pagès automates: rien ne sert de courir, il faut

MÉTIERHEURE
PAGÈS AUTOMATES:
RIEN NE SERT DE COURIR,
IL FAUT PARTIR À POINT
A contre-pied d’une époque vouée à la rentabilité et à la rapidité, Raúl Pagès conçoit et manufacture de ses mains
un automate «tortue» dans la plus pure tradition du savoir-faire horloger. En exclusivité, les premières images
de ce concentré de tradition baigné de poésie. Propos recueillis par Marco Gabella / Watchonista.com
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ontraste. Chaque année, lors
des salons horlogers, les
d’assister à des retards dans la
livraison des pièces aux détaillants,
marques participent à la course
à la nouveauté, histoire de satisfaire
des marchés friands d’innovation,
puisque les produits doivent encore
se plier aux étapes nécessaires à leur
industrialisation. Alors que le «lièvre
paradoxalement également demandeurs
de tradition et d’authenticité. La
conception de certains mouvements
horloger» alterne les sprints, se voyant
parfois stoppé par les contraintes de
la technique, d’aucuns optent pour
nécessitant généralement plusieurs
années, il est de plus en plus fréquent
une exécution entièrement artisanale.
Ils n’ont pour seule limite que leur
Raúl Pagès:
«La tortue est universellement
associée à la longévité,
à la stabilité et à la sagesse,
des valeurs qui me sont chères.»
volonté et leur persévérance à appliquer
les gestes enseignés par leurs pairs.
Formé par les meilleurs, Raúl Pagès perpétue la tradition inculquée par ses pairs. © Pagès Automates
LA TORTUE, PATIENCE ET HUMILITÉ
C’est dans cette démarche que s’inscrit Raúl Pagès. Son
automate «tortue» est le fruit d’un savoir acquis auprès des
meilleurs, avec patience et humilité. L’accès et la maîtrise
du temps étant de nos jours accessibles à tous, l’automate
semble incarner l’expérience mécanique ultime en proposant
une approche toujours fascinante et émouvante bien que nous
soyons à l’air de la cybernétique. Tandis que ces lignes sondent
cet iconoclaste, à la découverte de ses motivations et de sa
démarche, le site Watchonista.com publie cet article en version
complète, enrichi visuellement par une vidéo dédiée à la genèse
de cet audacieux projet.
EN FAIT, QUI EST RAÚL PAGÈS ? QUELLE EST VOTRE FORMATION ?
VOTRE PARCOURS ? Je suis horloger, originaire du Val-de-Ruz,
dans le canton de Neuchâtel. Au début de l’année 2012, je me suis
associé avec mon frère pour créer une société qui me permettrait
de réaliser mon rêve professionnel, celui de créer des automates
contemporains. J’ai suivi une formation d’horloger-rhabilleur à
l’Ecole technique du Locle, complétée par deux spécialisations:
technicien en restauration et en complications horlogères, puis
technicien en construction horlogère. J’ai travaillé plusieurs
années en tant que restaurateur chez Parmigiani Fleurier, dans
Découpe au bocfil d’un levier supportant l’une des pattes de la tortue. © Pagès Automates
Taillage de la denture d’une roue du mécanisme au tour manuel. © Pagès Automates
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MÉTIERHEURE
Marco Gabella:
«L’accès et la maîtrise du temps
étant de nos jours accessibles
à tous, l’automate incarne
l’expérience mécanique ultime.»
un atelier où j’ai eu la chance de restaurer
des chefs-d’œuvre des siècles passés, des
horloges, des montres de poche mais aussi
des automates zooïdes, notamment des
Œufs de Fabergé et des pièces représentant
une chenille ou une grenouille. Je me
suis pris de passion pour ces objets qui se
situent entre l’horlogerie et la bijouterie.
POURQUOI LES AUTOMATES, À L’HEURE
DE L’HORLOGERIE DE COLLECTION ? Même
s’ils ne donnent pas l’heure, les automates
sont proches de l’horlogerie, car le
mécanisme qui les anime est très similaire
à celui d’un mouvement de montre. Mais
il y a quelque chose de magique dans un
automate reproduisant les mouvements
naturels d’un animal. On le voit d’ailleurs
dans le regard émerveillé que suscitent
ces objets lorsqu’ils sont mis en action. La
fabrication des automates s’est arrêtée il
y a un siècle et j’ai souhaité faire revivre
cette tradition, à mes yeux, fascinante.
Gravure main des écailles de la carapace avant application des émaux translucides. © Renaud Sterchi
POURQUOI AVOIR CHOISI LA TORTUE?
Pour ma première pièce, j’ai voulu choisir
un animal au symbolisme fort, en accord
Tous les composants du mouvement
– plus de trois cents au total – ont
été réalisés à la main et possèdent des
avec ma philosophie de travail. La tortue
s’est imposée rapidement, c’est un animal
finitions très soignées – anglage main,
Côtes de Genève, guillochage, etc. Pour
dont l’aura est si riche qu’elle a inspiré
d’innombrables légendes dans le monde
entier. Elle est universellement associée à
les décors artisanaux – gravure, émaillage
et sertissage –, j’ai travaillé avec des
artisans spécialisés dont le savoir-faire
la longévité, à la stabilité et à la sagesse,
des valeurs qui me sont chères et qui, je
est également inscrit dans la plus pure
tradition des métiers d’art.
l’espère, porteront chance à mon projet !
CONCEVOIR CET AUTOMATE À PARTIR
COMMENT ONT ÉTÉ PRODUITS LES
COMPOSANTS DE CE CHEF-D’ŒUVRE ?
D’UNE FEUILLE BLANCHE DOIT ÊTRE
UN EXERCICE COMPLEXE… QUELLES
100 % À LA MAIN OU À LA CNC ? Il était
important pour moi que cette pièce unique
soit fabriquée dans le plus pur respect des
traditions et du savoir-faire horloger.
DIFFICULTÉS AVEZ-VOUS RENCONTRÉES ?
Il n’y a pas eu de réelles difficultés à
surmonter, hormis peut-être les pignons
du rouage, particulièrement délicats à
fabriquer de manière artisanale. Ce projet
est surtout un travail de longue haleine.
J’ai passé des heures à concevoir les
différents composants sur mon ordinateur,
et quelques autres à réaliser des ajustements
sur mon tour d’horloger ! Mais finalement,
après des milliers d’heures de travail et
quelques sueurs froides, la tortue est là,
elle fonctionne à merveille. Quel bonheur
cela a été de la voir pour la première
fois avancer en bougeant ses pattes et sa
tête… !
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Assemblage du levier permettant les mouvements de tête de l’automate. © Pagès Automates
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