2 - Les présocratiques ou la naissance de la philosophie
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2 - Les présocratiques ou la naissance de la philosophie
DEUXIÈME SUJET LES PARTICULARITÉS DE LA PHILOSOPHIE ANTIQUE I LA PHILOSOPHIE ANTIQUE, UNE PHILOSOPHIE OU UNE CHRONOLOGIE PHILOSOPHIQUE ? 1 - Peut-on parler d'une philosophique antique au-delà du découpage chronologique ? 2 - L'illusion du philosophisme général de l'Antiquité : philosophisme n'est pas philosophie 3 - La philosophie est une communauté intellectuelle dans le monde grec II PHILOSOPHER DANS L'ANTIQUITÉ 1 - Qu'est-ce que philosopher dans l'Antiquité ? 2 - Philosopher, une pratique de vie vers l'idéal du Sage 3 - L'adhésion philosophique, la conversion à une école philosophique 4 - L'étrangeté des philosophes 5 - La Sagesse, un état de perfection idéal 6 - La divinisation du sage 7 - Le philosophe et les conventions sociales 8 - Les différences entre les écoles seront des divergences face à ces questions III LES ÉCOLES PHILOSOPHIQUES 1 - L'apparition d'écoles philosophiques organisées dès le Vème siècle 2 - Les principales écoles 3 - Les origines de ces pratiques d'écoles 4 - Le principe des écoles, les lieux d'une "paideia" supérieure 5 - Le fonctionnement des écoles 6 - Les moyens de la philosophie 7 - La pérennité des écoles, des écoles qui vont survivre à leurs fondateurs 8 - Chaque école est un monde de pensée en soi IV LES PRATIQUES PHILOSOPHIQUES 1 - L'adhésion à une école 2 - Les exercices philosophiques, des exercices "spirituels" 3 - La méditation philosophique des dogmes essentiels de l'école 4 - La lecture philosophique, une lecture oralistique 5 - L'enseignement philosophique et la direction de conscience V LES PARTICULARITÉS PHILOSOPHIQUES DE LA PHILOSOPHIE GRECQUE 1 - Le monde comme cosmos, la réalité comme nature 2 - Ces manières de penser la philosophie, le philosopher et le philosophe 3 - Le rapport au savoir 4 - La connaissance comme moyen, la théoria est au service de la praxis 5 - L'attachement à la vérité et non pas à la vraisemblance rhétorique 6 - La dimension oralistique de l'écrit Association ALDÉRAN © - Cycle de cours 4303 : “Les philosophes grecs antiques” - 04/01/2007 - page 1 VI CONCLUSION 1 - Il y a bien une philosophie grecque classique, cohérente dans son unité et ses divergences 2 - Une finalité de l'activité philosophique qui fut historiquement perdue 3 - Toutes nos pratiques philosophiques actuelles sont inexistantes et contradictoires 4 - Les philosophes grecs ne cherchaient pas à innover 5 - L'importance de l'effectivité du choix de vie ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - Cycle de cours 4302 : “Les philosophes présocratiques” - 28/12/2013 - page 2 Document 1 : Pour nous autres modernes (ou postmodernes), la philosophie est essentiellement un discours, écrit ou oral, portant sur des notions ou des concepts, en quelque sorte un discours sur le discours, donc une théorie, une construction conceptuelle ; c'est d'ailleurs, pense-t-on, ce qu'elle a été dès l'origine, depuis les premiers penseurs de la Grèce, au VIème siècle avant Jésus-Christ. N'est-elle pas d'ailleurs une spécificité occidentale, qui a son origine dans le génie grec, particulièrement doué pour la spéculation, la discussion et l'abstraction ? Toutes les philosophies de l'Antiquité et les œuvres qu'elles ont produites ne se présentent-elles pas comme des exposés de théories et de savoirs abstraits ? TELLE EST DONC LA REPRÉSENTATION COURANTE que l'on se fait aujourd'hui de la philosophie en général, et particulièrement de la philosophie antique. Mais correspondelle à la réalité ? La philosophie, au cours des âges, n'aurait elle pas oublié ses origines ? Car des faits troublants pourraient ébranler notre tranquille assurance. Tout d'abord, pourquoi donc un certain nombre de philosophes antiques se sont-ils volontairement abstenus d'écrire ? Parce que, précisément, ils refusaient de construire des théories et de les enseigner ? C'est le cas, par exemple, de Socrate, de Pyrrhon, d'Arcésilas, de Carnéade et, en un certain sens, d'Épictète. Pourquoi surtout certains personnages qui n'ont jamais enseigné dans une école philosophique ni écrit d'ouvrage philosophique, mais ont été des hommes d'action, tels Dion de Syracuse ou Caton d'Utique, étaient-ils, dans l’Antiquité, considérés comme des philosophes ? Théorie et philosophie sont-elles alors vraiment inséparables ? Il nous faut donc revenir sur l'origine et sur la signification du mot philosophie. Si l'on avait dit aux premiers penseurs grecs qu'ils étaient des philosophes, ils n'auraient pas très bien compris de quoi il s'agissait. Le mot n'existait même pas à leur époque. Mais ils auraient accepté qu'on les nommât des “sages” (sophoi), le mot “sagesse” signifiant alors l'habileté, l'expérience, le savoir-faire en toutes sortes de domaines. Cette sagesse, ce savoir ou savoir faire des premiers penseurs de la Grèce est né à la périphérie du monde grec, dans ces colonies d'Asie Mineure qui étaient en contact avec les sagesses plus anciennes encore de l'Égypte et du Proche-Orient. Avec l'essor de la démocratie athénienne au VIème siècle avant Jésus-Christ, cette activité intellectuelle va venir, au moins en partie, se fixer désormais au cœur de la Grèce, à Athènes, et prendre une tout autre forme, avec ce que l'on appelle le mouvement des sophistes. Ceux-ci se présentaient comme des professionnels de l'enseignement de la sagesse, se déclarant prêts, moyennant finance, à fournir à la jeunesse avide de pouvoir l'habileté à raisonner, à parler, à convaincre et finalement à gouverner. Ce sont les premiers “professeurs”, de notre civilisation occidentale. Le mot "philosophia", qui fait son apparition à cette époque, a encore un sens très vague : il englobe tout ce qui se rapporte à la culture intellectuelle et générale. Mais un événement déterminant va se produire : c'est, dans les dernières années du Vème siècle avant Jésus-Christ, la vie et la mort de Socrate. Grâce surtout à l'interprétation qu'en a donnée Platon, la vie et la mort de Socrate vont devenir les modèles de la vie et de la mort du philosophe en général, et la philosophie, se distinguant de l'antique sagesse-savoir, va prendre conscience de son essence véritable. Dans « le Banquet », Socrate est comparé à Éros : de même que celui-ci, privé de beauté, aime celle-ci et cherche à l'atteindre, de même Socrate est privé de sagesse mais s'efforce de l'atteindre. La sagesse, désormais conçue comme un mode d'être parfait, divin et inaccessible, se distingue radicalement de la philosophie (amour ou recherche de la sagesse), qui sera un effort sans cesse renouvelé pour vivre concrètement selon cette norme transcendante de la sagesse. Socrate n'est pas un théoricien, il prétend ne rien savoir, et s'il interroge les autres, c'est pour les obliger à s'examiner et à changer de vie. Et finalement son seul véritable enseignement, c'est sa vie : « je ne cesse pas de faire voir ce qui me paraît être juste ; à défaut de discours, je le fais voir par mes actes. » Désormais, la vraie philosophie ne sera plus conçue comme un pur savoir, une habileté ou une culture, mais comme une manière de vivre, une manière d'être au monde, engageant toute la vie, un exercice de la vie et un « exercice de la mort », selon l'expression de Platon. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de discours philosophique. Mais il n'est jamais purement théorique, malgré apparences ; il est toujours lié et subordonné à la décision fondamentale du philosophe de choisir un certain mode de vie, qui sera d'ailleurs très différent s'il est platonicien, ou aristotélicien, ou cynique, ou épicurien, ou stoïcien, ou sceptique, et qui impliquera chaque fois une certaine vision du monde. Le discours philosophique aura pour tâche d'inviter à prendre cette décision et à la justifier, ou encore Association ALDÉRAN © - Cycle de cours 4302 : “Les philosophes présocratiques” - 28/12/2013 - page 3 d'exposer la vision du monde qui lui correspond. D'une manière générale, le discours philosophique visera moins à informer qu'à former il sera moins un exposé qu'un exercice intellectuel ou spirituel destiné à la transformation de l'individu. C'est le cas aussi bien des dialogues de Platon, des traités d'Aristote, des lettres d'Epicure ou des écrits de Plotin. Par suite, dans l'Antiquité, l'école philosophique n'est pas seulement une certaine tendance doctrinale ou théorique, mais la communauté vivante où l'on pratique un certain mode de vie et dans laquelle, ainsi chez les épicuriens, maîtres et disciples se soucient mutuellement de leur état intérieur. Car toutes les écoles de philosophie antiques se présentent comme des thérapeutiques, commençant par diagnostiquer les causes de l'état habituel de souffrance, de désordre et d'inconscience dans lequel se trouvent les hommes et proposant ensuite une méthode de guérison. ON ENTREVOIT LA DISTANCE QUI SÉPARE la représentation que l'on se fait de nos jours de la philosophie comme discours théorique et abstrait et celle que s'en faisaient les philosophes antiques. Comment un tel oubli a-t-il pu se produire ? Tout d'abord, il y aura toujours une tendance, chez les philosophes, à se satisfaire de leur discours, sans éprouver le besoin de passer à l'acte. Les philosophes de l'Antiquité dénonçaient déjà ce danger, qu'ils qualifiaient de “sophistique”. Platon décelait en lui-même ce risque : «le craignais de passer à mes yeux pour un beau parleur incapable de s'attaquer résolument à une action. » Mais, historiquement, c'est l'essor du christianisme qui a joué un rôle décisif. Celui-ci étant en soi un mode de vie, la philosophie n'eut plus que le rôle d'un instrument théorique au service de la théologie et elle resta théorique, lorsqu'elle s'émancipa, très tardivement d'ailleurs, de la tutelle chrétienne. Enfin, les institutions universitaires, issues du Moyen Âge, ont conduit à faire de la philosophie un métier et du philosophe un fonctionnaire formant d'autres fonctionnaires. Oubli donc, mais qui n'est peut-être pas si profond. En fait, l'inspiration socratique de la philosophie reste toujours vivante. Déjà au XVIIIème siècle, on entrevoit un effort pour revenir à ce que Kant appelait l'Idée du philosophe, à laquelle, disait-il, les philosophes antiques étaient restés fidèles plus que tous les autres. Un premier pas vers ce retour à l'essentiel ne devrait-il pas être aujourd'hui une nouvelle éthique du discours philosophique, qui, parce qu'il s'est pris lui-même pour fin, est devenu trop souvent une sophistique obscure et prétentieuse ? Pierre Hadot Document 2 : Socrate, qu’avons-nous fait de la philosophie ? Qu’avons nous fait de cet art de bien vivre et de bien mourir qui mène l’homme au bonheur véritable ? N’avons nous pas oublié qu’elle était une voie de dépassement et de transcendance de soi ? Avons-nous oublié qu’il y a “Sophia” dans “philosophie” ? Pendant des siècles, elle fut l’esclave intellectuel de la théologie, mais maintenant qu’elle a été libérée de ces chaînes et qu’elle a contribué de manière décisive au mouvement de libération de l’Humanité, pourquoi n’est-elle pas réellement libérée et restaurée ? Aurait-on peur de sa force critique et révolutionnaire ? Pourquoi n’a-t-elle pas repris sa place en pleine lumière, au cœur de la cité, au cœur des hommes et de leurs préoccupations ? Pourquoi l’enseignement de la philosophie n’est-il plus aujourd’hui qu’un triste enseignement de l’histoire des idées, réduit à la philosophistique ? Où sont les écoles du Jardin, du Lycée ou du Portique où l’on n’enseignait pas seulement des idées philosophiques mais avant tout une éthique de vie, à travailler sur soi pour se libérer de ses problématiques, un art de vivre, de ressentir et d’être ? Le philosophe ne se mesurait pas seulement à son éloquence et à ses lectures mais surtout à la qualité et à la nature de ses actions, à son éthique publique et privée, à sa manière de réagir face à l’adversité, à sa manière d’être dans les moments joyeux ou pénibles, face au plaisir et au devoir, dans ses relations avec les autres êtres humains, à sa manière de cultiver l’ouverture d’esprit et un constant émerveillement et étonnement curieux sur le monde. Pourquoi avons-nous presque rendu la philosophie incompatible avec le restant des activités humaines ? Socrate, qu’avons-nous fait de la philosophie ? Ce que nous appelons philosophie aujourd’hui est une ombre de philosophie. [...] Depuis sa création en 1969, notre association est engagée dans la Renaissance Philosophique, ce mouvement initié à la fin du 19ème siècle qui essaye de rétablir la philosophie dans sa plénitude, sa spécificité et sa finalité par rapport à l’individu et à la société. Le plus souvent aujourd’hui, la philosophie est une philosophie académisée, universitarisée, professorisée, agrégationnée; faisant du philosophe un penseur professionnel, elle est à un tel point exclue de la vie humaine qu’en général, les gens ont Association ALDÉRAN © - Cycle de cours 4302 : “Les philosophes présocratiques” - 28/12/2013 - page 4 du mal à penser que l’on puisse être philosophe sans être professeur de philosophie. Enseignée comme une discipline technique avec examens, notes et contrôles, entre l’histoire, la géographie et les mathématiques, la philosophie est assimilée à un jeu rhétoricien d’idées et de concepts dont on ne voit plus trop l’intérêt. Au mieux, elle est traitée comme un art du raisonnement et du questionnement qui vise à penser par soimême de manière plus lucide, plus rationnelle, où l’on se contente d’exposer les différents courants philosophiques afin ensuite de choisir la philosophie qui nous conviendrait le mieux en fonction de notre personnalité. Les notions de philosophes et d’actions semblent aujourd’hui incompatibles, le philosophe apparaissant le plus souvent comme planant dans un univers de concepts éthérés, métaphysiques et déconnectés de la réalité humaine concrète; alors que sans action il n’y a pas de philosophes mais penseurs, théoriciens, intellectuels, idéologues, sophistes ... [...] La Renaissance Philosophique passe en premier par un retour à l’essentiel de la philosophie, à savoir la démarche philosophique, cette quête de sagesse qui pousse à s’améliorer, à se dépasser et à se perfectionner à travers l’ensemble des activités la vie. En un mot à se transcender. La démarche philosophique est plus qu’une activité de réflexion pour rechercher la meilleur voie d’agir et de penser, c’est une démarche de vie constante qui investit en les modifiant et les qualifiant toutes les activités, professionnelles et privées. La démarche philosophique ne consiste pas à consacrer un moment particulier dans la semaine pour l’entretien des capacités critiques de notre cerveau, comme on va faire un jogging ou entretenir son corps dans une salle de sport, au contraire c’est une recherche de qualité supérieure de conscience et d’état d’être, sept jours sur sept, dans tous les instants du quotidien, hic et nunc. Roman Wallis La renaissance de la philosophie Association ALDÉRAN © - Cycle de cours 4302 : “Les philosophes présocratiques” - 28/12/2013 - page 5 POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS - Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen - Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000) - Héraclite, philosophe du devenir - Démocrite et l’atomisme - Socrate, totem de la philosophie - Aristote et l’Éthique, Introduction à la lecture de l’Éthique à Nicomaque - L’Atlantide, histoire d’un mythe platonicien - Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre Quelques livres sur les philosophes antiques - Apprendre à philosopher dans l'Antiquité, Pierre Hadot, Lgf, 2004 - Les philosophes grecs, Françoise Fontanel, Éditions de La Martinière, 2003 - Études sur les vies de philosophes de l'Antiquité tardive - Diogène Laërce, Porphyre de Tyr, Eunape de Sardes, Richard Goulet, Vrin, 2001 - La philosophie grecque, Monique Canto-Sperber, Puf, 1998 - Éloge de la philosophie antique, Pierre Hadot , Allia, 1998 - Qu'est-ce que la philosophie antique ?, Pierre Hadot, Gallimard, 1995 - La métaphysique, Aristote (4ème siècle avant JC), Presses Pocket, 1992 - Le banquet, Phèdre, Platon, GF Flammarion, 1992 Association ALDÉRAN © - Cycle de cours 4302 : “Les philosophes présocratiques” - 28/12/2013 - page 6 DÉCOUVREZ NOTRE AUDIOTHÈQUE pour télécharger cette conférence, celles de la bibliographie et des centaines d’autres Tous nos cours et conférences sont enregistrés et disponibles dans notre AUDIOTHÈQUE en CD et DVD. Des milliers d’enregistrements à disposition, notre catalogue est sur notre site : www.alderan-philo.org. Plusieurs formules sont à votre disposition pour les obtenir : 1 - PHILO UPLOAD : un abonnement annuel pour un libre accès à la totalité des enregistrements disponibles. Présentation sur notre site internet ou envoyez-nous un email avec le code PHILO UPLOAD et laissez-vous guider en quelques clics : [email protected] 2 - TÉLÉCHARGEMENT : vous commandez la conférence ou le cycle qui vous intéresse via internet. C’est rapide et économique. Envoyez-nous un email avec le code de la conférence et laissez-vous guider en quelques clics : [email protected] 3 - VENTE PAR CORRESPONDANCE : vous trouverez des bons de commande à tarif préférentiel dans notre CATALOGUE AUDIOTHÈQUE, sur notre site et à la MAISON DE LA PHILOSOPHIE. 4 - À la MAISON DE LA PHILOSOPHIE à Toulouse. Pour renseignements et commandes, contactez la MAISON DE LA PHILOSOPHIE au 05.61.42.14.40 (du mardi au vendredi, de 14H à 18H), par email : [email protected] ou par notre site internet : www.alderan-philo.org. Association ALDÉRAN © - Cycle de cours 4302 : “Les philosophes présocratiques” - 28/12/2013 - page 7 ...que ceci soit la fin du livre et non la fin de la démarche... Association ALDÉRAN © - Cycle de cours 4302 : “Les philosophes présocratiques” - 28/12/2013 - page 8