Document joint - Association pour la santé publique du Québec
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Consultation de Santé Canada sur les emballages des produits du tabac 31 août 2016 Une question de santé durable ! 1 AUTEURE Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) Ce mémoire est produit par l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) Le genre masculin utilisé dans ce document désigne aussi bien les femmes que les hommes. Toutes les citations dans le document sont des traductions libres. ISBN : 978-2-920202-69-6 Tous droits réservés. La reproduction, par quelque procédé que ce soit, la traduction ou la diffusion de ce document sont interdites sans l’autorisation préalable de l’Association pour la santé publique du Québec. Cependant, la reproduction partielle ou complète de ce document à des fins personnelles et non commerciales est permise, à condition d’en mentionner la source. © Association pour la santé publique du Québec, 2016 CONSULTATION SUR LA « BANALISATION DES EMBALLAGES » DES PRODUITS DU TABAC 2 PRÉSENTATION DE L’ASPQ Historique Fondée en 1943 sous le nom de Société des hygiénistes de la province de Québec, l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) regroupait alors des médecins, des infirmières et des hygiénistes. En 1974, elle adopte son nom actuel et ouvre ses portes à des gens provenant tant des sciences humaines et sociales ainsi que des sciences de l'éducation sans oublier le secteur communautaire. Elle accueille également des citoyens engagés et divers partenaires. Notre mission L’ASPQ regroupe citoyens et partenaires pour faire de la santé durable, par la prévention, une priorité. Notre vision La santé durable pour tous! L’ASPQ soutient le développement social et économique par la promotion d’une conception durable de la santé et du bien-être. La santé durable s’appuie sur une vision à long terme qui, tout en fournissant des soins à tous, s’assure aussi de les garder en santé par la prévention. La santé durable, c’est notamment… Débuter sa vie dans une famille chaleureuse, attentive et aimante ● respirer un air de qualité ● vivre dans un logement adéquat ● évoluer dans un environnement sécuritaire où il fait bon vivre ● participer à la vie économique et en tirer un juste revenu ● avoir accès à une nutrition saine et en quantité suffisante ● profiter d’un environnement qui favorise l’activité physique ● avoir accès à l’éducation et au développement continu des compétences ● vivre dans la joie et le sentiment de contrôle de sa vie ● vivre dans une société ouverte, sans discrimination ● participer aux décisions qui nous concernent ● bénéficier d’un système de soins accessible ● avoir accès à des soins palliatifs de qualité et pouvoir mourir dignement. CONSULTATION SUR LA « BANALISATION DES EMBALLAGES » DES PRODUITS DU TABAC 3 L’ASPQ est préoccupée par la santé et le bien-être de la population québécoise et canadienne. Aux fins de la présente consultation, nous tenons à rappeler que le tabac tue 37 000 Canadiens chaque année, dont plus de 10 000 au Québec. La loi québécoise sur le tabac a été renforcée en novembre dernier, notamment grâce à l’ajout de mesures touchant les emballages, qui entreront en vigueur le 26 novembre prochain, comme l’obligation d’inclure une quantité maximale de cigarettes par emballage et une surface minimale pour les mises en garde de santé 1. La standardisation des mises en garde permettra de les mettre à l’abri de certaines pratiques d’emballage de l’industrie consistant, par exemple, à réduire la surface qui leur est allouée (c’est le cas des paquets effilés des cigarettes ultra minces qui ressemblent à des boîtiers de cosmétiques). Cependant, la nouvelle loi du Québec n’a toujours pas éliminé les éléments promotionnels, toujours présents sur les emballages, ni le marketing trompeur, véhiculé par le nom ou les variantes d’une marque, qui perpétuent le mythe des cigarettes moins nocives (« douces » et « légères »). Ces bonifications, contenues dans la législation québécoise en matière de tabac, devraient servir de fondements sur lesquels la nouvelle réglementation fédérale devrait se baser : par exemple, la mise en application d’emballages neutres et standardisés entraînera des bienfaits pour la santé durable de la population. L’ASPQ se réjouit du fait que le gouvernement fédéral envisage de baliser la réglementation sur les emballages (en plus de l’apparence des produits du tabac) en s’inspirant du modèle adopté en Australie en 2012 2 et dans plusieurs autres pays et même en bonifiant ce dernier grâce à de nouvelles mesures novatrices. L’emballage neutre et standardisé est une mesure recommandée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Elle a produit d’excellents résultats en termes de réduction du taux de tabagisme en Australie 3, d’où l’importance de l’implanter le plus rapidement possible au Canada. L’expérience australienne permet également de faire ressortir les éléments forts de cette mesure et d’anticiper les tactiques déployées par l’industrie pour en minimiser les impacts positifs. Par exemple, avant même l’entrée en vigueur de l’emballage neutre, les cigarettiers ont profité de l’absence de contrôles de l’appellation des marques pour intégrer le nom d’une couleur associée à la marque : « Marlboro Red » et « Marlboro Silver Fine Scent » 4. Ils ont aussi varié la quantité de cigarettes par paquet, soit pour y ajouter une valeur promotionnelle (cigarettes en bonis), soit pour en réduire le prix (atténuant l’impact d’une hausse de taxes) 5. Loi concernant le tabagisme, adoptée à l’unanimité le 26 mai 2015 par l’Assemblée nationale du Québec. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2015C28F.PDF 1 « Le présent document énonce les mesures à l'étude qui se fondent sur celles mises en place par l'Australie… ». Santé Canada, 31 mai 2016. http://canadiensensante.gc.ca/health-system-systeme-sante/consultations/tobacco-packages-emballages-produits-tabac/document-fra.php#III 3 Organisation mondiale de la Santé, « Un conditionnement neutre des produits du tabac pour réduire la demande et sauver des vies », 31 mai 2016. http://www.who.int/campaigns/no-tobacco-day/2016/fr/ 4 Scollo M., et al . “Tobacco product developments coinciding with the implementation of plain packaging in Australia.” Tobacco Control 2015;24:e116-e122. http://tobaccocontrol.bmj.com/content/24/e1/e116.long 5 Scollo M., et al . “Tobacco product developments coinciding with the implementation of plain packaging in Australia.” Tobacco Control 2015;24:e116-e122. http://tobaccocontrol.bmj.com/content/24/e1/e116.long 2 CONSULTATION SUR LA « BANALISATION DES EMBALLAGES » DES PRODUITS DU TABAC 4 L’ASPQ est favorable à l’ensemble des mesures envisagées par Santé Canada, mais elle réclame une standardisation uniforme des mises en garde telles que revendiquées par de nombreux organismes de lutte contre le tabac, dont la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. À la lumière de ce qui précède, l’ASPQ recommande que : 1) l’emballage de tout produit du tabac (pas seulement celui des cigarettes) comporte une mise en garde composée d’images couvrant 75% des deux faces principales du paquet. La présence des mises en garde avec images est une obligation de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, signée par le Canada en 20056. Le nouveau règlement devrait donc inclure l’affichage d’une mise en garde de même dimension pour tous les produits du tabac, notamment ceux qui n’en requièrent pas actuellement (ex. chicha, cigares vendus à l’unité). 2) en ce qui concerne les cigarettes, seuls les paquets de formes rectangulaires à coulisse soient être permis pour la vente au détail, ce qui interdirait la vente des paquets mous et de ceux avec couvercle à rabat (« flip top »). À taille égale, les paquets à coulisse offrent une plus grande surface pour l’affichage des mises en garde qui ne fractionne pas le message lorsque les paquets sont ouverts. Les paquets à coulisse ont également l’avantage de comporter l’endos « tiroir » qui affiche les messages de prévention de Santé Canada contre le tabagisme, alors que sur les paquets à rabat cette information est imprimée sur un feuillet, inséré dans le paquet, que le fumeur jette aux poubelles une fois le paquet ouvert. Cette information devrait être une composante visible et permanente des emballages, des études en ont démontré l’utilité 7. 3) la réglementation fixe une taille uniforme pour chaque catégorie de produit, créant ainsi une surface minimale standard et égale pour les mises en garde afin de les protéger contre les innovations de l’industrie. Dans le cas spécifique des cigarettes, la surface minimale devrait être égale ou supérieure à celle exigée par la nouvelle loi du Québec, soit 4648 mm2. 4) pour chaque catégorie de produit du tabac, la réglementation devrait standardise le nombre d’unités par paquet. En Australie, l’industrie a développé promotions visant à offrir des « cigarettes en bonis » ou des paquets avec moins de cigarettes à plus bas prix, des « paquets économiques » 8. Pour les cigarettes, le format à privilégier serait celui de 25 unités, pour garantir une plus grande surface d’affichage des mises en garde, augmenter le prix à l’achat et rendre l’apparence générale moins conviviale et contemporaine 5) la longueur et le diamètre des cigarettes et des petits cigares soient uniformisés :un seul format, donc, finies les cigarettes micros, King Size, ultra minces, minces et longues. Ainsi, l’industrie ne pourra pas offrir aux consommateurs des « nouveautés », des « éditions spéciales » ou des offres de type « plus de valeur pour leur argent » (comme elle l’a fait en Organisation mondiale de la Santé, Liste complète des signataires et des Parties à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. http://www.who.int/fctc/signatories_parties/fr/ 7 Mays D., et al., “Cigarette packaging and health warnings: the impact of plain packaging and message framing on young smokers”. Tobacco Control 2015;24:e87–e92 doi:10.1136/tobaccocontrol-2013-051234. http://davidhammond.ca/wp-content/uploads/2014/12/2015-HWM-Plain-PacksTob-Control-Mays-et-al.pdf 6 Scollo M., et al ., “Tobacco product developments coinciding with the implementation of plain packaging in Australia.” Tobacco Control 2015;24:e116-e122 doi:10.1136/tobaccocontrol-2013-051509. http://tobaccocontrol.bmj.com/content/24/e1/e116.long 8 CONSULTATION SUR LA « BANALISATION DES EMBALLAGES » DES PRODUITS DU TABAC 5 Australie avec des variantes « Extra King » plus longues)9. Enfin, n’oublions pas que les cigarettes dites « minces » perpétuent le mythe associant le tabagisme à la minceur et à la féminité, ce qui demeure attirant pour les jeunes filles et jeunes femmes 10. 6) la réglementation exige que le nom des marques ne soit pas trompeur et n’évoque pas un « style de vie ». Idéalement, le nom de toute nouvelle marque devrait comporter un seul mot, de sorte à empêcher que les noms de marque ne deviennent des descriptifs distinctifs (ex. « duMaurier Special Blend » ou « Players’ Édition Limitée »). 7) le Canada suive l’exemple de l’Uruguay et permette une seule variante par marque. Cette mesure, en vigueur en Uruguay depuis 2010, a mis fin au marketing trompeur voulant que certaines variantes soient moins nocives que d’autres 11. Si Santé Canada tolérait l’existence des variantes d’une marque, il faudrait que leur nom : a. b. c. d. comprenne un seul mot, ne réfère à aucune couleur, ne contienne pas de chiffres ou d’énumération n’évoque pas un « style de vie ». 8) la législation fédérale soit amendée pour interdire d’utiliser des noms de marques de tabac et éléments de marque de tabac sur des accessoires de tabac, comme c’est déjà le cas au Québec. Sans cela, la commercialisation de toutes sortes d’accessoires évoquant des éléments de la marque (allumettes, briquets, boîtiers à cigarettes, cendriers, etc.) est à craindre. Scollo M., et al ., “Tobacco product developments coinciding with the implementation of plain packaging in Australia.” Tobacco Control 2015;24:e116-e122 doi:10.1136/tobaccocontrol-2013-051509. http://tobaccocontrol.bmj.com/content/24/e1/e116.long 10 Ford A., et al ., “Adolescent girls and young adult women's perceptions of superslims cigarette packaging: a qualitative study.” BMJ Open 2016;6:e010102. http://bmjopen.bmj.com/content/6/1/e010102.full#ref-11 9 International Centre for Settlement of Investment Disputes, Philip Morris et al. vs Uruguay: Award, Washington D.C., juillet 2016. http://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw7417.pdf 11 CONSULTATION SUR LA « BANALISATION DES EMBALLAGES » DES PRODUITS DU TABAC 6 CONCLUSION Permettez-nous de souligner l’importance, pour les autorités décisionnelles, de garder en tête les nombreux et sérieux enjeux de santé durable associés aux emballages du tabac : nous traitons ici des problématiques liées à la valorisation du tabagisme, à la banalisation des risques et à l’exposition optimale des consommateurs aux informations relatives aux risques pour la santé du tabagisme. Ces enjeux soulèvent des questions de vie ou de mort : rappelons que les fabricants de tabac influencent la consommation d’un produit qui tue la moitié de ses usagers entre autres en manipulant ces emballages. Puisque le passé est garant de l’avenir… L’ASPQ recommande fortement de tenir compte et d’appliquer l’ensemble de ces recommandations particulièrement dans le contexte imminent de la légalisation du cannabis. En effet, il devrait y avoir d’importantes similitudes entre les réglementations du tabac, de l’alcool et celle du cannabis. La légalisation du cannabis devra être encadrée, car il s’agit aussi d’une substance dangereuse pour la santé. Ainsi, dans l’éventuelle explosion du marché et l’apparition d’une nouvelle industrie lucrative, il faudra se tenir prêts et prendre exemple sur les mesures novatrices implantées dans la lutte contre le tabagisme. CONSULTATION SUR LA « BANALISATION DES EMBALLAGES » DES PRODUITS DU TABAC 7 4529 rue Clark, bureau 102 Montréal (Québec) H2T 2T3 514-528-5811 www.aspq.org CONSULTATION SUR LA « BANALISATION DES EMBALLAGES » DES PRODUITS DU TABAC 8