Atelier 8 : Étude de cas : le quartier de la Paillade à Montpellier

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Atelier 8 : Étude de cas : le quartier de la Paillade à Montpellier
Atelier 8 : Étude de cas : le quartier de la Paillade à Montpellier
Montpellier : un territoire pilote
Le lundi 9 novembre 2015, Madame la Ministre présentait la démarche engagée pour
renforcer la mixité sociale dans les collèges. Dix-sept départements pilotes, parmi lesquels
l’Hérault, seraient mobilisés pour concevoir et mettre en œuvre des solutions concrètes.
Dans l’Hérault, un territoire s’impose presque « naturellement » : celui du Nord-Ouest de
Montpellier. Il concentre plusieurs établissements en éducation prioritaire, dont l’un, le
collège Las Cazes est devenu, progressivement et bien malgré lui, l’illustration médiatisée de
la question de la mixité.
Entendre la demande de mixité
Pour comprendre comment ce collège a pu susciter ainsi autant d’attention, il convient de
préciser quelques éléments du contexte.
Attractive, la ville de Montpellier reçoit chaque année de nouveaux habitants en grand
nombre. L’augmentation régulière des effectifs interroge fortement les modalités d’accueil et
la sectorisation des écoles et des collèges, contraignant les collectivités compétentes à une
vigilance constante pour que tous les nouveaux élèves soient scolarisés dans de bonnes
conditions.
Ainsi, en 2013, parce que le collège Rabelais a dépassé ses capacités d’accueil, le conseil
général propose de modifier la sectorisation et de réorienter une partie de ses élèves vers un
autre établissement, le collège Las Cazes.
Le projet concerne des enfants scolarisés dans l’une des deux écoles élémentaires d’un
quartier relevant de la politique de la ville, celui du Petit Bard-Pergola. Un collectif de parents
se forme pour dénoncer cette modification de la carte scolaire, l’argument essentiel étant que
le collège Las Cazes n’offre aucune mixité sociale et ethnique.
Au moment où le pays se mobilise sur la transmission des valeurs de la République et où la
question de la mixité sociale est posée avec plus de force que jamais, le mouvement de ces
parents représentés par plusieurs femmes trouve un écho exceptionnel et bien au-delà des
médias locaux et nationaux. A titre d’exemple, le 2 avril, deux représentantes du collectif
ouvrent les assises départementales consacrées aux valeurs de la République. Le 20 mai, le
collectif est invité à la journée d’étude publique organisée par l’Université Paul Valéry qui lui
donne la parole dans le débat portant sur « les modalités d’un vivre ensemble plus égalitaire,
plus démocratique ». Le 4 juin, à Paris, il intervient en ouverture de la conférence de
comparaisons internationales sur les mixités à l’école. Le débat dépasse la seule question de
la sectorisation du collège et s’ouvre sur l’ensemble de la problématique dont elle relève.
Celles qui s’expriment au nom du collectif se montrent attentives à la coïncidence entre leur
mouvement et le projet politique exposé par le ministère de l’éducation nationale depuis la loi
dite de refondation de l'École de la République. Elles se réfèrent aux textes, décrets,
circulaires, qui ont suivi la loi. Cette même « coïncidence » explique sans doute pourquoi, dès
que le sujet de la mixité est abordé au niveau national, les médias se déplacent à Montpellier
pour rencontrer le collectif.
S’entendre sur la mixité au collège
La question du collège Las Cazes n’est pas la préoccupation première du collectif dont le
mouvement s’est construit contre le projet conduisant les enfants du quartier y être scolarisés.
Au regard de sa situation, de sa sociologie, l’établissement est au cœur de l’expérimentation
que l’académie se propose de mener.
Transmission des valeurs républicaines, laïcité, développement de la citoyenneté, culture de
l’engagement, mais aussi mixité sociale et lutte contre toutes les inégalités fondent le projet
dont l’académie s’est dotée. Sous l’impulsion du recteur, a été élaboré un plan stratégique
académique pour l’appropriation des valeurs de la République, conçu avec les partenaires de
l’Ecole et la communauté éducative et largement diffusé.
La contribution de l’académie à l’expérimentation voulue par la ministre s’inscrit dans cette
dynamique. La collaboration est exemplaire entre l’académie et le département. Aussi les
deux partenaires s’accordent-ils sur les objectifs, sur la nécessité de partager les analyses, de
concevoir et de mettre en œuvre des réponses adaptées et efficaces, chacun selon ses
compétences. Le travail mené porte sur le collège lui-même.
L’idée de modifier la sectorisation n’est pas retenue. Le secteur de recrutement du collège est
composé d’écoles en éducation prioritaire et d’autres qui n’y sont pas. La carte scolaire
devrait lui permettre d’être mixte socialement et ses capacités, d’accueillir 800 élèves.
Pourtant seuls 380 élèves le fréquentent. Autrefois établissement recherché, il a perdu son
attractivité, sans doute en raison d’incidents anciens qui ont durablement entaché sa
réputation.
Malgré une équipe enseignante fortement mobilisée dans des projets exigeants, des
pédagogies innovantes, l’image du collège est dégradée. Il souffre d’une comparaison
constante avec d’autres établissements de la ville. Il est victime de choix de ceux qui
inscrivent leurs enfants dans d’autres établissements ou qui, si elles n’y parviennent pas,
préfèrent déménager et quitter le secteur. Parmi les motifs invoqués, revient ce soupçon sur le
niveau des élèves scolarisés. Des familles craignent la difficulté d’intégration d’adolescents
différents socialement, économiquement, culturellement. La proposition d’un secteur multicollèges ne semble pas davantage adaptée au territoire.
L’académie et le conseil départemental retiennent les exemples récents
de deux
établissements montpelliérains, un lycée et un collège, redevenus attractifs après avoir connu
un évitement massif et qui accueillent aujourd’hui un public mixte. Cette transformation est le
résultat d’une volonté forte et partagée de l’académie et des collectivités, qui s’est traduite à la
fois par un renforcement de l’offre proposée (plusieurs sections internationales) et par une
amélioration des locaux, des équipements, voire, pour le lycée, de ses conditions d’accès par
les transports. Les élèves du collège Las Cazes relèvent du secteur de ce lycée
« international ».
Ainsi, la méthode a fait ses preuves à Montpellier. Parents élus rencontrés, équipes, tous en
attestent et s’y réfèrent lors des réunions organisées. Le collège proposera de nombreux
projets, dans des logiques de continuité des apprentissages avec les écoles de secteur, mais
aussi les lycées de la métropole et les établissements d’enseignement supérieur. Tous les
élèves auront la possibilité de s’inscrire dans des parcours d'excellence avec des projets
pédagogiques innovants.
Parcours linguistiques diversifiés et ambitieux, dans une logique de continuité des
apprentissages, de l’école élémentaire au lycée, avec trois langues, une bilangue anglaisallemand et une section internationale anglo-américaine organisée en réseau avec le collège
proche plus mixte socialement. Dans l’académie, cette section internationale ne sera proposée
que sur ce site.
Parcours « arts de la scène » ouvrant sur des poursuites possibles dans plusieurs lycées. Le
conseil départemental, très engagé dans une politique artistique et culturelle, met ses
ressources à disposition. Aux côtés de l’académie, il accompagnera le collège dans ses
partenariats avec des structures culturelles.
Parcours sportifs, en lien avec associations et clubs professionnels, le Basket Lattes
Montpellier Agglomération, la ligue régionale de judo, mais aussi le Montpellier Rugby Club
qui choisit ce seul collège pour qu’y soient scolarisés et entraînés filles et garçons, de
l’académie ou d’ailleurs, volontaires pour pratiquer au sein de l’école de rugby du club.
Parcours d’excellence, pour soutenir l’ambition des élèves à la poursuite d'étude au lycée et
dans le supérieur, dans les domaines scientifiques, techniques ou professionnels, en langues
et cultures, en partenariat avec des lycées de Montpellier, des universités, et des écoles
supérieures, tous ayant formalisé leur engagement auprès du collège.
Enfin, parcours numérique pour tous les élèves, le collège devenant le troisième collège
numérique de l’Hérault.
Il s’agit ainsi d’ouvrir tous les possibles pour les élèves qui, du secteur ou hors secteur,
viendront au collège. La notion de parcours, essentielle, implique une continuité. D’où un
travail mené en cohérence sur les écoles du secteur. Dans deux écoles élémentaires sera aussi
créée une section internationale anglaise. Pratiques théâtrales, sportives, enseignement
renforcé des sciences, tout est reconsidéré au sein des écoles dans le cadre de ces parcours.
Partager les enjeux avec tous les acteurs pour réussir la mixité
L’action du ministère en faveur de la mixité s’est logiquement inscrite dans la mobilisation
générale de tous les territoires de la politique de la ville, avec la récriture des contrats de ville,
confortée par les travaux du comité interministériel Egalité et Citoyenneté pour l’égalité et la
cohésion sociale, tous affirmant l’enjeu essentiel de ce travail sur la mixité sociale.
A Montpellier, la question de la mixité a été explicitement posée lors de l’élaboration du
nouveau contrat de ville signé le 10 juillet 2015. Deux des sept priorités la concernent et sont
ainsi formulées : « mobiliser l’ensemble des communes et quartiers de la Métropole pour une
véritable mixité de l’habitat ; renforcer la mixité dans les établissements scolaires, de la
maternelle au lycée ». La seconde est développée à travers les projets d’actions menées en
partenariat pour une mixité à l’école, au collège et « dans tous les lieux éducatifs en
développant les coopérations et l’accompagnement des familles ». Lors des ateliers, les
institutions ont pu conforter leur engagement et formaliser leur collaboration. Tous les leviers
devront être activés pour surmonter des difficultés qui ont conduit le Préfet à retenir la « lutte
contre les replis communautaires » comme une approche transversale départementale pour
l’ensemble des contrats de ville. Une mission a été confiée à un inspecteur de l’éducation
nationale détaché auprès du préfet au sein de la Direction Départementale de la Cohésion
Sociale (DDCS). Le débat et les travaux s’orientent sur les écoles, plus dépendantes encore du
territoire dans lequel elles sont implantées, sur les temps scolaire et périscolaires. La caisse
d’allocations familiales, très mobilisée sur les projets éducatifs de territoire, est prête à
soutenir les actions qui offriraient aux enfants et aux jeunes des opportunités culturelles ou
sportives hors de leur quartier. Tous les acteurs se rejoignent sur la nécessité de se doter
d’outils fiables pour poursuivre et partager les analyses, les constats, et pour co-construire et
fonder les réponses pertinentes.
Il convient de reconnaître l’égale dignité de tous les acteurs concernés, tous citoyens engagés
dans le traitement de ces questions, dont les équipes enseignantes, mobilisées et soucieuses de
conforter leurs connaissances et d’éclairer leurs choix collégiaux ou individuels ; les familles
dont le collectif a souligné les capacités à se former et à s’émanciper ; les élèves qui ont un
rôle à jouer dans la mise en œuvre. Il importe d’agir ensemble contre les émotions, les
rumeurs, les stéréotypes qui continuent à séparer, à opposer, et que ceux-là même qui en sont
les victimes s’approprient pour s’y conformer, autant d’obstacles au vivre ensemble, aux
apprentissages et à la mixité.
Anne-Marie Filho
Inspectrice d’académie
Directrice académique des services de l’éducation nationale de l’Hérault