruxelles Tél.+ fax : +32 2 511 12 59 [email protected] www.cil.be Avec le soutien de : Bisschoppenconferentie van België Conférence épiscopale de Belgique Belgische Bischofskonferenz 2007 - ISBN: 2-87469-010-4 ● Editeur responsable: Paul Löwenthal, rue Guimard, 1, 1040 Bruxelles -2- CHRONIQUE DE 50 ANS DE LAICAT Jacques Briard1 On ne pouvait pas finir l’année 2006 sans marquer les cinquante ans d’activités totalisés par le Conseil Interdiocésain des Laïcs (C.I.L.) et ses prédécesseurs. La façon dont cela s’est fait le 9 décembre 2006, en s’interrogeant avec des éclairages de personnes de qualité sur les défis à relever par les catholiques, était une bonne manière pour ne pas trop parler du passé et pour penser à l’avenir. Mais il n’était pas inutile d’accompagner cette démarche d’un survol concernant le travail mené dans les lieux de rencontre successifs des laïcs catholiques de Bruxelles et de Wallonie. Cela fut fait brièvement à la même occasion et est prolongé par cette contribution à lire aussi entre les lignes et à compléter. Car, « nous vivons dans une culture de l’histoire, du mouvement et du progrès », comme l’écrivait fort justement Philippe Regnier en quittant, juste avant sa mort inopinée, son service de conseiller théologique de ce qui était alors le Conseil Général de l’Apostolat des Laïcs. 1956-1965 : les débuts C’est en 1956 que les Évêques de Belgique créent une Commission Générale des Œuvres d’Apostolat. Elle comprend les évêques et vicaires généraux ayant la responsabilité des œuvres sociales et apostoliques, mais aussi de laïcs, soit selon une liste datant de 1960 : Mgr Schoenmaekers (Archevêché), Mgr Heuschen représentant Mgr van Zuylen (Liège), Mgr Blaimont (Namur), Mgr Joos (Tournai), Mgr De Poorter (Bruges), Mgr Mampaey, Mgr Delvaux, Mgr Dejardin, les chanoines Tasiaux, De Wil et de Locht, le RP van der Straeten, s.j., Mme Ch. D’Oultremont, Mlles E.Braham, S.Schuind et Fl.Herrier, MM G.Hoyois, André Daue et Jean Bouhy. Cette commission a pour secrétaire le chanoine Pierre de Locht chargé de la rédaction de l’ordre du jour et, après consultation de l’évêque qui préside la commission, de son envoi et de la rédaction du compte-rendu. Mais dans ce pays berceau de la méthode « Voir – Juger – Agir » qu’est la Belgique, la révision des objectifs et de la composition de cette commission sont vite demandées. Dès lors, en 1962, Jean Bouhy, le regretté fondateur des Équipes populaires, et le chanoine Pierre de Locht sont chargés de mettre sur pied un authentique conseil consultatif, où évêques et vicaires généraux puissent vraiment sentir l’état d’esprit des responsables et aumôniers des œuvres concernées ainsi que préparer les laïcs à accueillir les conclusions du concile Vatican II. Ainsi, dans une note de travail échangée en 1962 entre Pierre de Locht et Jean Bouhy, il est proposé que le but soit de tendre à réaliser la synthèse « sacerdoce – laïcat » et ce, avec pour objectifs : - La mise en commun des préoccupations fondamentales des diverses formes d’action apostolique (par exemple la spiritualité du laïc, l’ouverture aux non pratiquants) ; - L’analyse des conséquences religieuses des événements importants de la vie profane (sociaux, économiques,…) ; - La recherche de formes concrètes de témoignages communautaires de la chrétienté (thème commun, carême de partage, manière de sensibiliser au Concile,…) ; - L’étude de certains problèmes doctrinaux, comme le pluralisme, le rôle complémentaire du sacerdoce et du laïcat dans le monde païen (sic !) ; 1 Jacques Briard a été membre des CGAL et C.I.L. de 1976 à 2005 à divers titres : coopté, délégué de Entraide et Fraternité, vice-président de 1978 à 1982, président de 1983 à 1989, membre du comité de 1982 à 2005. -3- - La préoccupation de secteurs géographiques ou sociologiques qui ne sont pas recouverts actuellement par un effort d’évangélisation (centres urbains, centres productifs, immigrations de l’intérieur,…). La même note ajoute que « tout en veillant à se consulter et à s’informer, la Commission flamande et la Commission francophone devraient jouir l’une à l’égard de l’autre de toute l’autonomie nécessaire pour éviter que le légitime souci d’unité nationale ne se traduise en fait que par un nivellement par le bas dommageable à l’action de l’Église ». Il est encore proposé que le secrétaire soit un laïc désigné par les Évêques. Cependant, en 1963, c’est l’abbé Roger Gosseries qui est nommé secrétaire de la Commission, alors qu’il l’est déjà au Conseil de la Jeunesse Catholique (CJC). Et tandis qu’un conseil pastoral interdiocésain, ou I.P.B., est formé du côté néerlandophone, un Conseil Général de l’Apostolat des Laïcs (CGAL) – et non pas pour les laïcs, selon l’appellation employée au Vatican – est fondé en 1965 pour Bruxelles et la Wallonie. Cela se fait sous la présidence de Jean Bouhy et avec la participation de Ginette Carlier, Léon Remacle, Urbain Vanderschraege, Manu Lousberg, Flore Herrier, Claire Delva, Marie Braham, Pierre de Locht, Nicolas Antoniadis, Marie-Louise Bernard-Vérant, Elvire Boulanger, Jean Delfosse, Marguerite Fiévez, Amand Vanneste et Lucien Morren. De leurs travaux sortira un bureau du CGAL composé de Ginette Carlier, Urbain Vanderschraege et Roger Gosseries. Ce dernier sera secrétaire jusque fin 1972 et signale pour cette période, qu’il qualifie de pleine de dynamisme et d’espérance, la participation au IIe Congrès Mondial de l’Apostolat des Laïcs où la délégation belge, emmenée par l’U.C.L., demande que la Hiérarchie ne s’occupe plus des méthodes mais bien des valeurs en matière de contraception. De même, le CGAL marque un intérêt pour les travaux du Concile à travers des journées d’études, en faisant (déjà) appel au jeune journaliste qu’était l’auteur de ces lignes pour en rédiger les textes, bien qu’il ne fasse pas partie des chroniqueurs religieux de Bruxelles et de Wallonie, comptant d’ailleurs alors peu de laïcs, sauf Pierre Wilvers – Jean Petitjean à « La Cité ». Au fil des ans, la vie du CGAL (devenu C.I.L. en 1996) est marquée par des élargissements successifs y amenant, avec plus ou moins de succès, des laïcs engagés non seulement dans les mouvements issus de l’Action catholique, mais aussi de divers services et milieux, y compris pluralistes et par la voie de la cooptation, ainsi que des représentants des ordres religieux, du clergé et des séminaires. Et cela à travers de parfois longues révisions de statuts et discussions concernant notamment les liens avec les Évêques, etc. Cela se mène sous les présidences successives de Jean Bouhy, Ginette Carlier, Jacques Briard, Claude Clippe, Bernard Crespin et Paul Löwenthal. Avec tour à tour à la vice-présidence Urbain Vanderschraege, Maurice De Backer, Aimé Samyn et Jacques Briard, puis heureusement aussi des femmes : Chantal France, Jeannette Bertrand, Geneviève Ryckmans, Monique Van Assche et Anne Brisbois. Et avec pour conseillers théologiques Roger Gosseries, Tony Dhanis, Jacques Vallery, Philippe Regnier, Paul Tihon et Michel Kesteman.. Années 70 : déjà des enjeux d’Église et de société Dans le prolongement du concile Vatican II et autres événements des années ’60, le CGAL a, dans les années ’70, une attention à la fois pour les enjeux de l’Église et pour ceux de la société. Ainsi, au début des années ’70, des membres du CGAL, spécialement les regrettés Ginette Carlier, Flore Herrier et Léon Remacle, jouent un rôle actif dans la mise sur pied de Vivre Ensemble, afin que ce service d’Église en matière de lutte contre les pauvretés et les exclusions mène son action durant et au-delà de la campagne d’Avent, en appui à des initiatives chrétiennes et pluralistes, ainsi qu’avec des interpellations des responsables politiques. -4- A la suite du débat qui opposa les Évêques et le Centre d’Éducation à la Famille et à l’Amour, ou CEFA, le CGAL réalise en 1974 un document intitulé « Une Église en dialogue permanent et en recherche de communion au service du monde ». Il est discuté par les évêques francophones et les membres du comité du CGAL dans un climat de grande liberté et de totale franchise. Deux ans plus tard, le CGAL présente des propositions concernant l’exercice de l’autorité dans l’Église. Et lors d’une nouvelle rencontre « Évêques – CGAL », chacun reconnaît la nécessité d’éviter tout juridisme, tout formalisme dans les rapports évêques – prêtres – laïcs pour arriver à des initiatives plus souples facilitant échanges et travail. Cette rencontre est aussi l’occasion de présenter les travaux du IVe Forum européen des Comités nationaux de Laïcs que le CGAL et l’I.P.B. ont accueilli en juillet 1976 à Louvain-la-Neuve. Ce Forum avait traité de la responsabilité des chrétiens dans l’Europe, avec notamment une contribution des Équipes populaires qui souligne que, pour être l’Église de tous, l’Église doit être l’Église des petits, fidèle à l’Esprit et aux aspirations des hommes et des femmes d’aujourd’hui. A cette époque, le CGAL publie des documents relatifs à l’Année Internationale de la Femme, relevant les discriminations dont les femmes sont victimes dans la société et dans l’Église catholique. Ils sont remis aux Évêques et adressés, avec l’accord de ces derniers, aux paroisses, mouvements et organismes d’Église. En septembre 1977, le CGAL organise à Namur, sous la conduite de Ginette Carlier, Aymé Samyn et Tony Dhanis, un week-end d’études sur des situations concrètes – dont des exclusions – en relation avec la foi et l’évangélisation, à rencontrer en Wallonie et à Bruxelles. Grâce aux collaborations du Conseil de la Jeunesse Catholique (CJC) et de la Commission d’Étude de la Pastorale Ouvrière (CEPO), cette rencontre réunit plusieurs centaines de personnes et permet d’entendre de poignants témoignages, dont l’auteur de ces lignes se souvient d’autant plus qu’il a eu la chance de les introduire. Nouvel évêque de Tournai, Mgr Jean Huard, y est applaudi pour sa courageuse position publique en faveur des ouvriers de la fabrique de jeans Salik. On ne peut, dès lors s’empêcher de faire le lien entre ce rappel et l’intervention faite à Bruxelles-Toussaint 2006 par le dominicain Timothy Radcliffe et dans laquelle il a pointé la « cécité de l’Église » à l’égard « des femmes, des minorités ethniques, des pauvres et des homosexuels ». Et il en est d’autres à propos des problèmes économiques et sociaux posés par les licenciements à VW Forest touchant des travailleurs de toutes les régions du pays et forçant ces dernières à collaborer davantage entre elles, alors qu’elles revendiquent par ailleurs chacune des pouvoirs plus grands. Durant les années ’70, le CGAL s’intéresse aussi au monde. Ainsi, dans le contexte tendu de la guerre froide, il dénonce le coup d’État militaire au Chili, la répression contre les écoliers sud-africains au départ de Soweto ou encore les procès de militants syndicaux et politiques espagnols. Par ailleurs, c’est toujours sous la présidence de Ginette Carlier, que le CGAL est reconnu par la Communauté française pour ses activités d’éducation permanente. Cette reconnaissance et l’appui financier régulier des Évêques permettent au CGAL et ensuite au C.I.L. de disposer d’un secrétariat prolongeant l’aide antérieure de Marthe Gressier, secrétaire au CJC, et avec pour responsables successifs Jean-Paul Snappe, Annie Blondiau et Geneviève Sannikoff qui bénéficient à tour de rôle d’appuis de bien des membres. Années 80 : sous le signe d’interpellations Grâce à ces collaborations, le premier numéro de Antenne CGAL paraît en 1980 et présente ce conseil « non pas au service de l’Église, mais d’Église au service du monde ». A cette époque, les contributions du CGAL sont nombreuses et diverses : sur la crise économique et notre foi, la reconnaissance des droits politiques des immigrés en lien avec Objectifs ’82, sur les personnes du IIIe Âge, à propos des Élections européennes, de l’Année -5- Internationale de l’Enfant, des structures de l’Église catholique de Belgique ou encore sur les inégalités sociales et l’école ainsi que sur les euro-missiles. En 1982, le CGAL organise aussi à La Marlagne une rencontre longuement préparée sur le thème du travail. La même année est diffusé un appel aux Chrétiens de Wallonie et de Bruxelles qui invite à définir des lignes d’action prioritaires. Signé au nom de la Conférence épiscopale, de la Commission Interdiocésaine du Clergé Francophone et du CGAL, il ne connaît pas les suites attendues, si ce n’est peut-être à travers Passeport 2000, dont il sera question ensuite, ou diverses initiatives diocésaines prises au fil des ans, dont Bruxelles-Toussaint 2006. Fin des années ’70 et début des années ’80, le CGAL a pour conseiller théologique Jacques Valléry, qui mourut tragiquement en Afrique en 1987. Ce théologien participe au CGAL, alors qu’il est déjà bien pris par ses travaux au CJC et ses activités de formation (CREFOT) dans le diocèse de Tournai. Présentant les réponses à une enquête sur la Foi menée parmi les membres du CGAL, il manifeste bien le double lien, cher à ces membres, à l’Église et à la société, en écrivant : « Lorsqu’on veut poser des questions qui concernent notre foi, on s’arrête très souvent à quelques thèmes précis « religieux ». On imagine souvent qu’il est possible de parler de la Bonne Nouvelle, de Jésus-Christ, de l’évangélisation ou de l’Église sans s’exprimer explicitement avec autant de sérieux à propos de l’homme, des pouvoirs économiques et politiques,… » En 1985, c’est bien dans cette ligne que, devant l’accroissement des pauvretés, douze organisations chrétiennes se joignent au CGAL pour une rencontre avec témoignages et analyses, présentés ensuite dans la revue « La Foi et le Temps », qui fut un des lieux de rencontre – hélas supprimé – entre clergé et laïcat. Pour la visite en Belgique du pape Jean-Paul II en 1985 aussi, demande est faite au CGAL d’intervenir à Liège au nom du laïcat. Ce n’est pas son président, qui est l’auteur de ces lignes, mais une femme qui est choisie : Anne-Marie Gilson, membre de l’Action Chrétienne Rurale des Femmes ou ACRF, du conseil pastoral du Luxembourg – province non visitée, et de l’assemblée générale du CGAL. Elle parle avec son cœur, dit son malaise quant au caractère trop officiel de pareille visite et montre surtout les difficultés et les aspirations des laïcs, spécialement des femmes, pour promouvoir Paix, Justice et droits humains. Cette franchise suscite des critiques à Coronmeuse, dont des cinglants « Retourne à tes casseroles » lancés par des gens très distingués. Pourtant, cette contribution avait été acceptée en haut lieu après avoir été préparée au sein d’un groupe formé de vicaires généraux, membres des conseils pastoraux et du CGAL. Et une fois prononcée, cette adresse qualifiée de très franche par La Libre Belgique vaut à Madame Gilson un « Merci Madame pour vos paroles claires » glissé par le Pape resté indifférent, selon Le Soir, à un chahut bien peu évangélique. La Cité s’était, elle, demandé s’il n’eut pas mieux valu « une rencontre à huis clos pour pouvoir parler librement au Pape des problèmes pastoraux, dont les membres du CGAL portent officiellement la charge devant nos évêques ». Après cette visite et en lien avec un appel des Évêques, le CGAL mène une réflexion sur la Nouvelle Évangélisation. Il en retient l’idée de tenir des États généraux de l’Église francophone de Belgique. De même, le CGAL élabore des propositions sur la collaboration entre prêtres et laïcs pour le synode de 1987. Synode à l’issue duquel le cardinal Danneels vient livrer ses réflexions au CGAL. A la Pentecôte ’89, sur invitation de la Conférence épiscopale, le CGAL fait partie, en la personne du président sortant qu’était l’auteur de ces lignes, de la délégation belge au Ier Rassemblement Œcuménique Européen (ROE), tenu à Bâle sur le thème « Paix, Justice et Sauvegarde de la Création ». Y compris par le logement dans un abri anti-atomique. Parmi les jeunes d’Europe de l’Est, c’est une ouverture à la grande Europe, trois mois avant la chute du Mur de Berlin, et à l’œcuménisme, car si CGAL et C.I.L. comptent des observateurs protestants et orthodoxes dans leurs assemblées, on ne peut pas dire que l’œcuménisme, cher au regretté Lucien Morren, soit une -6- véritable priorité dans leurs travaux. Tout le Groupe de Travail Processus Œcuménique (GTPO) ne connut pas de forts soutiens dans les Églises de Belgique, tant à l’occasion du Ier ROE que du IIe tenu à Graz. Et cela est rappelé à l’approche du IIIe ROE, prévu en 2007 en Roumanie. Années 90- 95 : avec Passeport 2000 En 1990, c’est avec la collaboration du CGAL présidé par Claude Clippe que le mensuel L’Appel lance une enquête sur l’avenir de l’Église, à laquelle dix mille chrétiens répondent, dont une majorité réclament des changements dans la vie interne de l’Église. En 1991, dans le cadre d’une attention aux problèmes éthiques à la fois fréquente et tenant compte de diverses sensibilités, le CGAL interpelle le monde politique à propos des mesures d’accompagnement de la loi sur la dépénalisation partielle de l’avortement. Il se préoccupe aussi de la montée xénophobe enregistrée lors des élections de la même année En 1993, année du décès de Philippe Regnier, c’est sur la base de l’idée d’États Généraux lancée au CGAL, que les Évêques invitent à la 1ère assemblée interdiocésaine pour Bruxelles et la Wallonie. Avec pour titre Passeport 2000 – La Foi déplace nos frontières, elle réunit plus de treize mille personnes en septembre 1994 à Louvain-la-Neuve pour traiter de cinq grands défis de société : l’emploi, la coexistence des cultures, les rapports Nord-Sud, l’environnement et le développement des sciences. Considéré d’une manière générale comme un succès, Passeport 2000 est suivi de la publication par le CGAL d’un dossier de 120 pages, mais pas – jusqu’ici – d’une deuxième assemblée du même type. De plus, certains regrettent qu’il n’y ait pas été question de problèmes internes à l’Église, et encore plus après la révocation de Mgr Gaillot comme évêque d’Évreux, révocation qui soulève de nombreuses réactions, dont une lettre ouverte du CGAL signée par douze mille personnes. À cette lettre s’ajoute un nouveau mémorandum sur la gestion des conflits dans notre Église, remis aux Évêques et rejoignant une contribution de l’I.P.B. 1996 : du CGAL au C.I.L. C’est en 1996 que le CGAL devient le Conseil Interdiocésain des Laïcs ou C.I.L., avec le souhait d’y renforcer la présence de délégués des diocèses, mais aussi de réaffirmer sa place dans l’Église catholique qui est en Wallonie et à Bruxelles, ainsi que dans la société. Aussi, le C.I.L. publie un manifeste Pour une culture citoyenne dans le prolongement de la fameuse Marche Blanche ainsi qu’un document interpellant l’ensemble des catholiques au sujet des « catholiques du parvis » se sentant exclus de l’Église. Fin 1998, sous la présidence de Bernard Crespin, le C.I.L. organise un colloque sur le thème Quelle Église pour demain ? avec de lucides apports du père Philippe Bacq et de Christian Laporte. Cette rencontre est à l’origine d’une commission Femmes dans l’Église formée de personnes appartenant ou non au C.I.L. et d’une autre traitant de la Démocratie dans l’Église. De la première sortira un document voté en 2001 après de longs débats et voulu comme un cri. De la deuxième découlera une démarche dont le document Pratiquer la Démocratie dans l’Église ? Approuvé et publié en 2002, il présente notamment des propositions concrètes et non révolutionnaires, dont, au moment où ces lignes sont écrites, on attend toujours, paraît-il, qu’elles fassent l’objet d’un dialogue avec la hiérarchie. Laquelle a, par ailleurs, récemment demandé au C.I.L. d’initier certains dossiers. Tandis que le C.I.L. souhaite tout autant pouvoir bénéficier de contributions de communautés chrétiennes au sujet des pratiques dans l’Église catholique. -7- Lors des dernières années, le C.I.L. s’intéresse aux évolutions dans la société et dans l’Église avec la volonté de promouvoir partout une culture du débat, selon les termes chers à Paul Löwenthal, devenu président en 2001. Il participe ainsi aux efforts menés en Belgique, et même plus largement, pour instaurer une société vraiment pluraliste dans laquelle des convictions fermes différentes se respectent et se nourrissent mutuellement. En témoignent des contributions et débats en assemblées générales, avec des invités, sur la place des religions et des traditions philosophiques dans l’espace public. Sujet qui, en 2005, fait aussi l’objet d’un colloque réunissant des catholiques et des protestants de Belgique et de France à Bruxelles à l’occasion du centième anniversaire de la fameuse loi française. Par ailleurs, en réponse à l’appel des évêques visant à centrer l’année 2002-2003 sur la diaconie, ou la foi comme service au monde, comme l’a expliqué le conseiller théologique Paul Tihon, le C.I.L. s’intéresse aux situations concrètes et aux mécanismes liés à la pauvreté. Il le fait durant plusieurs assemblées avec des apports divers et de qualité émanant de membres du C.I.L. comme Vivre Ensemble, Equipes d’Entraide, Mutualités et Universités, mais aussi d’autres milieux. Contributions qu’on peut lire dans le livre Pauvretés. Sommes-nous sans ressources ?2. Ajoutons-y des contributions dans le trimestriel Sillages et dans les petits dossiers Pièces à convictions, dont Paul Löwenthal et l’actuel conseiller théologique Michel Kesteman sont de réguliers signataires. Quant aux contacts avec l’I.P.B., ils sont réguliers, amicaux et, exception faite d’échanges difficiles à propos de l’amnistie, très souvent marqués par des approches fort semblables, contrastant généralement avec ce qui se passe sur plusieurs plans dans notre pays ainsi qu’avec des analyses pour le moins différentes émanant de comités nationaux de laïcs d’autres pays, souvent plus « cléricaux » (quand ils existent). Le montre bien, par exemple, l’appel commun des CGAL et I.P.B. invitant en 1999 à « démasquer les arguments fallacieux des courants extrémistes et plus particulièrement l’arrière-fond raciste des idéologies de l’extrême droite ». Le montrent aussi des interventions proches en ce qui concerne la vie ecclésiale. Mention doit aussi être faite des contributions des CGAL et C.I.L. au Forum européen des Laïcs regroupant les comités nationaux des laïcs catholiques du vieux continent. Tout comme celles de l’I.P.B., elles y sont fortement appréciées, en ce compris la présidence de 1980 à 1986 du regretté Manu Lousberg, cet ancien responsable du scoutisme catholique toujours prêt à servir, ainsi que des participations de Jean Delfosse, qui dirigea la Revue Nouvelle, et de l’anversoise Leona Derde, qui s’intéressait fort à ce qui se passait du côté francophone. Ainsi, dans la mesure de leurs petits moyens humains et matériels, CGAL et C.I.L. se sont préoccupés du champ européen en veillant, face à la mise en place d’une Europe mercantile, à activer au moins le Forum européen des Laïcs. Vœux Pour terminer ce survol historique, soulignons – pour avoir eu la chance d’en faire l’expérience durant quasi trente ans – que tout ce qui s’est vécu dans ces lieux interdiocésains successifs a été particulièrement enrichissant pour toutes celles et ceux qui y ont participé, à commencer par un respect mutuel rarement mis en cause et certainement plus grand que ce que l’on est amené à constater assez souvent tantôt dans l’Église catholique, tantôt entre croyants ou tantôt aussi au niveau de la société. Et cela, lors d’assemblées et multiples autres réunions à Bruxelles, Charleroi, Floreffe, Namur, Mons, Maredsous, Louvain-la-Neuve et autres lieux. Sans doute est-il difficile de savoir dans quelle mesure tout cela a pu être transmis par les membres successifs au sein des familles, communautés paroissiales, mouvements, organisations, diocèses et conférences épiscopales. Ce qui est certain, c’est que, dans ces lieux, des laïcs et des prêtres, dont les évêques délégués successifs Samain, Musty, Houssiau et Jousten, ont expérimenté la 2 C.I.L. - Couleur Livres, 2006 -8- coresponsabilité avec le souci de faire connaître leurs démarches, mais aussi – il importe de relever ce service utile – celles de bien d’autres responsables et milieux d’Église et autres, comme on le constate en parcourant la collection des trimestriels du CGAL et du C.I.L. Ce qui est aussi certain, c’est que cela a été fait grâce aux personnes citées et bien d’autres encore qui ont consacré temps et énergies aux travaux et initiatives prises au nom du laïcat dans des instances successives restées trop peu connues et soutenues par bien des acteurs du monde catholique ou en lien avec celui-ci. Puisse donc le C.I.L. trouver collaborations et soutiens pour relever les défis qu’il cherche à mettre en lumière avec les catholiques et les chrétiens, mais aussi avec tous les hommes et femmes de bonne volonté au sein d’une société de plus en plus pluraliste. Et qu’il le fasse selon les termes d’un des évêques délégués, Mgr Musty, qui fut évêque auxiliaire de Namur, à savoir : « avec sérieux, audace et culot, en aidant ainsi l’Église à vivre et à se situer dans le monde d’aujourd’hui ». Car, à la lumière de récents et importants événements vécus en Wallonie et à Bruxelles, tant dans l’Église qu’au niveau de la société, cette invitation mérite toujours d’être prise en compte pour aujourd’hui et pour demain ! De même que Chouraqui avait, dans sa traduction des Béatitudes, remplacé « Bienheureux » par « En avant », pouvons-nous dire « En avant le C.I.L. » ! Et bonne continuation ! -9- TEMOIGNAGE Pierre de Locht Bonjour à chacune et à chacun. Je suis heureux d’être ici avec vous. Certains d’entre nous ont encore connu le temps où la foi chrétienne, partagée par la grande majorité, allait de soi, portée par la culture ambiante. Elle était faite de certitudes, voire d’évidences garanties par une Église omniprésente. En peu d’années, nous sommes passés, ici en occident, d’un monde de chrétienté à une société sécularisée. Cette mutation fondamentale a des conséquences importantes, dont la première est la nécessité d’une foi chrétienne, non plus étayée sur ce que tous pensent, mais sur une découverte personnelle de plus en plus intériorisée. Nombreux sont les chrétiens aujourd’hui qui engagent dans leur recherche et adhésion religieuse toutes les ressources d’intelligence, de discernement et de culture que notre époque offre heureusement à une part grandissante de nos contemporains. Comment ne pas s’inquiéter du plus profond de soi lorsqu’il s’agit des interrogations essentielles concernant la vie et la mort, la destinée humaine, le sort de l’univers, l’accueil éventuel d’une transcendance. On se situe par rapport à la foi tel qu’on est dans la vie courante. Il s’agit de convergence entre le vécu personnel et ce que les évangiles nous rapportent de la manière d’être du Christ. Dans ce contexte est née et s’est développée la conviction que ce n’est pas d’abord dans les actes religieux mais dans le quotidien que nous sommes appelés à vivre le message évangélique, en famille, au travail, dans les relations sociales, culturelles, au sein d’un monde à rendre plus juste, plus solidaire, plus humain. « Crois-moi, dit Jésus à la samaritaine, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. » C’est au cœur des réalités de son temps que Jésus se situait et invitait ses disciples à l’accompagner. La pratique a quitté les églises comme lieu privilégié, pour s’inscrire au cœur de l’existence personnelle et sociale, dans la diversité des situations vécues. Le Christ est réellement présent dans le quotidien ; c’est même là, dans le concret de la vie profane qu’on peut davantage le percevoir. D’où un élargissement et une implication accrue de la manière d’être chrétien dans le monde présent. Je me rends de plus en plus compte que la vie des laïcs, avec la complexité des contingences conjugales, familiales, sociales, professionnelles, est souvent autrement plus exigeante que celle des clercs, maintenus à l’écart de bien des préoccupations et engagements de vie. Si l’essentiel ne se situe pas dans la liturgie, celle-ci reste pourtant indispensable non comme lieu primordial du vécu chrétien mais comme expression, ressourcement, action de grâce, qui marque la vie entière. La réalité vécue se révèle habitée d’une présence transcendante. Ces célébrations permettent d’en mieux prendre conscience et d’en rendre grâce. Sur le terrain du quotidien, les interrogations religieuses mêlées aux questions vitales surgissent avec d’autant plus de réalisme et d’acuité. Que signifient pour nous aujourd’hui, dans le contexte qui est le nôtre, les formules du credo qui ont traversé les siècles ? En quoi et comment éclairent-elles notre manière d’être et d’agir ? Comment sont-elles une bonne nouvelle ? Il ne s’agit pas de chercher de nouvelles définitions, mais de voir ce qui nous fait vivre. Parler de salut, de rédemption, de résurrection, quel sens cela peut-il avoir aujourd’hui ? Je souhaite être sauvé de quoi : de l’absurde, du non-sens, de la désespérance, de l’emprise irrémédiable du mal sous toutes ses formes. A ces interrogations cruciales, Jésus ne répond pas par des formules ou des raisonnements mais par des attitudes concrètes à l’égard des uns et des autres et surtout des plus démunis. La résurrection en tant que présence active d’un ferment divin au cœur de la condition humaine est bien plus qu’une vérité à proclamer. Elle est une réalité à discerner en soi et autour de soi. Jésus et son message soutiennent et éclairent tant d’êtres, même au cœur des situations les plus lamentables. -10- N’en est-il pas encore ainsi actuellement ? L’Évangile nous atteint au-delà d’une réflexion doctrinale ; il nous rejoint intérieurement et ouvre des chemins de vie. Quant à ce qu’il y aura après la mort, nous n’en savons rien. Notre interrogation sur le futur nous renvoie elle aussi à la vie présente. Les dimensions d’éternité que nous percevons en tant d’occasions dans la vie de tous les jours nous font d’autant plus croire que l’humain est porteur d’impérissable. Notre confiance et notre espérance dans un au-delà se fondent à la lumière des paroles de Jésus sur la qualité et la densité de ce qui se vit ici et maintenant. Plutôt que de répéter sans plus des formules doctrinales élaborées dans un tout autre contexte, c’est dans le quotidien qu’on peut leur redonner une force percutante. Quant aux questions éthiques, c’est a fortiori dans le concret de l’existence qu’on peut le mieux en discerner les données réelles, la complexité, les réponses vivifiantes. En fonction des multiples valeurs en cause, les chrétiens sont fréquemment amenés à prendre quelque peu leurs distances par rapport à des normes qu’ils n’ont pas contribué à établir. Ils ne sont pas non plus appelés à participer à leur indispensable ajustement, même dans des domaines qui les concernent particulièrement. Pourquoi une telle crispation, spécialement concernant la sexualité, alors qu’il n’y a rien de tout cela dans l’Évangile, Jésus se contentant de grands appels sans aucune précision normative ? Aussi importantes soient-elles, ce ne sont donc ni les définitions dogmatiques, ni les normes éthiques qui rendent le Christ présent dans l’aujourd’hui du monde, mais bien ce qui est vécu à la lumière du message évangélique et sous l’inspiration de l’Esprit. C’est le peuple chrétien, ce peuple saint et sacerdotal, tel qu’il existe à tous les niveaux de l’Église, qui assume et transmet la tradition en l’incarnant dans sa manière d’être et de vivre le message fondateur. Il importe de pénétrer profondément la vitalité des comportements et enseignements de Jésus pour être à même de les incarner, et sous des formulations renouvelées, dans le contexte autre et inédit de chaque époque. Cette Bonne Nouvelle, on ne la proclame qu’en la vivant. Les laïcs, insérés par leur vécu dans tous les rouages de la condition humaine, sont dès lors les témoins et artisans privilégiés de la grande tradition chrétienne. Une société sécularisée appelle et permet une collaboration plus étroite avec tous ceux, incroyants ou adeptes d’une autre religion, qui s’engagent activement à rendre notre humanité plus juste et plus fraternelle, travail sur le terrain qui requiert une grande loyauté citoyenne. Cette collaboration est fréquemment l’occasion d’élagages et d’affinements de notre foi encore encombrée d’éléments accessoires accumulés dans le passé, précieux service que nous rendent celles et ceux qui ne partagent pas notre conception de l’existence. Dans l’univers survolté où nous sommes plongés, il est indispensable de ne pas se laisser entraîner dans une course que l’on ne maîtrise plus. D’où la nécessité de sauvegarder, à l’instar du Christ, des moments de silence, de recueillement. Spiritualité d’abord humaine, que nous avons en partage avec tant d’êtres de tous les horizons qui cherchent à vivre responsables et libres, au cœur d’un monde dont ils se sentent solidaires. Spiritualité et prière marquées d’une dimension transcendante pour ceux qui croient que nous sommes habités d’une présence ineffable. Faut-il enfin s’étonner que, dans un monde où un nombre croissant d’hommes et de femmes accèdent à de hautes responsabilités civiles, sociales, professionnelles, une plus large participation active et responsable de tous les croyants aux divers services d’Église paraisse nécessaire. Et cela, non seulement à cause d’une soi-disant crise des vocations, mais plus essentiellement en fonction d’une égale responsabilité de tous les humains, et a fortiori de tous les disciples du Christ. Loin de maintenir une hiérarchie de valeur entre clercs et laïcs, l’organisation des services et ministères dans l’Église devrait, davantage encore, les rapprocher. En de nombreux endroits ces dernières décennies, la distance se réduit entre les prêtres de la base et les laïcs chrétiens engagés et -11- créatifs. Leurs préoccupations et responsabilités se rejoignent de plus en plus. Tout naturellement s’installe un mode de fonctionnement ancré sur l’égalité de tous les humains. La distance non seulement fonctionnelle mais spirituelle et sacralisée entre prêtres et laïcs ne répond pas à l’Évangile. Qu’est-ce qui permet de croire que la vie du prêtre célibataire amène à suivre Jésus de plus près et de manière plus radicale ? Les clercs ne se sont-ils pas attribués, à bon compte, un brevet d’adhésion chrétienne plus profonde, qui ne correspond pas à la réalité vécue. Il est urgent de retrouver, dans la lancée de Lumen Gentium, au-delà de la différence des ministères, l’unité première du peuple de Dieu. Plus essentielle et vitale que la diversité et la répartition des services d’Église, c’est notre réalité fondamentale de croyants et de fidèles qui constitue notre appartenance commune, source de communion en Église. Si les clercs, à quelque niveau que ce soit, gardent le monopole des responsabilités, le peuple chrétien ne peut pas devenir adulte. Faute de le lui permettre, comment s’étonner que tant d’hommes et de femmes, jaunes et chevronnés, s’en vont chercher ailleurs à vivre à la mesure de leurs capacités et responsabilités ? « Pour vous, ne vous faites pas appeler maître, car vous n’avez qu’un seul maître et vous êtes tous frères » nous dit Jésus. La sacralisation presbytérale et magistérielle maintient nécessairement un peuple minorisé. Le CGAL, il y a cinquante ans, est né de cette collaboration étroite, dans la diversité des services, entre laïcs, prêtres et représentants du magistère. À une époque où nous prenons mieux conscience des grandes tâches d’humanité, à assumer sur un pied d’égalité avec tous, quel privilège d’être habités et soutenus par la Bonne Nouvelle de Jésus de Nazareth ! Si tout ce qui va mal nous fait souffrir, c’est bien le signe que nous sommes faits pour autre chose. Non, l’injustice, la corruption, le mal n’auront pas le dernier mot. Il y a d’ailleurs partout tant de gestes et d’attitudes de solidarité, de fraternité, d’amour, qu’un regard trop obnubilé par le mal risque de ne pas apercevoir. Il nous faut retrouver l’émerveillement ! -12- ETRE CHRETIEN DANS UNE SOCIETE SECULARISEE. Quels sont les défis que les chrétiens ont à relever aujourd'hui tant au niveau personnel, de leur organisation et du CIL lui-même ? Brigitte Laurent3 Le contexte ACRF Comme mouvement ouvert à toutes les femmes vivant en milieu rural, se situant dans une démarche d'éducation permanente et dans une référence « ouverte » à une tradition religieuse, en l'occurrence chrétienne catholique, l'ACRF prend acte des options multiples de ses membres par rapport à la foi chrétienne. Un sondage récent permettant aux femmes de s'exprimer sur le sens du « C » pour un mouvement comme le nôtre, le confirme encore. Trois grandes tendances se dégagent : La référence chrétienne est porteuse de sens principalement en lien avec l’agir de Jésus. La référence chrétienne est porteuse de non-sens principalement dans la traduction fermée, légaliste et ritualiste qu’en présentent certains responsables de l’Église catholique. La troisième tendance, surtout parmi les plus jeunes, ne voit pas l'intérêt de s'arrêter à ce type de réflexion, l'important étant de favoriser des espaces de rencontre. Dans ce contexte, le mouvement souhaite poursuivre la réflexion dans une perspective de recherche et balise ses options, issues d'une large concertation des groupes, de la manière suivante : tout d'abord et en priorité, les femmes de l'ACRF ont choisi de se retrouver autour de questions qui les concernent dans leur vie, qui rencontrent leurs préoccupations : ce qu'elles veulent refuser de subir et ce qu'elles veulent promouvoir. Elles cherchent à faire connaître leur point de vue de femmes, à tisser des liens dans les villages et dans des groupes, à rencontrer les différences, à être acteur d'un développement durable. Ensuite et par ailleurs, des lieux de réflexion, de formation et d'expression, de recherche de sens sont proposés à celles qui le souhaitent, notamment à partir de la référence à la tradition chrétienne. Bref, il s'agit de prendre en compte un fait essentiel : ce qui fait notre humanité, son épaisseur, sa profondeur entre l'abject et le sublime. Avec, en écho, des valeurs et des attitudes évangéliques basées sur le refus de la domination et de l'exploitation de l'homme par l'homme, la promotion du droit et de la justice et le surcroît de l'amour et de la grâce. Quatre défis C'est dans cette dynamique que la commission Recherche de sens de l'ACRF a réfléchi au thème du cinquantième anniversaire du CIL et a ciblé quelques défis qui lui paraissent important à relever. Une bonne nouvelle Se référer à Jésus de Nazareth, aux témoignages premiers des Évangiles, s'est s'y reporter à travers des approches personnelles et communautaires, et notamment celles que notre mouvement propose lors d'une session annuelle. Expériences susceptibles de nous livrer des surprises de joie et de vie. Elles nous provoquent à « l'étonnement devant le monde de la vie tel qu'il est et tel qu'il se peut 3 Secrétaire générale d’un mouvement de femmes en milieu rural, l’ACRF, et théologienne : « C’est en fonction de ces qualificatifs que j’ai été présentée le 9 décembre. S’il peuvent me caractériser aujourd’hui, c’est parce que j’ai eu l’immense chance de me former au sein de communautés chrétiennes qui ont mis en avant le message libérateur de Jésus et l’importance de l’engagement dans le partage des joies et des espoirs des hommes et des femmes de ce temps, dans la ligne d’ouverture de Vatican II. Parce que ma route a croisé des responsables de formation diocésaine, des groupes de laïcs et des femmes de l’ACRF qui croyaient à la participation de tout baptisé à la vie ecclésiale, y compris dans un accès aux études de théologie pour les femmes. » -13- selon le rêve de Dieu »4. Elles nous ouvrent aux temps de jubilation et du plaisir de vivre. Cette jubilation n'est pas étrangère au réel de la vie. Comme la vie, elle est traversée de doutes, d'incertitudes, d'abandons, d'échecs et de violences. Mais elle peut résister à cette traversée du réel parce qu’elle repose sur l'expérience que quelque chose est donné, qui est vie en abondance ! Se référer à Jésus de Nazareth, c'est laisser retentir une heureuse annonce, une bonne nouvelle. Tels sont les premiers mots du texte de Marc (Marc 1, 1). D'emblée, c'est une invitation à être à l'écoute d'une annonce qui apporte du neuf et du bon : l'annonce du Royaume, d'une rencontre, d'une pratique. La prendrons-nous jamais assez au sérieux ? Pour l'entendre, il faut se préparer, se convertir. Au sens premier, c'est une injonction à un retournement à soi, à un retournement sur soi. « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle », dit le texte (Mc 1, 15). Prenez le temps de retourner en vous-mêmes et de faire confiance car du neuf sur la condition des hommes et des femmes et de Dieu est annoncé et ce message neuf est bon. Luc reprend la merveilleuse annonce d’Isaïe : la bonne nouvelle annoncée aux pauvres (Luc 4, 17-19). L'entrée dans ce mouvement exige aussi de sans cesse s'interroger : « Quel rôle fait-on jouer à Dieu ? Qu’est-ce que respecter Dieu ? » Ne sont-ce pas là des questions qui émergent de l'observation de la pratique de Jésus ? En dégageant Dieu d'un rôle qui exclut et enferme, en rendant l'autre à luimême dans sa capacité de confiance et de relation, Jésus bouleverse le rapport à la loi et l'illusion de perfection de ceux qui croient bien l'observer. Ainsi Jésus suscite des conflits.5 Si la référence à l'honneur de Dieu exclut une série d'hommes et de femmes, quel est donc ce Dieu ? Ce que les disciples de Jésus comprennent, c'est que pour Jésus, l'honneur de Dieu n'est pas dans la perfection abstraite ou tatillonne de la loi. La perfection de la loi se mesure à l'effet libérant qu'elle produit concrètement.6 L'expérience de Jésus est relue par les disciples comme une traversée qui passe par la mort mais qui donne vie. C'est le choc de la résurrection. Se référer à Jésus de Nazareth, c'est entrer dans une manière de traverser la vie, de penser, d'agir et de sentir. C'est s'ouvrir à la proposition d'une relation à Dieu, aux autres et à soi-même. Relation qui dénonce le rapport de domination et d'exploitation qui tue et anéantit, qui engage à faire émerger le droit et la justice, qui s'inscrit dans un rapport de gratuité, de grâce et d'amour. Mais attention, la loi de l'amour peut à son tour être une loi pire que la première, si cet amour est présenté comme une relation à laquelle l'humain, parce que faible et misérable, est incapable de répondre.7 Dieu nous aime mais nous sommes tellement éloignés de sa capacité d'aimer qu'il nous faut sans cesse demander pardon face au tout-aimant. Nous sommes en dette pour l'éternité. Qu'est-ce qu'une relation d'amour, si l'un des partenaires doit sans cesse s'avouer incapable et infirme ? « Perte, perversion radicale de ce qui pouvait donner vie. » Le défi Au-delà d'une interprétation légaliste, moralisante, culpabilisante et individualiste de la tradition chrétienne, il s'agit de proposer une annonce qui soit bonne nouvelle, qui apporte du neuf et du bon aux hommes et aux femmes de notre temps; une approche du cœur, de l'esprit, qui rend possible une nouvelle alliance par une loi inscrite au fond de l'être et du cœur. C'est le régime de grâce instauré par Jésus, le Christ. 4 , José Reding, Lueurs d'aurores. Quelques clés pour que chantent en nos cœurs les Écritures, Éditions Feuilles Familiales, 1999. Préface de Ph. Muraille, p. 17. 5 D. Marguerat, L'homme qui venait de Nazareth, Editions du Moulin, 2e édition, 1993, p. 63 ss. 6 C. Ducoq, Dieu différent, Cerf, 1977, p. 50. 7 M. Bellet, Le Dieu pervers, Desclée de Brouwer, 2e édition, 1998, p. 18-19. -14- Un acte de confiance L'équipe Recherche de sens de l'ACRF propose une compréhension de l'acte de foi, de l'acte de croire qui s'inscrit dans une recherche sur le sens de la vie. Dans cette recherche, la foi est perçue comme un acte de pari de sens de l'existence humaine, comme un acte fondamental de confiance dans l'existence. La foi, ce n'est pas en premier adhérer à des doctrines. C'est d'abord une dimension anthropologique fondamentale et vitale : la confiance. Elle est de l'ordre d'un positionnement, d'une solidité intérieure. Cet acte n'est pas posé en chambre stérile. Il s'inscrit dans les nombreux courants de pensée qui nous traversent tous et implique de la part de celui qui entreprend cette recherche de se situer dans et par rapport à des traditions de sens. La foi chrétienne est l'une d'entre elles. Opter pour elle, c'est établir un lien parmi d'autres même s'il est privilégié, même s'il apparaît comme essentiel dans la vie de celui qui fait ce choix. Il est de l'ordre de la particularité sans être une supériorité. Le défi Refusant une foi réduite à un contenu de doctrines cadenassé par une prétention au monopole de la vérité, il s'agit d'inscrire l'acte de foi dans une recherche de sens et de le vivre comme une dimension fondamentalement humaine c'est-à-dire comme un acte de confiance. Des convictions en débat dans une société sécularisée La proposition de compréhension du processus de sécularisation de la sociologue des religions Danièle Hervieu-Léger est reprise ici. La sécularisation, ce n'est pas d'abord la perte de la religion dans le monde moderne. C'est l'ensemble du réaménagement du processus des croyances qui se produit dans une société dont le moteur est l'inassouvissement des attentes qu'elle suscite et dont la condition quotidienne est l'incertitude liée à la recherche interminable des moyens de les satisfaire. Ainsi peut s'expliquer que « dans ces périodes de trouble, les systèmes religieux traditionnels, formidables réservoirs de la protestation symbolique contre le non-sens, retrouvent sous des formes nouvelles, un grand pouvoir d'attraction sur les individus et sur les sociétés. »8 Face aux questions de société actuelles qui nous concernent tous, comme le profit à outrance, nos modes de vie basés sur une consommation effrénée, à la recherche d’une jeunesse éternelle et d’une réussite à tout prix, l'homme contemporain prend acte que les seules références à la science et à la raison ne sont pas suffisantes pour résoudre ces problèmes et pour vivre non seulement personnellement mais aussi en société. Le défi Au-delà d'un enfermement des convictions religieuses et philosophiques dans une sphère privée, il s'agit de les introduire à nouveaux frais dans les grands débats d'aujourd'hui. N'y aurait-il pas intérêt à les prendre en considération dans leur dimension de réservoir symbolique de sens ? Des règles du jeu sont de mises pour que chacun puisse exprimer ses convictions dans la participation aux débats de société : - En exprimant des convictions de façon forte mais modeste et non totalitaire, - En reconnaissant que des questions nouvelles se posent et que les réponses ne se trouvent pas toutes faites dans la tradition chrétienne catholique, 8 Danièle Hervieu-Leger, Le pèlerin et le converti. La religion en mouvement (coll. Champs), Flammarion, 1999 -15- - En acceptant un débat interne dans l'Eglise mais aussi externe, - En faisant place aux groupes et institutions de la société civile chrétienne (pas de monopole des hiérarchies), - En suscitant ou favorisant le dialogue entre traditions différentes, comme le dialogue interreligieux. Comme corollaire et comme défi, la capacité à débattre au sein même de l'institution ecclésiale constitue un enjeu de crédibilité au sein de nos sociétés démocratiques. Les sujets sont nombreux. Nous tenons, comme mouvement de femmes, à en épingler deux : les ministères dans l'Église et les relations hommes - femmes. Un enjeu communautaire La période moderne a vu l'émergence de l'individu sujet autonome, acteur de sa vie et de la vie en société. Dans une société qui organise son économie sur un modèle de développement basé sur le profit à outrance et la concurrence, le risque est présent de verser dans l'individualisme marqué par la consommation : « Pour te réaliser consomme, sois dans ta bulle et, surtout, tais-toi! » Un tel repli sur soi est un défi aujourd'hui pour qui veut développer une action collective et communautaire. Et l'ACRF veut le relever. Tisser des relations dans les villages est une dynamique chère aux femmes de l'ACRF, dynamique qui est devenue un axe prioritaire pour l'action du mouvement. Mais nous nous posons aussi des questions : comment allier le souci de l'individu avec des valeurs plus collectives de solidarité, d’entraide, avec notre désir de participer à un mieux-vivre ensemble, en d’autres mots comment réinventer une proximité relationnelle ? Est-ce organiser des barbecues, des brocantes, des comités ? Lambros Couloubaritsis, philosophe et professeur à l'ULB, a partagé notre recherche en préparation aux journées d'étude ACRF 2006. Il s’est penché sur le concept de proximité. Une notion plus complexe qu’il n’y paraît.9 Y a-t-il encore un avenir pour une vraie proximité en monde rural ? L'espace rural comme l'ensemble de la planète connaît une véritable mutation dans le rapport à l'espace et au temps. Et cette mutation se traduit par deux caractéristiques : la mobilité et la distance. Il y a une mobilité physique beaucoup plus importante en zone rurale qu'urbaine, en terme de kilomètres parcourus et temps de déplacement. Mais la mobilité est aussi relationnelle : celle des trajectoires professionnelles ou des relations de couples. Au niveau relationnel, c'est la distance qui prévaut. Les relations ne sont plus confinées au village et à un environnement proche. La proximité relationnelle n'est plus contrainte. Proximité spatiale, proximité relationnelle, deux choses bien différentes. On peut entretenir une relation de qualité avec quelqu’un qui habite au loin, et n’avoir aucune relation vraie avec son voisin. Téléphone, GSM et arrivée de l'internet sont là pour abolir les distances. Mais alors qu’est-ce qui fait précisément la relation de proximité humaine ? Ne serait-ce pas la capacité d’entendre la souffrance de l’autre ? C’est la conviction de Lambros Couloubaritsis. Nous sommes tous confrontés à la souffrance. Nous en avons tous une expérience. C’est la souffrance qui constitue le point commun de ce que vivent tous les humains. Mais il n’y a que la personne souffrante qui connaît vraiment sa souffrance. La souffrance de l’autre nous échappe toujours. Nous n’y avons 9 Lambros Couloubaritsis, La proximité et la question de la souffrance humaine. En quête de nouveaux rapports de l’homme avec soi-même, les autres, les choses et le monde, Ousia, Bruxelles, 2005. Certains éléments de son exposé appartiennent déjà à son prochain livre Mythes et rites. Voir également l'analyse de l'ACRF, Monde rural, une proximité à réinventer, 2006/21, téléchargeable via le site www.acrf.be et l'article Une proximité à réinventer, dans Plein Soleil, revue de l'ACRF, n° 708, janvier 2007, p. 8-9. -16- accès que de l’extérieur, et partiellement. Pourtant celui qui souffre diffuse, d’une manière ou l’autre, sa souffrance. Et il nous met en demeure d’y répondre. Lambros Couloubaritsis propose donc de prendre la souffrance de l’autre et la précarité humaine comme point de repère de toute action en vue d’une proximité relationnelle de qualité : « Le seul critère qui me semble actuellement pertinent pour avancer dans cette direction est de prendre comme mesure de nos actions et décisions la souffrance humaine. » Il va plus loin. Il ne suffit pas d’attendre que l’autre s’humilie à devoir quémander notre attention. Il s’agit de prévenir, d’anticiper la demande pour éviter à l’autre de devenir notre obligé. Si nous avons comme projet de construire des proximités relationnelles positives, de qualité, certaines pistes sont à privilégier. Alors on peut changer beaucoup de choses. Pour un C.I.L. amplificateur Le projet de construire des proximités relationnelles positives impliquera de : - Promouvoir des valeurs comme la confiance réciproque et la convivialité : sans confiance, on ne crée rien. Et encore la générosité, la solidarité, la bienveillance (vouloir le bien de l’autre), la bienfaisance (faire du bien pour l’autre). Mais à neuf, à condition de bien veiller à la manière dont on les fait fonctionner. Il y a bien des dérives à éviter; - Investir un « lieu de vie », y participer pour assurer la meilleure vie possible pour des êtres humains. Et pour certains, les lieux seront ailleurs qu'au village, que là où l'on réside. L'important, c'est d'en avoir un; - Avoir un souci de participation démocratique et d'égalité; - Préférer la proximité relationnelle d'ouverture à la proximité relationnelle identitaire, fermée sur son petit groupe. N'y a-t-il pas là une dynamique à promouvoir, enjeu pour notre société. Mais n'est-ce pas aussi un enjeu pour l'animation des communautés chrétiennes ? Que le C.I.L. puisse être un amplificateur des proximités relationnelles vécues dans les groupes, les associations et les communautés qu'il met en réseau, tel est le souhait de l'ACRF en cette fête d'anniversaire. N'est-ce pas là une manière de réentendre la question de Jésus : « Lequel de ces trois, à ton avis, s'est montré proche de l'homme tombé aux mains des brigands ? » (Luc, 10,36). -17- DU RÔLE DES LAÏCS Christian Laporte1 C’est toujours avec une grande sollicitude que des adversaires avérés et fiers de l’être de l’Église catholique s’informent de l’évolution des vocations au sein de Notre Sainte Mère. Non point parce que revenus de Dieu sait quel chemin de Damas, ils souhaiteraient soudain la rejoindre voire s’y engager eux-mêmes, mais parce qu’à leurs yeux, l’aune unique et définitive, l’ultra top, le baromètre absolu de la santé de l’Église est l’avancée ou, plus généralement, le recul des appels à embrasser le sacerdoce ou à prendre la bure ou le voile. Et donc de se réjouir de ce que dans de plus en plus de nos paroisses et de nos communautés religieuses, le paysage clérical se raréfie ou, a contrario, se colorie, s’exotise, ou nous met franchement un demi-siècle en arrière lorsqu’il s’agit de certains clercs venus du froid, et plus particulièrement des très productives – en vocations s’entend – régions woytiliennes, qui semblent avoir oublié que le temps des missions n’était plus et qu’aujourd’hui, l’heure était plutôt à l’acculturation qui n’empêche pas l’inculturation. Mais le véritable objectif de nos « accros » de statistiques cléricales - pour ne pas dire : anticléricales – est évidemment de montrer que les « calotins » – appelons-les par leur nom ! – reçoivent bien trop d’argent public, qu’ils verraient bien, par le principe des vases communicants, tomber dans d’autres escarcelles comme, par exemple, celles de « l’Église laïque » avec un q… plutôt qu’un c. Pour nous resituer dans une perspective moins caricaturale car c’est vraiment, pour ceux qui me connaissent, contraire à mes opinions philosophiques et religieuses, mais le fait est là et il est plus important qu’un Dominee, il est vrai qu’une Église sans prêtres serait comme un café sans serveur ou sans bistrotier. Un établissement qui est appelé à perdre son âme, sinon ses âmes. On y entrera de moins en moins souvent puisque le service laisse à désirer, voire n’est franchement pas assuré. Mais le troquet le plus sympathique, où le col de mousse serait parfait comme le sourire de la patronne serait aussi rapidement forcé de baisser ses volets s’il n’avait pas ses fidèles, pardon… ses habitués. Comparaison n’est pas raison et pourtant, que deviendrait l’Église si elle avait une moisson abondante de clercs face à des assemblées, elles clairsemées ? J’en suis arrivé à me poser la question l’autre jour, lorsqu’un député VLD tolérant, M. Guido De Padt, de Grammont, a interpellé la ministre de la Justice sur le cadre non rempli de l’Église catholique. Pourriez-vous imaginer, mesdames et messieurs, et vous messeigneurs, qu’un tiers du cadre catholique n’est actuellement pas rempli ? Tout ça pour vous dire, chers amis, que le message de Jésus-Christ risque de ne pas connaître la diffusion qu’il mérite si les uns et les autres ne cherchent pas à se rencontrer. Qu’on le veuille ou non, par les temps qui courent de sécularisation toujours franchement galopante, on ne sent pas de frémissement absolu du côté des séminaires. Il ne faut pas se leurrer : si certains évêques ou mouvements d’Église aux convictions bien trempées clament volontiers que chez eux, ça marche et qu’ils engrangent beaucoup de nouveaux appelés, cela ne signifie pas encore que toute l’Église en recueillera des fruits. Quant aux fidèles ou plutôt quant aux laïcs, là aussi les statistiques montrent que ça ne va vraiment pas mieux non plus, puisque non seulement la fréquentation dominicale chute encore, mais le phénomène de recul s’attaque aussi à l’observation des rites de passage. Ceux-ci, jusqu’ici préservés d’une trop grande hémorragie par habitude culturelle ou par suivisme voire snobisme social, subissent en effet les conséquences de l’inculture religieuse de plus en plus réelle de nos contemporains. 1 La Libre Belgique -18- Bref, nous voici revenus pratiquement à nos diagnostics d’il y a dix ans lorsque nous émettions déjà l’hypothèse de voir se développer une Église d’en haut et une Église d’en bas pas nécessairement appelées à se rejoindre. Une incise ici : je ne suis pas en train de plaider pour des églises plus que pleines avec des chrétiens tièdes ou culturels, ou venus assister à des shows qui n’ont rien à envier aux prestations publiques de certains télévangélistes. Mieux vaut une assemblée dominicale de vingt personnes qui participent pleinement en dialogue, en commentant par exemple les textes du jour avec le curé, comme conseiller théologique ouvert, qu’une assemblée qui fait le plein mais où l’on a de la peine à se recueillir… Oui mais, me dirait bien vite l’un d’entre vous, proche ou non de la hiérarchie ecclésiale, il y a quand même eu un certain Bruxelles-Toussaint 2006 avec pendant une semaine plus de monde à la basilique de Koekelberg qu’au cours du dernier quart de siècle. Une affluence due à la qualité des orateurs mais aussi à la beauté des célébrations. Et toujours à propos de Bruxelles-Toussaint 2006, il y a eu aussi cet extraordinaire et exceptionnel chapelet de rencontres de tous types et de tous genres dans les paroisses de la capitale. Sans oublier les ateliers qui se sont déroulés avec beaucoup de sérieux mais surtout de ferveur, ou plutôt de cœur à l’ouvrage, autour du lieu de culte national. Tout à fait d’accord, ce fut un événement et même un événement majeur pour l’Église à Bruxelles et par extension de Belgique. Mais il faut maintenant que le succès conjoncturel laisse des traces structurelles. Il faut que le grain de sénevé de cette semaine exceptionnelle donne un magnifique arbre où pourraient venir nicher tous les oiseaux du ciel. Traduisons : l’Église de Bruxelles doit continuer à être aussi accueillante et ouverte aux catholiques de toutes origines mais également aux frères encore séparés et à tous ceux qui partagent l’hypothèse d’un Dieu unique. Et, ajouterais-je, à tous les hommes de bonne volonté, donc aussi aux agnostiques et aux athées dont nous partageons les valeurs humanistes. Mais, ce qui m’importe le plus, et surtout, c’est que le dynamisme qui s’est manifesté là à l’initiative principalement des nouveaux mouvements d’Église – rendons à César ou plutôt aux charismatiques ce qui leur revient… – pénètre aussi les autres milieux chrétiens de Bruxelles et d’ailleurs. J’aimerais qu’à un moment ou l’autre de nos travaux, l’on fasse un bref bilan de l’opération. Je ne puis cependant m’empêcher à ce stade de vous dire que j’ai rencontré là, tout au long de la semaine, des catholiques heureux et impliqués qui, pour la première fois depuis pas mal de temps, ne se sentaient pas dans les cordes mais plutôt en bonne position sur le ring. Après les railleries, les moqueries et l’indifférence, cela ne pouvait faire que du bien ! La place des croyants dans la société Prêts donc à en découdre, dès lors ? Justement, c’est là que nous divergeons par rapport à certains qui pourraient se remettre à rêver d’une « reconquista » pour paraphraser certain journal de la capitale qui a parfois une fâcheuse tendance à prendre les croyants pour des arriérés. Le catholicisme omnipotent sur la scène politique comme sur la scène sociétale, c’est fini, c’est terminé, « ‘t is gedaan » aussi bien au nord qu’au sud et au centre du pays. Il lui faudra désormais apprendre à vivre toujours plus intensément le pluralisme comme courant religieux minoritaire parmi d’autres courants minoritaires. Nombre de clercs l’ont bien compris à tous les niveaux, archidiocésain, diocésain, décanal et finalement paroissial ou dans les mouvements. C’est somme toutes rassurant mais pas suffisant. Et c’est là que je vois un rôle essentiel pour les laïcs. Plus que jamais, ils doivent être la courroie de transmission entre tous les milieux qui constituent ce pays, le levain dans la pâte. Par la force des choses, par les hasards de l’existence, ils côtoient d’autres laïcs, d’autres courants religieux s’entend, mais aussi les laïques de la laïcité. Par leur fonction d’exemple dans la société de tous les jours, ils accompliront non seulement leur devoir de citoyens mais aussi de croyants. -19- Qu’ils soient des fils d’Adam ou des filles d’Ève d’ailleurs. Ce n’est pas à vous, chers amis, que je dois rappeler que l’Église défend ici une série de principes qui nous paraissent aller à contrecourant. Et je reste poli ! Un récent communiqué suite à une visite de l’archevêque de Canterbury chez Benoît XVI l’a encore tristement mis en lumière : au lieu d’aller voir l’évolution de l’Église anglicane à l’aune de la consécration de femmes révérendes et d’en tirer peut-être quelques leçons en toute humilité œcuménique, le texte insistait jusqu’à l’excès sur la querelle comme si Rome s’arc-boutait plus que jamais sur le passé ! Alors ? Sus au combat symbolique ! Dans une société qui a revendiqué et, dans une large mesure, obtenu l’égalité des hommes et des femmes, il s’impose que celles qui se réclament de l’Église puissent aussi avoir leur mot à dire. Plus comme ce fut parfois le cas, comme des dames patronnesses, mais comme des femmes bien dans leur peau qui vivent parfaitement les valeurs évangéliques dans leur rôle de mère mais aussi d’actrices de la scène publique. Il faut que dans l’Église de demain, l’on ne doive jamais recourir aux quotas. Les femmes d’Église doivent donc pouvoir s’épanouir mais aussi les hommes, jeunes ou moins jeunes, toujours dans cet esprit de service à la société. De même, le débat sur le statut des prêtres, même s’il paraît bloqué, n’est pas clos à en juger par quelques petits signaux de certains prélats romains, signaux qui peuvent paraître insignifiants mais qui augurent peut-être des ouvertures imprévues ! Et ce sous Benoît XVI… Il y a un instant, j’évoquais les dames patronnesses. Loin de moi l’idée de les stigmatiser : dans la société et dans l’Église de jadis, elles avaient parfaitement leur place. Aujourd’hui, dans une Cité plus que jamais plurielle, il faut certes continuer l’entraide, mais on ne peut plus s’arrêter à la seule pratique de la charité : il faut que les laïcs chrétiens participent aussi à l’élaboration de réformes et donc à l’édification d’une société plus juste. En d’autres termes, les chrétiens ont encore, ou plutôt : ont plus que jamais droit au chapitre politique. Vivre l’évangile, c’est mettre ses mains dans le cambouis, c’est se mettre à table avec ceux qui pensent autrement pour qu’il y ait plus de justice. À cet égard, il nous faut tirer notre chapeau pour toutes ces assemblées de croyants qui avec leurs pasteurs ont retrouvé tout le sens du droit d’asile en accueillant pendant un certain nombre de semaines des sans-papiers. N’en déplaise à l’extrême droite qui pourrait se définir belge et chrétienne, mais voilà un vécu évangélique qui montre que tout n’est donc pas perdu ! Dans le même ordre d’idées, le soutien aux plus démunis de nos villes et de nos campagnes par les gens d’Église est à encourager plus que jamais tout comme l’intégration des étrangers. Bref, les laïcs doivent continuer à agir au nom de l’Évangile. Ils reprendront ainsi leur place dans la société et personne ne peut les en empêcher. Pour nous, c’est clair : il ne peut être question de refouler nos convictions dans la seule sphère privée. De la même manière, ils doivent être présents dans les grands débats de société, qui ne manqueront pas dans les années à venir avec l’évolution de la bioéthique et des sciences en général. Plus près de nous s’annonce une révision de la loi sur l’euthanasie qui pourrait mettre mal à l’aise un grand nombre de chrétiens, puisqu’on parle d’élargir aux jeunes et ceux qui sont dans l’incapacité absolue de prendre des décisions personnelles. Dans le vaste débat qui s’ouvrira, les laïcs chrétiens doivent pouvoir s’exprimer comme ils l’ont fait, par exemple lors de la discussion de la loi sur l’adoption par des couples homosexuels. Voilà bien des chantiers à occuper. Sans complexes ni préventions superfétatoires. Et en jouant pleinement la carte de l’œcuménisme et de l’interreligieux. La situation des laïcs dans l’Église Reste à aborder un dernier point qui interpelle les laïcs : c’est leur situation dans l’Église, les rapports de pouvoir qui existent entre eux et la hiérarchie. L’Église n’est pas une démocratie, on nous l’a aussi suffisamment dit et répété. Et l’actualité récente nous l’a renvoyé comme un boomerang. Faire montre d’ouverture et envoyer un discours séducteur au monde extérieur à travers les médias ne -20- signifie pas encore que l’on est ouvert. Et pourtant, c’est un devoir permanent de se demander si l’on ne pourrait pas améliorer le fonctionnement de l’Église. Parfois elle nous y invite elle-même : ce fut le cas lors du concile Vatican II, lors des différents synodes ou à l’occasion de crises comme l’affaire Gaillot où, c’est vrai, la manœuvre est plus venue du parvis que du maître-autel. D’aucuns me diront : à quoi bon ? Puisque tel un balancier, on revient toujours au statu quo voire parfois en arrière. De quoi se décourager ? Peut-être… Un conseil quand même encore : les chrétiens de la base réunis au sein de Nous sommes l’Église nous faisaient récemment savoir qu’ils n’ont toujours pas obtenu de pouvoir exposer leur vision ecclésiale à la hiérarchie de celle-ci. Si on peut leur transmettre un message, c’est de ne pas baisser les bras en abandonnant tout ou en changeant de crémerie. Les demandes envoyées à Rome se sont certes heurtées à des fins de non-recevoir. Impossible de dialoguer donc. C’est vrai que c’est aussi frustrant que de se heurter à des réticences chez les « hauts placés » de l’Église locale. Cela s’est aussi vu, cela se voit et cela se verra encore dans l’environnement ecclésial de proximité comme on dit aujourd’hui. Mais l’Église a l’éternité devant elle et elle connaîtra encore bien des mouvements d’aller retour. Et là le souffle de l’Esprit peut encore faire bien des miracles… C’est tout le bien que je vous souhaite ! RESUME DES DEBATS EN CARREFOUR PUIS EN ASSEMBLEE PLENIERE A. Questions pour les carrefours : 1. Qu’est-ce qui, dans ma foi chrétienne, me met à l’aise ou au contraire mal à l’aise dans ce que j’ai entendu des intervenants ? Qu’est-ce qui me pose question ? Comment suis-je interpellé par ce qui a été dit ? Y a-t-il des principes chrétiens qui sont remis en cause dans ce que j’ai entendu ? 2. Quelles sont les pistes d’action aussi concrètes que possibles, de témoignage ou d’action pour moi, pour mon organisation et pour le C.I.L. ? B. Interventions dans les carrefours et en assemblée plénière, regroupées par sujet. 1. Les lieux de dialogue, de partage de vie et d’expériences. - Les mouvements de jeunesse sont des lieux où sont vécues des valeurs d’évangile avec le souci des petits, des faibles. - Importance des lieux de vie ouverts où la foi est partagée en petits groupes afin d’être plus humain dans notre société sécularisée et plurielle. - Reconnaissance des lieux où est vécue la radicalité évangélique et considérer « ceux qui vivent les principes chrétiens essentiels » comme partenaires, à tous les niveaux. - Il est de la responsabilité des laïcs de créer des lieux de ressourcement évangélique. - Quels sont les lieux de la foi chrétienne qui peuvent susciter de l’étonnement chez les noncroyants ? - « Il y a tellement de lieux non reconnus : communautés de base, groupes de réflexion, de chrétiens divers. Il faudrait reconnaître ces lieux, créés dans la clandestinité par rapport aux églises locales pour y vivre libres, reconnaître tout ce foisonnement d’une richesse incroyable ». - « Les lieux sont innombrables, équipes en tous genres, paroissiales, de service etc.… et heureusement qu’ils sont très nombreux et très divers. Mais il ne suffit pas qu’il y ait des lieux où l’on puisse ensemble échanger les mots de la foi chrétienne, il faut que ce soient en même temps des lieux d’humanité profonde, des lieux de reconnaissance et d’écoute mutuelles, des lieux où la confiance et l’amitié grandisse entre les personnes, dans lesquels l’humanité est là, frémissante. Il me semble que c’est seulement si ces qualités là sont présentes que les mots de la foi chrétienne auront leur véritable sens. » - « Il faut beaucoup de petits lieux de rassemblement à taille humaine. Ouvrons les yeux, beaucoup existent déjà. Le CIL est un de ces lieux qui donne aux chrétiens l’occasion d’échanger. En outre, il donne aux petits lieux la possibilité de communiquer entre eux, ce qui est vital ». - « Les mouvements de jeunesse sont des lieux importants qui rassemblent 100.000 jeunes en Communauté française. Ce qu’ils vivent dans ces mouvements est extrêmement important. Soyons solidaires de ces lieux-là ». - « J’ai une certaine allergie à tous les mouvements. Pour moi, le lieu chrétien essentiel, c’est la paroisse, là où toutes les couches de la population se rassemblent ». - « Un lieu majeur de pratique chrétienne, c’est l’école. L’enseignement catholique scolarise entre 55 et 60% de la population, mais aux élections, nous sommes loin d’avoir un poids correspondant. Il y a une volonté politique manifeste pour créer un réseau unique. Soyons assez lucides pour exiger que ce réseau soit libre ! Je ne dis pas catholique, mais libre, libéré d’ingérence ministérielle, libre dans sa pédagogie. » - « On pense là où l’on a ses pieds ». Je crois que c’est profondément vrai : le lieu où l’on est situé est extrêmement important. L’évangile de Noël nous dit où Dieu a ses pieds : une famille en exil -22- - - - - - - - - qui ne trouve pas de place, un enfant dans une crèche, des bergers qui sont des hors-la-loi. – « Je suis frappé de la vérification que nous faisons du fait que l’on pense là où on a ses pieds. On vient d’entendre des témoignages magnifiques à cet égard. Je me suis dit que j’avais à m’interroger comme chacune et chacun d’entre nous, sur les lieux d’action ou de témoignages possibles qui sont les miens » « J’ai envie de parler d’un lieu que j’aime, la communauté de vie chrétienne (CVX) à Bruxelles. C’est un lieu où de jeunes adultes, de jeunes parents, entre 30 et 40 ans se retrouvent pour partager leur vie et essayer de l’éclairer à la lumière de l’Evangile. Ils disent : « Cette équipe, c’est mon lieu d’Eglise ; quand je vais à la messe, je n’en reçois plus rien ». Connaître de tels lieux peut répondre à bien des attentes. » « Je fréquente un certain nombre de lieux. Pourquoi ne pas investir en action dans mon immeuble ? Dire Dieu dans notre monde, cela n’a aucun sens si ce n’est pas d’abord agir, à l’image du Christ, c.à.d. être humain ». « Il est nécessaire de sortir du cocon de l’Eglise, où nous laïcs, n’avons guère de lieu pour nous faire entendre, où l’on peut mettre en débat, directement avec les responsables de l’Institution, les grands enjeux de société. Il nous reste donc à créer ou rejoindre d’autres lieux, où l’on cherche à construire une société digne et humaine. » « Je voudrais attirer l’attention sur ces lieux d’échange que constituent les forums sur Internet. Le journal « La Croix » a posé la question « Dieu est-il sur Internet ? » L’Eglise, les laïcs et les clercs, doivent être plus présents dans les nouvelles technologies et dans les sciences. Comme scientifique, on a l’impression d’une très grande frilosité, pour ne pas dire rigidité. » « Il y a beaucoup de lieux où ce qui se passe va dans le bon sens, où se construisent la cité et le monde. Dieu doit se réjouir de ce qui s’y fait. Nous chrétiens, nous devons aussi nous en réjouir et reconnaître que Dieu, que l’Esprit, sont présents en ces lieux ». « Il faut aller sur les places et sur les marchés, dans tous les lieux pluriels où il est possible de faire partager le message de l’Evangile ». « Il me semble que l’on est de plus en plus appelés à faire le grand écart : il faut d’une part avoir les pieds quelque part, et plutôt du côté des pauvres, être engagé dans le monde d’aujourd’hui, un monde qui n’est pas facile parce qu’il se cherche de nouveauté en nouveauté, qui cherche quelque chose de solide ; il faut aussi être engagé en politique, tout cela est essentiel mais d’autre part, il nous faut aussi pouvoir ruminer, renouveler, célébrer notre tradition avec ses valeurs qui ne se résument pas à celles dans l’air du temps. On ne peut pas être des deux côtés à la fois. Je ne vois qu’une solution : accepter que certains soient plus dans les combats d’avant-garde, d’autres davantage dans la prière, la célébration, le renouvellement et que nous gardions la communion entre nous. Si je suis un priant, j’ai besoin de celui qui est engagé et réciproquement. Qu’il y ait vraiment un échange, un dialogue, un enrichissement réciproque et surtout une confiance mutuelle. » « Je voudrais nuancer ce que dit le Père Delhez. Je crois très sincèrement qu’on peut être à la fois avec un pied dans le concret, dans l’action, l’engagement politique, social, éducationnel, et l’autre pied dans la spiritualité. Non seulement on le peut, mais on le doit. On doit se nourrir dans la liturgie, dans les lectures spirituelles, pour être plus fort dans l’action. Il n’y a pas de priorité, il ne faut pas être humain avant tout, il faut être chrétien avant tout et être chrétien avant tout, c’est forcément être humain et en relation avec Dieu. » « Nous vivons dans un temps où tout se rétrécit dans l’Eglise catholique de notre pays. On n'a moins de moyens qu’avant, alors on rationalise et sans doute ne peut-on pas faire autrement. Mais quand j’entends ce qui se passe un peu partout, j’ai peur. J’ai peur qu’on regroupe, dans les paroisses et autres entités, et que les petits lieux qui vivent de manière fragile mais où ce tissu humain est vivant en paient la note. » -23- 2. Ouverture aux autres. - Ouverture en acceptant de se remettre en cause. - Ne pas rester dans les cercles chrétiens - Reconnaître la dignité humaine de chaque personne et contribuer à l’établir dans la société surtout là où elle est bafouée. - Intériorité et transmission. Le différent (migrant, handicapé) est un sujet de droit. - Reconnaître sens et valeurs ailleurs et autrement. - Penser avec les pauvres. - Diffuser une parole libre, sereine, qui engage dans un cheminement et un réenchantement. - Rencontre des convictions en toute humilité, nous ne possédons pas LA vérité. Dialogue avec la laïcité, avec une base commune : la grandeur de l’humain. - « L’unanimité de notre assemblée, aussi bien dans les trois conférences de ce matin, que dans les carrefours m’inquiète, parce que je pense que dans le monde des laïcs chrétiens de l’espèce catholique, il y a plus de diversité que cela. Où sont les autres voix ? » - « A propos de l’indignation, précisons que nous voulions parler du devoir de se révolter face à des situations intolérables, notamment du point de vue de la justice ; certains participants ne visaient pas seulement l’indignation devant le mal dans le monde, mais aussi celle liée au fonctionnement de l’Institution, à tous les échelons. » - « Pour faire écho à la question « où sont les autres voix ? », je veux évoquer le transparent « Penser avec les pauvres ». On discute parfois de ce que l’on pourrait faire à l’égard des pauvres dans ce monde sécularisé, mais il y a des personnes expertes en pauvreté qui pourraient nous donner plein de bonnes idées. » - « L’expression « penser avec les pauvres » est un peu courte, mais c’est une façon de dire que ce sont les pauvres qui ont une vision juste de ce que c’est l’humanité, de ce que c’est que Dieu. Avec un regret, c’est qu’en général, les personnes du tiers-monde ne viennent pas dans nos églises. Les églises sont peut-être vides aujourd’hui, mais depuis toujours elles sont vides du tierset du quart-monde. » - « Sur Internet, j’ai l’expérience de dialogues avec les laïques, je veux dire les incroyants. C’est une chose passionnante, quand cela réussit. Il y a eu, à un certain moment, un réseau de ce genre de dialogues ; mais si l’on échangeait, on ne se comprenait guère. Le réseau n’a pas survécu. » - « Je viens de Mons, d’une région où dans les quartiers, la pauvreté n’est pas seulement économique, mais aussi spirituelle. Les gens ne se sentent pas reconnus dans leur foi, sans doute balbutiante, mais bien réelle. » - « De ce que j’ai entendu aujourd’hui, il ressort clairement que l’Evangile est une nouvelle à communiquer. Mais le mot communiquer me fait justement question. Il me semble que nous avons plus mis l’accent sur nous faire connaître des autres, leur dire ce que nous pensons. Pour moi, la communication doit se faire dans les deux sens, c’est un aller et un retour. Peut-être que dans le monde où nous sommes, le retour devrait primer sur l’aller ; alors je pose la question : Comment apprendre des autres, de ceux qui ne partagent pas notre foi, ce qu’est pour eux une bonne nouvelle ? » - « Dans mes contacts avec les francs-maçons, j’ai pu constater qu’ils me faisaient souvent confiance. Pourquoi ? Parce que je disais franchement ce que j’étais et ce que je pensais. Dans notre société sécularisée, nous sommes évidemment minoritaires, et pour longtemps. Nous ne devons pas avoir peur de dire ce que nous essayons d’être. » - « Je reviens avec cette idée de proximité à créer ; susciter une véritable proximité par la prise en compte des précarités, de la souffrance aux différents niveaux : personnel, relationnel, communautaire et de société. Avec la volonté de créer des relations de confiance parce que quand on est face à la douleur et à la souffrance, la souffrance des autres nous échappe souvent ; être proche de cette souffrance n’est pas facile ; il faut favoriser la confiance réciproque à tous les niveaux, car sans confiance, on ne crée rien. » -24- - « Je souhaite réagir vis-à-vis de la méfiance à l’égard d’Internet. Si ce réseau n’existait pas, je n’aurais jamais rejoint l’Eglise. On rencontre sur Internet pas mal de jeunes qui se posent des questions. C’est une plate-forme où l’on peut discuter, poser des questions, échanger. C’est un endroit dont je n’avais pas trouvé l’équivalent en paroisse, où il était impossible de discuter. Quelques années d’échanges d’idées sur Internet m’ont permis de rejoindre l’Eglise. Avant de se méfier ou de condamner, il vaut mieux laisser faire, si l’on n’a rien d’autre à proposer. » 3. Vivre l’Evangile en communauté chrétienne. - Etre chrétien au quotidien, c’est susciter le questionnement chez l’autre. - Notre foi est d’abord un récit à écouter, à vivre et à transmettre. - Les laïcs catholiques doivent oser donner leur apport qui est unique. Ils ont la dignité des enfants de Dieu et le sacerdoce du peuple de Dieu. - Désacraliser le clerc parce que tous sont égaux dans le peuple de Dieu. - Importance de parler en termes de valeurs plutôt que de techniques (ex : la sexualité). - Une conscience libre et éclairée, bien formée, c’est l’un des trésors de la foi chrétienne – crainte qu’elle ne soit écrasée par des normes imposées. - Ne pas se braquer sur la pratique dominicale. Aller vers les gens, surtout les plus pauvres. - Ecoute ! Là où des personnes se rassemblent et vivent les valeurs évangéliques, là est l’Eglise – Propager la Bonne Nouvelle, c’est descendre de la montagne pour rejoindre les gens dans la vallée, où ils sont, dans leurs préoccupations quotidiennes, dans la vie professionnelle, dans la vie familiale. - « : J’ai été frappé par la parole de Pierre de Locht : « Rendez compte de l’espérance qui vous habite si on vous le demande ». Nous ne provoquons pas de questions parce que notre comportement ne suscite pas le même émerveillement que celui des premiers chrétiens dont on disait « Regardez comme ils s’aiment ». Il me semble qu’avant de rendre compte de notre espérance, il faut vivre d’une manière qui interpelle ceux qui nous entourent. » - « lors des célébrations dominicales, beaucoup de choses se passent (chants, lectures, sermon, prières etc.) mais je suis toujours un peu frustré qu’il n’y ait pas de temps pour partager nos difficultés, pour exprimer comment nous vivons notre vie de chrétien, comme on l’a dit ce matin ; on n’a pas l’occasion de partager cela avec les autres. » - « Sans remettre en cause tout ce qui a été dit mais plutôt en complément, je souhaiterais mettre l’accent sur l’importance de la liturgie. C’est pour moi un lieu d’excellence où l’on reçoit les sacrements, on entend la parole de Dieu. Celles et ceux qui en sortent déçus, c’est peut-être parce qu’ils n’ont pas appris à recevoir. On vient chercher quelque chose, mais ouvrir son cœur, son esprit, ce n’est pas si simple. Peut-être est-ce un enjeu pour le CIL de réfléchir à la manière dont on pourrait apprendre à recevoir au cours d’une liturgie. » - « On a parlé des lieux, de communication. Il reste pour moi une question, celle du langage, que ce soit sur Internet ou dans les livres. C’est fou le nombre de bouquins qui paraissent sur l’Eglise, sur la religion mais ce qui me préoccupe, c’est qu’une bonne partie de cette énorme production utilise un vocabulaire qui ne touche plus les gens. Je me souviens qu’un ancien secrétaire de la conférence épiscopale disait « Au CIL, parfois vous écrivez comme les évêques » C’est une interpellation toujours d’actualité. - « De même que les livres qui parlent de religion sont incompréhensibles par le commun des mortels, le langage liturgique devrait être profondément simplifié. Je crois que ce qui écarte beaucoup de monde de l’Eglise, et surtout les jeunes, c’est ce langage hermétique qui n’a plus aucune signification. » - « On entend souvent regretter l’inadéquation du langage de notre Eglise dans une série de problèmes auxquels nous sommes confrontés. J’ai envie de nous dire à nous, laïcs : « Mais bon dieu de bon sang, quand prenons-nous vraiment la parole pour donner notre analyse et notre témoignage. Je crois que nous attendons trop souvent que se soit la hiérarchie qui se mouille alors que nous avons aussi à nous mouiller nous-mêmes. » - « Je suis personnellement très sensible au clivage entre gens qui ont de la respectabilité, qui ont la capacité de s’exprimer et ceux qui vivent l’exclusion, le rejet. Je crois que ce débat traverse aussi l’Eglise. J’ai vécu et cheminé avec les gens démunis en dehors des lieux reconnus, en pleine terre -25- de l’Evangile. Comment nous organisons-nous pour que les groupes de gens démunis, qui n’ont pas le pouvoir de la parole, ne soient pas seulement les bénéficiaires de l’aide et de l’attention des plus aisés, mais qu’ils constituent un poids structurant et déterminant dans un lieu qui veut vivre l’Evangile comme l’Eglise. » - « Je retiens de tous ces débats que, dans notre société sécularisée, l’important est d’être présent en actes. Des trois grandes vertus chrétiennes, la charité est la plus importante pour moi. La première priorité ce sont les problèmes de fric, de pauvreté et d’injustice, sinon on est à côté de la plaque. » - « S’il faut rendre compte de l’espérance qui est en nous, il faut revenir au sens du mot « salut » : quand Jésus et l’Evangile parlent de salut, c’est tout simplement un état de bonne santé et de bonheur. Nous y travaillons avec toutes les femmes et tous les hommes partout où c’est cela qu’on vise ». - « En tant que personne, je me suis toujours senti une vocation de prêtre, évidemment non reconnue et même condamnée. Si j’ai été mystique dans ma vie ouvrière, c’était aussi dans les trams à Bruxelles, et mes lieux de célébration, ce furent le tram, la rue. Quand on me parle de prière, c’est entre les rails de tram et dans la rue que je prie Dieu et que je le vois à l’œuvre, et ce n’est plus du tout dans les églises. » - « Le Père Delhez semblait mettre d’un côté les chrétiens qui prient et d’un autre, les chrétiens qui travaillent dans le monde et qui sont le sel de la terre. Je pense qu’on ne peut pas être le sel de la terre sans prier. On doit être habité par Dieu, lui parler, savoir ce qu’il attend de nous, en bref prier. » - Ch.D. : « Je voulais souligner l’urgence de la communion entre nous, quelles que soient nos différences d’une part, et d’autre part, il faut aussi être présent dans le monde d’aujourd’hui. On a besoin les uns des autres pour faire ensemble une magnifique mosaïque qui aurait comme nom : Eglise du Dieu vivant. » - « Lors des célébrations dominicales, beaucoup de choses se passent (chants, lectures, sermons, prières etc.…) Mais je suis toujours un peu frustré qu’il n’y ait pas de temps pour partager nos difficultés, pour exprimer comment nous vivons notre vie de chrétien ; on devrait pouvoir partager là-dessus avec les autres. » 4. Les Jeunes. - « Les jeunes disent qu’il y a des choses qu’ils ne trouvent jamais dans l’Eglise. Mes enfants sont altermondialistes. Ils considèrent avec moi que l’Eglise dans sa liturgie, doit donner de l’espérance ; mais qu’est cette espérance lorsqu’il ne peut plus y avoir une parole concrète de vérité. Il n’y a que la parole de l’autorité. » - « On a parlé d’autres voix. Je me pose la question en regardant notre assemblée : à partir de quel moment est-on un laïc ? Notre assemblée ne donne pas de place à ceux qui sont au sortir de la jeunesse, au tout début de l’âge adulte. Ici nous réfléchissons avec nos références, imprégnées semble-t-il de nostalgie. » - « Sur les différences de générations, Jacques Briard a rappelé ce matin une enquête faite par le CIL parmi les catholiques « du parvis » (divorcés remariés, prêtres réduits à l’état laïc, anciennes compagnes de prêtres, personnes blessées par leur Eglise, etc.) Parmi les interrogés, il y avait aussi de grandes différences d’âge. Les plus âgés, ceux de ma génération ou un peu plus jeunes exprimaient beaucoup d’amertume, de rancœur, de frustrations à l’égard d’une Eglise dont ils avaient attendus trop à la suite du Concile. Les plus jeunes avaient une attitude fort différente, non parce qu’ils avaient plus de sympathie à l’égard de l’Institution, mais simplement parce qu’ils trouvaient les trous du gruyère, les espaces de liberté, officiels ou non, et ils les exploitaient. Cela présente un côté positif : c’est que l’on prend une liberté. » - « il y a quand même une différence de mentalité énorme entre les jeunes et la plupart d’entre nous qui sommes ici, tout grisonnants. On peut se demander si la transmission va vraiment se faire, si l’érosion ne va pas continuer et même s’accélérer » - « Beaucoup de jeunes n’étaient pas là à Toussaint 2006, en tout cas parmi ceux que je connais. Les références de foi, d’Eglise etc.., cela ne leur dit pas grand-chose. Mais en même temps, nous étions plusieurs dans notre carrefour à dire que les jeunes font preuve d’inventivité, de sens, sont -26- capables de créer des manières de partager des valeurs. Comment sommes-nous à leur côté, quel type de reconnaissance avons-nous à leur égard, qui ne cherche pas à les mettre forcément sur notre chemin ? » - « Qui demain dira Dieu à nos enfants et nos petits-enfants ? Parce que notre engagement et notre foi ne sont pas seulement une question de valeurs. Comment pourront-ils dire Dieu avec leurs mots ? Qui les aidera à relire leur histoire et leur générosité à la lumière de la Tradition, parce qu’ils sont généreux, parce qu’ils s’engagent, mais ils n’ont pas nécessairement des mots pour y mettre un sens. » - « A propos des valeurs de nos enfants, je dirais qu’ils pratiquent des valeurs humaines, peut-être beaucoup plus que nous dans notre jeunesse. Mais comment colorer ces valeurs humaines avec la lumière du Christ ? » - « Je reste avec une question : on développe des valeurs, et on dit que les jeunes avec lesquels nous travaillons sont encore plus généreux que nous. Mais pour moi, au-delà de cette constatation, il y a d’une part notre engagement politique comme chrétien et d’autre part, notre foi qui est rencontre ; et pour pouvoir faire une rencontre, il faut que l’on connaisse, que l’on ait entendu parler et entendu dire ; c’est sur ce dire que j’ai plus de questions. » - « Pour savoir comment dire Dieu à ses enfants ou petits-enfants, il existe au vicariat de Bruxelles une équipe qui s’appelle « Semailles » composée essentiellement de laïcs qui, en deux soirées, proposent des pistes très concrètes pour dire Dieu, le message chrétien. » - « Plusieurs interventions ont exprimé des craintes à l’égard des jeunes. Je veux apporter deux informations à ce sujet : 1) Les études qui sont faites montrent qu’en terme d’opinions, les jeunes ont, à l’heure actuelle, grosso modo les mêmes opinions que leurs aînés. Cela varie seulement à la marge. 2) On peut faire confiance aux jeunes. Ils sont l’avenir. Ils seront là demain, et le message qu’on leur transmet sera encore transmis demain. » - « Je veux aussi rassurer l’assemblée. Nous, les jeunes, nous sommes là, même si aujourd’hui nous ne sommes pas très nombreux. Contrairement à ce qui a été dit, nous ne sommes pas toujours en attente de changement, et beaucoup d’entre nous pensent comme les gens plus âgés. Les jeunes prennent aussi le temps de réfléchir plus qu’on ne le dit. Il faut leur faire confiance. » - « Par Internet, j’organise des séminaires à l’étranger pour les jeunes. J’ai une très grande confiance en eux. Ils ne nous traitent pas d’obsolètes si nous ne les traitons pas d’immatures. Ils ne nous perçoivent pas comme des ordinateurs, si nous ne nous présentons pas comme des ordinateurs, et si nous faisons preuve à leur égard d’une très grande honnêteté. » - « Moi je n’ai pas du tout envie que les jeunes pensent comme nous, les adultes ! (rires). C’est à eux d’inventer une nouvelle façon d’être ensemble, de vivre la fraternité et d’inventer enfin la paix. Laissons les vivre ! » - « Les jeunes sont chrétiens autrement. Il faut leur permettre de s’exprimer. » - « Les jeunes sont dans la consommation et le matérialisme, à l’image de la société. On les retrouve dans des lieux différents qu’il nous faut habiter comme chrétiens engagés. » - « Sommes-nous des chrétiens crédibles pour les jeunes ? » - « Brigitte Laurent signalait le refus ou l’indifférence des jeunes femmes de son mouvement. Pour moi, c’est la question essentielle. Comment prendre au sérieux cette indifférence, parce que c’est cela la généralité aujourd’hui. Cette indifférence n’est pas absence de sens. Les jeunes inventent autrement que nous. Comment les rejoindre aujourd’hui ? « Avons-nous, avec nos têtes chenues, l’imagination voulue pour trouver ce qui peut leur convenir ? » - « Je trouve que les jeunes d’aujourd’hui, dans le milieu de l’enseignement non catholique, ont une autre pauvreté, c’est le manque d’espérance, de sens de la vie. La pauvreté morale, spirituelle est aussi importante même chez ceux qui ont de l’argent : absence de futur, désenchantement, découragement. » 5. Relations entre la hiérarchie et les laïcs. -27- - Le message catholique passe mal parce que les médias ne diffusent que ce que le Pape ou les hauts responsables de l’Eglise disent. Les religions en général font peur parce qu’elles s’imposent comme des puissances. - Des cultes centrés sur des « leaders » ne peuvent nourrir la vie du laïc surtout quand le leader n’écoute pas et croit tout savoir. - Accepter de vivre la tension entre dogme et vie. - Penser en termes de Peuple de Dieu et non plus d’Eglise-Institution. - La hiérarchie manque de foi dans le peuple de Dieu ; elle a peur du changement, de perdre son pouvoir. Elle a reçu un dépôt et ne se reconnaît pas le droit d’y changer quoi que ce soit. - Les oppositions entre laïcs et hiérarchie sont inutiles. Il faut plutôt se demander comment se situer comme laïc chrétien dans le monde d’aujourd’hui ; proposer plutôt que contrer. - Les mêmes questions sont posées à la hiérarchie depuis 50 ans, mais c’est comme si elle n’avait rien entendu. - Dans de nombreuses paroisses, les curés ne laissent aucune autonomie à leur conseil paroissial, purement confiné dans un rôle de consultation et de répartition des tâches. - On est mal à l’aise - lorsque l’Institution se prive d’une richesse certaine en ne donnant pas aux femmes la place qui devrait être la leur dans les organes de décision de l’Eglise, et en ne profitant pas de l’expérience des chrétiens mariés pour définir les règles morales. - parce que le discours et le comportement de la hiérarchie sont souvent inadaptés aux réalités concrètes de la vie et aux besoins des gens. - Les collaborateurs laïcs de certains diocèses ne sont pas traités conformément au message évangélique. - L’Eglise n’est pas une démocratie mais il ne lui est pas interdit de promouvoir des moyens d’expression démocratique et de réelle consultation de sa base. - Notre carrefour a insisté sur la promotion des conseils qui organisent un dialogue systématique entre la hiérarchie et les laïcs. Ceux que Vatican II a recommandé d’instituer ne fonctionnent que rarement, quand ils existent ; certains ont arrêté de se réunir. - L’Evangile libère, il donne un sens à notre vie en société. Mais l’Evangile doit aussi être libéré des aspects de l’Institution qui le défigurent. - La préoccupation prioritaire de la hiérarchie devrait être l’Evangile d’amour plutôt que la remise en ordre. - « J’aime bien une phrase du cardinal Alfrinks à propos de l’Eglise de Hollande, qui était un peu turbulente : « C’est une Eglise en recherche, et une recherche, cela procède par essais et erreurs ». Devant les grands défis qui se posent à l’Eglise, je plaide pour le devoir d’être en recherche, d’inventer, que l’on accepte que certains parfois fassent des erreurs. D’ailleurs, elles se corrigent petit à petit toutes seules. Il faut avoir de l’inventivité et de l’imagination. » - « Je voudrais simplement rappeler que la barque de Pierre avance à coup de …..gaffes. » - « : Une Eglise égalitaire ? Je me demande comment on peut vivre à l’heure actuelle dans une Eglise qui ne pratique pas l’égalité entre les femmes et les hommes ; justement dans ce monde où souvent la situation de la femme régresse (voir « le livre noir des femmes »), il s’agit que l’Eglise commence à montrer qu’elle peut, elle, être égalitaire. On ne peut pas propager le message évangélique si on ne pratique pas une véritable égalité entre les hommes et les femmes ! » - « : Je suis d’accord avec Jean Hallet : c’est vrai que comme laïcs, nous avons à prendre la parole, c’est vrai que nous avons à dire des choses à la hiérarchie, à l’interpeller. Mais mon expérience de tant d’années me fait dire qu’il y a eu pas mal de paroles de la part des laïcs, adressées à la société et à la hiérarchie via le CGAL. Il y a eu de nombreux documents, mais ils ont été très peu diffusés, contrairement à ce que nous espérions. Sur toute une série d’interpellations faites, il y a eu peu de retour de la hiérarchie. J’ai dit à plusieurs reprises « Nous avons souvent été écoutés, mais très peu entendus ». - « Je n’ai pas assez souligné, dans l’historique que j’ai fait ce matin, qu’il y avait de ce temps là, des rencontres régulières - à peu près tous les ans - entre le comité du CIL et les Evêques, avec des temps de partage, de célébration et d’échanges. Quand on mange ou boit ensemble, on se rencontre aussi. C’est dans cet esprit-là que nous avons fonctionné et je souhaite que de telles rencontres reprennent, à un rythme régulier. » -28- - « Nous vivons dans un temps où tout se rétrécit dans l’Eglise catholique de notre pays. On n'a moins de moyens qu’avant, alors on rationalise et sans doute ne peut-on pas faire autrement. Mais quand j’entends ce qui se passe un peu partout, j’ai peur. J’ai peur qu’on regroupe, dans les paroisses et autres entités, et que les petites communautés qui vivent de manière fragile mais où ce tissu humain est vivant en paient la note. » - « J’ai entendu les reproches faits à la hiérarchie. Mais je vois dans l’assemblée, le Cardinal et plusieurs évêques qui écoutent les laïcs avec attention. Leur présence n’est-elle pas une belle forme de réponse ? » - « J’ai un grand rêve pour l’Eglise, c’est qu’il s’établisse un réel partenariat entre tous les membres du peuple de Dieu, les laïcs, les prêtres et la hiérarchie, avec de vraies responsabilités pour chacun. J’espère ne pas mourir avant que ce rêve ne puisse se réaliser. » -29- INTERVENTION DU CARDINAL DANNEELS G.D. : Merci Anne. Comme vous le savez, ce n’est que le Pape qui adresse des messages… (rires). Moi, je voudrais d’abord vous remercier pour avoir, pendant cinquante ans, mis en pratique ce qu’a demandé le Concile, à savoir la collaboration entre la hiérarchie - disons l’ensemble des évêques - et le laïcat dans l’Église. Ce n’est pas une formule. Nous avons progressé par des chemins divers, par des tours et des détours, mais le C.I.L. et l’I.P.B. flamand ont donné forme de manière bien concrète à ce désir du Concile. Donc merci de tout, et comme Pierre de Locht vient de l’exprimer, je vous dis : « continuez ! » J’avais préparé un texte, mais après tout ce que j’ai entendu, je vais plutôt vous confier en vrac quelques réflexions. Vous, les laïcs, vous constituez l’interface entre l’Église (en particulier les évêques) et la société. La capacité d’intelligence La première chose qu’il vous faut faire c’est de devenir capables et intelligents, pas seulement dévoués, mais capables intellectuellement aussi, de participer à cette longue culture et ce développement des sciences et des techniques de nos jours. Ce dont l’Église a besoin - et ce ne sont pas les évêques qui vous le diront - c’est l’intelligence (rires). Non mais, j’ai bien réfléchi à mes mots ! (rires accentués). Je crois que c’est le cardinal Danielou qui, au début du XXe siècle, a dit : « Le grand problème de l’Église ce sont la capacité d’intelligence, la qualité de la culture, et la participation complète et totale en y étant partie prenante, aux sciences, à la technique, à la philosophie, à l’art et à la beauté, et pas uniquement dans tout ce qui est scientifique ou culturel, mais aussi dans les domaines de la famille, du couple, de la politique et de l’économie. » C’est là je crois, que se situe l’essentiel de l’humanité, il faut participer sans arrière-pensée au cœur de l’humanité ; ensuite, il faut avoir le courage et l’humilité de le dire, en évitant dans toute la mesure du possible de se tromper de cible. Les valeurs du monde Une deuxième chose : la grande cause que nous devons cultiver et apporter au monde, ce sont les valeurs, qui maintenant, c’est vrai, sont communes à l’Église et au monde. À ce sujet, je me pose une question et je vais risquer une réponse qui ne plaira peut-être pas à tout le monde : d’où viennent ces valeurs qui sont reconnues par la société, qui sont devenues des valeurs humaines et s’inscrivent dans les droits humains ? Je crois indéniable qu’elles viennent de la culture judéo-chrétienne. Cela ne veut pas dire que nous pouvons les accaparer en disant : ce sont les nôtres et pas les vôtres. Cela veut simplement dire que nous portons, nous, une responsabilité particulière de les promouvoir sans en avoir le monopole ni l’exclusivité. Je me pose aussi la question : les grandes valeurs de l’humanité - justice et autres, vous les connaissez - pourrons-nous, en tant qu’êtres humains, les conserver sans avoir quelque part un lien avec une transcendance ? Actuellement, dans le monde, elles sont coupées de toute transcendance. Chesterton a dit un jour : « Les valeurs coupées de leur source transcendante risquent de devenir folles. » Comme explication, il dit : « Le personnalisme, qui est le plus beau fleuron de la culture judéo-chrétienne, si on le coupe de sa source transcendante, il peut devenir et devient une sorte d’individualisme ». C’est un peu à cela que nous assistons pour le moment. Nous ne sommes donc pas propriétaires de ces valeurs, nous n’en sommes même pas les protecteurs, ce sont maintenant les valeurs de l’humanité. Mais nous avons peut-être un rôle à jouer, celui de dire où se trouve la source de l’énergie dont nous avons besoin pour pouvoir conserver ces -30- valeurs saines et profondément humaines. C’est une question, pas une affirmation. On entend dire de temps en temps : « Mais ces valeurs originellement judéo-chrétiennes, on les aurait probablement aussi reconnues si le christianisme n’avait pas existé, on les aurait peut-être trouvées nous-mêmes. » On aurait pu. Mais pour moi, c’est une question qui n’a pas de sens. C’est comme se demander quelle couleur aurait l’herbe si elle n’était pas verte ? Elle est verte. Ces valeurs sont judéo-chrétiennes. Nous avons sans doute eu trop tendance, en observant les valeurs du monde et surtout les contre-valeurs qui sont cultivées à côté, de nous adresser au monde avec une éthique surtout négative, une éthique d’interdits : non, non, non ! Si on réfléchit bien, tout interdit est l’autre versant d’une valeur positive, d’un commandement. « Tu ne tueras point ! » C’est un interdit. C’est l’autre face d’une médaille disant « Tu aimeras la vie ! ». Pourquoi ne pas dire d’abord au monde les valeurs positives plutôt que de continuer à dire : « Tu ne tueras point » ? Vous me direz : « Oui, mais les dix commandements de Dieu sont exprimés négativement ! » Je crois que c’est parce que nous étions encore des petits enfants, au moment où nous les avons reçus. C’est à un enfant qu’on dit : « Tu ne toucheras pas à cela. Tu te tiendras bien à table ». C’est négatif, l’autre face de quelque chose de positif. On a dit beaucoup de mal du pape actuel au début de son pontificat, et surtout avant. Observez bien : deux fois au moins dans les derniers temps, il a dit qu’il fallait s’adresser positivement au monde. Ainsi, dans un domaine où l’Église a été très négative, celui du couple et de la famille, au congrès sur la famille à Valence, il a loué le couple et la famille, sans jamais dire : « Tu ne feras pas ceci ou cela ». Dire Dieu Une troisième chose : Ce qui est aussi important pour les chrétiens, c’est qu’en vivant avec et dans le monde, « on garde Dieu au-dessus de la mêlée » comme le disait Martin Bubble. Garder dans la société la nostalgie de Dieu, cela veut dire garder une fenêtre ouverte sur Dieu dans le firmament, que la culture ne s’enferme pas dans une espèce d’autosuffisance. Il est important de dire Dieu dans la société. Pierre de Locht a dit : « Rendre compte de l’espérance à celui qui nous le demande. » C’est tout à fait exact, c’est l’épître de St Pierre. Mais peut-être faut-il vivre de telle façon qu’on nous pose des questions, que l’on nous le demande. Ma belle-sœur me disait un jour, elle est très chrétienne – c’est une belle-sœur, pas une sœur, c’est donc d’autant plus méritoire (rires) – elle me disait : « En famille, à table chez nous, je ne peux jamais parler de choses religieuses, car on n’y croit pas. Que dois-je faire ? » Je lui ai dit : « Pour le moment, rien sauf de vivre de façon telle qu’ils disent : "Qu’est-ce qu’elle a ? Elle n’est pas bien !" (rires), vivre de façon telle que ce que tu vis pose question, de sorte qu’ils vont demander quelque chose. » – « Oui, mais cela peut durer longtemps ? » – « Oui, cela peut durer longtemps. Dieu a de la patience. » Vivre de telle manière qu’on nous demande de rendre compte de notre espérance. Comment faire ? Il y a deux manières d’évangéliser et toutes deux sont dans l’Écriture. La première façon, c’est de taper presque avec un marteau sur les autres. C’est la conversion de saint Paul : « Paul, pourquoi me persécutes-tu ? ». Et Paul a pratiqué cette méthode. Certains mouvements évangéliques, surtout en Amérique, pratiquent cette prédication un peu incisive et directe. Je ne sais pas si elle est tellement adaptée à notre époque, et surtout à notre société de vieille culture européenne. Il y a une autre façon de faire, et elle a été pratiquée aussi par saint Paul, à Athènes, sur l’aéropage. Paul parle de ce que ses auditeurs voient et pratiquent : « Quand je suis entré dans cette ville j’ai vu une multitude de dieux. J’en ai même vu un devant lequel il était marqué "Au dieu inconnu !" Tous vos poètes parlent des dieux. Et bien je viens vous annoncer quelque chose : je l’ai trouvé, l’introuvable ! ». Cela n’a pas complètement réussi, il faut le savoir, car à la fin, quand Paul a commencé à parler de la résurrection des corps, les Grecs ont dit : « On entendra la suite demain, maintenant on va manger ! »… Ils ne sont jamais revenus. -31- L’espérance Deux remarques pour terminer : Les jeunes. C’est depuis cinquante ans que j’entends définir les jeunes : ils sont comme ceci, ils sont comme cela, ils sont différents de nous. Mon expérience est qu’ils sont exactement comme nous, mais seulement, ils le disent beaucoup plus facilement. Ne disons pas ce que sont les jeunes ; laissonsles le dire eux-mêmes. Ils m’étonnent tous les jours, mais dans des sens opposés. Certains jours je m’étonne de leur indifférence : comment est-ce possible de vivre si superficiellement ? Et d’autres jours, quand j’en vois et en rencontre, je me dis : « Mais tu es – dans le bon sens – plus naïf que je ne l’étais à ma première communion ! » Les lieux. Il y en a pas mal. Il y a des lieux géographiques, physiques, mais il y a aussi des lieux que j’appellerais évènementiels. De temps en temps, il faut organiser un évènement. Bruxelles 2006 en est un exemple. Nous avons pris un énorme risque en montant cette manifestation. Si cela avait échoué, il ne fallait plus recommencer quelque chose de semblable dans les cinq prochaines années. On a pris le risque, et vous avez vu. Il faut de temps en temps donner aux chrétiens l’occasion, sans triomphalisme, de se rencontrer un bon coup aussi, à côté de beaucoup d’autres activités. Parce que le plus grand défi, je crois, la plus grande difficulté pour les chrétiens, c’est d’être seul, isolé. Ce qu’il faut leur dire, ce n’est pas grand chose, mais il faut le dire simplement. Ce qu’il faut toujours faire et dire, et c’est peut-être cela la première tâche de la hiérarchie, c’est de garder l’espérance. Dieu dit : « La foi, ça ne m’étonne pas ; ils peuvent la perdre, et de temps en temps ils la retrouvent. L’amour et la charité, cela ne m’étonne pas, car ils en sont les premiers bénéficiaires quand ils s’aiment les uns les autres. Mais l’espérance, dit Dieu, cela m’étonne qu’ils continuent à espérer. » Si nous perdons la foi, c’est grave mais c’est …une arythmie du cœur, cela se contrôle avec quelques médicaments bien adaptés. Quand on perd la charité, c’est très grave : c’est l’infarctus, mais on peut en réchapper. Ils courent les rues, les gens qui ont subi des pontages. Il n’y a d’ailleurs que deux sortes de personnes dans la société : les pontés et les pontables (rires). Mais quand on perd l’espérance, c’est un arrêt du cœur, c’est définitif. La toute première lettre pastorale que j’ai écrite à Anvers, avant le carême de 1978, portait comme titre « Le ministère de l’encouragement ». Elle reste encore toujours non seulement la première, mais la meilleure ! Merci ! CONCLUSIONS Paul Löwenthal P.L : Merci, Monsieur le Cardinal. Il n’est pas question de faire une synthèse de cette journée ; à ce stade, je n’en serais pas capable. Mais je vais en relever l’un ou l’autre trait avant d’adresser mes nombreux remerciements. Être ouverts Le pape Jean-Paul II, au début de son pontificat, avait lancé cet appel : « N’ayez pas peur » et vers la fin de son pontificat, il a repris l’expression « Duc in altum – Voguez au large ». C’étaient deux envois. Nous les avons pris au sérieux. Le mot clé qui correspond à ces deux exhortations, c’est celui d’ouverture. Au cours de la journée, on a évoqué à plusieurs reprises l’ouverture préférentielle aux petits, aux pauvres, aux démunis, aux sans-papiers. On a parlé aussi des catholiques d’autres sensibilités que la nôtre, des croyants d’autres religions, et des incroyants. Je voudrais ici remercier Pierre de Locht pour ce qu’il a dit du dialogue avec les laïques, car c’est un sujet qui me tient personnellement fort à cœur. Je pourrais aussi parler d’ouverture à la hiérarchie. Nous sortons d’une période – nous, le C.I.L., mais bien des catholiques y sont encore – de méfiance mutuelle : les évêques se méfiaient des laïcs, ces gens qui n’ont pas étudié la théologie, qui racontent et font à peu près n’importe quoi sous prétexte d’écouter leur conscience, et les laïcs se méfiaient de la hiérarchie parce qu’ils redoutent une doctrine figée, inadaptée au temps présent, aux défis qu’ils nous lancent et donc inadaptée aux moyens dont nous pouvions disposer pour vivre notre foi dans cette société. J’ai plaisir à dire que les relations du C.I.L. avec les évêques se sont nettement améliorées au cours des dernières années. Pour la première fois depuis de longues années, en tout cas depuis dix ans que je suis au C.I.L., ils nous ont demandé d’investir certains dossiers. Merci ; là nous avons l’impression d’être pris au sérieux, encore plus que par votre présence, même si nous sommes très heureux que vous soyez là. Jacques Vermeylen s’est inquiété de l’unanimité affichée pour cette ouverture. Mais il ne s’agit pas d’une unanimité sur un point, sur une conviction particulière, mais d’une unanimité en faveur d’une diversité féconde, que nous devons aborder avec conviction et dans la proximité - je reprends le mot de Brigitte – car on ne fait un dialogue de convictions qu’entre des convictions, et en acceptant le risque de remise en cause. Quand on dialogue vraiment avec des gens d’autres convictions, que ce soient des opinions politiques, sociales aussi bien que religieuses ou philosophiques, on rencontre des arguments, on reçoit des témoignages qui vous touchent et qui peuvent vous inciter à évoluer. Notre pensée d’aujourd’hui n’est pas celle d’il y a trente ans. La foi évolue, comme toute foi vécue. Ce n’est évidemment pas compatible avec la culpabilisation sur la dette dont on nous a parlé ce matin, mais ce ne l’est pas non plus de se concentrer sur une doctrine qui risque de nous bloquer, a fortiori si elle nous parait figée. Travailler avec la diversité Pour reprendre les mots de l’un des carrefours, « Il nous faut libérer l’Évangile pour que l’Évangile puisse libérer ». Nous devons le faire tous, là où nous sommes, là où nous avons les pieds. Et pour le C.I.L., qui n’est pas toute l’Église mais qui n’est pas non plus le tout de chacun d’entre nous, cela veut dire parler, intervenir, appuyer, argumenter, débattre avec d’autres, prendre des positions au travers et au-delà des diversités qui existent en son sein. Nous essayons de le faire avec deux maîtres-mots : nous voulons travailler de façon conviviale et collégiale. Conviviale, cela veut dire qu’il ne s’agit pas seulement de faire efficacement ce que nous voulons faire. Nous ne sommes ni un conseil d’administration, qui limite son travail à des faits et des -34- chiffres, ni une assemblée parlementaire où les décisions se prennent en fonction de rapports de force. Nous sommes une cellule d’Église diversifiée avec un noyau de foi commun et nous essayons de nous déterminer dans l’esprit d’une cellule chrétienne. Mon expérience de dix ans au C.I.L. me suggère que nous y réussissons plutôt bien. Pour la collégialité, c’est plus compliqué. Quand nous réunissons l’assemblée générale, nous n’avons pas besoin d’un auditoire aussi grand que celui-ci, tant s’en faut. Nous avons un problème réel, qui n’est pas propre au C.I.L., mais qu’on retrouve dans tout l’associatif : nous avons un problème de mobilisation de ressources humaines, parce qu’il y a de moins en moins de chrétiens affirmés parmi lesquels nous pouvons puiser, parce que ces chrétiens sont déjà très sollicités et que, moins nombreux, ils doivent prendre en charge tous les problèmes nouveaux qui apparaissent dans une Église qui vit. Quand on vient leur demander en plus de venir au C.I.L., dans un engagement qui se situe pour eux au deuxième ou au troisième degré, ils lèvent les bras au ciel ou, pour employer une formule moins religieuse, ils laissent tomber les bras, ils ne sont plus à trouver. Ce n’est pas qu’ils soient fainéants, égoïstes ou réfugiés dans leur confort, au contraire, ils sont tellement actifs qu’on ne peut leur demander plus. Je vous en reparlerai après les remerciements que j’entame maintenant. Remerciements Je voudrais d’abord remercier le groupe qui a préparé cette journée, qui a pris en main son organisation, sous la houlette de Philippe Englebert. (applaudissements). J’ai été d’autant plus heureux du travail de ce groupe qu’il a fait appel aux anciens, ceux qui ont fait l’histoire du CGAL et du C.I.L. Je citerai le premier secrétaire général du Conseil, Pierre de Locht, qui fut très actif dans ce groupe, mais aussi Jacques Briard, ancien président et Monique Van Assche, ancienne vice-présidente. Je veux aussi remercier tous ceux qui ont contribué à la bonne marche de cette journée, dans la préparation, l’intendance, et la gestion. Ce sont les membres de l’assemblée générale qui ont mis la main à la pâte de l’une ou l’autre façon, par exemple le représentant des supérieurs majeurs religieux occupé à des tâches bien matérielles comme serviteur des serviteurs de Dieu. Je remercie cordialement les parents et les amis, qui sont venus nous donner un coup de main en ce jour. Merci aux anciens présidents Jacques Briard, Claude Clippe et Bernard Crespin, et à notre ancien conseiller théologique Paul Tihon, qui nous ont fait l’honneur et le plaisir non seulement d’être parmi nous aujourd’hui, mais aussi d’intervenir dans les carrefours ou dans le débat de cet après-midi. Un merci tout particulier à nos deux permanentes, Geneviève Sannikoff et Léa Fotso qui ont été depuis plusieurs semaines au four et au moulin et qui n’ont pas encore fini en ce moment. Merci au jobiste qui a assuré l’enregistrement. Grâce à lui, nous pourrons disposer d’un document exhaustif de tout ce qui a été dit. C’est chaleureusement que je remercie les orateurs de ce jour : Jacques Briard, qui a retracé en détails, avec beaucoup de soin, l’évolution du Conseil depuis sa création ; Pierre de Locht, Brigitte Laurent et Christian Laporte, pour la richesse de leurs exposés, la finesse de leurs analyses, l’intérêt de leurs recommandations. Et vous me permettrez, Monsieur le Cardinal de vous remercier pour votre confiance, pour vos encouragements à continuer, pour vos paroles et recommandations pleines de sagesse et d’humour. (applaudissements). Un grand merci aux animateurs et secrétaires de carrefours. Pour ces derniers, le travail n’est pas achevé : ils doivent encore en effet mettre de l’ordre dans leurs notes et nous les transmettre. Enfin merci à vous tous car si cette journée a pu être conviviale et, je l’espère féconde en ce compris pendant le buffet qui a permis de fructueux contacts, c’est grâce à vous, qui êtes venus nombreux exprimer vos convictions, dans les carrefours ou dans le débat plénier. -35- Appel aux bonnes volontés Et voici venu le moment où mes remerciements dérapent quelque peu, pour se transformer en demande pressante. Je vous l’ai dit, nous manquons de forces vives. Le C.I.L. n’est pas une association à laquelle on s’affilie. Notre Conseil est constitué de délégués de mouvements, d’associations, de diocèses mais aussi, en proportion croissante, de personnes cooptées en raison de leur milieu de vie, de travail ou d’engagement. Nous pouvons ainsi mailler l’ensemble de la société francophone belge et par là, être représentatifs de tous ces lieux de présence et d’action. Si vous connaissez des gens que vous imagineriez bien faire partir du C.I.L., faites-le nous savoir. Vous pouvez aussi, comme Patrick De Bucquois l’a exprimé en tant que père de famille, ne pas souhaiter consacrer quatre samedis par an aux assemblées du C.I.L., et ajouter cette présence à vos engagements de week-end, d’autant qu’on risque fort de vous demander de vous mobiliser encore dans une commission, un groupe de travail, ou pour l’élaboration d’un dossier ! Mais vous avez peut-être quand même quelque chose à nous apporter, une compétence dans l’un ou l’autre domaine qui nous intéresse, car lorsque nous prenons position nous ne le faisons pas seulement entre nous, avec nos maigres forces, l’intelligence vient aussi de l’extérieur du C.I.L. Ou alors, vous avez peut-être un minimum de temps à consacrer pour servir de relais local au C.I.L. En effet, nous regrettons nous-mêmes d’être trop centrés sur Bruxelles, le Brabant wallon en ne débordant que légèrement sur le Hainaut ou le Namurois. C’est un fait, nous avons des difficultés à disposer de relais à Tournai ou à Arlon. Si donc vous avez la possibilité, vous ou des personnes de votre connaissance, de nous aider en cela, merci de nous le faire savoir. Merci, merci à tous pour ce que vous nous avez apporté et ce que vous avez apporté les uns aux autres, et, je l’espère, à une prochaine occasion.