L`Empowerment, une nouvelle mode ou un véritable outil de gestion

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L`Empowerment, une nouvelle mode ou un véritable outil de gestion
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L'Empowerment, une nouvelle mode ou un véritable outil de gestion ?
Paru dans la page P.M.E. de l’Echo de la Bourse du 16 mai 2002
1. Un peu d'historique
Aujourd'hui, dans les grandes entreprises, il existe un courant, déjà ancien, appelé
"Empowerment". Est-ce une nouvelle mode ou un mode de gestion nouveau ? Est-ce
applicable à une P.M.E. ?
Avant de répondre, il faut en comprendre l'origine :
De nombreux auteurs attribuent la véritable origine de ce courant à Mary Parker Follet,
sociologue américaine qui, dans les années 1920-1930, s'intéressa plus particulièrement aux
innovations sociales et aux problèmes de la main d'œuvre dans la société industrielle qui
émergeaient alors. Follet affirmait que, même si "pouvoir" signifie habituellement "pouvoir
sur", c'est à dire le pouvoir d'une personne sur une autre personne ou sur un groupe, il est
possible de développer la notion de "pouvoir avec", c'est-à-dire un pouvoir organisé en
commun, un pouvoir coactif et non coercitif. Les idées de Follet ne se sont pas propagées
auprès du grand public. La seconde guerre mondiale et l'émergence des organisations
rigides et hiérarchisées ont estompé ces théories.
Depuis la fin des années '80, ce courant émerge à nouveau car notre environnement socioindustriel se modifie :
n la notion d'évolution de carrière perd de sons sens
n la sécurité d'emploi s'appelle souvent précarité d'emploi
n les augmentations salariales sont souvent bloquées par des mécanismes conventionnels
et dès lors, ces facteurs traditionnels de motivation perdent de leur signification. Par ailleurs,
les entreprises accueillent aujourd'hui des ouvriers et des employés qui :
n sont davantage formés notamment à cause de la prolongation de la scolarité obligatoire
n ont accès à de nombreuses informations vu la diversité des médias accessibles
n ont souvent des rôles de "leader" dans leur vie extra-professionnelle
et le contraste est donc de plus en plus marqué entre l'autonomie dont ils disposent d’une
part à l'intérieur et d’autre part, à l'extérieur de l'entreprise.
De nombreuses enquêtes réalisées dans et en dehors des entreprises démontrent qu'une
majorité de personnes aspire à une ambiance de travail agréable, à plus d'autonomie,
plus de responsabilités, à un contenu de travail intéressant, à plus de formation.
Enfin, les entreprises sont pressées de toutes parts par des problèmes de rentabilité, des
clients de plus en plus difficiles et de concurrence accrue. Un des moyens pour répondre à la
fois aux soucis des entreprises et aux besoins des individus est de permettre à tous les
acteurs de l'entreprise d'exercer leur fonctions en meilleure connaissance de cause en
s’appropriant leur rôle et leurs responsabilités.
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Le courant de l'Empowerment répond à cette demande.
2. Une tentative de définition
Nous pouvons tenter de définir ce mot par "la délégation de l’autonomie de la gestion des
tâches".
Ainsi, il est plus pertinent de s'appuyer sur les individus constitués en équipes réunissant de
multiples connaissances leur permettant d'assumer la responsabilité collégiale d'un
processus, d'un produit, d'un service. Il est clair que ce changement culturel va demander
des efforts, aussi bien de la part des managers (gestionnaires) que des collaborateurs.
Les employés et les ouvriers sont-ils intéressés à produire des efforts supplémentaires pour
assumer autrement leur travail, expérimenter de nouvelles méthodes de travail, améliorer
leur processus de travail, etc ..? Nous sommes persuadés que oui. D'une part, parce que
donner de l'autonomie, c'est répondre à deux besoins humains fondamentaux : « la fierté de
soi et la réussite »; d'autre part, parce que chaque fois que nous participons à de telles
expériences, nous constatons que, sur le terrain, le personnel "prend" de l'autonomie
naturellement. De nombreuses entreprises ayant mis en place l'Empowerment fournissent
des résultats chiffrés qui montrent des améliorations impressionnantes en matière de qualité,
de productivité et de service clientèle : une PME wallonne, ayant mis ce mode d’organisation
en place, a vu son taux de service (respect des délais de livraisons) à ses clients passer de
27% à plus de 90 % en une année ! Ceci n’est possible qu’avec l’enthousiasme de tout le
personnel.
Pour illustrer ces affirmations, nous pouvons nous poser la question : pourquoi un ouvrier ou
un employé, qui gère correctement un budget familial (maison, scolarité des enfants,
assurances, vacances, etc ...) a-t-il besoin, dans l'entreprise, de 2 approbations pour obtenir
un boulon dont la valeur avoisine les 1 € , une pince qui vaut 3 à 4 €, une agrafeuse ou
perforatrice à 4 €, etc …?
3. Mettre en place la démarche
Comme tout changement important, il faut y réfléchir, être persuadé puis planifier sa mise en
place.
La Direction reste l’organe qui définit le « QUOI « , c’est à dire ce qu’il faut faire tandis que le
personnel devient progressivement gestionnaire du « COMMENT LE FAIRE ».
Concrètement, la démarche consiste à organiser l’entreprise en un réseau d’équipes semiautonomes qui gèrent les différents processus opérationnels. Dans chacune d’elles, des
responsabiltés de gestion sont assurées.
La mise en place nécessite les étapes principales suivantes :
1. Réflexion de la Direction : Qu'est ce que l'Empowerment?, Quels sont les nouveaux
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7.
rôles des responsables, Quel est notre objectif? Comment appliquer la démarche ?
comment organiser l'entreprise en "équipes semi-autonomes"?
Exprimer "la direction à suivre" par tous
Définir les responsabilités qui doivent être gérées en autonomie
Définir les "équipes" et la répartition des responsabilités
Définir les exigences que chaque équipe devra respecter
Définir la formation nécessaire selon les responsabilités à exercer
Définir les "indicateurs" qui permettront de mesurer les résulta
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4. Le nouveau rôle du responsable d’équipe
Avec ce nouveau mode de gestion, il est indispensable que les "dirigeants", "les cadres"
changent de rôle. De "chefs", ils évolueront vers un rôle de "coach" dont les responsabilités
principales vis-à-vis de l'entreprise et de l’équipe sont d’être l'interprète de la vision de
l'entreprise, de définir les responsabilités, les exigences et les mesures pour son équipe. Il
devra aussi donner les moyens à son équipe dont il devra de former les membres à
l'exercice de la gestion des responsabilités de l’équipe. Il lui faudra de même mesurer les
résultats obtenus et interpeller ses collaborateurs lorsqu'ils ne sont pas atteints. Pour
terminer, il devra aussi réguler les tensions et conflits internes à son équipe et coordonner
les relations de celle-ci avec les autres équipes de l'entreprise.
5. Quelle gestion déléguer ?
A titre d’exemple, au sein d'une équipe semi-autonome, les responsabilités suivantes sont
fréquemment déléguées et seront à gérer par les membres eux-mêmes :
Des tâches techniques :
Production de biens tangibles ou de services (planification, pilotage des paramètres, respect
des méthodes, des exigences de qualité, de stockage et de livraison), Entretien des
équipements et Gestion de budget technique.
Mais aussi des tâches, moins habituelles comme :
Les Relations clinets-fournisseurs internes, la Gestion sociale (Absences, congés,
vacances, formation continue, polyvalence et gestion des compétences), la gestion des
informations, la mesure des résultats obtenus (Gestion des indicateurs qualitatifs et
quantitatifs), la gestion des équipements individuels et collectifs et la gestion des actions
d’amélioration.
Nous le voyons, les possibilités de donner de l’autonomie sont multiples.
Avec l'aide du coach (qui fournit les moyens), ces responsabilités sont graduellement
déléguées aux membres de l’équipe . Chacune d'elle est gérée par un membre à tour de
rôle. En effet, il est important que ces responsabilités "tournent" de manière à éviter qu'un
leader naturel n'émerge au sein du groupe mais aussi que le niveau global de compétences
de l’équipe augmente. A titre d’exemple, une fois la gestion des congés assurée, la planning
peut être naturellement pris en charge.
Parallèlement, le démarrage d'une activité est déléguée (que démarrer, dans quel ordre et
par qui ?). Afin d'évoluer, l’équipe définira les compétences que chacun doit avoir pour
exercer des responsabilités au sein de l’équipe. Les membres gèrent alors la formation
individuelle de les membres de l’équipe. Et ainsi de suite ....
La gestion est possible grâce à un souci permanent de MESURE. L’équipe disposera donc
d’un TABLEAU DE BORD (synthèse des indicateurs) qu’elle analysera très régulièrement.
6. Et dans une P.M.E. ?
Comme nous le disions dans l’introduction, ce mode de gestion est-il applicable dans une
P.M.E. ? Nous sommes convaincus que oui. En effet, nous pensons que dans une structure
légère, il est essentiel que chacun connaisse son rôle, sa contribution au résultat. De plus,
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les membres du personnel sont plus proches les uns des autres que dans les grandes
structures. Ce qui doit être considéré comme un facteur favorisant.
Il est donc important que chacun et/ou chaque équipe puisse gérer une zone d'autonomie. Il
est tout aussi primordial que chacun se sente "interdépendant" des autres au sein d'un
groupe afin que chaque ressource de l'entreprise soit optimalisée. Il s'agit finalement de
transformer nos collaborateurs "exécutants" en "acteurs responsables".
C'est aussi la voie pour la mise en place d'un "processus d'amélioration continue" qui
permettra à l'entreprise de se positionner parmi les meilleures de son secteur.
Chacun de nos collaborateurs possèdent des richesses diverses qui peuvent être mises au
service de l'entreprise. Il suffit de les solliciter avec le respect des diversités.
7. Une condition importante
Une dernière condition : implanter ce mode de gestion suppose l'authenticité des chefs. S'ils
ont l'image de leurs collaborateurs qu'ils ne sont pas capables de gérer ces responsabilités,
alors il faut d'abord s'attacher à les convaincre du contraire. Etre « vrai » est donc une des
clés de la réussite d'une telle démarche.
Ce mode de gestion est la voie de l'avenir.
Des entreprises, belges, wallonnes démontrent que c'est possible, que leurs résultats
s'améliorent, que leur personnel découvre un nouvel épanouissement dans leur travail.
Remettre en cause en permanence le fonctionnement de l'entreprise n'est-ce pas la première
responsabilité du chef d'entreprise ?