Le cocktail redoutable - F

Transcription

Le cocktail redoutable - F
Lors du dernier exercice
« Tactical Leadership
Program » qui s’est déroulé à
partir de la base aérienne de
Florennes en Belgique, une
patrouille française de
Mirage 2000-5, détachée de
l’escadron de chasse
1/2 Cigognes et équipée de
missiles air-air Mica de Matra
BAe Dynamics, a obtenu
quarante victoires virtuelles
contre des plastrons
représentés par différentes
unités d'autres forces aériennes de l’OTAN. Ce score pour
le moins inattendu n’a pas
manqué de surprendre les
pilotes, mais aussi les étatsmajors. Explications.
Le cocktail
redoutable
Mica + Mirage 2000-5
+ radar RDY + pilotes
des « Cigognes »
ans un coin du ciel de Belgique, huit
appareils F-16, F-4 Phantom et
Tornado volent en formation. Les
chasseurs, tous chevronnés, sont attentifs car
ils savent que sur eux pèse la menace
d’intercepteurs « ennemis », dont deux
Mirage 2000-5 équipés de missiles air-air
Mica qu’ils ne connaissent pas, mais dont on
dit qu’ils sont redoutables. Soudain, c’est
l’alerte. Là-bas, des radars balaient l’espace,
deux « spots » exactement. Pas de doute,
ce sont des Mirage.
Deux contre huit, en infériorité numérique, les « Cigognes » ne devraient avoir
aucune chance. Pas d’hésitation, la formation continue son vol, d’ailleurs les Français
font demi-tour, ce sont des sages, des professionnels. Soudain, deux des huit appareils
« amis » de la formation virent à 90°, tandis
que les six restants continuent imperturbablement. Petite inquiétude de voir des
camarades quitter la formation sur la détection d’un simple balayage. Pourtant, a prio-
D
46
CYAN YELLOW MAGENTA BLACK
SECURITE
SUPERIORITE AERIENNE
ri, aucun risque, car aucun faisceau radar
signalant le tir d’un missile air-air n’a été
détecté. Puis, brutalement, c’est l’alerte.
A peine le temps de réaliser que des missiles
arrivent, qu’on est « kill » ! Six appareils
viennent d’être rayés virtuellement du ciel
en une fraction de seconde !
Là-bas, au loin, les deux 2000-5
rentrent à leur base.
L’histoire est simple : après avoir détecté la formation adverse, ils ont tiré une salve
de 8 missiles air-air Mica « tire et oublie »,
quatre chacun. Véritables torpilles autonomes, les Mica ont foncé sur leurs cibles
sans guidage radar. Pour les pilotes
« amis », la surprise a été totale, sauf
pour les deux « petits malins » qui se sont
évadés pour échapper au massacre, car
eux avaient compris qu’un balayage radar
de 2000-5 est aujourd’hui à considérer
comme un tir et non comme simple observation du ciel.
n
47
SUPERIORITE AERIENNE
n Pendant les douze missions qu’effectueront les deux Mirage au cours de
l’exercice TLP, les « Cigognes » obtiendront
40 victoires virtuelles pour la perte d’un
seul des leurs. Taux de réussite du MICA
en situation opérationnelle face à des
« moustachus » : 75 %.
« Avec le Mica, nous sommes dans une
situation tout à fait différente, car le système
peut comprendre jusqu’à quatre missiles, six
sur le futur Rafale. Ils peuvent être tirés en
salves. Ainsi et pour parler clair, un seul
2000-5 peut engager en même temps quatre hostiles, ce qui donne pour l’escadron qui
Image à haute définition
d’une cible vue par l’autodirecteur infrarouge du
Mica IR (à gauche).
Le Mirage 2000-5 des
« Cigognes », avec son
réservoir supplémentaire
de carburant largable
(à droite).
L’effet de surprise
Comment des pilotes aussi chevronnés
que ceux de l’OTAN ont-ils pu se laisser
surprendre à ce point ?
Le lieutenant-colonel Joël Rode, patron
de l’escadron 1/2 Cigognes, nous explique :
« La qualité des résultats obtenus vient
essentiellement de la méconnaissance des
pilotes adverses du couple Mica/radar
Thomson RDY, car jusqu’à présent, nous
n’étions pas ‘ tire et oublie ’. En fait,
les pilotes qui nous faisaient face
nous ont vus, mais leurs
réflexes ont joué comme
si nous étions encore
équipés du missile
Matra Super
530 D, qui
est
un
dispose de 15 appareils, la possibilité de
traiter d’emblée pas moins de 60 cibles.
A 75 % de réussite en tirs opérationnels, ce
ne sont pas moins de 45 hostiles qui seraient
détruits en quelques secondes. C’est plus
que suffisant pour créer une déroute totale
Le missile Mica dispose
de deux types d’autodirecteurs interchangeables : infrarouge
(à gauche) ou électromagnétique actif (à droite).
véritable fusil à un coup pour tuer une seule
personne à la fois, ou si vous préférez ‘ Fox
one shooter ’. Lors de la phase de balayage,
le radar RDI du Mirage 2000 C, associé au
Super 530 D, sélectionne en effet une cible,
puis dirige toute sa puissance vers celle-ci
pour l’éclairer. Doté d’un autodirecteur
semi-actif, le 530 D a besoin de l’éclairage
de l’avion cible pendant toute la durée
de son vol avec, suivant la distance, un
délai pouvant se compter en dizaines de
secondes. C’est très long. Durant ce temps,
la cible qui se sait ‘ accrochée ’ a tout le loisir
d’effectuer des évasives afin de rompre le
contact. Dans ce cas, le missile va se perdre.
Sur le plan tactique, cela impose que le
nombre d’appareils intercepteurs soit proportionnel à celui des hostiles car sinon ces
derniers qui disposent de systèmes d’arme
analogues vous mettent dans la position du
chasseur chassé ! »
48
48
P L A N E T A E R O S PA C E
N o1
CYAN YELLOW MAGENTA BLACK
chez les survivants. Demain, à six missiles
par appareil, je vous laisse faire le calcul…»
Mais outre la possibilité de tir en salves,
ou de la capacité multicible, qui s’avère
redoutable, les pilotes opposés ont été aussi
trompés par le fait que les Français tiraient à
travers le balayage de leur nouveau radar
RDY. Avec le tir en salves, la surprise a été
encore plus totale.
« En effet, poursuit le lieutenant-colonel Rode, jusqu’à présent, le tir d’un missile
air-air se décomposait en deux temps. Une
phase de balayage pour détecter l’activité
aérienne. Cette phase est courante dans
un ciel encombré. Le balayeur a ainsi la
connaissance de la situation tactique et le
balayé sait que des hostiles sont dans le coin.
Dès lors, toute l’attention des pilotes se
porte sur l’éclairage, c’est-à-dire lorsque le
EXERCICE
Le « Tactical Leadership Program »
Le TLP est un exercice qui a pour but
de travailler les procédures du combat
aérien entre les différentes forces
aériennes de l’OTAN.
Il se distingue par l’aspect particulièrement pointu de ses « debrefing »
réalisés en temps différé. Tous les
paramètres du domaine de vol et des
systèmes d’armes sont enregistrés
pendant les missions. Au sol, une équipe
de spécialistes du combat aérien analyse
les missions en utilisant des moyens
comme les films vidéo, les top-tirs, etc.
A partir des données obtenues, ils déterminent les résultats qui sont classifiés
et transmis aux différentes équipes.
Ainsi, les pilotes engagés sont informés
des résultats, mais n’ont pas accès aux
renseignements sur les systèmes d’armes
« adverses », exactement comme en situation opérationnelle « vraie ». Le dernier
exercice TLP, qui s’est déroulé sur une
période de trente jours, a proposé aux
participants des situations tactiques
comme celle de supériorité aérienne pour
couvrir une mission d’attaque au sol ou,
à l’inverse, la mission aérienne défensive
qui consiste à faire échec à une offensive
aérienne adverse. TLP est reconnu au
niveau de l’OTAN comme un stage qualifiant dont la valeur ajoutée est supérieure
à celle du célèbre « Red Flag » américain.
radar adverse se verrouille sur vous, signe
annonciateur du tir d’un missile.
« La grande nouveauté avec le radar
RDY qui équipe nos nouveaux Mirage
2000-5 est que nous tirons au travers du
balayage grâce au système « tire et oublie »
du Mica. Il n’y a donc plus de préavis
d’alerte. Le radar qui balaie extrapole les
cibles pour présenter au pilote une situation
tactique. En fonction des données qui lui
sont fournies, celui-ci décide alors d’engager une ou plusieurs cibles en attribuant à
chacune d’entre elles un missile spécifique.
Une fois, le ou les missiles tirés, il
peut immédiatement faire demitour, sans plus s’en préoccuper.
Ces derniers se dirigent droit sur
l’objectif en guidage inertiel, vers
un point de rencontre calculé par
le radar. Ils ouvrent ensuite, dans
les dernières secondes, leur autodirecteur électromagnétique, ou
infrarouge selon le type de
missile choisi et il est pratiquement trop tard pour que les
cibles puissent entreprendre
des évasives ou mettent en œuvre leurs
systèmes de contre-mesures. Jusqu’à
présent, le F-15 C avec ses AMRAAM était
le roi du ciel. Ce n’est plus le cas à présent
avec l’apparition du Mica ».
utre la véritable révolution technologique apportée par le Mica dans
le combat aérien, et en attendant le
Meteor, le système de Matra BAe Dynamics
apporte également une révolution dans le
domaine tactique, et psychologique, comme
le souligne l’un des officiers pilotes de
l’escadron 1/2 Cigognes :
« Avec ce missile, nous sommes moins
vulnérables, entendez par-là que nous
offrons moins de possibilités à l’adversaire
O
de nous prendre à partie. Par ailleurs, nous
introduisons une inconnue dans le domaine
du combat aérien. En effet, même si l’adversaire nous détecte, à aucun moment il ne
ce préavis d’alerte extrêmement bref sera réduit à 0 ».
« En fait, les 2000-5, associés au système Mica, créent une véritable bulle autour
Déception et dissuasion
sait si nous avons tiré ou non. Il ne le saura
que dans les toutes dernières secondes,
lorsque le Mica ouvrira son autodirecteur,
électromagnétique pour l’instant. Et c’est
alors généralement trop tard. Vis-à-vis des
pilotes adverses, nous développons une véritable
psychose ».
« Demain, avec des
Mica munis d’autodirecteur à imagerie infrarouge,
d’eux, espace létal pour les pilotes adverses
qui ne peuvent que s’éloigner sous peine
d’un sort contraire. Actuellement, nous
ne nous entraînons que depuis un an avec
ce système et l’exercice TLP nous a permis
d’en apprécier les qualités. Nous sommes
loin aujourd’hui d’avoir exploré toutes ses
possibilités, tant sur le plan tactique, que sur
le plan psychologique ».
St. F.
« COP-THUNDER »
Au plus près du réel
Après TLP, le 1/2 Cigognes attend avec
beaucoup d’intérêt l’exercice « CopThunder » qui se déroulera en mai 2001
en Alaska sur une superficie de
168 000 km2 ! Côté français, 4 Mirage
2000-5 de Dijon tous équipés de MICA
simulés participeront à cet exercice en
compagnie de 4 Mirage 2000 N, 4 Mirage
F1 CR et 4 Mirage F1 CT.
Le lieutenant-colonel Joël Rode :
« Cop-Thunder permet de s’entraîner
dans de bonnes conditions opérationnelles grâce au relief varié avec des
régions montagneuses, semi-désertiques
ou du type centre-Europe. L’exercice
se distingue par son hyperréalisme car,
outre la menace aérienne ennemie, nous
serons confrontés à celle des systèmes
sol-air du type SA-3, SA-4, SA-6, ou à des
simulateurs de menace. Pour nos camarades chargés des missions d’attaque au
sol, le réalisme sera mené à ses limites
extrêmes avec le largage de commandos
d’éclaireurs chargés de désigner par
laser les cibles au sol. Celles-ci
consistent en des immeubles, abris et
blindés, qui seront pris à partie avec des
systèmes air-sol à tir réel. Les ouvrages
détruits seront reconstruits par la suite.
Pour les forces de l’OTAN, Cop-Thunder
permettra de tester les capacités des
derniers types de système d’arme… »
N o1
P L A N E T A E R O S PA C E
49
49

Documents pareils