Mutiilation - Rattenkönig

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Mutiilation - Rattenkönig
Mutiilation - Rattenkönig
Écrit par das Irrlicht
Lundi, 21 Février 2005 02:18
Peu de groupes français peuvent se targuer d’avoir entretenu un culte aussi féroce, une aura
aussi délétère, et ce à travers une musique à la fois atavique et complexe, que les quelques
formations qui constituèrent les rangs des Légions Noires, alors que les vents venus de
Norvège touchaient à peine nos rivages. Prônant l’a-esthétisme musical, le refus de tout dogme
(si ce n’est celui d’un Satanisme décadent et délesté de toutes ses affèteries téléologiques),
l’esprit des Légions Noires fut celui d’un refus catégorique de la vie, d’un engouement viscéral
pour toutes les formes de destruction, d’asservissement, de corruption, de métastase et
d’infection de la race humaine. En sus des multiples ( et excellentissimes ) incarnations de la
créature Vlad Tepes ( Mogoutre, Moëvöt, Seviss, Black M urder et j’en passe…) l’entité
Mütiilation fait figure à la fois de fer de lance et d’outsider.
Mütiilation, doit-on le rappeler,
c’est d’abord une poignée de démos cultissimes, et deux albums sortis chez Drakkar, qui ne le
furent pas moins ; où l’infâme Meyhna’ch se permet d’outrepasser les pires méfaits de Mayhem
et Burzum réunis : riffs imparables évoquant la tristesse maudite, teintée de grandiloquence et
de mépris, d’une âme « vampirique » imbibée par la sombre sève du désarroi, textes qui
fonctionnent comme de pâles oraisons dédiées au deuil du Jour et à la noirceur qui gît au cœur
de toute vie…et surtout, une voix infectée par le mal, insane et fluctuante, entre le hurlement
vargien et la plainte du loup desséché, qui se permet tous les égarements, jusqu’à des tonalités
plus graves évoquant une hybridation improbable entre un Attila Czihar et un Rozz
Williams…Mütiilation était le black metal, la flamme impure d’une Norvège fantasmée comme
l’héritage outrancier d’une France fin-de-siècle mille fois maudite par les interjections littéraires
d’un Baudelaire ou d’un Drieu la Rochelle… Pourquoi ce laborieux récapitulatif, me direz-vous
? Parce que la musique de Meyhna’ch, sur ce dernier album, se veut avant tout discursive, en
dialogue constant avec son passé glorieux, et se construit en tant que reflet aporétique de
celui-ci. Là où la plupart des groupes de la vieille école ( les norvégiens en tête ) ont choisi la
voie de l’évolution, Mütiilation semble se complaire dans un éternel recommencement, dans un
bégaiement maladif de ses gimmicks. Après le formidable retour de flammes que fut « Black
Millenium », constitué d’hymnes purs et simples du black metal (rrhhaaaargh…No mercy for
humans ! », Meyhna’ch excrémente un album bancal et monstrueux, « Majestas leprosus »,
sorte de sédimentation nauséeuse, atteignant au mieux l’a-musicalité la plus cauchemardesque
( au grand dam des joyeux drilles de Blut Aus Nord ), au pire suscitant une légère déception au
vu de ce qui a précédé. Rattenkönig, son dernier opus, s’inscrit dans cette lignée : à la fois
formidable constat d’échec et fuck off ! hallucinant craché à la gueule de toute la lignée
incestueuse de nerds black metal qui succéda aux 90’s. D’abord, accumulation et
régurgitation. Phrases musicales répétées à l’infini, recousues, rapiécées jusqu’à obtenir un
ensemble étrangement homogène et pourtant profondément vicié, à cause d’un son presque
sourd qui demeure unique dans le genre, entre un film de la Hammer et une sorte de
proto-black metal qui n’aurait jamais vu le jour, quelque chose de très urbain, finalement.
Quelques effets inédits au niveaux de la voix, qui se fait moins agressive mais plus plaintive,
plus désespérée : ici, un phrasé narré par une voix toute droit sortie d’un combo indus, là,
quelques gargouillements nés de l’orifice buccal d’un junkie sous perfusion d’urine. Des riffs qui
se détachent étrangement, dans un dépouillement inhabituel, avec toujours ce son de chenil
soutterain empli de rottweilers à demi morts… Vœu d’obédience au Satanisme : Meyhna’ch
affère par sa musique que son culte opère comme une stratification de sentiments inertes, de
passions inassouvies qui trouvent leurs racines dans les abysses puants de notre organisme :
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Mutiilation - Rattenkönig
Écrit par das Irrlicht
Lundi, 21 Février 2005 02:18
reconnaissance complète de l’individu en tant que sac de tripaille voué à la désécration, victime
d’une force centrifuge provoquée par l’évacuation de toute volonté d’élévation spirituelle ( au
sens divin du terme ). C’est pourquoi l’image qui donne son concept à l’album est le
Roi-des-Rats, une anomalie zoologique qui voit une douzaine de rats sceller leurs queues dans
une concrétion de paille et d’excréments : Trône vivant de l’ordure, siège d’une âme conduite
par sa fécalité, par la monotonie indicible du corps et des obscènes agapes chimiques qui s’y
déroulent…Pas d’espoir pour l’humanité : Mütiilation vénère l’ordure se baffre de l’ancienne
malédiction, celle qui, comme disait Saint Augustin, nous a fait naître entre la merde et l’urine :
Inter faeces et urinam nascimur. Rattenkönig épouse ce principe de circularité : ses murs de
guitares agissent à l’instar de véritables flegmes à l’intérieur d’un organisme humain, la boîte à
rythmes participe également de cet auto-parasitage, avec une programmation dénuée de
nuances, qui instaure un sentiment effrayant d’irréversibilité. Toute la violence du groupe se
dilue ici dans une sorte d’horreur émétique, la rapidité du jeu de guitare et de la rythmique
n’étant qu’un leurre, un passage vers un monde de charogne où tout est affreusement statique,
où tout n’est que verticalité conchiée par l’absence de Dieu. Prière défragmentée d’un apostat
effaré par la stupidité de ses ouailles, et qui répèterait inlassablement les mêmes imprécations
éthyliques et névrosées. Voir cette magnifique et suicidaire prière à Satan, dans « The Pact :
The Eye of the Jackal », ou ce terrifiant constat de pourriture que constitue « I, Satan’s carrion
», sublimation d’un homme qui se regarde mourir à travers les yeux d’une éternité maudite : «
My time is on I puke my life I still have to meet hell/ And after centuries I’ll find another corpse/
This one’s so rotten, is it really mine ? » Musique de la fin, musique du Même, musique
métastasiée. Pas une once d’émotion, seul règne le dégoût et la noirceur. Pourtant quelques
saisissantes mélodies se détachent ici et là, l’ancien désespoir renaît parfois à travers les
gravats d’une morne adulation. Finalement, Meyhna’ch n’a sans doute jamais été aussi près de
son but : nous offrir une musique pestiférée, « déjà-morte », ordurière au sens propre et
pourtant cristalline, une musique abolie dont on finit par oublier jusqu’au nom et qui vous laisse
dans l’âme un ténia noir et long comme les bras du néant. Buy it and worship it !
Tracklist :
1. That Night When I Died 06:45
2. Testimony of a Sick Brain 04:57
3. The Bitter Taste of Emotional Void 07:33
4. Black Coma 04:17
5. The Pact (The Eye of the Jackal) 06:49
6. The Ecstatic Spiral to Hell 04:35
7. I, Satan's Carrion 05:24
8. Rattenkönig 07:22
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