Les systèmes alimentaires gélifiés : structure et
Transcription
Les systèmes alimentaires gélifiés : structure et
LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS Les systèmes alimentaires gélifiés : structure et propriétés fonctionnelles Jean-Louis DOUBLIER, INRA-Laboratoire de Physico-chimie des Macromolécules BP 71627 - 44316 Nantes Cedex 3 INTRODUCTION Tableau 1 : Principaux types d’agents épaississants et gélifiants de nature glucidiques utilisés en Industrie Alimentaire. Les épaississants et gélifiants alimentaires sont des macromolécules de nature protéique ou glucidique qui se dissolvent ou se dispersent aisément dans l’eau pour aboutir à une augmentation très grande de la viscosité et, quelquefois, sous l’action d’agents physiques (température) et/ou chimiques (présence d’ions, cosoluté…), à un effet gélifiant. Parmi les protéines, seule la gélatine est employée à grande échelle comme gélifiant. Nous limiterons notre propos aux gélifiants de nature glucidique. Il faut également souligner que les propriétés épaississantes et/ou gélifiantes des polyosides apparaissent à très faible concentration dans l’eau, souvent bien inférieure à 1 %, à l’exception toutefois de quelques uns d’entre eux : amidons (2 à 5 %), gomme arabique ( 40 %). Origine Type Structure chimique (oses constitutifs) Extraits d’algues rouge Carraghénanes (kappa, iota ou lambda) galactose-sulfate, anhydrogalactose (chaînes linéaires) Extraits d’algues brunes Alginates Acides uroniques (mannuronique, guluronique) (chaînes linéaires) Extraits de graines Galactomannanes (gomme guar, gomme de caroube, gomme tara) Mannose (chaîne principale linéaire) Galactose (en substitution de la chaîne principale) Extraits Amidons de céréales Amidons modifiés ou de tubercules Glucose (amylose : chaîne linéaire ; amylopectine : chaîne ramifiée) Extraits de Pectines HM et sous-produits pectines LM végétaux 1. STRUCTURE CHIMIQUE ET COMPORTEMENT EN MILIEU AQUEUX Biosynthétiques 1.1. Structure chimique Ces polyosides sont d’origine végétale ou microbienne (Tableau 1). Ils possèdent des structures chimiques assez variées : à l’exception notable de l’amidon que nous ne décrirons pas ici, il s’agit de polymères neutres ou acides (polyélectrolytes) dont la structure est globalement linéaire mais pouvant présenter des ramifications courtes ou peu nombreuses. Des détails sur ces structures pourront être trouvés dans Doublier et Thibault (2001). Acide galacturonique (chaîne principale), rhamnose, galactose. Gomme xanthane Glucose (chaîne principale) ; mannose et acide glucuronique (chaînes latérales) Gomme gellane Glucose, acide glucuronique, rhamnose (chaînes linéaires) Les propriétés particulières des épaississants et gélifiants sont essentiellement liées aux interactions privilégiées que ces macromolécules établissent avec l’eau. De nombreuses études ont été réalisées pour comprendre le comportement de ces macromolécules en milieu aqueux. Elles ont permis de préciser les bases physico-chi24 LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS tis, la solubilité est réduite : c’est le cas de la caroube qui n’est entièrement soluble que dans l’eau chaude. Les polyélectrolytes forment une classe dont les comportements sont complexes. Sans entrer dans les détails, il faut signaler que leurs particularités viennent du fait que les charges sont rapprochées et solidaires les unes des autres à la différence d’une solution d’électrolyte simple. La solubilité des polyélectrolytes dépend essentiellement de leur état ionique. Sous forme saline, ils sont aisément solubilisés tandis que sous forme acide, ils se présentent sous une forme pratiquement insoluble. Une autre cause d’insolubilité peut venir de la présence dans l’eau de cations qui jouent un rôle actif dans les phénomènes de gélification (calcium pour les alginates et les pectines, potassium pour le κ-carraghénane) miques essentielles des mécanismes de l’épaississement, de la gélification et de certaines synergies 1.2. Comportement en milieu aqueux 1.2.1. Solubilité La solubilité dans l’eau de ces macromolécules comportant de nombreux groupements hydroxyles dépend essentiellement de leur structure chimique (Tableau 2). De ce point de vue, il convient avant tout de distinguer les molécules linéaires neutres des molécules chargées négativement (polyélectrolytes). Les caractéristiques de solubilité peuvent s’expliquer par la compétition des interactions soluté/eau et soluté/soluté. 1.2.2. Conformation des macromolécules en milieu aqueux L’essentiel des propriétés épaississantes et gélifiantes repose sur le comportement des macromolécules en milieu aqueux, notamment leur conformation et leur volume hydrodynamique. Schématiquement, on peut distinguer deux grands types de conformations : – la conformation en pelote (conformation « désordonnée ») ; – la conformation en hélice (conformation « ordonnée »). Tableau 2 : Solubilité dans l’eau en relation avec la structure chimique. Hydrocolloïde Structure Solubilisation Guar Polymère neutre Taux de substitution important Facilement soluble à froid Caroube Polymère neutre Importantes zones non substituées Ne se solubilise qu’à chaud Pectines Alginates Carraghénanes * lambda * iota * kappa Xanthane Charges répulsives Facilement sur la chaîne principale solubles Ramifications à froid si les et groupements fonctions acides méthoxyles sont ionisées Charges répulsives sur la chaîne Facilement solubles à froid 2 charges (–) pour 2 galactoses gélifiant 1 charge (–) pour 2 galactoses gélifiant Soluble à froid Partiellement soluble à froid Ne se solubilise qu’à chaud Degré de substitution élevé Charges répulsives dues aux groupements acides La conformation en pelote correspond à une répartition statistique dans l’espace de la chaîne macromoléculaire. Le volume hydrodynamique de la macromolécule dépend de la nature des liaisons osidiques, de la masse moléculaire et des interactions polymère-solvant. Pratiquement tous les polyosides peuvent adopter sous certaines conditions une conformation en pelote. La conformation en hélice ne peut être adoptée que si des liaisons intramoléculaires stables permettent l’établissement d’une structure hélicoïdale. Les différentes possibilités de conformation des hydrocolloïdes sont indiquées dans le tableau 3. Soluble à froid Source : Documentation SKW Biosystems 2. PROPRIÉTÉS ÉPAISSISSANTES Ainsi les galactomannanes qui sont des macromolécules linéaires neutres comportant des liaisons (1-4) sont partiellement solubles dans l’eau froide. Cette solubilité est la conséquence de la présence des branchements latéraux répartis le long de la chaîne mannane. Si ces groupements sont nombreux (cas de la gomme guar), la solubilité est élevée et lorsque les groupements sont moins nombreux ou moins régulièrement répar- La plupart des polyosides possèdent la propriété d’augmenter considérablement la viscosité du milieu aqueux pour de faibles concentrations, souvent inférieures à 1 %. Ce pouvoir épaississant varie beaucoup d’un polyoside à l’autre : il est très élevé pour la gomme xanthane, le λ-carraghénane, les alginates et les galactomannanes, 25 LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS Tableau 3 : Conformations adoptées par les polyosides épaississants et gélifiants. Conformation Polyoside ne s’écoulera pratiquement pas, et un système gélifié. Il convient également de distinguer les gels « forts » des gels « faibles ». Dans le premier cas, l’organisation du système lui permet de maintenir sa forme sous l’action de la pesanteur : c’est le cas de nombreux systèmes gélifiés proposés au consommateur (flans, gelées). Dans le second cas, la distinction d’avec une solution sera moins facile. Cependant, dans tous les cas, l’état "gel" peut être considéré d’un point de vue rhéologique comme proche de l’état solide, le système étant capable de résister à certaines contraintes. Un gel peut être en fait défini comme un système au moins biphasique ou constitué par un réseau macromoléculaire tridimensionnel solide retenant entre ses mailles la phase liquide. Le meilleur moyen de caractériser ces systèmes reste le recours aux méthodes rhéologiques, notamment en régime dynamique. La comparaison de la Figure 1 et de la Figure 2 permet de comprendre la différence essentielle entre une solution macromoléculaire et un gel du point de vue du comportement viscoélastique. Conditions Désordonnée Galactomannanes (pelote) (guar, caroube, tara) Pectines Xanthane Au delà d’une température (Tm) définie par la teneur en sel λ-carraghénane Ordonnée (hélice) ι-carraghénane Au delà d’une température (Tm) définie par la teneur en sel κ-carraghénane Au delà d’une température (Tm) définie par la teneur en K+ ι-carraghénane Si température Tm κ- carraghénane Si température Tm Xanthane Si température Tm il est beaucoup plus limité pour les pectines et les amidons et extrêmement faible pour la gomme arabique qui constitue un cas particulier. Avant gélification, les molécules du polymère forment une solution vraie. La formation du gel implique l’association de chaînes entre elles ou de segments de chaînes entre eux. Plus précisément, plusieurs étapes de transition dans la formation du gel peuvent être distinguées : – l’état « sol », où le polymère forme une solution ; les macromolécules ne sont pas organisées les unes par rapport aux autres ; – l’état « gel » apparaît quand suffisamment de Du point de vue rhéologique, ce pouvoir épaississant se traduit par un comportement nonnewtonien, c’est-à-dire par une variation de la viscosité apparente avec la vitesse de cisaillement. Ce comportement est la traduction macroscopique de l’existence d’enchevêtrements macromoléculaires sans qu’il existe de fortes interactions entre macromolécules qui pourraient aboutir à la formation d’un gel. Ces enchevêtrements apparaissent au-delà d’une concentration critique en polymère c* qui est une fonction inverse de la masse molaire du polyoside : plus la masse molaire est élevée, plus la concentration d’apparition d’enchevêtrements est faible. Cette concentration critique à partir de laquelle le pouvoir épaississant est notable sera de l’ordre de 0,1 % pour les galactomannanes (guar, caroube) et encore bien plus faible pour la gomme xanthane ( 0,05 %). 103 G', G" (Pa) 102 101 G" G' 100 10–1 10–2 3. PROPRIÉTÉS GÉLIFIANTES 3.1. Mécanismes de gélification 10–1 100 Fréquence (rad/s) 101 102 Figure 1 : Comportement viscoélastique en régime harmonique d’une solution de gomme de caroube (2 %). Ce comportement est typique d’un polyoside à caractère épaississant (Doublier, 1994). Il n’existe au premier abord pas de frontière nette entre une solution fortement épaissie, qui 26 LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS nates, la conformation des séquences polyguluroniques (liaisons trans) est telle qu’elles peuvent présenter une succession de cavités électronégatives dont la taille et la géométrie permettent la fixation des ions Ca2+ (modèle de la « boite-à-œufs »). Les séquences polymannuroniques ou mixtes interrompent ces zones organisées ; chaque chaîne participe ainsi à la formation de zones de jonction avec plusieurs autres chaînes. Les caractéristiques du gel dépendent donc énormément des séquences précédemment définies de l’alginate. 103 G' G', G" (Pa) 102 101 100 –2 10 G" 10–1 100 Fréquence (rad/s) 101 102 La structure secondaire et tertiaire des pectines LM est assez comparable à celle des séquences polyguluroniques de l’alginate, c’est pourquoi la gélification nécessite la présence de Ca++ et que celle-ci se fait selon un mécanisme du type « boîte-à-œufs ». Figure 2 : Comportement viscoélastique en régime harmonique d’un gel de κ-carraghénane (0,3 % ; 0,04 M KCl ; température : 15 °C). Ce comportement est typique d’un système gélifié avec G′ (module élastique) G″ (module visqueux) et G′ constant en fonction de la fréquence (Doublier, 1994). Les pectines amidées nécessitent moins de calcium pour gélifier et elles ont moins tendance à précipiter à des teneurs en calcium élevées : en complément de la formation de jonctions intermoléculaires par le biais du Ca2+, comme pour les pectine LM non amidées, il y aurait association des chaînes par le biais de liaisons hydrogène au niveau de zones amidées (Voragen et al, 1995). D’autre part, l’amidation améliore les propriétés gélifiantes des pectines LM, ce qui les rend très attractives au niveau industriel. chaînes se sont associées pour former un réseau ou un gel élastique ; - au fur et à mesure que les chaînes s’organisent entre elles, le gel devient de plus en plus rigide ; puis peut avoir lieu, du moins dans quelques cas, le phénomène de la synérèse (exemple : kappacarraghénanes) : le gel se contracte et exsude une partie de la phase liquide. Le mode de gélification des pectines HM est tout à fait différent : elles ne gélifient pas en présence de Ca2+ mais en milieu acide (pH 2,2-3,5) et en présence de « sucre » (MS 60 %). En solution aqueuse diluée, les macromolécules pectiques sont fortement hydratées et chargées négativement du fait de la dissociation des fonctions carboxyliques. Pour qu’elles puissent se rapprocher et former un gel, il faut donc que l’hydratation diminue et que la répulsion entre les groupes ioniques soit rendue aussi faible que possible. La diminution de l’hydratation est réalisée par addition de « sucre » (saccharose), qui joue le rôle d’un fixateur d’eau puissant et détruit l’enveloppe d’hydratation des pectines. La diminution de la charge est réalisée en réduisant la dissociation de la fonction acide par abaissement du pH. Les interactions polymèrepolymère sont donc favorisées par rapport aux interactions polymère-solvant. Les associations se font très probablement par des liaisons hydrogène ou hydrophobe interchaînes. Le rhamnose ou les chaînes latérales limitent l’extension des zones de jonction et assurent ainsi la cohésion du gel. Suivant la nature chimique du polyoside considéré les zones de jonction seront différentes : formation de doubles hélices, dimérisation de certaines séquences, agrégation ultérieure de ces premières jonctions formées. Les carraghénanes (κ et ι et le gellane nécessitent l’adoption d’une structure hélicoïdale pour former un gel. Le détail des mécanismes est encore mal connu. Au niveau macromoléculaire, le refroidissement provoque la transition pelote - hélice ; on sait que la présence d’ions est nécessaire pour induire cette transition. Ceux-ci sont spécifiques (ions K+ pour le κ-carraghénane, ions Ca++ pour le gellane) ou non spécifiques ι-carraghénane). Les caractéristiques rhéologiques et les températures de fusion dépendent très fortement de la nature des contre-ions et de leur concentration. La gélification des alginates et des pectines LM nécessite la présence d’ions Ca++. Pour les algi27 LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS ment. Par contre, les gels de pectine LM et d’alginates sont obtenus dès l’addition ou la libération d’ions Ca2+ dans la solution ; dans le cas des pectines LM, si la dose de Ca2+ est assez faible, le gel pourra être thermoréversible. A l’inverse, les gels d’alginates présentent une très grande stabilité thermique. 3.2. Gels obtenus par mélanges d’hydrocolloïdes Les synergies développées par les mélanges κcarraghénanes/caroube sont largement mises à profit au niveau industriel. Par rapport aux gels de kappa-carraghénanes seuls, les gels obtenus ont des caractéristiques rhéologiques nettement modifiées par la présence de la caroube. Des systèmes gélifiants peuvent être également obtenus en mélangeant de la gomme xanthane avec de la caroube ou de la gomme guar. La gomme xanthane, comme la caroube ou la gomme guar, ne gélifie pas par elle-même : elle ne possède que de très fortes propriétés épaississantes. 3.3.2. Propriétés des polysaccharides en présence de sucres 3.3.2.1. Généralités L’incorporation d’un soluté (sel, sucre, …) à un systèmes polyoside-eau aboutit logiquement à une modification des équilibres qui se sont établis entre le polymère et le solvant. Dans le cas des sucres, ces modifications correspondant au fait que le sucre ajouté entre en compétition avec le polyoside vis-à-vis de l’eau. En toute logique, les sucres devraient réduire la solubilité du polymère et pourraient aboutir à sa précipitation. Dans les faits, il apparaît possible d’introduire des quantités élevées de sucres à un système gélifiant (jusqu’à 85% en MS) sans pour autant provoquer cette précipitation. Ceci signifie que la quantité d’eau disponible pour le polyoside est suffisante pour assurer la stabilité du réseau gélifié. Ces effets apparaissent assez évidents dans le cas des pectines HM qui gélifient pour des teneurs en sucres de l’ordre de 60 %. Ces dernières années, diverses 3.3. Propriétés des gels 3.3.1. Principaux types de systèmes gélifiants Les principaux systèmes gélifiants sont indiqués dans le tableau 4 avec leurs spécificités. Le choix d’un gélifiant devra se faire en fonction des autres constituants du milieu et des caractéristiques choisies : présence d’électrolytes, thermoréversibilité, texture, aspect du gel, etc. Les différents types de gels thermoréversibles sont obtenus par dispersion à chaud du polyoside et la gélification se produit au refroidisseTableau 4 : Caractéristiques des gels selon le type de gélifiant. Hydrocolloïde Conditions de gélification agar Texture des gels Apparence Effet de la chaleur Applications Fermes, cassants Claire Thermoréversible confiserie κ-carraghénane Nécessite K+ Cassants Claire Thermoréversible (avec hysteresis) Desserts, flans, « pet-foods » κ-carraghénane + caroube Nécessite K+ Élastiques Opaque Thermoréversible Desserts, « pet-foods » ι-carraghénane Nécessite Na+ ou K+ Souples, élastiques Claire Thermoréversible Desserts appertisés Alginate de Na Nécessite Ca++ Cassant Claire Non thermoréversible Desserts et laits gélifiés Pectines H.M. Nécessite sucre à pH 3,0 « Tartinables » Claire Partiellement thermoréversible Confitures et gelées Pectines L.M. Nécessite Ca++ Cassant Claire Thermoréversible Desserts laitiers, fruits appertisés Puddings, desserts Gomme arabique Mous Claire Amidons Rigides à souples Opaque Non thermoréversible Xanthane + caroube En présence de sels Élastiques, caoutchoutiques Opaque Thermoréversible Xanthane + guar En présence de sels Mous Opaque Thermoréversible 28 LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS Tableau 5 : Travaux récents relatifs aux systèmes polysaccharides/sucres. Système Sucres Références Pectines HM Saccharose (65 %) Saccharose (65 %) Saccharose/sirop de glucose (58-86 %) Saccharose/sirop de glucose (58-86 %) da Silva et Gonçalves (1994). da Silva et al (1995) Al-Ruqaie et al (1997b) Al-Ruqaie et al (1997a) Pectines LM Saccharose, glucose, fructose, sorbitol (0 %-30 %) Grosso et Rao (1998) Gomme guar, caroube Sirop de glucose (83 %) Kasapis et al (2000) κ-carraghénane Glucose, fructose, mannose, galactose, raffinose, saccharose, maltose ( 30%) Nishinari et al (1995) Nishinari et Watase (1992). Evageliou et al (1998) Kasapis et al (2000) Sirop de glucose (20-85 %) Sirop de glucose (83 %) Gellane Saccharose/sirop de glucose (20-85 %) Saccharose/sirop de glucose (70-80 %) Saccharose/sirop de glucose (30-85 %) Glucose, fructose, saccharose, maltose, sirops de glucose (0-60 %) Fructose, saccharose (0-35 %) Papageorgiou et al (1994) Sworn et Kasapis (1998) Whittaker et al (1997) Sworn et Kasapis (1998) Tang et al (2001) du moins celle-ci se produit au delà de 90 °C. Les mêmes travaux ont permis d’observer qu’au delà de 74 % de sucres, le système reste homogène mais les propriétés du gel de pectine tendent à disparaître pour laisser la place à une nouvelle structure liée à une nouvelle organisation des macromolécules (passage à l’état « vitreux »). études ont été également réalisées avec d’autres polyosides gélifiants (κ-carrraghénanes, gellane) pour des teneurs en sucres (il s’agit généralement de sirop de glucose ou de mélanges saccharose/sirop de glucose) comprises entre 20% et 85% (Tableau 5). Ces travaux s’appuient en général sur des mesures rhéologiques en régime harmonique, éventuellement accompagnées de mesures complémentaires telles que des mesures calorimétriques (pour l’étude des transitions, par exemple). 3.3.2.3. Autres polysaccharides en présence de sucres D’autres systèmes étudiés récemment en mettant en œuvre d’autres polyosides gélifiants (κcarraghénanes, gellane) ont conduit à des observations similaires. Pour des concentrations « modérées » en sucres ( 65%, MS, environ), on constate que l’augmentation de la teneur en sucres aboutit à un renforcement du gel (augmentation de G′) et à un décalage de la température de fusion (qui correspond également à la transition hélice-pelote) vers les températures plus élevées. La présence de sucres a donc un 3.3.2.2. Pectines HM-sucres L’intérêt de l’emploi des techniques rhéologiques pour l’étude de la transition sol-gel des pectines HM à pH acide et en présence de saccharose a été montré par de nombreux auteurs. Il est par exemple possible de déterminer avec précision la température de gélification en fonction des paramètres caractéristiques tels que le pH, le degré de méthylation, la teneur en sucres (voir par exemple Barford et Pedersen, 1990). Un autre exemple est résumé dans le Tableau 6 (Al-Ruqaie et al, 1997a). Augmenter la teneurs en sucres (saccharose 50 % + sirop de glucose de 4 à 24 %) aboutit à un renforcement spectaculaire du réseau qu’attestent le variations du module élastique (G′). Dans le même temps, la température de prise en gel augmente de 18 °C à 71 °C. Ce gel est thermoréversible (mais avec une hystérésis importante) à une teneur en sucres inférieure à 58 %. Au delà de cette teneur, même si le gel se « ramollit » notablement au chauffage, on n’assiste pas à une réelle fusion ou Tableau 6 : Propriétés de gels de pectine HM (1 %, pH 3,0) en présence de sucres (mélange saccharose-sirop de glucose)(Al-Ruqaie et al, 1997a). Saccharose Sirop de (%, p/p) glucose (%, p/p) 29 G’ à 5 °C (Pa) Tgélification Tfusion (°C) (°C) 50 4 315 18 28 50 8 485 34 86 50 12 1 646 74 90 50 16 1 774 70 90 50 24 2 813 71 90 LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS effet de stabilisation du réseau gélifié en même temps qu’il y a consolidation de ce réseau. Cependant, les propriétés du système restent déterminées par le réseau de polyoside, ce qui signifie que le nombre de molécules d’eau disponibles pour la stabilisation des hélices reste suffisant pour que celles-ci puissent s’agréger et constituer le réseau gélifié. Kasapis, 1998 ; Kasapis et Al-Maarhoobi, 2000). Il paraît possible de s’inspirer des méthodes employées sur les polymères synthétiques pour décrire les mécanismes liés à la transition vitreuse. Une teneur en sucres plus élevée ( 65 %) aboutit à des propriétés nettement différentes : un état caoutchoutique est constaté à température élevée tandis qu’au refroidissement, on assiste à une augmentation très importante des modules qui traduit une transition vers l’état « vitreux ». Celui-ci se distingue cependant très nettement de l’état des sucres à même teneur en eau : les modules sont plus élevées et la transition vitreuse se produit à une température nettement plus élevée. Ceci s’interprète par le fait qu’il y a trop peu d’eau pour stabiliser les hélices et que le nombre de nœuds de réticulation est très faible bien que ceux-ci soient nécessaires. D’un point de vue moléculaire, ceci correspond au fait qu’à teneurs en sucres modérée la structure responsable des propriétés du système est du type enthalpique (liée à l’aggrégation des hélices entre elles) tandis qu’à teneurs en sucres élevée, la structure est de type entropique. Les nœuds de réticulation sont peu nombreux et les chaînes entre ces points de réticulation sont relativement flexibles à haute température (état « caoutchoutique ») mais vont se « figer » à faible température conduisant à une vitrification du polyoside. Al-Ruqaie I.M., Kasapis S. & Richardson R.K. (1997a). The glass transition zone in high solids pectin and gellan preparations. Polymer, 38, 5685-5694. RÉFÉRENCES Al-Ruqaie I.M., Kasapis S. & Abeysekera R. (1997b). Structural properties of pectin-gelatin gels. Part II : effect of sucrose/glucose syrup. Carbohydr. Polym. 34, 309-321. Barford N.M., Pedersen K.S. (1990). Determining the setting temperature of highmethoxyl pectin gels. Food Technology, (4) 103-116. da Silva J.A.L. & Gonçalves M.P. (1994). Rheological study into the ageing process of high-methoxyl pectin/sucrose aqueous gels. Carbohydr. Polym. 24, 235-245. da Silva J.A.L., Gonçalves M.P. & Rao M.A. (1995). Kinetics and thermal behaviour of the structure formation process in HMP/sucrose gelation. Int. J. biol. Macromol., 17, 25-32. Doublier J.L. (1994). Rhéologie des polyosides en milieux aqueux : solutions, gels et mélanges. Ind. Agric. Alim., 111 (1-2), 22-28. Doublier J.L. & Thibault J.F. (2001). Les agents épaississants et gélifiants de nature glucidique. In : Additifs et auxiliaires de fabrication dans les IAA, 3e édition. Multon J.L. (coordonateur). Tec et Doc (sous presse). CONCLUSION Si les propriétés des principaux polyosides utilisés comme gélifiants alimentaires sont très bien connues et maîtrisées, il est important de noter que celles-ci peuvent être notablement modifiées en présence des autres constituants de la formulation (autres biopolymères, notamment). Il convient donc d’en tenir compte au moment de la mise en œuvre. L’introduction de solutés de faible masse peut également être déterminante dans les propriétés mais celles-ci sont en général mieux maîtrisées. Evageliou V., Kasapis S., Hember M.W.N. (1998). Vitrification of κ-carrageenan in the presence of high levels of glucose syrup. Polymer, 39, 3909-3917. Grosso C.R.F. & Rao M.A. (1998). Dynamic rheology of structure development in LM pectin+Ca2++ + sugar gels. Food Hydrocol., 12, 357-363. Kasapis S. (1998). Structural properties of high solids biopolymer systems. in : Functional properties of food macromolecules, 2nd edition. Hill S.E., Ledward D.A. & Mitchell J.R. (Eds) Aspen Publication, Gaithersburg (USA). pp. 227-251. Par ailleurs, les études réalisées récemment sur les polyosides en présence d’une teneur élevée de sucres en mettant en œuvre des techniques rhéologiques ont permis de préciser les mécanismes généraux impliqués (cf. par exemple, 30 LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS Kasapis S. & Al-Maarhoobi M.A. (2000). Glass transitions in high sugar/biopolymer mixtures-some recent developments in: Gums and Stabilizers for the Food Industry-10. pp. 303-313. Sworn G. & Kasapis S. (1998). The use of Arrhenius and WLF kinetics to rationalise the mechanical spectrum in high sugar gellan systems. Carbohydr. Res., 309, 353-361. Kasapis S., Al-Maarhoobi M.A. & Khan A.J. (2000). Viscous solutions, networks and the glass transitions in high sugar galactomannan and κ-carrageenan mixtures. Int. J. Biol. Macromol., 27, 13-20. Sworn et Kasapis, 1998. Effect of conformation and molecular weight of co-solute on the mechanical properties of gellan gum gels. Food Hydrocol., 12, 283-290. Tang J., Mao R., Tung M.A. & Swanson B.G. (2001). Gelling temperature, gel clarity and texture of gellan gels containing fructose or sucrose. Carbohydr. Polym., 44, 197-209. Nishinari K., Watase M., Miyoshi E., Takaya T. & Oakenfull D. (1995). Effects of sugar on the gel-sol transition of agarose and κ-carrageenan. Food Technol. (oct.) 90-96. Voragen A.G.J., Pilnik W., Thibault J.F., Axelos M.A.V., Renard C.M.G.C. 1995. Pectins. In : Food Polysaccharides, Stephen A.M. (Ed.)., Marcel Dekker Inc., New York. pp. 287-339. Nishinari K. & Watase M. (1992). Effects of sugars and polyols on the gel-sol transition of kappa-carrageenan gels. Thermochimica Acta, 206, 149-162. Whittaker L.E., Al-Ruqaie I.M., Kasapis S. & Richardson R.K. (1997). Development of composite structures in the gellan polysaccharide/sucrose system. Carbohydr. Polym., 33, 39-46. Papageorgiou M., Kasapis S. & Richardson R.K. (1994). Glassy-state phenomena in gellansucrose-cron syrup mixtures. Carbohydr. Polym., 25, 101-109. 31