Mon nom est Bond, James Bond - Stratégies et Politiques

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Mon nom est Bond, James Bond - Stratégies et Politiques
Mon nom est Bond, James Bond
Avec la sortie de Skyfall à la fin octobre, le 23ème film de la saga cinématographique de James Bond
[on ne compte ici que les films produits par EON - NDLR], le célèbre agent secret britannique fête en
fanfare ses cinquante ans au cinéma [le premier roman de Ian Fleming, Casino Royale, avait été
publié en 1953]. Le PGA, se penchant à cette occasion sur cette longue et prestigieuse carrière, ne
peut que constater la place assez faible que tient l’énergie en général dans les scénarios de cette
franchise et la place très faible des hydrocarbures en particulier.
Les producteurs, réalisateurs et scénaristes successifs qui ont travaillé sur cette saga n’ont pourtant
pas négligé les matières premières, avec une mention toute particulière pour l’or, cette “relique
barbare”. Le roman de Ian Fleming, Goldfinger, et le film qui s’en est ensuivi donnent à l’or un rôle
central et l’on se souvient des longs développements dans le roman sur l’importance de l’or pour le
monde et pour l’économie britannique à travers l’exposé détaillé que fait à 007 le colonel Smithers de
la Banque d’Angleterre. Outre l’or, les diamants sont très présents dans les diamants sont éternels
(Diamonds are Forever). Dans ce film, on relève d’ailleurs le fait que le chef de l’organisation
criminelle internationale SPECTRE (Special Executive for Counterintelligence, Terrorism, Revenge and
Extorsion), Ernst Stavro Blofeld, a établi sa base sur une plate-forme pétrolière, plate-forme que
James Bond, qui a des méthodes assez radicales quand il s’agit de faire le ménage, va évidemment
contribuer à détruire.
Le nucléaire - militaire, non civil - fait son apparition à diverses reprises avec les roches radioactives
sur l’île de Crab Key, près de la Jamaïque, repère du Docteur No, les deux bombes atomiques
dérobées à l’OTAN dans Opération Tonnerre (Thunderball), la ‘’disparition’’ de deux sous-marins
nucléaires dans L’espion qui m’aimait (The Spy who Loved Me) et la bombe atomique désamorcée
juste à temps dans Octopussy. Sans oublier pour être complet [que nos lecteurs amateurs de James
Bond n’hésitent pas à nous signaler des oublis] la bombe atomique que Auric Goldfinger veut faire
exploser à Fort Knox pour irradier les réserves d’or des Etats-Unis, créer une pénurie sur le marché
mondial et faire monter prodigieusement la valeur de l’or qu’il détient. C’est en tout cas la version du
film car, dans le roman, cet amateur d’or un peu particulier veut emporter en URSS une bonne partie
de ces réserves, et non les rendre inutilisables, ce qui est plus compréhensible.
L’énergie en tant que telle est très rarement sur le devant de la scène dans cette saga. Dans le film
L’Homme au pistolet d’or (The Man with the Golden Gun), il est largement question d’une
technologie permettant de capter l’énergie solaire avec un rendement très élevé. Le film est sorti en
1974 et le premier choc pétrolier de 1973-74 était dans tous les esprits, ce qui a poussé les
promoteurs de la saga à se raccrocher à une actualité et à un grand sujet de préoccupation d’alors.
Par contre, dans le roman paru en 1965 après la mort de Ian Fleming, il n’était pas question de
solaire.
Pour ce qui concerne le pétrole, l’énergie reine, un seul film de James Bond lui donne une large place.
Il s’agit de Le monde ne suffit pas (The World is Not Enough), sorti en 1999 et dont une partie de
l’action se passe en Azerbaïdjan. Là encore, la machine Bond a su capter l’air du temps puisque l’on
parlait beaucoup à cette époque du rôle que l’or noir de la région de la mer Caspienne pourrait jouer
pour accroître les approvisionnements mondiaux, voire se substituer au pétrole du Moyen-Orient…
Dans ce film, Elektra King (interprétée par Sophie Marceau), fille d’un magnat du pétrole, poursuit la
construction d’un oléoduc que son père avait entamé et qui vient concurrencer des pipelines russes.
En fait, elle est plutôt désireuse de saboter son propre oléoduc avec une bombe atomique, encore
une, comme on le découvrira plus tard dans le film.
Sur 23 films, un seul est donc largement consacré au pétrole, principale source d’énergie, avec près
de 33% de la consommation d’énergie primaire mondiale, et matière première on ne peut plus
stratégique. C’est fort peu. Mais la saga n’est pas prête de s’arrêter, Daniel Craig s’est engagé à
tourner de futurs films mettant en scène l’agent secret le plus célèbre au monde et, face au succès
public de Skyfall, les producteurs commencent déjà à penser à la suite.
C’est donc le bon moment pour leur faire quelques suggestions en termes de thématiques : par
exemple, la bataille pour le contrôle de nouvelles technologies, autres que la fracturation
hydraulique, pour l’exploitation des gaz et huiles de schiste ; le développement des ressources
énormes de schistes bitumineux ; les tensions liées à la course aux hydrocarbures en Arctique ; la
concurrence entre firmes pétrolières occidentales et asiatiques en Afrique ; les découvertes de gaz
naturel en Méditerranée orientale et leurs conséquences politiques ; et, pourquoi pas, après tout, les
luttes d’influence et les enjeux géopolitiques liés à ce bon vieux pétrole du Moyen-Orient, un sujet
certes pas très nouveau mais qui est toujours d’actualité et qui le restera encore longtemps et une
région très absente des romans et des adaptations cinématographiques de 007. L’intérêt croissant de
l’Iran et des pays arabes pour l’énergie nucléaire pourrait également constituer une bonne toile de
fond pour de prochains exploits de James Bond.
Nous ne sommes pas sûrs que ces modestes propositions ou d’autres suggestions voisines seront
reprises dans la suite de la saga. Mais, quoi qu’il en soit, très bon 50ème anniversaire commander
Bond.
Francis Perrin

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