Sujets sur la science
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Sujets sur la science
1 Sujet 1 : LA SCIENCE NOUS LIVRE-T-ELLE LE REEL TEL QU’IL EST ? Analyse du sujet - La science : la connaissance objective qui établit entre les phénomènes des rapports universels et nécessaires (lois) autorisant la prévision de résultats dont on est capable de maîtriser expérimentalement ou de dégager par l’observation la cause. Il s’agit d’une connaissance qui consiste en énoncés (lois) ou en systèmes d’énoncés (théories) qui doivent répondre à la fois à des critères de validité (cohérence interne de l’énoncé ou du système d’énoncés) et de vérité (adéquation entre l’énoncé et les faits). - Nous : les hommes, l’humanité - Livrer : abandonner, confier, remettre, céder, apporter… - Réel : de res, “chose” : le réel (substantif), c’est-à-dire les choses en elles-mêmes, la totalité des choses, ce qui est (l’être véritable des choses), bref ce qui peut être l’objet d’une connaissance objective (les “choses en soi” ou noumènes de Kant ); réel (adjectif) : ce qui est donné, par opposition à ce qui est illusoire, imaginaire, apparent; la réalité : caractère de ce qui réel. - Tel qu’il est : tel qu’il subsiste par soi - Le sens du sujet : la connaissance positive, tendant à établir des lois entre les phénomènes et reposant sur des critères précis de vérification, dévoile-t-elle et montre-t-elle aux hommes les choses dans leur existence objective ? - Questionnement : la science est-elle objective ou entachée de relativité ? Comment trouver un critère de distinction objectif ? La science ne se contente-t-elle pas de simples relations provisoires et transitoires entre les phénomènes ? La connaissance scientifique nous permetelle d’accéder aux choses en soi, à la réalité telle qu’elle serait indépendamment de nous ? En clair, peut-on parler de connaissance absolue ? - Le problème : ce qui s’introduit en vérité dans les faits, n’est-ce pas le pouvoir de la raison et de l’esprit ? Réponse empiriste ou rationaliste possible. - Plan de type progressif par élucidation de plus en plus précise du concept de science. Montrer que la science désigne, non point une appréhension passive du réel qui se contenterait de copier, de réfléchir, traduire fidèlement une réalité préexistante, à supposer d’ailleurs que cela soit possible, mais un mouvement dynamique de l’esprit façonnant le réel et créant les phénomènes. En somme, il va s’agir de montrer que la science est une construction de phénomènes et que c’est le pouvoir de la raison qui structure les données et ordonne l’expérience. I) La science livre les faits et le réel tels qu’ils sont Le verbe “livrer” sous-entend le thème d’une science dynamique, conquérante, en quête perpétuelle des choses et du réel. Ce que le savant trouve, ce sont les données de l’expérience 2 en soi. C’est à des faits objectifs que la science est confrontée. Elle établit des relations, des lois et semble appréhender le réel tel qu’il est. La science est objective, conforme à la réalité et sa vérité est universelle; elle peut être admise par tout homme. Mais la science a-t-elle réellement affaire à des faits ? N’introduit-elle pas dans le réel des structures de l’esprit humain ? La vérité scientifique est-elle une adéquation au réel, un accès à la chose elle-même, indépendamment de la construction humaine ? II) La science désigne une construction de la raison, non point un accès au réel tel qu’il est En réalité, c’est le pouvoir de la raison et de l’esprit qui s’introduit dans les faits et les structure. Le physicien invente des hypothèses fécondes et soumet le réel aux lois de l’esprit. La science est une construction rationnelle, non point une soumission aux faits. Si le fait est le produit d’une élaboration rationnelle, si le fait porte de toutes parts la marque théorique, la science ne saurait nous livrer le réel tel qu’il est. Elle se contente du relatif : elle établit par observation des relations entre les phénomènes et ne vise pas à l’absolu. Ce n’est pas le réel tel qu’il est qu’elle appréhende, mais des données relatives : il n’y a pas d’explication absolue et la science ne vise pas le pourquoi (mais le “comment” ou le “pourquoi pas” de l’hypothèse). Comment la science pourrait-elle nous livrer le réel tel qu’il est, elle qui forme des conjectures provisoires (voir sujet de dissertation suivant) ? La science est le lieu de l’incertitude : la connaissance scientifique progresse grâce à des anticipations non justifiées, elle devine, elle essaie des solutions, elle forme des hypothèses qui sont soumises au contrôle de la critique, c’est-à-dire à des tentatives de réfutation comportant des tests d’une capacité critique élevée. Elles peuvent survivre à ces tests mais, comme l’a montré Popper, il n’est pas possible d’établir avec certitude qu’elles sont vraies. Si la science ne nous livre pas le réel tel qu’il est, que nous livre-t-elle exactement ? Quel est le fruit de son travail ? Que désigne la science ? III) La science, construction de phénomènes La science est une construction rationnelle s’appliquant à des phénomènes. On pouvait s’aider ici de la philosophie de Kant. La science élabore, au moyen de catégories a priori de l’esprit, des intuitions empiriques. Le donné extérieur empirique est mis en forme par notre sensibilité (espace/ temps) et par les concepts a priori de notre entendement, comme la causalité. C’est tout un appareil qui permet la construction scientifique. La science n’est pas en mesure de connaître le réel tel qu’il est (les choses en soi ou noumènes) : nous ne pouvons connaître par la science que les choses telles qu’elles nous apparaissent (les phénomènes). La causalité n’est pas dans les choses mais dans l’esprit humain. L’homme confère sa nécessité à la connaissance scientifique et il en résulte que la science n’a pas la moindre prétention concernant les réalités en soi. La raison scientifique donne donc à voir le “comment” des choses. En s’introduisant dans les données, le pouvoir de la raison structure ces dernières et ordonne l’expérience. La science, n’ayant accès qu’aux phénomènes, ne nous livre pas le réel tel qu’il est. Pas de science sans mise en forme de l’expérience par l’esprit humain, sans mathématique, sans théorie. 3 Sujet 2 : PEUT-ON DIRE D’UNE THEORIE SCIENTIFIQUE QU’ELLE EST A LA FOIS VRAIE ET PROVISOIRE ? Analyse du sujet - Peut-on : est-il possible, est-il légitime (ici c’est l’idée de légitimité qui l’emporte). - Dire : énoncer, exprimer, affirmer. - Théorie scientifique : énoncé universel synthétique, système intégrant un très grand nombre de faits permettant d’expliquer, de rendre rationnel le monde. Une théorie scientifique est un ensemble englobant des lois particulières (la théorie de la gravitation, par exemple, englobe la loi de la chute des corps) et destinée à rendre compte des données de l’expérience. Une théorie est un système logique explicatif qui relie entre eux tous les faits et les différentes lois qui appartiennent à un champ de connaissance. - Vraie : ce à quoi l’esprit peut et doit donner son assentiment, par suite d’un rapport de conformité avec l’objet de pensée. Ici, vérifiable, c’est-à-dire que les faits inclus dans la théorie peuvent être contrôlés expérimentalement et recevoir un assentiment général. - Provisoire : éphémère, passager, transitoire. - A la fois : simultanément - Le sens du sujet : est-il légitime d’affirmer d’un système logique explicatif englobant des lois particulières et destiné à rendre compte des données de l’expérience qu’il est simultanément transitoire et conforme au réel ? - Le problème : la vérité recherchée par la science est-elle étrangère au devenir et à la temporalité ou bien s’intègre-t-elle dans un mouvement dynamique et temporel ? - On peut envisager un plan dialectique dont la structure est bien adaptée au sujet, structure dégageant la notion d’une science mouvante et, en même temps, vraie (idée directrice de la dissertation). - Thèse : la théorie scientifique ne peut être à la fois vraie et provisoire : la théorie semble manifester une vérité éternelle. - Antithèse : mobilité de la science : la science est mouvante, la théorie éphémère. L’idée d’une théorie vraie et éternelle doit être dépassée - Synthèse : la théorie scientifique est toujours partielle mais vraie; elle est réintégrée dans de nouvelles théories plus compréhensives; idée d’une vérité en devenir. 4 I) Une théorie scientifique ne peut être à la fois vraie et provisoire A) La notion de théorie scientifique Théorie, theôria, action de voir et de contempler : système constitué de faits et de lois qui gouvernent ces derniers, système permettant d’expliquer, de prédire le réel. La théorie rend compte des phénomènes observés en les intégrant dans une mise en forme déductive et mathématique : usage du symbolisme mathématique et non simple accumulation de faits. Les vraies théories scientifiques sont celles qui demeurent, représentent des systèmes d’équations nécessaires et éternels. La formalisation mathématique appliquée confère une dimension apodictique (nécessaire) à l’ensemble formalisé : cet ensemble satisfait à l’exigence de cohérence interne du discours mathématique. La vérité d’une théorie est nécessairement aussi expérimentale : nécessité d’une correspondance de la théorie avec le donné. B) Exemples Exemples de théories scientifiques hautement mathématisées semblant manifester une vérité étrangère au temps, théories exprimant une sorte d’éternité objective du monde. Dans Cratyle, Platon nous explique que pour fonder la connaissance il faut échapper au mobilisme universel. Une connaissance mobile n’est pas une connaissance. Pour qu’il y ait connaissance, réelle et stable, il convient d’échapper à une certaine mobilité et retrouver une permanence qui est celle de l’être même. La théorie de la gravitation de Newton qui permet de décrire les trajectoires de tous les corps célestes. La théorie de la relativité généralisée d’Einstein ramenant le champ de gravitation à des propriétés géométriques de l’espace. La mécanique quantique, théorie concernant les corpuscules à l’échelle atomique : les échanges d’énergie se font par quantités discrètes, les quanta. Dans tous ces exemples, il y a tentative de déduction mathématique totale. Les axiomes de ces théories se déroulent de manière rigoureuse, nécessaire, absolument vraie : on peut vérifier les faits qu’elle décrit et prédit. Dans cette perspective, la théorie scientifique ne peut être dite à le fois vraie et provisoire. Les théories scientifiques les plus élaborées montrent la nature telle qu’elle est, exprimée dans des symboles mathématiques nécessaires, universels, vrais. Dans la théorie, les hommes de science appréhenderaient objectivement le réel. Transition : Il semble donc qu’une théorie scientifique, en tant qu’elle est mathématisée, formalisée, ne peut être à la fois vraie et provisoire, de sorte que les lois fondamentales de la physique, les grandes théories, appréhenderaient objectivement le réel. Les théories scientifiques exprimeraient la vérité d’un univers régi par des lois intemporelles. Mais ne constatons-nous pas que la science est mouvante, que les théories évoluent, comme le montre l’histoire des sciences ? L’affirmation selon laquelle une théorie scientifique ne peut être dite à la fois vraie et provisoire ne contredit-elle pas l’histoire des sciences elle-même ? 5 II) La science est mouvante et la théorie éphémère A) L’histoire des sciences Un coup d’œil sur l’histoire des sciences nous commande impérativement un retour cruel au réel dont ces mêmes théories scientifiques prétendent rendre compte absolument. En réalité, la science est mouvante et les théories scientifiques ne sont ni immuables ni définitives. C’est leur caractère éphémère, leur diversité qui frappent l’esprit de l’observateur. Les théories s’écroulent et se supplantent. Insister ici sur le savoir qui se développe. D’abord aucune théorie ne peut prétendre a priori couvrir la totalité des phénomènes : les vérifications des prédictions de ces théories, l’accès à de nouveaux faits liés aux progrès des techniques de mesure conduisent à découvrir des insuffisances, des erreurs dans la théorie examinée. Bachelard montre bien que l’histoire des sciences est une perpétuelle rupture, une révolution permanente dans laquelle les idées viennent contredire d’autres idées, les faits d’autres faits. Il existe une progression des concepts et des théories qui s’effectue davantage par correction d’erreurs antérieures que par accumulation d’un savoir entièrement nouveau. La connaissance scientifique s’accompagne en permanence d’esprit critique. On peut évoquer aussi la notion de “révolution scientifique” que Thomas Kuhn développe dans son livre La structure des révolutions scientifiques. Selon cet auteur, l’histoire des sciences évolue par cycles : à une époque, une théorie dominante (un paradigme) s’impose jusqu’à ce qu’émerge une période de crise. Une révolution scientifique s’ouvre alors qui voit l’émergence d’un nouveau paradigme dominant. Ces révolutions scientifiques se caractérisent par des changements brusques et profonds dans les conceptions scientifiques et par une accélération de la succession des découvertes importantes. Les périodes d’innovations, de changement dans les sciences ont partie liée avec certaines transformations dans les conceptions classiques : le principe d’inertie (principe selon lequel, dans un système galiléen en mouvement uniforme, le mouvement d’un corps indéformable ne peut être modifié que par l’action de forces extérieures) suppose un bouleversement complet dans la conception du mouvement par rapport à Aristote. De même, les théories d’Einstein conduisent à une approche renouvelée de l’espace et du temps. Lorsqu’il y a révolution scientifique, la communauté des savants abandonne une tradition de pensée enracinée : une nouvelle tradition se déploie, incompatible avec la précédente. Ces périodes de crise succèdent à de longs épisodes de “science normale” : consensus de la communauté des chercheurs sur les fondements de l’explication du monde. La “science normale” se cristallise dans un paradigme, un courant de pensée incarné dans des manuels, des publications. Les savants sont donc régulièrement conduits à rejeter certaines théories existantes : on peut décrire le processus de la science comme l’élimination réitérée de théories scientifiques remplacées par des théories meilleures ou plus satisfaisantes. Où l’on voit que les théories scientifiques ne sont que des explications provisoires; le réel est inépuisable et révèle sans cesse de nouvelles richesses à nos techniques d’observation toujours plus fines et plus puissantes. L’expérience ne cesse de poser des problèmes auxquels les hypothèses proposent des solutions qu’il faut sans cesse élargir. Il n’y a pas de système définitif d’explication : l’achèvement du savoir est seulement un idéal, une exigence. 6 B) Une vérité relative Ces analyses nous conduisent à penser que la science et ses théories sont des conventions qui nous permettent de parler commodément du monde, sans qu’il soit jamais possible d’exhiber leur fondement objectif. Il en résulte qu’il est légitime de dire d’une théorie qu’elle est simultanément conforme au réel, quoique de manière relative, et parfaitement provisoire et contingente. Loin de parvenir à une vérité absolue, immuable, éternelle, les hommes de science se borneraient à édifier quelques châteaux de cartes provisoires. La vérité semble ainsi se relativiser totalement en même temps qu’elle devient précaire, fragile, incertaine. “ Les hommes de science se meuvent dans la finitude…Leur voeu, c’est de produire des théories valables pour une infinité de phénomènes. Mais, en pratique, ils ne sont jamais sûrs d’avoir repéré tous les faits utiles; et les théories les mieux confirmées, par là même, demeurent précaires, fragiles. Tous les discours qui tendent à le faire oublier nous cachent donc quelque chose” (Pierre Thuillier, D’Alexandre à Einstein). Transition : Au total, si nous examinons la science contemporaine, l’histoire des sciences en général, nulle théorie n’est absolument vraie : elle est provisoirement cohérente, elle n’est jamais définitivement irréfutable. Mais cette conception de la science et de la vérité n’aboutit-elle pas à un relativisme dont on connaît les contradictions, les limites, voire les dangers, tant sur le plan de la connaissance que sur celui de la morale ? III) La théorie scientifique est réintégrée dans les nouvelles théories On ne peut pas en rester à l’antinomie et opposer la quête d’une vérité déductive, immuable, éternelle (thèse I), d’une part, le mobilisme, le relativisme, le renouvellement incessant du savoir scientifique, d’autre part (antithèse II). Il faut tenter de réunifier les deux points de vue dans une synthèse supérieure, de façon à mieux saisir les caractères de la théorie scientifique (synthèse III). A) Une vérité réintégrée Quand une théorie scientifique unitaire cesse de prévaloir, elle est réintégrée dans un savoir plus total qui l’unifie. On peut affirmer qu’une théorie scientifique est simultanément vraie - mais une vérité partielle - et provisoire. Sa vérité partielle est destinée à être réintégrée dans un ensemble global qui lui confère une unité. De nombreux exemples pris dans l’histoire des sciences le confirme. Par exemple, les théories de Képler et de Galilée se sont trouvées unifiées par Newton. La théorie de Newton a elle-même été unifiée par celle d’Einstein dans sa théorie de la relativité restreinte intégrant les lois de la mécanique newtonienne. A un certain moment du savoir, une nouvelle théorie plus compréhensive et plus globale se présente, restructurant et unifiant les conceptions et les théories antérieures. Le progrès se fait en faveur d’une théorie plus ouverte, possédant davantage d’information mais ne réduisant nullement à zéro les conceptions des systèmes qui sont replacés dans une unité plus haute. B) Une vérité en devenir La vérité de la théorie s’intègre donc dans un ensemble en devenir. Il ne s’agit pas de décrire l’éternité objective du monde. Provisoire ne veut pas dire ici qu’une théorie 7 scientifique est balayée par une autre conception et qu’elle est éphémère. Ce serait une vision naïve de la science. Une théorie représente, en réalité, un moment partiel d’une quête globale. Elle désigne un morceau, une partie, un fragment de l’édifice scientifique. La science est le tout qui se construit progressivement à travers les conceptions partielles qui ne deviennent nullement fausses mais qui sont réintégrées dans le tout. Conception dialectique de la science : c’est le tout qui éclaire les parties. Nulle théorie n’est alors réellement éphémère : si elle est provisoire, c’est en tant que moment d’une totalité. Conclusion : On peut donc répondre positivement à la question posée : une théorie scientifique peut être à la fois vraie et provisoire. Il faut nuancer les termes. L’adéquation au réel est nécessairement mobile; les connaissances évoluent, changent, s’enrichissent. Provisoire ne signifie pas caduc mais partiel et s’intégrant dans le tout. Le problème posé par l’intitulé du sujet était le suivant : la vérité recherchée par la science est-elle étrangère au devenir et à la temporalité ou bien s’intègre-t-elle dans un mouvement dynamique et temporel ? Nous avons vu que la science et les théories scientifiques s’intègrent dans un dynamisme spirituel qui leur donne sens; elles prennent place dans le devenir de l’esprit : chaque conception scientifique est un moment de cette totalité.