Intervention audiovisuel (Marie-George BUFFET) Nous examinons
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Intervention audiovisuel (Marie-George BUFFET) Nous examinons
Intervention audiovisuel (Marie-George BUFFET) Nous examinons aujourd’hui un projet de loi et une loi organique relatifs à l'indépendance de l'audiovisuel public. Le projet de loi largement amendé par la commission instaure un nouveau mode de désignation des responsables de l’audiovisuel public et modifie ou précise le statut, la composition et les missions de l'autorité. Ce changement nécessaire reste cependant bien timide au regard du nouveau souffle à donner à l’audiovisuel public. Lors de notre discussion sur le mode de désignation des responsables des grandes institutions culturelles j’avais en effet souhaité que nous puissions aussi changer le mode de désignation des responsables des télévisions et radios publiques. Je suis satisfaite que cette proposition voie le jour. Toutefois, je reste sur ma faim et je ne pense pas que l’on puisse souscrire à l’idée d’une réforme révolutionnaire comme madame la Ministre l’a indiqué récemment dans la presse. Certes, il était grand temps d’en finir avec le fait du « Prince » dans la nomination des PDG, mais la démocratie et l’efficacité exigeaient d’aller bien au-delà. Nous sommes bien sûr satisfaits du retour à la désignation des PDG de l’audiovisuel public par le CSA. Mais, tout de suite, une question se pose : quelle démocratisation du CSA luimême et de son rôle ? De ce point de vue nous sommes loin de la révolution annoncée. Car, outre le fait que la désignation des PDG se fasse sans consultation des administrateurs et notamment ceux représentant les salariés des sociétés, la désignation du CSA lui-même aurait mérité un peu plus d’audace. Un Président nommé par le Président de la République, les six autres membres par les Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, avec un vote conforme des commissions culturelles des deux Chambres à une majorité des trois cinquièmes… C’est toujours mieux « qu’avant » mais nous aurions souhaité une autre ambition. La participation des syndicats, des auditeurs et des téléspectateurs aurait mérité d’être étudiée et débattue. C’est une occasion manquée. Nous pensons que l’article 5 qui modifie le mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programme aurait pu permette d’associer vraiment le Parlement au choix. Or nous en restons à une simple information de notre institution sur les projets des futurs PDG. Le fait que le Conseil constitutionnel ait rappelé récemment que « le principe de la séparation des pouvoirs fait obstacle à ce que, en l'absence de disposition constitutionnelle le permettant, le pouvoir de nomination par une autorité administrative ou juridictionnelle soit subordonné à l'audition par les assemblées parlementaires des personnes dont la nomination est envisagée » aurait à nos yeux mérité une réflexion sur la manière de mieux associer le Parlement. Vous avez malheureusement écarté cette option. Nous avons par ailleurs des questions sur quelques points du projet. En premier lieu sur le pouvoir exorbitant du futur rapporteur permanent auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui sera chargé des fonctions de poursuites et d’instruction préalable, permis par l’article 3 qui modifie en profondeur l’actuel article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Ce rapporteur aurait en effet seul autorité pour décider si les faits portés à sa connaissance, notamment par le CSA, ou dont il décide de se saisir justifient l’engagement d’une procédure de sanction. Ensuite sur la transformation du CSA en Autorité publique indépendante. A moins de faire preuve d’une grande naïveté, personne sur ces bancs ne pense une seule seconde que l’indépendance de l’audiovisuel public puisse se résumer aux nouveaux modes de nomination de ses présidents et à l’indépendance du CSA. Se pose derrière ce changement de statut la question cruciale des moyens. A cet égard, le contenu du rapport n’est pas de nature à nous rassurer. En effet nous lisons dans ce dernier que la loi que vous nous proposez d’adopter est un « gage de meilleure maîtrise de ses moyens financiers et humains ». Car nous dit-on, « Actuellement, le Conseil n’échappe ni aux « gels » budgétaires initiaux, ni aux « surgels » en gestion. Il est de plus en plus soumis au contrôle de ses effectifs dans le flux des entrées et sorties. À la contrainte du plafond d’autorisation des emplois en loi de finances s’ajoute celle du respect du schéma d’emplois arrêté lors de la notification des lettres plafonds ». Et plus loin, on nous explique que « Loin d’exonérer le CSA de la contrainte budgétaire globale, les souplesses de gestion dont bénéficient les API lui permettraient d’assurer une meilleure maîtrise de ses moyens » en termes de personnels ou de marchés par exemple. Or dans le contexte économique que nous traversons, ce sont à n’en pas douter encore une fois les personnels, réduit au statut de variables d’ajustement, qui essuieront les plâtres. Derrière ce changement de statut du Conseil, c’est bien la question cruciale des moyens de l’audiovisuel public qui est posée. Nous touchons ici la limite de l’ambition de ce projet de loi, qui ne porte pas de réelle ambition pour l’audiovisuel public lui-même. Comment en effet traiter de l’audiovisuel public sur les bancs de notre assemblée, sans traiter de la question des moyens dont celui-ci dispose ? Vous faites état, M. le rapporteur, d’un bilan négatif de la suppression de la publicité après 20h décidée par Nicolas Sarkozy, en nous précisant que « la réforme a déstabilisé le service public sans conduire à une rénovation de son modèle culturel ». Vous indiquez qu’il en a couté 746 millions d’euros à l’Etat. Mais nous devons surtout déplorer l’absence de remplacement des ressources budgétaires par une dotation du budget de l’Etat. Au contraire, France télévision a dû subir une réduction de 15 millions d’euros de sa dotation budgétaire en loi de finances initiale, suivie d’une réduction de 6 millions d’euros en première loi de finances rectificative pour 2012, et enfin de 6 millions d’euros supplémentaires par gel de la réserve de précaution. En 3 ans, France télévision a ainsi vu son budget réduit de près de 2%. Aussi, si nous pensons qu’il faut en effet maintenir la publicité durant la journée, nous appelons de nos vœux une toute autre politique en matière budgétaire pour que le service public de l’audiovisuel ait les moyens de fonctionner au service de la Nation et du peuple. Dans ce domaine comme dans d’autres, on ne peut caler toutes les décisions sur le seul objectif de « faire des économiques », de « maitriser les dépenses ». Il faut à l’audiovisuel public d’autres ambitions, des objectifs moins triviaux. Pour notre part, nous défendons l’ambition de la qualité du service public, à travers la qualité de la création, la qualité de la production, la qualité de l’information. Comment peut-on, d’un côté traiter des questions de moyens lorsqu’il s’agit de se mettre dans les pas de l’austérité budgétaire pour faire des économies; et de l’autre ne pas aborder justement la question des recettes et de l’ambition à se donner dans ce cadre ? Car il y a urgence, notamment pour France télévision. Vous n’êtes pas sans savoir, Madame la Ministre chers collègues, que cette question des financements se pose notamment à cause des surenchères actuelles concernant les droits de retransmission pour les événements sportifs ! Je voudrais à ce propos mentionner une des préconisations du rapport de la de la mission sur le sport professionnel et amateur. Il s’agit de l’élargissement de la taxe dite Buffet sur les droits télés. Je souhaite pour ma part que cela ne se traduise pas par la pénalisation encore plus grande des chaines de l’audiovisuel public qui a dès aujourd’hui les plus grandes peines à trouver les moyens de la diffusion pour le plus grand nombre d’événements marquants comme le Tour de France. Il serait en effet dommage que l’on soit, à terme, obligé de payer pour pouvoir regarder un des événements sportifs les plus populaires de notre pays. Nous savons aussi que la Commission européenne prépare son livre vert sur la télévision connectée qui pourrait aboutir à la révision de la directive Services médias audiovisuels qui fixe le cadre communautaire en ce domaine. Mais là encore, nous ne savons pas vraiment à quelle sauce nous allons être mangés même si, heureusement, « l’exception culturelle » à l’échelle européenne nous rappelle que l’audiovisuel n’est pas une » marchandise comme une autre ». On le voit, beaucoup de questions restent posées sur de nombreux sujets qui ne peuvent rester en suspens et qui méritent une grande loi sur l’Audiovisuel public avec une vraie réforme des institutions de régulation. Lors des Assises de l’audiovisuel, Madame la Ministre a laissé entendre qu’une loi plus globale, plus ambitieuse pourrait voir le jour en 2014 ? Même si l’on peut regretter l’éloignement de cette échéance, nous n’en sommes pas moins favorables à ce qu’elle voit le jour. Et de ce point de vue nous avons des propositions. Par exemple aller vers la création d’un Conseil Supérieur des Médias qui contrôlerait réellement le respect des obligations, assurerait les fonctions actuelles du CSA, du BVP (bureau de vérification de la publicité) et de l’ACERP, et dont la composition pourrait être tripartite, partagée entre les syndicats, les usagers et les parlementaires. Ou encore la création d’un grand Pôle Public de l’Audiovisuel, comprenant France télévisions, Radio-France, l’Audiovisuel Extérieur de la France et l’INA, seule mesure permettant à l’audiovisuel public de lutter à égalité avec le privé, notamment en renforçant les synergies. Nous attendons donc vivement de pouvoir avoir le débat sur l’audiovisuel que nous souhaitons pour la France et pour son peuple, car il s’agit d’un des grands défis démocratique de notre siècle. La procédure d’urgence a été décidée pour ce projet de loi. C’est un choix qui vous appartient. Mais comme dans d’autres projets qui ont été soumis à notre Assemblée, on peut s’interroger sur les urgences qui n’ont pas été traitées. Aussi, Madame la Ministre, cher-e-s collègues, notre groupe s’abstiendra sur ce texte pour exprimer sa volonté de voir venir rapidement à l’ordre du jour cette grande loi pour l’audiovisuel que tout le monde attend.