Quand les enfants hyperactifs deviennent adultes
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Quand les enfants hyperactifs deviennent adultes
Quand les enfants hyperactifs deviennent adultes Dr Pierre OSWALD Service de Psychiatrie, Cliniques Universitaires de Bruxelles, Hôpital Erasme, Bruxelles, Belgique Le Trouble Déficitaire de l'Attention/Hyperactivité ne touche pas exclusivement l'enfant. Lorsqu'il persiste à l'âge adulte, il constitue une pathologie invalidante en raison des troubles associés, de leurs répercussions sociales et des comorbidités importantes. Le TDAH (Trouble Déficitaire de l'Attention/Hyperactivité) a longtemps été considéré comme un t rouble spécifique de l'enfant. On sait aujourd'hui qu'il s'agit d'un trouble associé à d'importants dysfonctionnements et qui peut, dans près de la moitié des cas, persister à l'âge adulte. La prévalence est évaluée entre 1 % et 4 % de la population générale. Comme chez l'enfant, le TDAH se caractérise par des troubles attentionnels, une hyperactivité motrice et un t rouble du contrôle des pulsions. TROUBLES ATTENTIONNELS Le processus attentionnel est p e rturbé : il existe une distractibilité invalidante, des difficultés à soutenir l'attention et une tendance à l'hyperfocalisation, en particulier pour les tâches stimulantes et susceptibles d'apporter une gratification immédiate. Les patients hyperactifs sont enclins à la procrastination, s'ennuient rapidement et gèrent difficilement le temps, leurs activités et leurs priorités. HYPERACTIVITÉ MOTRICE Plus discrets que les enfants, les adultes atteints de TDAH manifestent leur hyperactivité par une impatience intérieure. On note néanmoins souvent des mouvements des mains et des jambes, « incontrôlables » selon les patients. Ils ont un besoin permanent de bouger et de multiplier les activités, re c h e rchant les sensations fortes. Avec comme conséquence une difficulté à se détendre. TROUBLE DU CONTRÔLE DES PULSIONS Les symptômes d'impulsivité peuvent se limiter à une impatience, à une tendance à couper la parole à ses interlocuteurs et à imposer sa présence dans les discussions. Les patients perdent facilement leur sang-froid et peuvent développer des symptômes compatibles avec un trouble de personnalité antisociale, en particulier si le TDAH est associé à un trouble des conduites durant l'enfance. Les patients se plaignent fréquemment de labilité émotionnelle et d'instabilité personnelle et professionnelle. Les répercussions du TDAH Une fois adultes, les patients hyperactifs multiplient les échecs scolaire s et professionnels. La confiance en soi est limitée. Au travail, si c e rtains deviennent de véritables « workaholics », ils ont tendance à entreprendre de multiples tâches sans pouvoir les planifier et les achever, et supportent mal toute autorité. Les patients TDAH changent d'ailleurs plus souvent de travail et sont plus fréquemment licenciés 6 que les sujets non atteints. Les relations sociales sont instables et l'isolement fréquent. Plusieurs études ont montré que le TDAH était associé à des comportements dangereux au volant et à des conduites sexuelles à risque. La vie familiale est un vrai défi pour les adultes hyperactifs, chargés de gérer des horaires stricts et d'abandonner des activités hautement stimulantes pour aller chercher leurs enfants à l'école ! DES COMORBIDITÉS INVALIDANTES Peu de patients se présenteront en consultation de psychiatrie avec des plaintes de TDAH à l'avant-plan. Le diagnostic est souvent posé à l'occasion d'une décompensation a n x i o - d é p ressive, révélatrice d'un « fonctionnement » hyperactif et confirmé par une anamnèse exhaustive. Une étude récente a montré que plus de deux tiers des patients ont présenté ou présenteront un ou plusieurs troubles psychiatriques associés. Les troubles du sommeil sont également très fréquents et doivent être investigués, par une polysomnographie si possible. Les hyperactifs le restent également la nuit et on décrit une latence d'endormissement augmentée, une incidence élevée de parasomnies et de mouvements des jambes. L'investigation des paramètres de sommeil est indis- pensable car elle peut mettre en évidence des dysfonctionnements spécifiques, avec pour conséquence un traitement particulier. UN TROUBLE GÉNÉTIQUE Les données issues des études familiales et d'adoption confirment le caractère génétique du TDAH. Les parents du premier degré d'un patient présentant un TDAH auraient 4 à 10 fois plus de risques d'être atteints que dans la population générale. Les études de jumeaux ont également démontré que l'héritabilité (part de l'étiologie liée à des facteurs génétiques) était de 0,8 ; l'une des plus élevées en psychiatrie en comparaison, par exemple, à la dépression (0,5) et aux troubles bipolaires (0,7). Par ailleurs, des facteurs environnementaux semblent également importants aux côtés des facteurs génétiques : consommation de tabac durant la grossesse, prématurité, hypoxie néonatale. Les études de génétique moléculaire n'ont pas pu permettre de définir l'un ou l'autre gène directement impliqué dans l'étiopathogénie du TDAH, malgré des résultats encourageants sur les gènes liés aux voies dopaminergiques, comme le gène transporteur de la dopamine (DAT). On évolue plutôt vers un modèle polygénique, associant de nombreux polymorphismes génétiques définissant une susceptibilité génétique et des facteurs environnementaux, à l'image de ce qui se passe dans l'hypertension artérielle ou le diabète. DYSFONCTION NEUROPSYCHOLOGIQUE ET ANOMALIES CÉRÉBRALES Les récentes études neuropsychologiques ont mis en évidence, chez l'enfant comme l'adulte, des troubles attentionnels purs et plusieurs anomalies exécutives. Parm i les fonctions exécutives, l'inhibition exécutive (à opposer à l'inhibition motivationnelle) entre en action lorsqu'une tâche ou une pensée doit être interrompue. Cette fonction est déficiente dans le TDAH. Par ailleurs, des similitudes phénotypiques ont été mises en évidence avec les patients présentant une lésion frontale traumatique. Ces éléments ont permis de suggérer que le TDAH est lié à une dysfonction fronto-striée, le lobe frontal n'exerçant pas correctement son rôle inhibiteur. Si les études d'imagerie cérébrale restent limitées chez l'adulte, elles tendent à confirmer cette hypothèse, associant dysfonction fronto-striée et anomalies des stru c t u res impliquées dans les fonctions d'attention et exécutives. Dopamine et noradrénaline Tant les études précliniques que cliniques ont montré des dysfonctions dopaminergiques et n o r a d r é n e rgiques. Par exemple, le méthylphénidate, traitement de base du TDAH, augmente les taux extracellulaires de dopamine en bloquant le transporteur de la dopamine (DAT) en tomographie par émission de positons (PET). Des anomalies dopaminergiques et noradrénergiques ont été re t rouvées au niveau du cortex préfrontal des sujets atteints. Ces données confirment le terrain neurobiologique du TDAH et valident son existence chez l'adulte. Démarche diagnostique La mise au point devra comprendre une évaluation développementale exhaustive. Selon le DSM-IV, le diagnostic de TDAH requiert la présence de symptômes avant l'âge de 7 ans. Ils doivent être permanents (même s'ils sont souvent fluctuants), présents dans au moins deux environnements (au travail et en famille par exemple), invalidants et occasionner une gêne fonctionnelle. L'examen mental doit également être complet, à la recherche d'éventuelles comorbidités. Une série d'échelles ont été développées et sont particulièrement pratiques pour évaluer la sévérité et l'évolution symptomatique. Rappelons 7 l'importance de l'hétéroanamnèse et de certains examens paracliniques (polysomnographie et testing neuropsychologique). Approches thérapeutiques L'éducation et le soutien constituent les pre m i è res étapes essentielles du traitement. Il est important pour le patient de lui apprendre que les difficultés qu'il rencontre font partie d'un syndrome connu et traitable. Plusieurs centres ont développé des modules de psychoéducation, dont le rôle est d'apporter une information exhaustive sur le TDAH et de soutenir certaines stratégies d'adaptation comportementale. L'approche médicamenteuse est indiquée dans les situations invalidantes. En première intention, les psychostimulants (principalement le méthylphénidate) sont associés à une réponse positive à court terme dans près de 80 % des cas, à des doses variant de 0,5 à 1,5 mg/kg/j. Peu de données existent concernant les autres traitements. À ce jour, des données positives existent pour l'atomoxétine, le modafinil, le bupropion et certains antidépresseurs tricycliques (en particulier la désipramine). Les approches psychothérapeutiques les mieux étudiées sont les thérapies cognitivocomportementales, particulièrement indiquées pour l'apprentissage de comportements de compensation. CONCLUSION Le TDAH est, chez l'adulte, une pathologie invalidante marquée par un taux élevé de comorbidités. Le traitement est efficace dans la plupart des cas. Il reste donc à améliorer l'information autour de ce syndrome, malheureusement peu connu des psychiatres. Bibliographie • Seidman LJ, Valera EM, Bush G. Brain function and structure in adults with attentiondeficit/hyperactivity disord e r. Psychiatr Clin N o rth Am. 2004;27:323-347. • Weiss M, Murray C. Assessment and management of attention-deficit hyperactivity disorder in adults. 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