: LOC NICE : NIC-H
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: LOC NICE : NIC-H
Nice E C’est l’été nice-matin Jeudi 19 juillet 2012 Ne passez plus sans les voir ! Portraits d’été Tous les jours, gratuitement, ils asssurent le spectacle. Qui sont-ils vraiment ? I ls annoncent les beaux jours aussi sûrement qu’une hirondelle promet le printemps. Ils sont acteurs, musiciens, athlètes, danseurs… Ils viennent du bout du monde ou du coin de la rue. Ces artistes, vous les rencontrez tous les jours en centre-ville. La plupart du temps, vous ne faites que les croiser : quelques notes par-ci, quelques pas de danse par-là – juste le temps d’un applaudissement ou d’un sourire. Pourtant, derrière chaque visage, il y a un nom. Une histoire. Des envies de liberté qui finissent sur le bitume, des enfants laissés « au pays ». L’envers pas toujours rose du décor. Tout l’été, nous vous proposons d’aller à la rencontre de ces silhouettes aussi familières que méconnues. L. P. [email protected] Textes et photos : CLAIRE ESTAGNASIÉ Une statue qui ne laisse pas de marbre Repères Depuis le 4 août 2011, un arrêté municipal réglemente la présence des artistes de rue à Nice sur huit emplacements seulement : les places Masséna, Magenta, Grimaldi et Garibaldi en centre-ville, les places Pierre-Gauthier, CharlesFélix , Rossetti et du Palais dans le Vieux-Nice. Ils peuvent se produire de midi à 14 heures puis de 17 heures à 22 heures, sauf exceptions. Qu’ils soient chanteur, musicien, danseur, mime ou homme statue, chacun doit solliciter une autorisation à la mairie. La prestation ne doit pas être tarifée. Chaque artiste se voit attribuer un ou deux sites « pour harmoniser la ville ». Cette année, 28 artistes bénéficient du précieux « laisser-jouer » municipal. Davantage qu’en 2011– ils n’étaient alors que 23. Les artistes non labellisés, ou qui ne respectent pas les horaires, risquent 11 euros d’amende. Un bandit des mers couvert d’or. Un petit air de Johnny Depp version Pirates des Caraïbes. L’été, Jorge Lautorio, 35 ans, chilien, se fige rue Masséna à partir de 13 heures. On peine à distinguer ses traits sous son lourd maquillage doré qu’il assure mettre en « solamente 10 minutas » (seulement 10 minutes). Une fillette passe, il fait une risette, dégaine son revolver, mime un grand geste avec son épée, puis la salue d’un coup de chapeau à plume. Avec un large sourire charismatique, il présente « su oficina », son bureau : un pot de terre remplie de mégots et de papiers. S’il apprécie son métier, c’est d’abord parce qu’il aime se sentir libre. « J’adore voyager, je suis déjà allé dans plein de pays, même si j’ai un fils de 12 ans à Santiago », confie-t-il. Il est prêt à tous les sacrifices pour préserver son indépendance : « Je ne dépends de personne, je n’ai pas de patron. Mon métier est fatiguant, il fait très chaud la journée, mais ça me plaît de ne pas recevoir d’ordre. » Il y a quelques années, il travaillait comme menuisier au Chili. Tous les hivers, il retourne en Amérique du Sud. Avant Nice, il était à Lille : « Les personnes ici sont agréables, mais moins que dans mon pays. En France, en Europe même, les gens sont plus froids. » Il ajoute cependant : « J’ai fait plein de rencontres intéressantes. Certains restaurateurs m’offrent un verre d’eau… de temps en temps ». Des enfants tentent parfois de lui dérober les pièces qu’il a récoltées lors de sa prestation. Loin de s’énerver, Jorge fait volte face vers eux avec un sourire ravageur. En général, les petits chapardeurs n’insistent pas… Emil, l’accordéoniste roumain : Corpo de Mola, les couleurs la nostalgie au bout des doigts du Brésil sur la place du Palais Place Saint-François, 11 heures. Emil Muzsikas, accordéoniste hongro-roumain de 51 ans, est assis sur une chaise en paille. Il paraît plus âgé, fatigué, mais ses yeux rieurs inspirent immédiatement confiance. Depuis dix ans, il vit en France, après avoir fait quinze ans d’orchestre philharmonique. Originaire de Brasov, en Transylvanie (Roumanie), il alterne entre musique de l’Est et bastringue à la française. Ses cinq enfants sont restés là-bas : « Ils me manquent. Je vis à Nice avec ma femme, qui est malade, dans un petit appartement que je paye 500 euros par mois ! » Sourire nostalgique, il dévoile ses dents en or en se demandant pourquoi il doit avoir une autorisation de la Ville pour jouer dans la rue : « Je ne gêne personne, je fais juste de la musique». L’un des poissonniers de la place rigole : « Avant, il commençait à jouer dès 9 heures. Mais depuis que des résidants lui ont jeté des sceaux d’eau sur la tête, mécontents de se faire réveiller, il vient plus tard ». Heureusement, tout le monde n’est pas aussi désagréable avec Emil. Le tenancier du Trimaran, la crêperie à laquelle s’adosse le musicien, le laisse toujours jouer devant ses clients. Du jaune, du vert, du bleu : le Grupo de Capoeira Corpo de Mola importe les couleurs et les rythmes du Brésil sur la place du Palais de Justice. Gustav, 23 ans, s’entraîne avec son berimbau, instrument de musique traditionnel composé d’un bâton et d’une corde formant un arc, avec une caisse de résonance. André, 27 ans, maîtrise mieux le français que lui. Moins timide, il explique qu’ils sont cinq dans le groupe, se produisant sur la place du mardi au dimanche, de 13 heures à 20 heures. Du moins, c’est ce que prévoit leur autorisation municipale. « L’hiver, nous retournons au Brésil », précise-t-il. Flavio, 34 ans, est plus en retrait, tapotant sur son tam-tam avec le drapeau brésilien dessiné dessus. Ils sont plus athlétiques les uns que les autres. La capoeira, art martial afro-brésilien, est très acrobatique. À 13 heures tapantes, tatoués de la tête aux pieds, ils André, Gustav et Fabio, place du Palais de Justice, tam-tam et berimbau à la main. rejoignent deux amis et commencent leur démonstration. Les badauds s’attroupent, André prend par la main une fillette et l’entraîne au centre. Gustav ef- fectue un « martelo », un coup de pied en se positionnant sur la jambe arrière, au-dessus de la tête de la bambine. Le spectacle commence.