OCT/NOV 11 - Palazzetto Bru Zane

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OCT/NOV 11 - Palazzetto Bru Zane
OCT/NOV 11
Trimestriel
Surface approx. (cm²) : 245
98 RUE MONTMARTRE
75060 PARIS CEDEX 02 - 01 42 33 62 37
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Julia LU et Alexandre DRATWICKI (coord.), Le Concours
du prix de Rome de musique (1803-1968), Lyon, Symétrie / Palazzetto Bru Zane, coll. « Perpetuum mobile »,
2011,904 p., 140 €.
Le prix de Rome est une vieille institution française remontant a 1663, sous la forme d une recompense pour des
élevés de l'Académie royale de peinture et de sculpture Les
lauréats séjournent depuis 1664 a l'Académie de France
a Rome, au palais Mancmi, via del Corso, jusqu'en 1798,
puis a la villa Medicis, sur le Pmcio, depuis 1801, palais
que Bonaparte avait acheté pour un franc symbolique Le
prix d'architecture est cree en 1720 , celui de musique,
en 1803 Le concours est emporte dans la tourmente des
« evenements » de mai 1968 Depuis, le ministere de la
Culture envoie des pensionnaires a Rome, toujours pour se
perfectionner aux frais de l'Etat, maîs pour un sejour plus
court et ouvert a la photo, au cinema, etc
En 165 ans, le prix de Rome de musique, décerne par
l'Académie des beaux-arts, sauf de 1863 a 1870, a suscite
autant d'envie et de passion que de dénigrements et de
critiques Depuis les écrits tres sévères de Berlioz - lauréat en 1830, a son cinquieme essai - sur le concours, les
épreuves, le jury et le sejour romain, il est de bon ton de
penser que le prix de Rome de musique ne vaut rien pour
un veritable compositeur, ce jugement sera conforte par
Debussy et illustre par le scandale Ravel en 1905 (déjà second prix, Ravel fut écarte par Charles Lenepveu, qui soutint
outrageusement ses propres élevés)
En réalité, les violentes critiques de Berlioz ne s'appliquent
plus vraiment apres son succes, sauf pour la fameuse cantate, en fait, le veritable point faible des épreuves, fossilisant un art académique En effet, alternant des périodes
frileuses et académiques avec d'autres moments de remise
en cause, l'institution du prix de Rome a connu une histoire
longue et mouvementée et elle a su, pour une grande part,
évoluer
Pour étudier un tel phénomène de civilisation, les sources
ne manquent pas comptes rendus des séances publiques
de l'Académie des beaux-arts, correspondance des directeurs de la villa Medicis ou encore les centaines de partitions des lauréats et refuses, conservées a la Bnp, presque
toutes inédites, parfois signees des plus grands noms de
notre histoire musicale (la firme Glossa et le Palazzetto Bru
Zane, enregistrant certaines de ces partitions, ont entame
une collection de CD d'un tres grand intérêt « Musiques
du prix de Rome »)
La tâche est lourde et dépasse les capacites d'un seul
BRU
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chercheur ll fallait pourtant s'y atteler, ce qui enfin réalise
dans cet ouvrage remarquable Sous la direction de Julia
Lu et d'Alexandre Dratwicki, une trentaine de musicologues
ont œuvre, chacun dans sa spécialité, pour offrir au grand
public le début d'une grande synthèse sur une institution
étonnante
En cinq grandes parties, chacune terminée par un cahier
d'illustrations, l'essentiel est expose « L'invention du prix
de Rome de musique, entre classicisme et romantisme »,
revolution stylistique , « le « cas Berlioz » », le devenir des
lauréats, « Le prix de Rome modele respecte ou cible des
critiques 9 » ll y a des gros plans, comme les cantates de
Gounod, Jules Massenet et le prix de Rome, la cantate Faust
et Helene de Lili Boulanger, premiere femme a recevoir, en
1913, a 19 ans, le premier grand prix (le concours ne s'est
ouvert officiellement aux femmes qu'en 1903), ou encore
Henri Dutilleux et le prix de Rome
Naturellement, il y a aussi les modalités fluctuantes du
concours, les exécutions publiques des cantales des lauréats sous la coupole de l'Institut, a l'acoustique déplorable,
la médaille des lauréats, ornée depuis 1816 de la tête de
Rameau, médaille qui exempte du service militaire On
trouve également la composition du jury, les « magouilles »,
l'assistance aux concerts (journalistes, hommes politiques,
femmes du monde et du demi-monde, intellectuels de
toutes disciplines ), ou encore l'irruption de la politique
dans les épreuves En 1871, en effet, les candidats doivent
mettre en musique, pour la cantate, un texte de Jules Barbier, Jeanne d'Arc, dont le début est transparent
Jésus, notre unique espérance,
Qui donc, au joug de l'étranger
Arrachant la terre de France,
Se lèvera pour la venger ?
Des exemples musicaux d'une parfaite lisibilité, une bibliographie ou des index complètent cet ouvrage majeur de la
musicologie française actuelle, qui permet, a travers revolution stylistique et institutionnelle d'une musique souvent
« officielle », dè parcourir d'une façon originale 165 ans de
notre histoire
NB On trouvera sur le site www.musimem.com une biographie de la plupart des lauréats
Philippe ZWANG
Eléments de recherche : PALAZZETTO BRU ZANE ou CENTRE DE MUSIQUE ROMANTIQUE FRANÇAISE : à Venise (Italie), toutes citations