Avec SHIFT, l`ivabradine soulève beaucoup d`espoirs dans l
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Avec SHIFT, l`ivabradine soulève beaucoup d`espoirs dans l
Avec SHIFT, l'ivabradine soulève beaucoup d'espoirs dans l'insuffisance cardiaque 29 AOÛT 2010 | Vincent Bargoin Stockholm, Suède — Dans l'étude SHIFT (Systolic Heart Failure Treatment with the If Inhibitor Ivabradine Trial), l'adjonction d'ivabradine au traitement standard chez des insuffisants cardiaque a permis de réduire l'incidence d'un critère composite associant les décès cardiovasculaires et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, de 18 % par rapport à un placebo. Les hospitalisations pour insuffisances cardiaques sont par ailleurs réduites de 26 %, de même que les décès par insuffisance cardiaque. Ce résultat inaugure-t-il une nouvelle ère dans le traitement de l'insuffisance cardiaque ? Pour le Pr Michel Komajda Pr Komajda (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), qui présentait l'étude au congrès de l'European Society of Cardiology, à Stockholm [1], la réponse est clairement oui. Il souligne ainsi que «vingt ans après les IEC et dix ans après les bêtabloquants, on dispose aujourd'hui d'un nouveau traitement à l'efficacité démontrée sur la mortalité ». SHIFT est un 1er essai dans une nouvelle approche du traitement des insuffisants cardiaques et ses implications cliniques émergeront lorsque davantage d'informations seront disponibles — Pr Teerlink (San Francisco) Vingt ans après les IEC et 10 ans après les bêtabloquants, on dispose aujourd'hui d'un nouveau traitement à l'efficacité démontrée sur la mortalité — Pr Komajda (Paris) Pour le Pr John R Teerlink (San Francisco), qui signe un éditorial associé à la publication de l'étude dans le Lancet [2], la réponse, en l'état actuel des données, est beaucoup moins évidente : « SHIFT est un premier essai dans une nouvelle approche du traitement des insuffisants cardiaques et ses implications cliniques émergeront lorsque davantage d'informations seront disponibles ». Le problème visé est en fait le traitement des patients, hors ivabradine, qui correspond peut-être à une certaine réalité, mais n'en était pas moins suboptimal par rapport aux recommandations, notamment en ce qui concerne les bêtabloquants. Interrogé par heartwire, le Pr Komajda a souligné diverger complètement de l'interprétation de John Teerlink. « La patients étaient traités au mieux de ce qui se fait dans la réalité des choses », a-t-il indiqué. « Nous n'avons pas ménagé nos efforts en ce sens auprès des investigateurs et les chiffres obtenus — 90 % des patients sous bêtabloquants et 56 % d'entre eux à 50 % au moins de la dose cible — sont des résultats supérieurs à ce qu'indiquent la plupart des registres ». « Faut-il exiger une comparaison à un idéal que l'on sait ne pas pouvoir atteindre ? » demande pour sa part le Dr Serge Kownator (Thionville). « Compte tenu des réticences des médecins et de la phobie pour les bêtabloquants chez les patients, l'objectif de 100 % de patients à la dose cible est de fait peu réaliste dans la vraie vie. Compléter l'effet bradycardisant et anti-adrénergique des bêtabloquants par l'adjonction d'une drogue supplémentaire active sur la fréquence cardiaque, peut donc se justifier ». Faut-il exiger une comparaison à un idéal que l'on sait ne pas pouvoir atteindre ? — Dr Kownator (Thionville) 6500 insuffisants cardiaques suivis durant 23 mois L'étude SHIFT a été menée d'octobre 2006 à mai 2010, dans près de 700 centres, répartis dans 37 pays. Parmi ces pays, on note l'absence des États-Unis et une importante représentation de l'Europe de l'Est (66 % du recrutement, contre 14 % en Europe de l'Ouest) — « une pratique commune à beaucoup d'essais actuels », note l'éditorial. Au total, 6558 patients ont été recrutés, insuffisants cardiaques symptomatiques, présentant une FEVG < 35 %, une fréquence cardiaque > 70 bpm et un rythme sinusal. Ces patients avaient par ailleurs été hospitalisés dans les 12 derniers mois en raison de leur insuffisance cardiaque. On note que pour le Pr Komajda, « cette population d'insuffisants cardiaques n'est absolument pas comparable aux patients de l'étude BEAUTIFUL, qui étaient des coronariens à fraction d'éjection diminuée ». Le traitement à l'admission pouvait comporter un bêtabloquant, un IEC, un diurétique, un anti-aldostérone. Le suivi médian a été de 23 mois. Une réduction significative de l'incidence du critère primaire a été observée parmi les patients recevant de l'ivabradine, largement liée à la réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Incidence du critère primaire et des critères secondaires dans SHIFT Ivabradine (n = 3241) Placebo (n = 3264) RR p Décès CV+ hosp. IC (critère primaire) 24 % 29 % 0,82 < 0,0001 Décès toutes causes 16 % 17 % 0,90 0,092 Décès CV 14 % 15 % 0,91 0,128 Décès par IC 3% 5% 0,74 0,014 Hosp. toutes causes 38 % 42 % 0,89 0,003 Hosp. pour IC 16 % 21 % 0,74 < 0,0001 Hosp. pour cause CV 30 % 34 % 0,85 0,0002 Décès CV ou hosp. Pour IC ou hosp. pour IDM 25 % 30 % 0,82 < 0,0001 Plusieurs points importants doivent être soulignés. Premièrement, une divergence est apparue entre groupes dès le troisième mois après le commencement du traitement, et son bénéfice s'est maintenu tout au long des 23 mois de suivi. Deuxièmement, l'effet a été retrouvé dans tous les sous-groupes préspécifiés : âge (> ou < 65 ans), sexe, traitement bêtabloquant ou non, étiologie ischémique de l'IC ou non, classe NYHA (II ou III/IV), diabète ou non, rythme cardiaque initial. Seul ce dernier critère semble ressortir significativement, avec un bénéfice moindre de l'ivabradine chez les sujets présentant initialement un rythme inférieur à la médiane au recrutement (77 bpm). L'ivabradine bien tolérée Enfin, en ce qui concerne les effets secondaires, l'ivabradine s'est révélée plutôt bien tolérée. Le taux d'abandon de traitement dans le groupe ivabradine est supérieur au taux constaté dans le groupe placebo (21% vs 19% ; p=0,017). Mais la fréquence des effets secondaires sévères est inférieure dans le groupe ivabradine (45% vs 48% ; p=0,025). Effets indésirables et arrêts de traitement Effets indésirables Effets conduisant à un abandon de traitement Ivabradine Placebo p Ivabradine Placebo p Total 75 % 74 % 0,303 14 % 13 % 0,051 IC 25 % 29 % 0,0005 2% 3% 0,367 Bradycardie symptomatique 5% 1% < 0,0001 1% <1% 0,002 Bradycardie asymptomatique 6% 1% < 0,0001 1% <1% < 0,0001 FA 9% 8% 0,012 4% 3% 0,137 Phosphènes 3% 1% < 0,0001 <1% <1% 1 Vision floue 1% <1% 0,042 <1% <1% 1 Au total donc, l'ivabradine s'est montrée capable de réduire l'incidence des hospitalisations pour aggravation d'insuffisance cardiaque et les décès cardiovasculaires chez des insuffisants cardiaques symptomatiques, présentant un rythme > à 70 bpm. Après, la signification pratique de ce résultat dépend de l'appréciation que l'on porte sur la population de SHIFT, et sur ce que doivent ou devraient être les références. Quelle est la référence légitime: la réalité ou un idéal vers lequel il faut malgré tout chercher à tendre ? Pour John Teerlink, « les doses de bêtabloquants et des autres traitements utilisées dans SHIFT reflètent peutêtre la réalité de la pratique. Mais pour qu'une évaluation soit légitime, son standard doit être le traitement recommandé, aux doses qui ont prouvé leur efficacité ». En l'état actuel des données, donc, « on ne sait pas si l'hypothèse de SHIFT — l'ivabradine procure-t-elle un bénéfice aux patients déjà traités de manière optimale ? — a été testée avec succès ». Pour qu'une évaluation soit légitime, son standard doit être le traitement recommandé aux doses qui ont prouvé leur efficacité — Pr Teerlink Dans le papier du Lancet, les auteurs, eux, soulignent que le traitement des patients était bel et bien optimal, par rapport à ce qu'il est possible de faire. « Malgré des encouragements répétés adressés aux investigateurs pour qu'ils respectent les recommandations concernant le traitement de l'insuffisance cardiaque, les doses cibles n'ont souvent pas été atteintes », reconnaissentils. Mais justement pour cette raison, ils concluent que « les résultats doivent être interprétés comme traduisant les effets de l'ivabradine, ajoutée à la pratique clinique normale dans une population spécifique d'insuffisants cardiaques présentant un rythme d'au moins 70 bpm, et qui, pour beaucoup, ne toléreront pas la dose la plus élevée de bêtabloquant ». Il y a néanmoins un point sur lequel l'éditorial et les auteurs de SHIFT sont d'accord : il n'est pas question de substituer l'ivabradine aux bêtabloquants, dont l'effet sur la survie a été largement démontré. John Teerlink note que le risque existe que « certains puissent interpréter les résultats de SHIFT comme une justification de la substitution ». De leur côté, les auteurs soulignent ne pouvoir « tirer aucune conclusion quant aux effets de l'ivabradine en l'absence de l'un des composants de base du traitement, y inclus les bêtabloquants, ou dans le cadre d'une substitution ». Quelle que soit l'interprétation de l'étude, donc, il en est une qui est exclue : considérer l'ivabradine comme une alternative aux bêtabloquants, qu'il faut continuer d'utiliser aux doses les plus proches possibles des recommandations. Les résultats doivent être interprétés comme traduisant les effets de l'ivabradine, ajoutée à la pratique clinique normale dans une population spécifique d'insuffisants cardiaques présentant un rythme d'au moins 70 bpm — Les investigateurs L'étude SHIFT a été financée par Servier. Les membres du comité exécutif de SHIFT déclarent avoir reçu des honoraires et/ou des bourses de recherche de Servier, de même que des honoraires d'orateur ou de consultant d'autres laboratoires pharmaceutiques. Références 1. Komajda M. SHIFT: Effects of ivabradine on cardiovascular events in patients with moderate to severe chronic heart failure and left ventricular systolic dysfunction. Session Hot Line 1. Congrès de l'European Society of Cardiology, Stockholm, 29 août 2010. 2. Swedberg K, Komajda M, Böhm M et coll. Ivabradine and outcomes in chronic heart failure (SHIFT): a randomised placebocontrolled study. Lancet 2010. DOI :10.1016/S0140-6736(10)61314-1. Liens • L'étude SHIFT est un « pari risqué » pour l'ivabradine [heartwire > ESC Actualités ; 26 août 2010] • 57 bpm : une cible potentielle de fréquence cardiaque pour les coronariens selon une sous-analyse de BEAUTIFUL [heartwire > ESC Actualités ; 1er septembre 2009] • BEAUTIFUL : négative pour l'ivabradine mais les résultats sont prometteurs chez les patients à FC > 70 bpm [heartwire > Actualités ; 31 août 2008] Tous droits réservés ® 1999-2010 theheart.org par WebMD Politique de confidentialité [email protected]