La guerre fraîche

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La guerre fraîche
Chapitre n°2 : Les relations internationales de 1947 à 1991
Cours n°3 : les regels ou la période de la guerre fraîche (19751985)
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La guerre froide caractérisée par la
bipolarisation de la planète depuis 1947 connaît des étapes alternant
réchauffement et refroidissement des relations est/ouest sans jamais pour autant
empêcher de nombreux conflits régionaux. La période de la détente est-elle
victime de des propres limites étudiées dans le cours précédent ?
La remise en cause du condominium dans les années 1970 va certainement être
à l’origine d’une nouvelle étape dans la guerre froide. L’ordre mondial est en
effet déstabilisé par la crise économique (choc pétrolier en 1973 et fin des trente
glorieuses) et par des conflits qui échappent au contrôle des deux
superpuissances en particulier au Moyen-Orient avec le conflit israélo-arabe, la
guerre au Liban ou encore l’apparition du terrorisme lié à la cause palestinienne.
Au seul clivage est/ouest émerge une nouvelle opposition nord/sud à l’image de
la décision d’augmentation du pétrole en 1973 par les pays arabes exportateurs
de pétrole.
L’apparition de nouveaux acteurs sur la scène mondiale est d’ailleurs favorisée
par l’affaiblissement des deux superpuissances :
Le syndrome vietnamien (étudié dans le cours précédent) ou encore la
révolution islamiste en Iran sous la direction de l’Ayatollah Khomeiny
représentent une perte de prestige réelle pour les Etats-Unis. Non seulement les
Etats-Unis ne sont pas parvenus à sauver le régime pro-occidental du shah
Mohammed Reza Pahlavi mais la nouvelle « république islamique » iranienne
présente le leader du bloc ouest comme « le grand Satan ». Pire les Etats-Unis
sont incapables de libérer 59 otages à l’ambassade états-unienne de Téhéran qui
dura plus d’un an de septembre 1979 à janvier 1981. Dans ce contexte
d’affaiblissement, le président Carter prône une diplomatie fondée sur le respect
des droits de l’homme.
L’URSS voit sa sphère d’influence remise en cause par la Chine, en particulier
en Asie où les partis communistes ont tendance à choisir le modèle chinois (
Khmers rouges au Cambodge par exemple). L’URSS est donc sur la défensive y
compris sur ses terres, avec la montée des contestations, des dissidents, du
syndicat Solidarinosc polonais de Lech Walesa par exemple qui multiplie les
grèves en 1980.
Nous nous demanderons dans ce contexte pourquoi les relations se dégradentelles à la fin des années 1970 entre les deux blocs ?
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I : L’expansionnisme soviétique :
A : L’intervention soviétique en Afghanistan :
Un régime communiste se met en place en Afghanistan en 1978 dirigé par
Taraqi, jusque là secrétaire général du Khalq, parti communiste en grande partie
constitué de l’ethnie pachtoune, le leader du parcham, autre parti communiste
constitué davantage de Tadjiks, Karmal est vite exclu du gouvernement et
s’exile à Prague.
Dans un pays constitué d’une mosaïque d’ethnie et dont l’organisation demeure
féodale, le gouvernement communiste entend rapidement transformer le pays :
réforme agraire, alphabétisation y compris des femmes, interdiction de l’achat
d’épouses, fermeture des mosquées….suscitant une opposition grandissante en
particulier des perdants de cette révolution, aristocrates, mollah, paysans aisés…
Moscou décide en 1979 d’envoyer son armée (100 000 hommes, les blindés,
l’artillerie lourde…) pour sauver le régime communiste afghan, lequel
représente pour l’URSS un vieux rêve, de percer en direction de l’océan indien.
De plus l’URSS voit en l’Afghanistan le moyen de stopper l’encerclement en
cours opéré tant par les Etats-Unis que par le rival communiste, la Chine. Peu à
peu l’Afghanistan apparaît comme le Vietnam des soviétiques, c’est à dire un
long conflit où les meilleures technologies semblent inefficaces face à une
résistance organisée et cachée dans les montagnes afghanes.
Le monde musulman est solidaire avec le peuple afghan, l’Assemblée générale
de l’ONU vote le « retrait immédiat total » de l’URSS en Afghanistan.
Pour le bloc ouest, il s’agit d’une remise en cause totale des traités précédents,
l’invasion de l’Afghanistan signifie la fin de la détente.
B : Les autres avancées soviétiques dans le tiers-monde :
Contournant les principes de la détente et profitant de l’affaiblissement étatsunien embourbé en politique extérieure (Vietnam) et intérieure (démission de
Nixon suite au Watergate), L’URSS étend son influence dans le tiers-monde.
Le Vietnam réunifié en 1975 se rapproche de l’URSS et intervient au Laos et au
Cambodge.
C’est le triomphe de régimes « amis » communistes en Angola, Ethiopie ou
encore au Mozambique. L’extension du bloc est dans ce continent noir
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récemment décolonisé doit en grande partie sa réussite à l’intervention cubaine.
Castro envoie en effet 20 000 soldats en Angola.
Extension du bloc de l’est y compris sur le continent américain, avec une prise
de pouvoir éphémère sur l’île de Grenade de 1979-1983 et surtout la victoire du
front sandiniste en 1979 au Nicaragua. Depuis les années 30, le Nicaragua était
dirigé par la famille Somoza avec le soutien des Etats-Unis. En 1979, le
dictateur Anastasio « Tacho » Somoza possède 1/3 des terres et des industries.
Le président Carter abandonne le dictateur au nom de sa nouvelle ligne
diplomatique basé sur le respect des droits de l’homme. L’opposition
communiste, le front sandiniste, du nom du général Sandino opposant à
l’occupation états-unienne et assassiné par Somoza père en ?, arrive donc au
pouvoir dans la traditionnelle « chasse gardée » des Etats-Unis. Dès lors les
Etats-Unis soutiennent une guérilla anti-sandiniste et renforcent leur soutien aux
dictatures en leur faveur comme au Salvador ou au Guatémala.
C : Le renforcement militaire des forces du bloc est :
L’URSS renforce sa puissance militaire en Europe de l’est. On assiste à un
redéploiement des forces du pacte de Varsovie à la fin des années 1970.
A partir de 1977, sont par exemple installés des missiles SS20 d’une portée de
5000km. Cette nouvelle donne incite d’ailleurs l
es Etats-Unis à renforcer la défense de l’Europe de l’ouest avec en particulier
l’installation de fusées Pershing à partir de 1983.
II : « le durcissement » des Etats-Unis :
A : Les premiers signes du réveil états-unien :
Dans un contexte difficile de crise du « leadership » de la puissance nord
américaine (cité précédemment : fin chaotique de la guerre du Vietnam, affaire
du Watergate…), le président Jimmy Carter entend redonner une image positive
des Etats-Unis dans le monde, en favorisant une politique étrangère plus
respectueuse des droits de l’homme. En fait, en ne soutenant plus les régimes les
plus dictatoriaux en Amérique latine, les guérillas communistes se sont
multipliés. Pire, l’impuissance du président Carter dans la longue prise d’otages
à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran en 1979 le fragilise dans la perspective
des prochaines élections présidentielles.
Toutefois le président Carter a bien réagi au nouvel expansionnisme soviétique.
Suite à l’invasion soviétique de l’Afghanistan, le président Carter décide la mise
en place d’un embargo sur les livraisons de céréales à destination de l’URSS, de
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boycotter les jeux olympiques de 1980 et surtout il décide d’augmenter les
crédits militaires, relance activement la recherche à des fins militaires en
particulier sur la « bombe à neutrons » et de ne pas ratifier les accords SALT2
signés en 1979 visant à réduire à nouveau les armements stratégiques.
B : La politique du président Reagan : « America is back » :
Lorsque le candidat républicain Ronald Reagan remporte les élections
présidentielles de 1980, l’heure est à la fermeté. Le candidat Reagan a de plus
basé sa campagne électorale sur l’impuissance du président Carter et sur la
nécessité de réaffirmer le rang des Etats-Unis dans le monde, « America is
back » (l’Amérique est de retour) est d’ailleurs le slogan de ses affiches. Le
président Reagan va donc renforcer la politique d’intransigeance mise en place
par Carter la dernière année de son mandat.
Reagan est un ancien acteur de western, profondément anticommuniste, il a
participé activement au maccarthysme dans les années 1950. Dès lors la guerre
froide s’explique selon Reagan par un affrontement des forces de la liberté, le
bloc ouest contre « l’empire du mal ». En créant un nouveau rapport de force
afin d’affirmer la supériorité de l’armée états-unienne, Reagan entend « libérer
le monde de la menace de la guerre nucléaire ». Pour cela il remet en cause les
fondements de la détente, notamment le principe de « destruction mutuelle
assurée » mis en place lors des négociations de SALT1 en 1972.
Sa politique se caractérise par un vaste effort de réarmement dans le but de
redéployer l’armée états-unienne dans le monde, de créer un nouveau rapport de
force avec la puissance soviétique de plus en plus expansionniste.
Un an après son arrivée à la maison blanche, le budget de la défense est
d’environ 200 milliards de dollars. Des programmes sont lancés tant dans les
armes conventionnelles que les armes nucléaires. Alors que le président Carter
fit interrompre la construction des bombardiers intercontinentaux B-1, le
président Reagan multiplie les commandes (idem pour la bombe à neutrons).
L’innovation technologique est relancée à la satisfaction du puissant complexe
militaro-industriel états-unien : création de l’avion F-15, du missile anti-missile
Patriot ( utilisé à partir de la guerre du golfe en 1991), projet de l’avion « furtif »
ou encore ambitieux projet du bouclier anti-missile à l’échelle planétaire, avec
l’IDS, Strategic Defense Initiative présenté en 1983 sous le nom de guerre des
étoiles par les médias. Ce dernier projet bénéficie de sa propre organisation, la
SDIAO, (Strategic Defense Initiative Organization), au budget de 26 milliards
de dollars pour la seule période 1984-1989.
Ce réarmement auquel on peut ajouter une augmentation du budget de la CIA
autorisée à nouveau à organiser des coups d’état dans les pays hostiles au bloc
ouest est financé par une politique ultra-libérale.
Lors de son discours inaugural en 1981, Reagan affirme : « dans la crise
actuelle, le gouvernement n’est pas a solution ; c’est le gouvernement qui est le
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problème ». Les conseillers libéraux du président Reagan sont persuadés que le
Welfare-State ( l’Etat-providence) déresponsabilise les bénéficiaires des aides
ssociales. Il applique donc une politique de dérégulation, de démantèlement de
l’Etat-providence (réduction des dépenses publiques en particulier dans le social
à l’exception de l’armée) mais aussi une baisse des budgets consacrés aux pays
du sud ( les Etats-Unis se retirent d’ailleurs de l’UNESCO en 1985).
Le durcissement des Etats-Unis face à l’expansionnisme soviétique s’organise
donc sous la présidence de Reagan. Cette nouvelle politique oblige l’URSS en
grandes difficultés économiques de reprendre aussi la course aux armements,
laquelle apparaît aujourd’hui déterminante dans l’effondrement de la puissance
soviétique.
III : De nouvelles tensions dans le monde :
A : La crise des euromissiles, nouvel épisode de la guerre froide en Europe :
Face aux fusées soviétiques SS20 (missiles pouvant contenir trois ogives
nucléaires d’une portée de 3500km et d’une précision inférieure à 300 mètres)
installées dans les années 1980 en Europe de l’est et dirigées vers l’Europe de
l’ouest, les Etats-Unis répliquent dès 1983 en mettant en place des missiles
Pershing II dans l’ouest de l’Europe. Reagan propose l’option zéro à l’URSS,
c’est à dire la destruction des SS20 en échange de la non-installation des
Pershing 2 mais l’URSS refuse. L’Europe se retrouve au nouveau au centre de
la guerre froide, divisée entre le bloc ouest et le bloc est. A noter la solidarité
sans faille des démocraties de l’ouest avec les Etats-Unis (y compris du
président socialiste de la France, François Mitterrand) malgré de nombreuses
manifestations pacifistes d’opposants à l’installation de missiles Pershing II.
B : Une forte instabilité en Amérique latine :
Il existe une forte instabilité politique en Amérique latine compte tenu de
l’antagonisme entre les grands propriétaires s’exprimant par des régimes
dictatoriaux soutenus par les firmes transnationales et les Etats-Unis et de l’autre
côté de nombreux pauvres s’exprimant à travers des mouvements populaires
d’émancipation sociale appuyés par les communistes ou parfois l’Eglise
(théologie de la libération). L’Amérique devient elle-aussi un terrain de la guerre
froide entre dictatures militaires soutenues par les Etats-Unis (dictature militaire
au pouvoir au Brésil jusqu’en 1985, en Argentine jusqu’en 1983….) et guérillas
communistes en Amérique centrale soutenues par Cuba et/ou l’URSS.
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C : La guerre Iran/Irak :
A la suite de la révolution iranienne en 1979 symbole du réveil religieux,
l’Ayatollah Khomeiny met en place une République islamique, régime
théocratique chiite basée sur la terreur religieuse et une politique hostile à
« l’occident » anti-états-unienne mais aussi hostile à l’URSS athé.
L’Irak voisine (à majorité chiite mais dirigée par la minorité sunnite),
gouvernée par Saddam Hussein à la tête d’un régime baasiste laïque, se sent
menacée. Aux revendications territoriales ancestrales autour du Chatt al-Arab,
Saddam Hussein craint une contagion révolutionnaire islamiste venue d’Iran.
Dans ce contexte de méfiance de la théocratie iranienne, l’Irak déclenche en
septembre 1980 une guerre contre son voisin.
En l’absence d’arbitrage des deux superpuissances, la guerre dure plus de 8 ans,
se solde par un lourd bilan dépassant un million de morts et remet en cause
l’approvisionnement pétrolier de l’Europe et de l’Amérique du nord (=
aggravation du second choc pétrolier). Toutefois les superpuissances ont apporté
soutien financier et armements. Les Etats-Unis soutenant l’Irak et l’URSS
fournissant des armes dans un premier temps à l’Irak puis à l’Iran par
l’intermédiaire de la Corée du nord, de la Syrie ou de la Libye.
La politique de raidissement des Etats-Unis dans cette guerre fraîche face à
l’URSS passe à de nombreuses reprises par l’utilisation des mouvements
islamistes sans mesurer leur pouvoir réel. Soutien financier et militaire à toutes
les oppositions afghanes à l’occupation soviétique y compris aux islamistes,
vente d’armes états-uniennes à l’Iran malgré l’embargo officiel (scandale de
l’Irangate sous la présidence de Reagan).
Entre 1975 et 1985, les relations entre Etats-Unis et URSS connaissent un regain
de tensions, c’est la guerre fraîche, nouvelle étape de la guerre froide. La
réaction états-unienne au nouvel expansionnisme soviétique s’accompagne
d’une course aux armements contribuant à l’agonie de l’économie soviétique.
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