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Sujet 1: Toute croyance est-elle contraire à la raison ? Problématique:silacroyanceestspontanémentassociéeàcequi n’estpasfondéenraison,àl’irrationnel: –laraisonneseréduitpasaurationnel,l’excèsderaisonpeutêtre déraisonnable(ilconvenaitdedistinguerles2sensderaison: rationnel/raisonnable) –l’irrationnelneseréduitpasàcequiestcontraireàlaraison,ilpeut aussiêtrecequiestau-delàdelaraison,étrangeràlaraison(«le cœurasesraisonsquelaraisonneconnaîtpoint»selonPascal). –Lesujetinvitaitdoncàs’interrogersurlesfondementsdela croyance(le«toute»invitaitàsedemandersijustementonnepeut pasdistinguerdescroyancesrationnellesetdescroyances irrationnelles)etsurcequiestcontraireounonàlaraison,surla distinctionentreraisonnableetrationnel Planpossible I. Si l’usage de la raison exige un rejet de la croyance, c’est que toutecroyancesemblecontraireàlaraison: 1.toutedémarchequiseveutobjectiveetrigoureuseexigequel’on fasseunecritiquedesopinionsreçues,despréjugés,descroyances ordinairesquiconstituentlespremiers«obstacles épistémologiques»(Bachelard)etquinesontfondésquesurleouïdire,lesdésirs,l’expériencepremière,laforcedel’adhésion commune,doncnonfondésenraison.Onpouvaiticifaireréférenceà l’allégoriedelacaverneetauxanalysefreudiennesetmarxistesde l’illusionreligieuse. 2.c’estenrompantaveclesexplicationsreligieusesoulesmythes, breflesapprochesdelafoi,delacroyancereligieusequelapensée scientifiqueouphilosophiqueestnée(laloides3étatsdeA.Comte) 3.lesoucidelavérité,exigencedelaraison,s’opposeàl’adhésionde lacroyance:«Pensern’estpascroire»Alain;laraisoninviteàla distancecritique,audoute.. Transition:lacroyancesembledonccontraireàlaraisonaussibien danssesfondementsquedansl’adhésionqu’elleimplique,maistoute croyanceest-ellepourautantirrationnelle? II.Certainescroyancesnesontpascontrairesàlaraison: 1.distinctionplatonicienneentreladoxaetl’opiniondroite. 2.lacroyancereligieusepeuts’appuyersurunethéologie rationnelle:lespreuvesdel’existencedeDieu. 3.lapenséerationnellesembles’appuyerelleaussisurcertaines croyances,postulatsadmissansêtredémontrésouprouvés rationnellement.«iln’estpasdesciencessansprésuppositions» Nietzsche.Lascience,malgrésarationalité,nedébouchepassurdes véritésabsoluesmaisseulementsurdesvéritésprovisoires,des croyancesrationnelles. 4.lacroyancen’estpascontraireàlaraison,elleestau-delàdela raison:Pascal.Ellesouligneleslimitesdelapuissancedelaraison aussibiend’unpointdevuethéoriquequepratique(Kantetle postulatdel’existencedeDieu,commeundes3postulatsdela moraleauxcôtésdelalibertéetdel’immortalitédel’âme). Transition:donclacroyancen’estpasnécessairementcontraireàla raison; si toute croyance ne s’oppose pas à la raison, à quelles conditionscroyanceetraisonpeuvent-ellescoexister? III.Unecoexistencepossible 1.cequel’usagedelaraisonrejetteabsolument,cen’estpasla croyanceenelle-même,cesontsesdérivesquesontlefanatisme (idéologique,religieux,sectaire)aveugleetmisologueetla superstitionquinourritlapeuretquiempêcheàlafoisleprogrèsde laconnaissance(lasuperstitionnevivantquedel’ignorance)etla vieraisonnable,c’est-à-diresage(parex.laphilosophieépicurienne quiposelesprincipesdelaviesageetheureusecommenceparune physique,quiapourobjectifde«démystifier»,de«démythifier»le monde,deséparersoit-disantdivinetpurementphysique,carc’estla peurdesDieuxquitroublel’âmeetempêchedeparvenirauBonheur, l’ataraxie).Autrementdit,cequerejettel’usagedelaraison,c’estla croyancequinielascienceouquiseprendpourdelascience,qui ignorequ’ellen’estqu’unecroyance. 2.l’opinionestparfoisleseulpointd’appuiquel’onapourdirigersa vie,fautederèglesobjectivesdubonheur,parexemple.Etsions’y tient,ellepermetd’avoiruneconduite,alorsqueledoutepermanent empêchedevivreetd’agir(lamoraleprovisoiredeDescartes) 3.onpeutpenserqu’onabesoindecroyancespourvivreetquec’est enquelquesorteuneréactiondéfensivedelanaturecontrelaraison (Bergson).C’est«larançondel’intelligence».Onabesoind’illusion. SUJET 2 : Faut-il oeuvre d’art ? être cultivé pour apprécier une 1-On peut aimer une œuvre d’art, sans pour autant être cultivé ou être un spécialiste de l’histoire de l’art. a) L’œuvre se suffit à elle-même. On peut l’aborder de manière naïve, sans avoir de connaissances, et éprouver, malgré tout, un plaisir authentique. Exemples : on peut aimer lire un roman sans connaître l’histoire du roman, sans repérer les figures de style ou les différents procédés mis en œuvre par le romancier ; on peut être touché par un tableau, sans connaître le peintre ou le courant artistique dans lequel il s’inscrit, comme Ivan dans « Art » la pièce de Yasmina Reza. b) L’œuvre n’est pas réservée à une élite : elle peut plaire à tout le monde. Les grandes œuvres qui font l’objet d’un consensus large (les œuvres « classiques »), non seulement rassemblent les spécialistes comme les non-spécialistes, mais sont appréciées, dans le monde entier, par des hommes ayant des cultures différentes. Cf. Kant : « est beau ce qui plaît universellement sans concept ». L’expérience de la beauté réunit, de manière énigmatique, tous les hommes, quelles que soient leurs différences. Transition. Une approche naïve de l’art a pourtant des limites. Le novice, par opposition à l’homme cultivé, éprouve du plaisir, mais a une perception partielle et superficielle de l’œuvre. Il ne perçoit pas l’œuvre dans sa totalité, mais seulement les aspects qui attirent l’attention, ou qui sont immédiatement accessibles. En outre, il n’est pas capable d’expliquer ce qu’il voit, ressent ou éprouve. Enfin, il peut aimer l’œuvre pour de mauvaises raisons, valorisant à tort telle ou telle caractéristique pourtant insignifiante ou sans intérêt, ou donnant à l’œuvre un sens qu’elle n’a pas. 2. La culture est nécessaire pour apprécier une œuvre. a) Pour apprécier, il faut comprendre, et pour comprendre, il faut connaître. Des connaissances sont nécessaires pour comprendre ce que l’œuvre signifie. Exemples : des connaissances sur la vie de l’artiste, sur les techniques particulières qu’il utilise, sur le contexte historique de la création, sur la place de l’œuvre dans l’histoire de l’art. Etre cultivé signifie ici avoir des connaissances particulières sur tel ou tel art, tel ou tel artiste. La culture permet donc d’enrichir la perception de l’œuvre, afin d’en saisir les enjeux. Cf. La réplique de Serge à Marc dans « Art ». b) Pour apprécier, et donc évaluer correctement une œuvre, il faut du goût. Tous les jugements esthétiques ne se valent pas. Le goût, loin d’être inné, fait l’objet d’une éducation. Seul l’homme cultivé sait apprécier une œuvre d’art, c’est-à-dire déterminer la valeur qui est la sienne. En comparant les œuvres entre elles, il sait que telle œuvre est supérieure à telle autre. Cf. Hume, La règle du goût, §20. c) La culture est nécessaire, pour décoder l’œuvre, mais aussi pour reconnaître l’œuvre en tant qu’œuvre. Sans culture, je peux ne pas comprendre. Mais pire : je peux ne pas voir l’œuvre, ne sachant pas où il faut regarder. Cf. par exemple Zola, L’assommoir, chapitre III : la visite du Louvre. Cf. aussi Adorno, Minima Moralia, § 143. Toute œuvre d’art s’inscrit dans un cadre culturel, hors duquel elle perd sa valeur, et ne peut pas être appréciée (l’exemple de la ChauveSouris, l’opérette de Johann Strauss). Transition. Pourtant, si la culture rend possible l’accès à l’œuvre d’art, elle peut aussi constituer un obstacle, et nuire à l’expérience esthétique. Ni l’approche naïve ni l’approche experte de l’art ne sont pleinement satisfaisantes. 3. Les limites de la culture. a) Les connaissances peuvent nuire à l’expérience esthétique : de même que le novice ne voit pas l’œuvre telle qu’elle est, faute de connaissances adéquates, de même l’homme cultivé peut finir par ne plus voir l’œuvre, sa culture faisant écran, et empêchant une approche spontanée. Cf. par exemple Daniel Arasse : « ce qui me préoccupe, c’est plutôt le type d’écran (fait de textes, de citations et de références extérieures) que tu sembles, à tout prix, à certains moments, vouloir interposer entre toi et l’oeuvre, une sorte de filtre solaire qui te protégerait de l’éclat de l’oeuvre… » (On n’y voit rien, p.11-12) b) L’homme cultivé pourrait échouer à reconnaître l’œuvre du génie. Le génie, par définition, innove, fait une œuvre originale, en rupture avec les traditions antérieures. L’homme cultivé, en abordant l’œuvre nouvelle à travers les catégories du passé, pourrait ne pas voir l’intérêt de l’œuvre. Face au génie, l’homme cultivé et le novice semblent à égalité. c) Le plaisir esthétique qu’éprouve l’homme cultivé peut manquer d’authenticité : s’il aime telle œuvre, c’est moins parce qu’il est touché personnellement par cette œuvre que parce qu’il suit la tradition, et se conforme au bon goût. Cf. Bourdieu, sur la distinction sociale. Le novice aime peut-être l’œuvre pour de mauvaises raisons, mais, en tout cas, il est plus sincère dans son appréciation TEXTE 3 “Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n’a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l’abeille confond par la structure de ses cellules de cire l’habileté de plus d’un architecte. Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur. Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté”. Karl Marx, Le capital (1867) Karl Marx, qui est un philosophe et économiste allemand du XIX ème siècle, est considéré comme l’un des pères du communisme, en raison de ses nombreux ouvrages prônant la « révolution et la dictature prolétaire », afin que cesse la lutte des classes ( ouvriers contre bourgeois). Il est parallèlement le créateur d’une philosophie dite « matérialiste », qui est une théorie selon laquelle la matière est la seule réalité existante, ou du moins elle est la base fondamentale de la vie spirituelle ; aujourd’hui il peut y avoir une connotation péjorative, en sous entendant que l’on cherche à expliquer le supérieur (l’esprit) par l’inférieur (le corps, la matière). Marx, qui cherche dans ses nombreux ouvrages à brosser une esquisse de sa société, et dans le même temps à analyser cette dernière afin que le prolétariat sache comment il doit faire la révolution, s’attarde longuement sur le travail, notion essentielle de la situation moderne. En effet c’est pour lui le moyen d’appliquer le concept du capitalisme, à savoir, l’exploitation de l’homme par l’homme. Il revient donc sur les fondamentaux de « ce qu’est le travail » afin de mieux en saisir l’essence première. Le texte ci-dessus est donc une réflexion première sur le travail ; il y différencie le travail, propre à l’homme, et l’activité animale, qui bien que proche du travail n’en est pas. Tout d’abord, Marx pose le contexte dans lequel l’homme travaille : “Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. » En effet, le travail est le moyen pour l’homme de transformer la nature, environnement hostile, afin d’en faire un espace de culture propre à l’homme ; Marx suit la pensée de Descartes qui dans le Discours de la méthode énonçait que le travail nous rendait « maîtres et possesseurs de la nature ». C’est donc en cela une vision classique du rapport de l’homme au travail, où le travail est le moyen de passer de l’état de nature à celui de culture. Marx illustre d’ailleurs parfaitement cette transformation de la nature quand il dit : « afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. ». Marx reprend également la thèse de Kant lorsqu’il affirme que le travail « développe les facultés qui y sommeillent (en nous). » Il souligne par là le rôle primordial du travail qui est le vecteur de développement de l’homme. En effet, par le travail l’homme apprend, s’entraîne (par la répétition) et de fait acquière de l’expérience. Il est en quelque sorte obligé de travailler, et d’acquérir cette expérience car comme le dit Kant : « La nature semble même avoir trouvé du plaisir à être la plus économe possible, elle a mesuré la dotation animale de l’homme si court et si juste pour les besoins si grands (…) elle voulait que l’homme dût parvenir par son travail à s’élever ». Jusque là rien de bien révolutionnaire ; Marx s’appuie sur les solides fondements de ses prédécesseurs. Néanmoins, il va faire ressortir une idée fondamentale : celle de la volonté. Ne voulant pas se perdre dans le préliminaire sans fin du travail et de l’instinct, il part d’une situation évoluée de l’homme, avec en conséquence une relation au travail plus complexe, car plus aboutie : « Notre point de départ c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme » ; c’est-à-dire le travail sous la forme moderne tel que Marx le connaissait à son époque. Il évoque le constat déconcertant de l’abeille et de l’architecte, ou de l’araignée et du tisserand : bien que les hommes se réclament de travailler en opposition avec l’activité animale, rien (ou presque) ne différencie l’ouvrage du plus habile des tisserands avec l’araignée et sa remarquable toile ; encore moins de la complexité de la construction d’une ruche par les abeilles, où chaque alvéoles est d’une grande technicité ; où plus d’un architecte aurait échoué. Alors, car il y a une différence fondamentale, quel est l’élément qui différencie « le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte » ? C’est comme le dit limpidement Marx, « il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche (l’architecte) ». C’est-à-dire que l’architecte, avant de s’affairer à construire la cellule va d’abord visualiser, imaginer et prévoir ce qu’il va faire ; il la capacité de rendre dans son esprit une image, une projection de son travail. En le visualisant, il anticipe les difficultés, modifie son projet, l’améliore, le retourne dans tous les sens afin de vérifier sa viabilité ; en soit il peut anticiper et modifier son projet, avant même d’avoir posé la première brique. L’abeille, elle, ne réfléchit pas, elle fonctionne à l’instinct, tel un automate ; tout est inscrit en elle depuis sa naissance, la capacité de construire des cellules lui étant innée : par conséquent elle ne peut améliorer son ouvrage ou du moins l’adapter aux éventuelles contraintes ou évolutions du milieu extérieur, tandis que l’homme par sa réflexion et sa volonté propre peut modifier son projet en fonction des facteurs exogènes. Marx conclut ainsi « comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté ». Il souligne par là que l’homme obéit à sa propre loi, son mode d’action, c’est-à-dire ses moyens physiques et matériels de réaliser son travail : c’est pour cela qu’il doit y subordonner sa volonté, car il réfléchit et œuvre en fonction de ce qu’il dispose, afin de rendre son projet viable. Le travail : une nécessité ou la libération des nécessités ? Ces moyens que Marx évoque ici, ce sont en quelque sorte les outils, c’est-à-dire les instruments nous permettant d’exécuter une action. Ainsi Bergson souligne dans L’évolution créatrice que l’homme, contrairement à sa définition anthropologique, qui tend à caractériser l’homme en fonction de son savoir théorique (de la connaissance des choses, même de manière abstraite), est comme un homo faber, c’est-à-dire l’homme comme un artisan, fabriquant d’outils, nécessaires à l’aménagement de son espace et à l’amélioration de ses conditions de travail. « En ce qui concerne l’intelligence humaine, on n’a pas assez remarqué que l’invention mécanique a d’abord été sa démarche essentielle, qu’aujourd’hui encore notre vie sociale gravite autour de la fabrication et de l’utilisation d’instruments artificiels (…) En définitive, l’intelligence envisagée dans ce qui paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d’en varier indéfiniment la fabrication ». De fait, Bergson perd parti pour les thèses des Modernes contre les Anciens, en affirmant que l’homme est un être de travail, car en étant « homo faber » il a vocation à développer de manière infinie son travail ; les Anciens eux méprisaient le travail (travail vient du latin « tripalium » qui signifie torture !) ; de même ils y voyaient l’expression d’une soumission de l’homme à la nécessité, à la nature qui le contraignait à travailler ; Bergson est résolument Moderne sur le travail, car en considérant l’homme comme « homo faber » il tend à appuyer la thèse moderne selon laquelle le travail est le moyen de dominer la nature et par conséquent, d’être libre de la nécessité.