Les systèmes alimentaires gélifiés : structure et

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Les systèmes alimentaires gélifiés : structure et
LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS
Les systèmes alimentaires
gélifiés : structure
et propriétés fonctionnelles
Jean-Louis DOUBLIER, INRA-Laboratoire de Physico-chimie des Macromolécules
BP 71627 - 44316 Nantes Cedex 3
INTRODUCTION
Tableau 1 : Principaux types d’agents épaississants et gélifiants de nature glucidiques utilisés en Industrie
Alimentaire.
Les épaississants et gélifiants alimentaires sont
des macromolécules de nature protéique ou glucidique qui se dissolvent ou se dispersent aisément dans l’eau pour aboutir à une
augmentation très grande de la viscosité et,
quelquefois, sous l’action d’agents physiques
(température) et/ou chimiques (présence d’ions,
cosoluté…), à un effet gélifiant. Parmi les protéines, seule la gélatine est employée à grande
échelle comme gélifiant. Nous limiterons notre
propos aux gélifiants de nature glucidique. Il
faut également souligner que les propriétés
épaississantes et/ou gélifiantes des polyosides
apparaissent à très faible concentration dans
l’eau, souvent bien inférieure à 1 %, à l’exception toutefois de quelques uns d’entre eux : amidons (2 à 5 %), gomme arabique ( 40 %).
Origine
Type
Structure chimique
(oses constitutifs)
Extraits
d’algues
rouge
Carraghénanes
(kappa, iota
ou lambda)
galactose-sulfate,
anhydrogalactose
(chaînes linéaires)
Extraits
d’algues
brunes
Alginates
Acides uroniques
(mannuronique,
guluronique)
(chaînes linéaires)
Extraits
de graines
Galactomannanes
(gomme guar,
gomme de
caroube,
gomme tara)
Mannose (chaîne
principale linéaire)
Galactose
(en substitution de
la chaîne principale)
Extraits
Amidons
de céréales Amidons modifiés
ou de
tubercules
Glucose (amylose :
chaîne linéaire ;
amylopectine :
chaîne ramifiée)
Extraits de
Pectines HM et
sous-produits
pectines LM
végétaux
1. STRUCTURE CHIMIQUE
ET COMPORTEMENT EN
MILIEU AQUEUX
Biosynthétiques
1.1. Structure chimique
Ces polyosides sont d’origine végétale ou microbienne (Tableau 1). Ils possèdent des structures
chimiques assez variées : à l’exception notable
de l’amidon que nous ne décrirons pas ici, il
s’agit de polymères neutres ou acides (polyélectrolytes) dont la structure est globalement
linéaire mais pouvant présenter des ramifications courtes ou peu nombreuses. Des détails sur
ces structures pourront être trouvés dans
Doublier et Thibault (2001).
Acide galacturonique
(chaîne principale),
rhamnose, galactose.
Gomme xanthane
Glucose (chaîne
principale) ; mannose
et acide glucuronique
(chaînes latérales)
Gomme gellane
Glucose,
acide glucuronique,
rhamnose
(chaînes linéaires)
Les propriétés particulières des épaississants et
gélifiants sont essentiellement liées aux interactions privilégiées que ces macromolécules établissent avec l’eau. De nombreuses études ont
été réalisées pour comprendre le comportement
de ces macromolécules en milieu aqueux. Elles
ont permis de préciser les bases physico-chi24
LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS
tis, la solubilité est réduite : c’est le cas de la
caroube qui n’est entièrement soluble que dans
l’eau chaude. Les polyélectrolytes forment une
classe dont les comportements sont complexes.
Sans entrer dans les détails, il faut signaler que
leurs particularités viennent du fait que les charges
sont rapprochées et solidaires les unes des autres
à la différence d’une solution d’électrolyte simple.
La solubilité des polyélectrolytes dépend essentiellement de leur état ionique. Sous forme saline,
ils sont aisément solubilisés tandis que sous forme
acide, ils se présentent sous une forme pratiquement insoluble. Une autre cause d’insolubilité peut
venir de la présence dans l’eau de cations qui
jouent un rôle actif dans les phénomènes de gélification (calcium pour les alginates et les pectines,
potassium pour le κ-carraghénane)
miques essentielles des mécanismes de l’épaississement, de la gélification et de certaines synergies
1.2. Comportement
en milieu aqueux
1.2.1. Solubilité
La solubilité dans l’eau de ces macromolécules
comportant de nombreux groupements
hydroxyles dépend essentiellement de leur structure chimique (Tableau 2). De ce point de vue, il
convient avant tout de distinguer les molécules
linéaires neutres des molécules chargées négativement (polyélectrolytes). Les caractéristiques de
solubilité peuvent s’expliquer par la compétition
des interactions soluté/eau et soluté/soluté.
1.2.2. Conformation des macromolécules en milieu
aqueux
L’essentiel des propriétés épaississantes et gélifiantes repose sur le comportement des macromolécules en milieu aqueux, notamment leur
conformation et leur volume hydrodynamique.
Schématiquement, on peut distinguer deux
grands types de conformations :
– la conformation en pelote (conformation
« désordonnée ») ;
– la conformation en hélice (conformation
« ordonnée »).
Tableau 2 : Solubilité dans l’eau en relation avec la structure chimique.
Hydrocolloïde
Structure
Solubilisation
Guar
Polymère neutre
Taux de substitution
important
Facilement
soluble à froid
Caroube
Polymère neutre
Importantes zones
non substituées
Ne se solubilise
qu’à chaud
Pectines
Alginates
Carraghénanes
* lambda
* iota
* kappa
Xanthane
Charges répulsives
Facilement
sur la chaîne principale
solubles
Ramifications
à froid si les
et groupements
fonctions acides
méthoxyles
sont ionisées
Charges répulsives
sur la chaîne
Facilement
solubles à froid
2 charges (–) pour
2 galactoses gélifiant
1 charge (–) pour
2 galactoses gélifiant
Soluble à froid
Partiellement
soluble à froid
Ne se solubilise
qu’à chaud
Degré de substitution
élevé
Charges répulsives dues
aux groupements acides
La conformation en pelote correspond à une
répartition statistique dans l’espace de la chaîne
macromoléculaire. Le volume hydrodynamique
de la macromolécule dépend de la nature des liaisons osidiques, de la masse moléculaire et des
interactions polymère-solvant. Pratiquement tous
les polyosides peuvent adopter sous certaines
conditions une conformation en pelote. La conformation en hélice ne peut être adoptée que si des
liaisons intramoléculaires stables permettent l’établissement d’une structure hélicoïdale. Les différentes possibilités de conformation des
hydrocolloïdes sont indiquées dans le tableau 3.
Soluble à froid
Source : Documentation SKW Biosystems
2. PROPRIÉTÉS
ÉPAISSISSANTES
Ainsi les galactomannanes qui sont des macromolécules linéaires neutres comportant des liaisons (1-4) sont partiellement solubles dans l’eau
froide. Cette solubilité est la conséquence de la
présence des branchements latéraux répartis le
long de la chaîne mannane. Si ces groupements
sont nombreux (cas de la gomme guar), la solubilité est élevée et lorsque les groupements sont
moins nombreux ou moins régulièrement répar-
La plupart des polyosides possèdent la propriété
d’augmenter considérablement la viscosité du
milieu aqueux pour de faibles concentrations,
souvent inférieures à 1 %. Ce pouvoir épaississant varie beaucoup d’un polyoside à l’autre : il
est très élevé pour la gomme xanthane, le λ-carraghénane, les alginates et les galactomannanes,
25
LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS
Tableau 3 : Conformations adoptées par les polyosides
épaississants et gélifiants.
Conformation
Polyoside
ne s’écoulera pratiquement pas, et un système
gélifié. Il convient également de distinguer les
gels « forts » des gels « faibles ». Dans le premier
cas, l’organisation du système lui permet de
maintenir sa forme sous l’action de la
pesanteur : c’est le cas de nombreux systèmes
gélifiés proposés au consommateur (flans,
gelées). Dans le second cas, la distinction d’avec
une solution sera moins facile. Cependant, dans
tous les cas, l’état "gel" peut être considéré d’un
point de vue rhéologique comme proche de
l’état solide, le système étant capable de résister
à certaines contraintes. Un gel peut être en fait
défini comme un système au moins biphasique
ou constitué par un réseau macromoléculaire
tridimensionnel solide retenant entre ses mailles
la phase liquide. Le meilleur moyen de caractériser ces systèmes reste le recours aux méthodes
rhéologiques, notamment en régime dynamique. La comparaison de la Figure 1 et de la
Figure 2 permet de comprendre la différence
essentielle entre une solution macromoléculaire
et un gel du point de vue du comportement viscoélastique.
Conditions
Désordonnée Galactomannanes
(pelote)
(guar, caroube, tara)
Pectines
Xanthane
Au delà d’une
température (Tm)
définie par la teneur
en sel
λ-carraghénane
Ordonnée
(hélice)
ι-carraghénane
Au delà d’une
température (Tm)
définie par la teneur
en sel
κ-carraghénane
Au delà d’une
température (Tm)
définie par la teneur
en K+
ι-carraghénane
Si température Tm
κ- carraghénane
Si température Tm
Xanthane
Si température Tm
il est beaucoup plus limité pour les pectines et les
amidons et extrêmement faible pour la gomme
arabique qui constitue un cas particulier.
Avant gélification, les molécules du polymère
forment une solution vraie. La formation du gel
implique l’association de chaînes entre elles ou
de segments de chaînes entre eux. Plus précisément, plusieurs étapes de transition dans la formation du gel peuvent être distinguées :
– l’état « sol », où le polymère forme une solution ; les macromolécules ne sont pas organisées les unes par rapport aux autres ;
– l’état « gel » apparaît quand suffisamment de
Du point de vue rhéologique, ce pouvoir épaississant se traduit par un comportement nonnewtonien, c’est-à-dire par une variation de la
viscosité apparente avec la vitesse de cisaillement. Ce comportement est la traduction
macroscopique de l’existence d’enchevêtrements macromoléculaires sans qu’il existe de
fortes interactions entre macromolécules qui
pourraient aboutir à la formation d’un gel. Ces
enchevêtrements apparaissent au-delà d’une
concentration critique en polymère c* qui est
une fonction inverse de la masse molaire du
polyoside : plus la masse molaire est élevée, plus
la concentration d’apparition d’enchevêtrements est faible. Cette concentration critique à
partir de laquelle le pouvoir épaississant est
notable sera de l’ordre de 0,1 % pour les galactomannanes (guar, caroube) et encore bien plus
faible pour la gomme xanthane ( 0,05 %).
103
G', G" (Pa)
102
101
G"
G'
100
10–1
10–2
3. PROPRIÉTÉS GÉLIFIANTES
3.1. Mécanismes de gélification
10–1
100
Fréquence (rad/s)
101
102
Figure 1 : Comportement viscoélastique en régime harmonique d’une solution de gomme de caroube (2 %). Ce comportement est typique d’un polyoside à caractère
épaississant (Doublier, 1994).
Il n’existe au premier abord pas de frontière
nette entre une solution fortement épaissie, qui
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LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS
nates, la conformation des séquences polyguluroniques (liaisons trans) est telle qu’elles peuvent présenter une succession de cavités
électronégatives dont la taille et la géométrie
permettent la fixation des ions Ca2+ (modèle de
la « boite-à-œufs »). Les séquences polymannuroniques ou mixtes interrompent ces zones
organisées ; chaque chaîne participe ainsi à la
formation de zones de jonction avec plusieurs
autres chaînes. Les caractéristiques du gel
dépendent donc énormément des séquences
précédemment définies de l’alginate.
103
G'
G', G" (Pa)
102
101
100 –2
10
G"
10–1
100
Fréquence (rad/s)
101
102
La structure secondaire et tertiaire des pectines
LM est assez comparable à celle des séquences
polyguluroniques de l’alginate, c’est pourquoi la
gélification nécessite la présence de Ca++ et que
celle-ci se fait selon un mécanisme du type
« boîte-à-œufs ».
Figure 2 : Comportement viscoélastique en régime harmonique d’un gel de κ-carraghénane (0,3 % ; 0,04 M KCl ; température : 15 °C). Ce comportement est typique d’un
système gélifié avec G′ (module élastique) G″ (module
visqueux) et G′ constant en fonction de la fréquence
(Doublier, 1994).
Les pectines amidées nécessitent moins de calcium pour gélifier et elles ont moins tendance à
précipiter à des teneurs en calcium élevées : en
complément de la formation de jonctions intermoléculaires par le biais du Ca2+, comme pour
les pectine LM non amidées, il y aurait association des chaînes par le biais de liaisons hydrogène au niveau de zones amidées (Voragen et al,
1995). D’autre part, l’amidation améliore les
propriétés gélifiantes des pectines LM, ce qui les
rend très attractives au niveau industriel.
chaînes se sont associées pour former un
réseau ou un gel élastique ;
- au fur et à mesure que les chaînes s’organisent
entre elles, le gel devient de plus en plus rigide ;
puis peut avoir lieu, du moins dans quelques cas,
le phénomène de la synérèse (exemple : kappacarraghénanes) : le gel se contracte et exsude
une partie de la phase liquide.
Le mode de gélification des pectines HM est tout
à fait différent : elles ne gélifient pas en présence
de Ca2+ mais en milieu acide (pH 2,2-3,5) et en
présence de « sucre » (MS 60 %). En solution
aqueuse diluée, les macromolécules pectiques sont
fortement hydratées et chargées négativement du
fait de la dissociation des fonctions carboxyliques.
Pour qu’elles puissent se rapprocher et former un
gel, il faut donc que l’hydratation diminue et que
la répulsion entre les groupes ioniques soit rendue aussi faible que possible. La diminution de
l’hydratation est réalisée par addition de « sucre »
(saccharose), qui joue le rôle d’un fixateur d’eau
puissant et détruit l’enveloppe d’hydratation des
pectines. La diminution de la charge est réalisée
en réduisant la dissociation de la fonction acide
par abaissement du pH. Les interactions polymèrepolymère sont donc favorisées par rapport aux
interactions polymère-solvant. Les associations se
font très probablement par des liaisons hydrogène
ou hydrophobe interchaînes. Le rhamnose ou les
chaînes latérales limitent l’extension des zones de
jonction et assurent ainsi la cohésion du gel.
Suivant la nature chimique du polyoside considéré les zones de jonction seront différentes :
formation de doubles hélices, dimérisation de
certaines séquences, agrégation ultérieure de ces
premières jonctions formées.
Les carraghénanes (κ et ι et le gellane nécessitent l’adoption d’une structure hélicoïdale pour
former un gel. Le détail des mécanismes est
encore mal connu. Au niveau macromoléculaire, le refroidissement provoque la transition
pelote - hélice ; on sait que la présence d’ions est
nécessaire pour induire cette transition. Ceux-ci
sont spécifiques (ions K+ pour le κ-carraghénane, ions Ca++ pour le gellane) ou non spécifiques ι-carraghénane). Les caractéristiques
rhéologiques et les températures de fusion
dépendent très fortement de la nature des
contre-ions et de leur concentration.
La gélification des alginates et des pectines LM
nécessite la présence d’ions Ca++. Pour les algi27
LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS
ment. Par contre, les gels de pectine LM et d’alginates sont obtenus dès l’addition ou la libération d’ions Ca2+ dans la solution ; dans le cas des
pectines LM, si la dose de Ca2+ est assez faible, le
gel pourra être thermoréversible. A l’inverse, les
gels d’alginates présentent une très grande stabilité thermique.
3.2. Gels obtenus par mélanges
d’hydrocolloïdes
Les synergies développées par les mélanges κcarraghénanes/caroube sont largement mises à
profit au niveau industriel. Par rapport aux gels
de kappa-carraghénanes seuls, les gels obtenus
ont des caractéristiques rhéologiques nettement
modifiées par la présence de la caroube.
Des systèmes gélifiants peuvent être également
obtenus en mélangeant de la gomme xanthane
avec de la caroube ou de la gomme guar. La
gomme xanthane, comme la caroube ou la
gomme guar, ne gélifie pas par elle-même : elle
ne possède que de très fortes propriétés épaississantes.
3.3.2. Propriétés des polysaccharides en présence de
sucres
3.3.2.1. Généralités
L’incorporation d’un soluté (sel, sucre, …) à un
systèmes polyoside-eau aboutit logiquement à une
modification des équilibres qui se sont établis entre
le polymère et le solvant. Dans le cas des sucres,
ces modifications correspondant au fait que le
sucre ajouté entre en compétition avec le polyoside vis-à-vis de l’eau. En toute logique, les sucres
devraient réduire la solubilité du polymère et
pourraient aboutir à sa précipitation. Dans les faits,
il apparaît possible d’introduire des quantités élevées de sucres à un système gélifiant (jusqu’à 85%
en MS) sans pour autant provoquer cette précipitation. Ceci signifie que la quantité d’eau disponible pour le polyoside est suffisante pour
assurer la stabilité du réseau gélifié. Ces effets
apparaissent assez évidents dans le cas des pectines HM qui gélifient pour des teneurs en sucres
de l’ordre de 60 %. Ces dernières années, diverses
3.3. Propriétés des gels
3.3.1. Principaux types de systèmes gélifiants
Les principaux systèmes gélifiants sont indiqués
dans le tableau 4 avec leurs spécificités. Le choix
d’un gélifiant devra se faire en fonction des
autres constituants du milieu et des caractéristiques choisies : présence d’électrolytes, thermoréversibilité, texture, aspect du gel, etc.
Les différents types de gels thermoréversibles
sont obtenus par dispersion à chaud du polyoside et la gélification se produit au refroidisseTableau 4 : Caractéristiques des gels selon le type de gélifiant.
Hydrocolloïde
Conditions
de gélification
agar
Texture des gels
Apparence
Effet de la chaleur
Applications
Fermes, cassants
Claire
Thermoréversible
confiserie
κ-carraghénane
Nécessite
K+
Cassants
Claire
Thermoréversible
(avec hysteresis)
Desserts, flans,
« pet-foods »
κ-carraghénane
+ caroube
Nécessite K+
Élastiques
Opaque
Thermoréversible
Desserts,
« pet-foods »
ι-carraghénane
Nécessite Na+
ou K+
Souples, élastiques
Claire
Thermoréversible
Desserts
appertisés
Alginate de Na
Nécessite Ca++
Cassant
Claire
Non
thermoréversible
Desserts
et laits gélifiés
Pectines H.M.
Nécessite sucre
à pH 3,0
« Tartinables »
Claire
Partiellement
thermoréversible
Confitures
et gelées
Pectines L.M.
Nécessite Ca++
Cassant
Claire
Thermoréversible
Desserts laitiers,
fruits appertisés
Puddings,
desserts
Gomme arabique
Mous
Claire
Amidons
Rigides à souples
Opaque
Non
thermoréversible
Xanthane
+ caroube
En présence
de sels
Élastiques,
caoutchoutiques
Opaque
Thermoréversible
Xanthane
+ guar
En présence
de sels
Mous
Opaque
Thermoréversible
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LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS
Tableau 5 : Travaux récents relatifs aux systèmes polysaccharides/sucres.
Système
Sucres
Références
Pectines HM
Saccharose (65 %)
Saccharose (65 %)
Saccharose/sirop de glucose (58-86 %)
Saccharose/sirop de glucose (58-86 %)
da Silva et Gonçalves (1994).
da Silva et al (1995)
Al-Ruqaie et al (1997b)
Al-Ruqaie et al (1997a)
Pectines LM
Saccharose, glucose, fructose, sorbitol (0 %-30 %)
Grosso et Rao (1998)
Gomme guar, caroube
Sirop de glucose (83 %)
Kasapis et al (2000)
κ-carraghénane
Glucose, fructose, mannose, galactose,
raffinose, saccharose, maltose ( 30%)
Nishinari et al (1995)
Nishinari et Watase (1992).
Evageliou et al (1998)
Kasapis et al (2000)
Sirop de glucose (20-85 %)
Sirop de glucose (83 %)
Gellane
Saccharose/sirop de glucose (20-85 %)
Saccharose/sirop de glucose (70-80 %)
Saccharose/sirop de glucose (30-85 %)
Glucose, fructose, saccharose, maltose,
sirops de glucose (0-60 %)
Fructose, saccharose (0-35 %)
Papageorgiou et al (1994)
Sworn et Kasapis (1998)
Whittaker et al (1997)
Sworn et Kasapis (1998)
Tang et al (2001)
du moins celle-ci se produit au delà de 90 °C. Les
mêmes travaux ont permis d’observer qu’au
delà de 74 % de sucres, le système reste homogène mais les propriétés du gel de pectine tendent à disparaître pour laisser la place à une
nouvelle structure liée à une nouvelle organisation des macromolécules (passage à l’état
« vitreux »).
études ont été également réalisées avec d’autres
polyosides gélifiants (κ-carrraghénanes, gellane)
pour des teneurs en sucres (il s’agit généralement
de sirop de glucose ou de mélanges
saccharose/sirop de glucose) comprises entre
20% et 85% (Tableau 5). Ces travaux s’appuient
en général sur des mesures rhéologiques en régime
harmonique, éventuellement accompagnées de
mesures complémentaires telles que des mesures
calorimétriques (pour l’étude des transitions, par
exemple).
3.3.2.3. Autres polysaccharides en présence de
sucres
D’autres systèmes étudiés récemment en mettant en œuvre d’autres polyosides gélifiants (κcarraghénanes, gellane) ont conduit à des
observations similaires. Pour des concentrations
« modérées » en sucres ( 65%, MS, environ),
on constate que l’augmentation de la teneur en
sucres aboutit à un renforcement du gel (augmentation de G′) et à un décalage de la température de fusion (qui correspond également à la
transition hélice-pelote) vers les températures
plus élevées. La présence de sucres a donc un
3.3.2.2. Pectines HM-sucres
L’intérêt de l’emploi des techniques rhéologiques
pour l’étude de la transition sol-gel des pectines
HM à pH acide et en présence de saccharose a
été montré par de nombreux auteurs. Il est par
exemple possible de déterminer avec précision la
température de gélification en fonction des paramètres caractéristiques tels que le pH, le degré de
méthylation, la teneur en sucres (voir par
exemple Barford et Pedersen, 1990).
Un autre exemple est résumé dans le Tableau 6
(Al-Ruqaie et al, 1997a). Augmenter la teneurs
en sucres (saccharose 50 % + sirop de glucose de
4 à 24 %) aboutit à un renforcement spectaculaire du réseau qu’attestent le variations du
module élastique (G′). Dans le même temps, la
température de prise en gel augmente de 18 °C à
71 °C. Ce gel est thermoréversible (mais avec
une hystérésis importante) à une teneur en
sucres inférieure à 58 %. Au delà de cette teneur,
même si le gel se « ramollit » notablement au
chauffage, on n’assiste pas à une réelle fusion ou
Tableau 6 : Propriétés de gels de pectine HM (1 %, pH 3,0)
en présence de sucres (mélange saccharose-sirop de glucose)(Al-Ruqaie et al, 1997a).
Saccharose Sirop de
(%, p/p)
glucose
(%, p/p)
29
G’
à 5 °C
(Pa)
Tgélification
Tfusion
(°C)
(°C)
50
4
315
18
28
50
8
485
34
86
50
12
1 646
74
90
50
16
1 774
70
90
50
24
2 813
71
90
LE SUCRE ET LA CONSERVATION DES PRODUITS À BASE DE FRUITS
effet de stabilisation du réseau gélifié en même
temps qu’il y a consolidation de ce réseau.
Cependant, les propriétés du système restent
déterminées par le réseau de polyoside, ce qui
signifie que le nombre de molécules d’eau disponibles pour la stabilisation des hélices reste suffisant pour que celles-ci puissent s’agréger et
constituer le réseau gélifié.
Kasapis, 1998 ; Kasapis et Al-Maarhoobi, 2000).
Il paraît possible de s’inspirer des méthodes
employées sur les polymères synthétiques pour
décrire les mécanismes liés à la transition
vitreuse.
Une teneur en sucres plus élevée ( 65 %) aboutit à des propriétés nettement différentes : un
état caoutchoutique est constaté à température
élevée tandis qu’au refroidissement, on assiste à
une augmentation très importante des modules
qui traduit une transition vers l’état « vitreux ».
Celui-ci se distingue cependant très nettement
de l’état des sucres à même teneur en eau : les
modules sont plus élevées et la transition
vitreuse se produit à une température nettement
plus élevée. Ceci s’interprète par le fait qu’il y a
trop peu d’eau pour stabiliser les hélices et que
le nombre de nœuds de réticulation est très
faible bien que ceux-ci soient nécessaires. D’un
point de vue moléculaire, ceci correspond au fait
qu’à teneurs en sucres modérée la structure responsable des propriétés du système est du type
enthalpique (liée à l’aggrégation des hélices
entre elles) tandis qu’à teneurs en sucres élevée,
la structure est de type entropique. Les nœuds
de réticulation sont peu nombreux et les chaînes
entre ces points de réticulation sont relativement
flexibles à haute température (état « caoutchoutique ») mais vont se « figer » à faible température conduisant à une vitrification du polyoside.
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38, 5685-5694.
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N.M.,
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dans les IAA, 3e édition. Multon J.L. (coordonateur). Tec et Doc (sous presse).
CONCLUSION
Si les propriétés des principaux polyosides utilisés comme gélifiants alimentaires sont très bien
connues et maîtrisées, il est important de noter
que celles-ci peuvent être notablement modifiées en présence des autres constituants de la
formulation (autres biopolymères, notamment).
Il convient donc d’en tenir compte au moment
de la mise en œuvre. L’introduction de solutés
de faible masse peut également être déterminante dans les propriétés mais celles-ci sont en
général mieux maîtrisées.
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Polymer, 39, 3909-3917.
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Par ailleurs, les études réalisées récemment sur
les polyosides en présence d’une teneur élevée
de sucres en mettant en œuvre des techniques
rhéologiques ont permis de préciser les mécanismes généraux impliqués (cf. par exemple,
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