Pierre MORGAT

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Pierre MORGAT
Proposition d’une typologie des plateformes communautaires de marques en ligne: le
modèle des 5W
Pierre MORGAT (auteur référent)
Enseignant-Chercheur
ICD Business School
[email protected]
Vincent Dutot, PhD
Professeur associé
Paris School of Business
59 rue Nationale
75013 Paris
[email protected]
Résumé
Les communautés de marque en ligne font partie des recherches académiques depuis
longtemps. Pour autant, aucune définition ne fait l’unanimité et les approches utilisées pour
les appréhender sont très diversifiées. La volonté de cette recherche est de proposer et tester
une nouvelle typologie des communautés de marque en ligne. Afin de valider cette nouvelle
typologie, nommée 5W pour Why, What, Who, When, Where, nous l’avons confrontée aux
critères mis en avant par Shelby Hunt (1991). Enfin, à partir de cas réels dans le domaine des
télécoms, de la grande distribution et de la banque en ligne, la typologie montre son
applicabilité et ouvre ainsi la porte à de nouvelles applications.
Mots clefs :
Communautés de marque, communauté de marque en ligne, typologie, 5W.
1
Introduction
Les communautés virtuelles existent depuis près d’un quart de siècle. Aujourd’hui près de 20
communautés virtuelles comptent plus de 100 millions d’utilisateurs actifs (Yahoo Groups,
QQ, LinkedIn, Instagram, Whatsapp ou Facebook) et près de 84% des individus ont déjà
participé à une discussion sur de tels supports (John Horrigan, 2001). Dans registre plus
professionnel, les plateformes d’engagement comme Lithium comptent près d’un milliard
d’utilisateurs pour cinq cents grandes marques. Avec cette croissance forte, en nombre
comme en utilisateurs, les communautés sont devenues un sujet populaire dans la presse
professionnelle mais aussi pour les recherches académiques (Constance Elise Porter, 2013 ;
Roderick Brodie et al. 2011 ; Catherine Ridings et David Gefen, 2004 ; Fion Lee et al., 2003)
Ces recherches ont notamment permis comprendre les bénéfices de la création d’une
communauté virtuelle, comme l’augmentation des ventes (Shona Brown et al., 2002), une
meilleure segmentation de marché (Arthur Armstrong et John Hagel, 1995), le bouche à
oreille positif (Barbara Bickart et Robert Schindler, 2001), le rôle de la confiance (Constance
Elise Porter, 2013), ou bien l’amélioration des relations avec la marque (John Hagel et Arthur
Armstrong, 1997). Mais si les recherches sont nombreuses, il existe encore des manques
importants quant à la définition de ces communautés ou leur classification (Constance Elise
Porter, 2004). Par exemple, si le lancement des tels supports est risqué, la réussite sur le long
terme devient un enjeu majeur et beaucoup s’entendent autour de la notion d’engagement des
membres (Roderick Brodie et al., 2011 ; Terry Daugherty et al., 2005) comme facteur
essentiel de succès.
Il apparaît donc important de mener un travail d’agrégation et d’uniformisation des définitions
nombreuses qui existent et qui semblent manquer de liens entre elles (Shelby Hunt, 1991).
Cette recherche a ainsi pour objectif principal, à partir d’une revue des premières typologies
existantes, de proposer un nouveau modèle de compréhension des communautés virtuelles de
marques basées sur l’engagement. Nous proposons ensuite une typologie basée autour des 5W
que sont le why, what, who, where et when. Enfin, nous testons la robustesse de cette
typologie selon les critères avancés par Shelby Hunt (1991) avant de l’appliquer à certains
secteurs.
1. Revue de la littérature
Nous présentons ici les principaux travaux sur les communautés, communautés en ligne,
communautés de marque et d’engagement, avant d’en arriver dans une seconde partie à la
typologie proposée.
2
1.1. La communauté
L’existence des communautés date de la préhistoire et pourtant même si le concept de
« communauté » est souvent traité dans la littérature académique, il ne fait toujours pas l’objet
d’un consensus. Ainsi dès 1955 George Hillery a dénombré pas moins de 94 définitions
différentes.
En 2010, Graham Crow a mis en exergue la richesse et la complexité des travaux sur le
concept de communauté, sans pour autant pouvoir dégager une définition universelle. Ainsi
trouve-t-on, par exemple, des communautés religieuses, de quartier, nationales, régionales,
locales, ethniques, d’intérêts, sportives, politiques, d’entraide, caritatives, littéraires, de
pratiques, de fans, d’apprentissage, gastronomiques, littéraires, professionnelles, par métiers,
etc.
Par conséquent, les raisons de ce foisonnement de définitions très différentes, parfois
antagonistes et non normées reposent dans la nature même des communautés et dans leur
aspect polymorphe. De ce fait, les définitions académiques des communautés souffrent d’un
socio-tropisme inhérent à la discipline de chaque auteur.
La littérature tend à reconnaitre trois principaux apports sur la communauté. Le premier est
celui de John Hagel et Arthur Armstrong (1997) lesquels quelques années plus tard
définissent les communautés virtuelles comme étant des espaces régis par ordinateurs offrant
un potentiel pour l’intégration de contenus et une communication riche autour de contenus
générés par les membres. Le second est l’œuvre de Quentin Jones et Sheizaf Rafaeli (2000)
qui soulignent que ce sont clairement des espaces régis par des ordinateurs autorisant des
groupes d’individus à participer et contribuer à des sessions informatiques interactives
interpersonnelles. Enfin, le troisième est celui d’Howard Rheingold (2003) qui considère que
les communautés virtuelles émergent lorsqu’un nombre suffisant de personnes poursuivent
une discussion publique sur une longue période, avec des sentiments humains, afin de former
des cercles de relations interpersonnelles dans le cyberespace.
1.2. La communauté en ligne
Le manque d’uniformisation dans les définitions soulevé pour les communautés est tout aussi
existant pour les communautés en ligne (Constance Elise Porter, 2004 ; Lee Komito, 1998).
Ainsi pour Robert Kozinets (1999) ou Hye-Shin Kim et Byoungho Jin (2006), ce sont des
plateformes qui sont explicitement organisées autour d’activités de consommation
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D’après Uptal Dholakia et al. (2004), les communautés virtuelles peuvent être vues comme
des communautés spécialisées, géographiquement dispersées ou basées sur un réseau de
relations entre participants partageant un intérêt commun. Guo Zhang et Elin K. Jacob (2012)
partagent cette idée d’espace, de place et d’endroit (Guo Zhang & Elin K.Jacob, 2012). Ces
mêmes auteurs définissent d’ailleurs les communautés comme étant des « lieux avec un sens
inhérent des limites » qui stimulent les expériences humaines, déclenchent des comportements
et des attentes de la part des consommateurs.
Pour Shintaro Okazaki (2007), elles permettent ainsi l’essai, l’adoption, ou bien encore
l’usage de produits ou services. Enfin, de nombreux auteurs soulignent l’importance des
interactions entre groupes de personnes passant par la recherche d’un intérêt commun, le tout
bien entendu assujetti à la médiation de la technologie (Fion Lee et al., 2003 ; Jenny Preece,
2000). Cette notion de technologie est reprise par Constance Elise Porter (2004, 2013) qui
définit notamment la communauté virtuelle comme étant une ‘agrégation d’individus et de
partenaires d’affaires qui interagissent autour d’un intérêt commun et où l’interaction est
partiellement supportée ou relayée par la technologie et guidée par des protocoles et
normes’.
Cette définition est une des plus aboutie, car elle intègre les différentes parties prenantes, la
notion de technologie. En outre elle n’est pas exclusive à l’axe « computer-based ». Enfin, la
présence des notions de protocoles et normes (peu présentes dans les premières approches)
permet d’ouvrir la définition à des champs scientifiques complémentaires (comme la
psychologie ou le marketing).
Pour autant, ces définitions ont encore besoin d’évoluer, tout comme leur classification et
avec le développement des communautés de marque, il faut maintenant ajuster les premières
typologies.
1.3. La communauté virtuelle de marque
Une des premières approches des communautés de marque a été le fruit des travaux de Robert
Kozinets (1999) qui les définit comme des sous-groupes de communautés virtuelles dont le
centre d’intérêt est lié à la consommation. Ces sous-groupes interagissent et sont animés par
un enthousiasme partagé et des échanges concernant les activités liées à la consommation.
Plus récemment, les communautés virtuelles de marque ont été définies comme un groupe de
personnes portant le même intérêt pour une marque spécifique et créant un univers social
parallèle (sous-culture) avec ses propres mythes, valeurs, rituels, vocabulaire et hiérarchie
(Bernard Cova et Stefano Pace, 2006).
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Pour synthétiser ces premières définitions des communautés ainsi que leurs relations, Pierre
Morgat (2014) avance les liens suivants (cf. figure 1). Les communautés englobent les
communautés en ligne, lesquelles comprennent les communautés de marque. Parmi ces
dernières se trouvent des communautés de marque dédiées seulement à l’écoute de la voix du
client, alors que les plus abouties font office, en plus, de plateforme d’engagement au sens de
la relation client.
Figure 1 : Typologie des communautés de marque (Morgat, 2014)
Et les avantages pour les marques de création de communautés sont nombreux. Tout d’abord
cela offre un plus grand contrôle des conversations que sur les réseaux sociaux (Mickael Wu,
2012). De plus, cela permet de renforcer la fidélité à la marque (Jonna Holland et Stacey
Menzel Baker, 2001) grâce au développement de valeur expérientielle. Enfin cette fidélité
viendra accroître le niveau d’engagement des membres au sein de la communauté (Roderick
Brodie et al., 2011).
1.4. L’engagement
Parler de communauté et de communautés de marque ne peut se faire sans aborder la notion
d’engagement des membres. Les travaux de Roderick Brodie et al. (2011) ont avancé l’idée
qu’il ne peut y avoir de communauté de marque pérenne si les mécanismes de l’engagement
des participants en ligne ne sont pas compris, mis en œuvre, développés et favorisés.
Mickael Wu (2013) reprend ces idées en liant engagement et réussite des communautés (en
faire des plateformes vibrantes). Ce lien est même la condition sine qua non pour l’existence
5
dans la durée d’une communauté initiée par la marque et mise à la disposition des fans.
L’auteur va même plus loin que Geoffrey Moore, en proposant un modèle basé sur
l’observation de nombreuses communautés en ligne, qui ont su accélérer les flux en utilisant
des technologies disruptives et innovantes (Joseph Bower et Clayton Christensen. 1995).
Son modèle présente l’engagement au travers de quatre leviers principaux que sont
l’acquisition, l’engagement, la capacité à enrôler et enfin la monétisation. L’acquisition se
comprend comme la capacité à susciter de l’intérêt de la part des prospects ou des
consommateurs. Ensuite il s’agit de développer l’engagement des consommateurs en
favorisant la construction de relations entre les membres. Le troisième niveau consiste à
identifier les Superfans, avocats de la marque qui auront comme mission de favoriser les
ventes par la recommandation (principalement sous un mode de communication peer to peer).
Enfin, le quatrième levier doit permettre de générer des revenus. Il s’agit alors de mobiliser
les Superfans de la marque et d’activer le drive to store ou drive to e-commerce.
Ces quatre vitesses ou engrenages illustrent bien le mode de fonctionnement optimal d’une
plateforme communautaire de marque et d’engagement, ce que certains appellent innovation
disruptive (Brian Solis, 2013).
Comme l’a montré cette première partie, les définitions de communauté et de communauté de
marque en ligne ou d’engagement restent disparates. Il en est de même pour les typologies qui
cherchent à les classifier.
2. Typologie de communautés
De nombreuses classifications ont vu le jour dans la littérature. Nous avons essayé de les
regrouper ici sous quatre grandes thématiques que sont : la fonction, la catégorie, les revenus
et la classification dualiste. En se basant sur ces éléments, nous cherchons ainsi à mieux
cerner les éléments englobant de ces classifications, afin de les regrouper au sein de la
typologie proposé.
2.1. Les typologies par fonction ou finalité
Une première manière de présenter les communautés revient à les comprendre comme une
aide pour accompagner une certaine fonction. Aujourd’hui, les communautés de marque dont
la mission principale est le support clients ou l’entraide par exemple sont nombreuses, à
l’instar de Sosh, Virgin Mobile, Leroy Merlin ou encore Hewlett Packard. D’autres, comme la
communauté C’Vous de Casino, choisissent un axe résolument orienté sur l’idéation ou le
crowd sourcing (Robert Kozinets et al., 2008, Victor Naroditskiy et al., 2013).
6
D’après une étude menée par Jenny Ambrozek et Joseph Cothrel (2004), les principales
missions des communautés de grandes marques internationales étaient le Knowledge
Management et l’innovation (22%), un outil de publication (14,3%), le support Clients (12%),
l’apprentissage et la formation (10,2%), le Marketing et les ventes (10,2%), le développement
de produits (7%), ou des missions non mercantiles (6,8%).
Pour Robert Plant (2004), les communautés doivent être classifiées selon leur finalité. Plus
précisément, celles-ci doivent définir des fonctions de régulation et d’ouverture (cf. figure 2).
Cette typologie s’adapte aisément aux marques dont la finalité est de développer le business et
les profits.
Régulation
Activités à but lucratif
Degré d'ouverture
Figure 2 : Typologie de Plant (2004)
Les plateformes d’engagement communautaires de marque sont toutes modérées par les
membres, par les agents de la marque et par la plateforme elle-même, montrant bien l’intérêt
fort de la mesure de régulation. De plus, la grande majeure partie d’entre elles sont ouvertes à
tous sans obligation ou frais. Le seul élément moins adapté à notre cas d’étude est la notion
d’activité lucrative.
2.2. Les typologies par catégories et dimensions
Les communautés peuvent se voir selon une approche quadridimensionnelle (Jonathan Lazar
et Jenny Preece, 1998). Les dimensions présentées par les auteurs sont (1) les attributs de la
communauté (ex : buts et intérêts, famille, travail, éducation, sources de revenus), (2) les liens
avec une communauté physique (ville, loisirs, jeux de rôle, santé), (3) les logiciels supportant
la communauté (liste de diffusion, messagerie instantanée, groupe de nouvelles) et (4) les
délimitations de la communauté (restreint, étendu). Cette typologie apparaît toutefois reposer
sur quelques facteurs limitants. Certains critères sont trop généralises et ne peuvent donc pas
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s’appliquer à toutes les entreprises, ou ne font pas de sens pour toutes les communautés (la
famille, la spiritualité, la politique, ou encore le jeu, ne sont pas des attributs de toutes les
communautés). Il est également possible (et de plus en plus) d’envisager la création de
communautés de marque en ligne sans liens avec des communautés physiques préexistantes
(citons ainsi Giff Gaff ou Casino). A l’inverse, notons l’importance de la notion de support
technologique ou de la délimitation. En effet certaines communautés sont ouvertes à tous, y
compris aux non clients ou prospects (SOSH, Joe Mobile, Leroy Merlin), alors que d’autres
leurs sont réservées (IDTGV). Enfin, certaines communautés sont accessibles en Intranet,
souvent pour les salariés ou collaborateurs, et dès lors il ne s’agit pas de communautés de
marque, mais de plateformes collaboratives.
La seconde classification par dimensions est celle de Katarina Stanoevska-Slabeva et Beat F.
Schmid (2001) qui distingue quatre grandes catégories de communautés virtuelles (cf. figure
3). La première est la communauté consacrée aux discussions & échanges, principalement par
grandes thématiques, pratiques ou relations en peer to peer. La seconde présente les
communautés dédiées à une tâche comme les communautés open source (co-création) ou d’elearning. La troisième représente les enjeux virtuels avec les avatars (type SecondLife) ou les
jeux en ligne. Enfin les communautés hybrides sont celles regroupant des éléments des trois
précédentes.
Types de communautés
Discussion
Dédiées à une tâche
Mondes virtuels
Relations P2P
Communautés Design
/ open source
Communautés
thématiques
Commuanutés d'elearning
Communautés
de pratiques
Communautés de
transaction
Hibrides
Avatars
Jeux en ligne
Communautés
de discussions
indirectes
Figure 3 : Typologie de Stanoevska-Slabeva et Schmid (2001).
Cette typologie ne concerne que partiellement notre sujet, car les plateformes communautaires
de marque se retrouvent certes dans les plateformes d’échanges, sur le mode P2P (Peer to
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Peer), centrées sur un sujet (La beauté pour Sephora), parfois de pratique (Maquillage pour
Sephora et bricolage pour Leroy Merlin), mais cela n’induit pas la dimension CRM et support
Clients, au demeurant essentielle. En l’état elle n’apparaît donc pas satisfaisante.
Plus récemment, Johannes Lechner et Ulrike Hummel (2002) ont abordé la typologie des
communautés virtuelles en cinq catégories de communautés que sont les communautés de
jeux, d’intérêt, B2B, B2C et C2C. Elle offre une vision plus globale notamment en intégrant
les principales cibles d’une communauté. Cependant, elle n’intègre pas la mixité des échanges
comme par exemple le BtoCtoC via les Superfans, le BtoC en communication corporate, le
CtoC au sein de la communauté, le CtoB en mode de retour.
La dernière typologie présentée ici est celle de Constance Elise Porter (2004) et repose sur
cinq critères entendus comme les attributs clés des communautés virtuelles. Le premier est
l’objectif assigné (support clients, information) ; le second est la localisation de l’interaction
(en ligne ou hybride) ; le troisième traite la plateforme utilisée (et le design de l’interaction :
synchrone ou asynchrone) ; le quatrième aborde le type d’interaction (petit groupe ou large,
intensité du lien) et enfin le cinquième est le modèle de profits (à savoir le retour sur
interaction). Cette typologie est très opérationnelle mais ne couvre que partiellement les
communautés de marque en ligne qui ont certes des finalités business (comme le ROI ou le
cost killing), mais ne sont pas mercantiles pour autant.
Cette première famille présente l’inconvénient de ne pas prendre en compte la mixité des
objectifs assignés aux communautés de marque, et même si elle donne une indication de
l’utilisation principale, elle n’intègre pas les missions secondaires ou concomitantes que
peuvent avoir les marques.
2.3. Les typologies par les revenus
Une autre classification des communautés peut se faire par la volonté de générer des revenus.
Pour John Hagel et Arthur Armstrong (1997), les communautés peuvent être classées selon
leurs logiques de rémunérations, à savoir l’abonnement, le paiement à l’usage ou les frais
d’inscription (cf. figure 6). Cette typologie ne s’applique pas aux plateformes communautaires
de marque, car ces plateformes sont d’abord d’accès et d’usage gratuit.
Faisant suite à celle de John Hagel & Arthur Armstrong (1997), les travaux de Ward Hanson
et Kirthi Kalyanam (2000) présentent une typologie qui est fonction de la source des revenus.
Cette dernière typologie s’intéresse principalement aux actions des communautés de marque
selon une orientation BtoB (cf. figure 4). Les sources de revenus envisagées sont notamment
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le sponsoring de contenus, des alliances, des marchés BtoB ou encore des bannières
publicitaires.
Génération des revenus
Revenus générés par la marque
Revenus générés par les utilisateurs
Contenus & sponsoring
Ventes de produits
Accords de distribution
Abonnements
Accords exclusifs
Revenus "pay per
view"
Publicité en ligne
Figure 4 : Typologie d’Hanson (2000)
Ce cadre n’est que peu applicable pour les communautés de marque d’engagement en ligne
cependant. En effet, les revenus générés sur ces plateformes sont BtoC et dépendent donc des
utilisateurs. Ils ne correspondent pas à des ventes de produits directes (ce ne sont pas des
plateformes d’e-commerce), ou d’abonnement. Cependant, la notion de revenus de la
plateforme se doit d’être considérée.
2.4. Les classifications dualistes
Certaines classifications sont plus simples et visent principalement à opposer les
communautés selon un axe. John Hagel & Arthur Armstrong (1997) proposent ainsi une
représentation simple tournée autour de la cible de la communauté, à savoir les
consommateurs ou les entreprises. Ce faisant, les communautés sont soit de type BtoC, soit
BtoB (cf. figure 5).
Cette typologie a l’avantage d’être claire et simple. Néanmoins au sein des plateformes
communautaires de marque, même si la majorité des échanges est entre pairs, donc
consommateurs, une partie non négligeable est l’apanage de la marque via des agents ou
community managers identifiés comme salariés de la marque. De plus, la majorité des
plateformes communautaires d’engagement sont plus thématiques (ex. Beauty talk, Sephora).
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Types de communautés
Communautés centrées
Consommateurs
Communautés BtoB
Communautés
géographiques
Commuanutés
d'industries
verticales
Communautés
démographiques
Communautés
fonctionnelles
Communautés
thématiques
Communautés
géographiques
Communautés
dédiées au Business
Figure 5 : Hagel et Armstrong (1997)
Elaborée en 2003, la classification de Reinhard Franz et Thomas Wolkinger (ibid) est
découpée en deux grandes catégories : autonomes (standalone) et à valeur ajoutée (add-on)
(figure 6). La première intègre des communautés centrées autour de la publicité, des
souscriptions, du e-commerce ou d’autres sources. La seconde regroupe trois sous-ensembles
que sont l’intégration des clients, la recherche marketing ou le développement de produits.
La première catégorie semble avoir peu de liens avec les communautés de marque en ligne,
alors que la seconde s’en rapproche fortement. En effet, l’intégration des consommateurs ou
clients y est essentielle et l’on y retrouve souvent les concepts d’idéation, de co-conception de
produits ou services, de gestion de projets avec les consommateurs, de pré-test de produits,
d’innovation Clients ou de social CRM. La recherche en marketing est également très
présente dans les plateformes communautaires de marque par le biais des sondages, de panels
permanents à disposition, d’études, de données démographiques, d’influenceurs ou encore de
tests de produits. Il en va de même avec le développement de produits comme nous avons pu
le voir avec la co-création par exemple.
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Communautés virtuelles
Valeur ajoutée
Communautés autonomes
Intégration des
Clients
Idéation, création de
produits, projets, drafts,
évaluation de prototypes,
introduction d'innovations
Publicité
Recherche
Marketing
Etudes, tests, sondages,
données démographiques,
concept développés par les
influenceurs, tests de
produits
Souscriptions
Développement
de produits
Customisation de masse,
intégration des clients
e-commerce
Autres sources
Figure 6 : Typologie de Franz et Wolkinger (2003)
En outre, les auteurs insistent déjà sur le fait que la partie valeur ajoutée génère de nombreux
revenus indirects comme l’amélioration des produits ou services, l’optimisation des process
d’innovation, la découverte de nouvelles sources de revenus (vente directes par les membres),
l’accroissement de la fidélité, l’amélioration de la proximité avec les clients, la génération de
feedback des consommateurs ou encore le développement de l’influence de la marque auprès
des membres et non membres.
Pour Joon Koh et Y.-G. Kim (2004), les communautés peuvent se comprendre selon deux
perspectives la technique et le social. Pour chaque perspective, des challenges attendent les
communautés (cf. tableau 3) : on parlera de communication, de motivation et de leadership
dans le cas de la perspective sociale, alors que la technologie accompagnement la dimension
technique. Les deux axes mis en lumière par les auteurs s’appliquent effectivement bien aux
plateformes communautaires de marque d’engagement. La dimension technique est évidente
car ces plateformes sont en ligne et reposent sur une base digitale et technique importante. Il
en va de même pour la dimension sociale, tant les communautés se veulent le support des
échanges entre membres, ainsi qu’entre la marque et ses prospects / consommateurs. Ceci
étant, cette typologie semble légère d’un point de vue manageriel et trop générique.
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Pour Constance Elise Porter (2004), les communautés virtuelles peuvent être analysées selon
les acteurs qui sont à son origine. Ces acteurs peuvent être soit les fans de la marque, en tant
qu’individus, consommateurs, soit la marque elle-même (cf. figure 7).
Communautés virtuelles
Orientation de la relation :
Communautés
sponsorisées par la marque
Communautés initiées par les
membres
Origine de la communauté :
Sociale
Commerciale
Professionnelle
Non lucrative
Gouvernementale
Figure 7 : Typologie de Porter (2004)
Dans le premier cas, ces communautés ne sont pas contrôlées par la marque et vivent de
manière indépendante. Dans le second, la marque initie, pilote, modère a priori ou a
posteriori les posts et publications des membres. Il y a alors une gouvernance partagée mais
un contrôle fort de la marque. Dans les communautés créées par les fans, Constance Elise
Porter (2004) distingue celles qui ont une orientation sociale de celles qui ont un but
professionnel. En ce qui concerne les communautés sponsorisées par la marque, l’auteur
distingue 3 sous-groupes que sont les communautés commerciales, les communautés sans but
lucratif et les communautés gouvernementales.
Nous finirons ici par les travaux Miia Akkinen (2005), qui, dans un effort de synthèse des
typologies, retient une approche duale. Pour lui, il existe deux typologies : une présentant les
communautés qui prennent en compte la génération de revenus, et d’autre part, celles qui sont
basées sur la création de contenus (cf. tableau 1)
Si cette représentation n’est pas stricto sensu une nouvelle typologie des communautés
virtuelles de marque, elle ouvre néanmoins sur l’opposition entre contenus et revenus. Or,
dans les plateformes communautaires de marque d’engagement, le ROI et les économies
induites sont importants (Hope Jensen Schau et al., 2009), et basées sur la qualité et quantité
des contributions des membres. En d’autres termes, elles répondent aux deux critères de
contenus et revenus.
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Classifications basées sur les contenus
Classifications basées sur les revenus
Stanoeska-Slabeva & Schmid (2001) :
Plant (2003)
1) Communautés de discussion
1) Régulation de la communauté : régulée ou non
2) Communautés dédiées à des tâches ou buts
2) Profitabilité de la communauté : lucrative ou non
3) M ondes virtuels
4) Solutions hybrides
3) Ouverture de la communauté : Ouverte ou non
Hagel & Armstrong (1997)
Hagel & Armstrong (1997) : par types de revenus
1) Communautés centrées sur les consommateurs
1) Frais d'abonnement
(Communautés géographiques, démographiques, thématiques)
2) Communautés BtoB (industries verticales, par fonction,
géographiques, communautés d'affaires sectorielles…)
2) Paiement à l'usage
3) Participation des membres
Lechner & Hummel (2002) :
Hanson (2000) :
1) Communautés de jeux
2) Communautés d'intérêt
3) Communautés BtoB
4) Communautés BtoC
5) Communautés CtoC
1) Revenus générés les utilisateurs
2) Revenus générés par la marque
C.E. Porter (2004) :
Franz & Wolkinger (2003)
1) Communautés initiées par les membres (Communautés
socio-professionnelles)
1) Communautés autonomes (Publicité, abonnements, e-commerce &
autres sources de revenus…)
2) Communautés sponsorisées par les marques (lucratives,
non lucratives, gouvernementales)
2) Communautés à valeur ajoutée (Intégration Clients, recherche
M arketing, développement de produits)
Tableau 1 : Typologie d’Akkinen (2005)
3.
Proposition
d’une
typologie
spécifique
aux
plateformes
d’engagement
communautaires de marque
Au vue de la revue de la littérature réalisée, il est important de souligner l’important travail de
la communauté scientifique autour des communautés en ligne. Cependant, peu de typologies
répondent aux enjeux d’engagement des communautés de marque en ligne. Nous proposons
ainsi une nouvelle classification, orientée autour des 5W : Why, What, Who, When, Where
(figure 8). Le recours au modèle des 5 whys ou des 5W et d’1 H (who, what, when, where et
how) permet notamment l’identification de liens de cause à effet qui accompagnent un
problème stratégique. Il permet notamment la construction de théories ou d’aides à la
résolution de problèmes (Karen Wruck et Michael C. Jensen, 1998). Ce modèle a été utilisé
dans des champs scientifiques aussi variés que les systèmes d’information (David Morse et
al., 2000), le marketing (Helen Bussell et Deborah Forbes, 2002), la linguistique (Kristen
Parton et al., 2009) ou l’innovation (Gary Hamel, 2006).
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Figure 8 : Typologie des plateformes d’engagement communautaire de marque
Plus précisément par Why nous entendons les raisons d’être et finalités de la communauté de
marque. Le What regroupe les fonctions et caractéristiques des plateformes communautaires
d’engagement. Le Who identifie les acteurs spécifiques de la communauté. Le When
représente la phase stratégique de l’entreprise justifiant la création d’une communauté en
ligne. Enfin, le Where évoque les canaux de communication principaux pour la communauté.
Plus précisément le tableau suivant (tableau 3) détaille les critères de chaque dimension de la
typologie.
Dimension
Why
Critères
•
Principales missions : Communautés de support, d’entraide, d’intérêts,
d’innovation, de partage, d’information, Voix du Client…
•
Conquérir & fidéliser
•
Finalité Business
•
ROI & Cost Killing
•
Déflection ou report des flux des centres d’appels vers la communauté
de marque en ligne
What
•
Plateforme cross canaux
•
Initiées, financées et contrôlées par les marques
•
Espace digital propriété de la marque, mais offert aux fans et superfans
•
Communautés P2P (Peer to Peer)
15
•
Communautés C2C + B2C + B2C2C (relais de communication via les
superfans)
•
Adhésion gratuite
•
Modération communautaire par les membres et par les agents de la
marque
•
Bénévolat
•
Génère un sentiment d’appartenance
•
Ouvert à tous sans obligation d’achat, prospects ou clients
•
Sans publicité
•
Logique de co-développement entre les membres et la marque
•
Génération d’idées pour nourrir l’innovation : Idéation & crowd
sourcing
•
C’est un media social, mais pas réseau social
•
Plateforme CRM
•
Moteur analytique puissant pour décrypter le comportement des
membres
•
Espace digital ludique
•
Repose sur les contenus générés par les utilisateurs (UGC)
•
Outil permettant le Drive to store (Applications de Store locator…)
•
Outil de Drive to e-commerce
•
Modules : Blog, forum, FAQ, module d’idéation, rich media ou video,
concours, TKB (Tribal Knowledge Base), moteur d’e-réputation,
moteur d’analyse du comportement, etc.
Who
When
•
Superfans, fans, membres, clients, prospects, influenceurs
•
Community Managers & agents de la marque
•
Sites de fans indépendants agissant en symbiose avec les marques
•
Intégration du Social Busines
•
Business Process Reengineering (BPR) et optimisation du Service
Clients
Where
•
Customer Centricity
•
Passage du CRM au CMR (Customer Managed Relationship)
•
Online
16
•
Mobile
•
Points de vente
•
Tous les points de contact clients on ou off line
Tableau 3 : Critères de la typologie 5W
4. Evaluation de la typologie
Selon Shelby Hunt (1991), cinq critères doivent être utilisés afin de justifier si oui ou non une
typologie est acceptable. Ces cinq critères sont :
(1) est-ce que le phénomène peut-être classifié de manière adéquate et spécifique ?
(2) les caractéristiques de classification sont-elles adéquatement spécifiées ?
(3) les catégories sont-elles mutuellement exclusives ?
(4) la typologie est-elle globalement exhaustive ?
(5) quel est le niveau d’utilité de la typologie. Cette dernière question sera enrichie par une
première étude exploratoire sur trois secteurs présentée dans la seconde sous-partie.
4.1. Confrontation aux critères de Shelby Hunt (1991).
•
Critère 1 : Le phénomène peut-il être classifié de manière adéquate et spécifique ?
Afin de considérer une typologie sur les communautés de marque en ligne spécifiquement
adaptée, il faudrait qu’elle intègre les principaux éléments de communautés en ligne et des
communautés de marque. Cela revient donc à évaluer comment la typologie présentée intègre
les enjeux des communautés de marque en ligne. En intégrant l’ensemble des critères des
premières approches sur les communautés virtuelles, mais également des communautés de
marques en ligne, nous gardons les éléments traditionnels des communautés. Mais en y
ajoutant les dimensions virtuelles, business et engagement, nous lui donnons une vision plus
proche de la réalité des communautés de marque et donc présentons une approche inclusive
plus que limitée.
•
Critère 2 : Les caractéristiques de la classification sont-elles adéquatement spécifiées ?
Répondre à cette question revient à savoir si le critère proposé est bien affecté dans la bonne
catégorie et donc l’explique ou le mesure adéquatement. Tous les critères intégrés et présentés
ont été affectés en fonction de leur capacité (reconnue par la littérature notamment) à mesurer
la dimension. Pour autant, il est évident que des études qualitatives (par étude de cas Zack,
17
1993) comme celle que nous présentons ci-après ou des questionnaires (par le biais d’analyses
confirmatoires notamment) conforteraient plus nos affectations.
•
Critère 3 : Les catégories sont-elles mutuellement exclusives ?
La mesure de l’exclusion mutuelle des catégories proposée réside dans l’assurance que les
dimensions mesurent des éléments différents. La typologie proposée s’est efforcée de mesurer
et détailler chaque catégorie et de l’entendre selon des objectifs différents. Pour autant, même
si la typologie ne respectait pas complètement ce critère, cela ne pourrait pas être a ‘mortal
blow’ (Shelby Hunt, 1991 :188).
•
Critère 4 : La typologie est-elle globalement exhaustive ?
Il est effectivement essentiel que la nouvelle typologie puisse regrouper l’ensemble des
communautés de marque en ligne et que celles-ci puissent donc être affectées à une
dimension. En englobant les premières définitions et par l’assurance d’avoir intégré
l’ensemble des critères des premières typologies, nous avons un premier pas. Cependant, le
caractère exhaustif ne se fera que dans le temps, avec la possible apparition de nouvelles
communautés de marque en ligne. Pour autant, avec la typologie proposée, il est possible
d’affecter les communautés de marque selon leur raison d’être et finalité (why). Il est
également possible de les comprendre selon le type de plateforme utilisé (what) ou par les
acteurs qu’elle regroupe ou implique (who). La typologie propose enfin une affectation
stratégique (when) et technique notamment en termes de canaux (where).
Le cinquième et dernier critère est le niveau d’utilité de la typologie. Shelby Hunt (1991) le
sépare en deux sous critères que sont la comparaison avec les typologies concurrentes et la
capacité à répondre à l’objectif énoncé.
•
Critère 5 : Le critère ultime : comparaison avec les typologies concurrentes
A notre connaissance, les typologies que nous avons étudiées sont sur des champs beaucoup
plus larges, et tentent de couvrir tous types de communautés en ligne, ce qui n’est pas notre
cas. La typologie présentée complète et ajoute à celles existantes (en se positionnant sur les
plateformes communautaires de marque d’engagement). Elle se veut plus exhaustive dans les
critères retenus (et donc plus proche de la réalité des communautés de marque) et peut donc se
présenter plutôt confortablement face aux typologies existantes.
18
En présentant une typologie et des critères simples à la fois pour les acteurs académiques et
professionnels, elle offre également une vision très réaliste du cadre des communautés de
marque.
•
Critère 6 : Comparaison avec les objectifs initiaux
L’objectif initial étant de proposer une typologie qui permette de comprendre, mesurer et
étudier les communautés de marque d’engagement. Cette typologie se voulait également un
outil facile à mettre en place pour les professionnels tout en offrant un cadre riche pour les
académiques. En se basant sur un modèle reconnu (5W) et en présentant les critères rattachés
à chaque dimension, elle donne les outils pour les deux cibles tant pour l’implantation que
pour l’étude de l’influence des concepts sur la réussite par exemple ou l’engagement.
Au final, en se basant sur les éléments avancés par Shelby Hunt (1991), il apparaît que la
typologie présentée réponde bien aux critères de création d’une typologie de communauté
renforçant donc la validité de notre recherche. Cependant, afin de la compléter, nous avons
voulu voir si elle pouvait être utilisée dans des secteurs où les communautés de marque en
ligne existent déjà.
4.2. Étude exploratoire
Comme mentionné plus haut, nous avons décidé de confronter la typologie à des
communautés d’engagement de marques dans trois secteurs différents que sont les télécoms,
le retail et la banque. Le choix de ces secteurs s’est imposé de lui-même dans la mesure où
nous cherchions des communautés de marques déjà existantes et pour lesquelles un certain
nombre d’échanges existaient déjà.
4.2.1. Télécoms et communautés de marque : les enjeux
Dans ce secteur, de nombreuses communautés existent. Nous pouvons ainsi citer Sosh, Virgin
Mobile, Joe Mobile (SFR), Orange ou encore Giff Gaff (G.B.).
Dans les Télécoms, la finalité première est d’utiliser le principe de déflection et de reporter les
flux de demandes de support ou d’information issues des clients du centre d’appels vers la
communauté, où les coûts de traitement sont divisés par cent (3 centimes d’euros au lieu de 3
euros en moyenne. Source : Lithium Technologies 2012). Les demandes génériques et non
personnelles trouvent ainsi réponse dans la communauté en ligne où la relation est prise en
charge par les membres, lesquels ne sont pas salariés de la marque, mais bénévoles.
19
Certains annonceurs utilisent les modules d’idéation ou crowd sourcing, comme Sosh
(Orange), d’autres s’y refusent, considérant que la valeur ajoutée de la plateforme
communautaire est avant tout de diminuer de manière conséquente les coûts de support clients
(Virgin Mobile). Le « Why » du modèle opère donc.
Concernant les caractéristiques ou fonctions de la communauté de marque, elles sont
multiples dans les télécoms : plateformes d’engagement mises à disposition des clients,
consommateurs ou fans, modérées par les membres et les marques, sans publicité, avec des
modules de blogs, forums, un moteur d’e-réputation, des « badges » attribués aux
contributeurs les plus actifs et appréciés, etc. Ceci étant les plateformes d’engagement
utilisées sont parfois légèrement différentes : Sosh utilise un module d’idéation alors que
Virgin Mobile n’en possède pas.
Les acteurs (Who) sont les mêmes dans toutes les secteurs évoqués à commencer par les
Télécoms : agents de la marque ou salarié, community managers, top contributeurs,
contributeurs actifs et membres non contributeurs (lurkers), sites de fans satellites
indépendants de la marque (sosherz.com ; soshinfo.fr/)
Tous les opérateurs disposant d’une communauté de marque ont connecté celle-ci avec
d’autres canaux dont le mobile, les réseaux sociaux et pages de marques (Sosh, Virgin
Mobile…), les boutiques (Casino et la communauté C’Vous).
Les marques évoquées ont toutes choisis d’optimiser leurs coûts via la déflection dans un
contexte de concurrence accrue (arrivée de Free en 2012). L’intégration de la dimension
communautaire correspond donc à phase concurrentielle et stratégique particulière (When)
Retour aux dimensions de la typologie pour les télécoms
Dimension
Why
What
Who
Where
When
Validation
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
4.2.2. Retail : les enjeux
La distribution est chamboulée par de nombreux phénomènes durables dont la digitalisation
des échanges, le ROPO (Resarch Offline Purchase Offline) ou l’inverse, la tendance SoLoMo
(Social, Local, Mobile) et les innovations en matière de paiement (Sans contact, etc.)
Or, le retail n’utilise pas ou peu la déflection faute de call centers avec un personnel
important. Donc la finalité première d’une communauté de marque y est différente. Chez
Leroy Merlin la communauté « Selon vous » est centrée autour des bonnes pratiques de
bricolage, l’entraide et le support client. Les UGC se font aussi sous forme de tutoriaux vidéo.
Trois grands axes y sont développés :
20
•
Entre Vous : le forum d'entraide des bricoleurs passionnés
•
Made in vous : l’innovation participative, crowdsourcing ou idéation
•
Défiez-vous : une démarche participative et ludique (participez ou votez pour gagner
des cadeaux)
Pour Casino, pionnier en France des communautés de marque dans le retail alimentaire, tout
est centré sur la co-création, l’innovation et le crowdsourcing. Pour sa part, Sephora USA, qui
peinait à monétiser ses investissements sur les réseaux sociaux, a réussi à fédérer ses fans au
sein de sa communauté, tant et si bien qu’une cliente membre consomme 2,5 fois plus qu’une
cliente non membre et que les Superfans ont un panier moyen 10 fois supérieur aux non
membres.
Dans tous les cas on retrouve les mêmes fonctions principales ou caractéristiques (What) que
dans les Télécoms comme évoqué plus haut. La typologie des acteurs est strictement la même
avec d’ailleurs un mix particuliers / professionnels (Bâtiment, décoration, rénovation, etc.)
Les canaux interfacés sont les mêmes.
Quant au timing d’intégration de la dimension communautaire, il fut accéléré par la
digitalisation des échanges et la crise de consommation.
Retour aux dimensions de la typologie
Dimension
Why
What
Who
Where
When
Validation
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
4.2.3. Banque en ligne : les enjeux
En France, la communauté d’ING Direct regroupe à ce jour 7 891 membres actifs, a généré 22
548 messages envoyés. Les missions sont donc multiples : conquête, fidélisation, support
clients, et idéation, crowd sourcing et innovation en co-développement.
Les acteurs (Who) varient également avec des agents de la marque de services différents
comme chez Sosh avec la marque Sosh, la Relation Clients et le service Communication
Corporate.
Le When correspond souvent à une phase stratégique où l’on demande aux marques de faire
toujours plus avec toujours moins. D’où la création de plateformes communautaires de
marque dans les Telcos (Orange, Virgin Mobile, SFR…) lesquelles, via la déflection,
diminuent de manière conséquente le support Clients traité par les centres d’appels internes ou
externes. Le support Clients étant fait pour partie par les fans de la marque en ligne, les
entreprises bénéficient d’économies substantielles.
21
Le « Where » correspond aux canaux reliés à la communauté. Certaines marques disposent de
différents points de contact comme Leroy Merlin, alors que d’autres offrent peu de canaux à
l’instar de Joe Mobile (SFR) avec Internet et le smartphone comme seules interfaces.
Quant aux acteurs ils ne différent guère des autres secteurs.
Retour aux dimensions de la typologie
Dimension
Why
What
Who
Where
When
Validation
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Au final, à partir de ces trois cadres d’application, il semble que le modèle soit applicable. Les
5 dimensions y sont opérantes et éclairent les missions que l’on peut assigner à une
plateforme communautaire de marque.
5. Synthèse et conclusion
Cette recherche avait comme objectif principal de développer une typologie des plateformes
communautaires d’engagement des marques en ligne utile et utilisable pour les chercheurs de
toute discipline académique mais également les professionnels. La nouvelle typologie
proposée répond à son objectif principal et a passé avec force la grille d’évaluation proposée
par Shelby Hunt (1991) ainsi qu’un premier test (exploratoire certes mais réel) dans trois
secteurs.
Cette recherche présente un grand nombre d’apports tant pour les professionnels que les
académiques. D’un point de vue managérial, toute entreprise souhaitant développer une
communauté de marque peut maintenant s’appuyer sur une typologie globale et représentative
des enjeux des marques en ligne. En intégrant 5 dimensions, elle permet de présenter la
finalité et les usages de la communauté (Why), les principales fonctions et caractéristiques
(What), les acteurs internes ou externes impliqués (Who), les différents stades d’avancement
stratégiques qui se prêtent le mieux à la démarche communautaire (When), et les canaux
on/off line qui interagissent avec la plateforme communautaire (Where).
Ce faisant, l’évaluation de la performance des actions est plus simple. Quand on précise les
critères, il est plus aisé de les mesurer. Cela permet enfin de proposer à tous les membres de
l’organisation une vision globale, commune et précise des éléments de réussite d’une
communauté de marque en ligne focalisé sur l’engagement de ses membres.
D’un point de vue académique, cette recherche redonne un élan aux recherches précédentes
sur les communautés en ligne. Par le truchement des principales typologies existantes, elle
permet de mieux clarifier et reconnaître l’importance de la compréhension du fonctionnement
des communautés.
22
Plus encore, elle met en avant 5 dimensions permettant d’étudier précisément les facteurs de
réussite des communautés de marque et de l’engagement des marques avec leurs
consommateurs, ouvrant la voie vers un nouveau champ de recherche académique. Enfin, en
essayant d’intégrer le plus grand nombre de critères elle souhaite ouvrir l’étude des
communautés de marque aux autres disciplines telles les SI, le marketing ou encore la
sociologie.
Cependant, force est de constater que certaines limites existent. La première reste le manque
de test à grande échelle de la typologie. Même si les deux premières validations (académique
et terrain) semblent légitimer cette dernière, il n’en reste pas moins qu’elle a besoin, comme
toute échelle ou cadre conceptuel, de temps, de contextes différents et de confrontations, pour
valider sa robustesse. La seconde limite est le caractère restreint du cadre de fonctionnement
de la typologie. Elle concerne les communautés de marque en ligne (et donc ne peut traiter
des communautés hors ligne), et porte un focus fort sur l’engagement. Troisièmement, si les
critères ont été précisés, les éléments de mesure de chaque critère restent encore à valider et
conforter.
Enfin, il est évident que la véritable force de la typologie sera révélée dans le temps et
inévitablement elle sera testée et confrontée par les recherches futures. Souhaitons que ce
travail ait pu lancer le débat et donner un nouveau souffle aux études sur l’engagement et les
communautés en ligne.
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