N`oublies pas - Cours de theatre Paris

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N`oublies pas - Cours de theatre Paris
« N’OUBLIE PAS MON PETIT SOULIER… »
d’Armand CUANTER
PERSONNAGES : ROBERTE , NICOLE, TINA et ANNETTE
4 femmes assises, discutent.
ANNETTE : Vous croyez qu'il viendra ce soir ? … Ca fait combien de temps que tu ne
l'as pas vu toi ?
ROBERTE : Un an peut-être.
ANNETTE : Sale menteuse. A tous tes anniversaires tu dis qu'il viendra et il ne vient
jamais..
NICOLE : Elle a raison , tu dis ça pour la rassurer…
TINA : Moi, j’y crois...
ROBERTE : A ton âge Tina?
TINA : Oh, ça va… Mais ne crois pas que je te vois pas, à te trémousser comme une
gamine… T’es toute émoustillée quand on parle de LUI… Elle est émoustillée, elle est
émoustillée…Mousse comme mousse, « tillé » comme « tié » … !
ROBERTE : Toi, c’était quand où il t’a présenté ses hommages, la dernière fois ?
ANNETTE : J'ai eu une carte à Noël…
NICOLE : D’accord…
ANNETTE : C'était une carte avec sa photo dédicacée, alors ça fait … Ca fait que je l'ai
pas vu !
TINA : De toutes façons, on en reçoit toute une alors ! D'ailleurs c'est la même ! Mais
j’aime bien les cartes postales moi… Surtout quand y’a un joli timbre dessus…
ROBERTE : Une carte ! Ben moi, ce compte-là, je l'ai vu AUSSI ce matin en feuilletant
mon album photos.
NICOLE : Moi aussi, je l’ai vu ce matin en feuilletant ton album photos !
ANNETTE : Ah, ah ! Je t'y prends, tu feuillettes mon album photos le matin en douce.
C'est ta petite drogue pour la journée..
ROBERTE : Ce n'est pas plus ridicule que de faire un régime permanent pour toujours
rentrer dans ton maillot de bain de l'époque…pour ce que c'est efficace en plus !
ANNETTE : Dis donc toi ! Oh… il faut bien s'entretenir de toutes façons…
TINA : Moi, je me sens bien dans peau… Ma diététicienne m’idolâtre à mort… Mon
corps est MA-GNI-FIQUE…
NICOLE : Tu l'avais connu où toi ?
TINA : Ma dieteticienne ? Oh, dans les pages brunes de l’annuaire inversé ; mais j’ai du
chercher longtemps…
NICOLE et ANNETTE la regardent.
ANNETTE : Je l’ai connu dans un chalet en Autriche. Feu de cheminée, peau de bête,
caviar Sevruga, Vodka et deux bouteilles de RICARD…
NICOLE : Charmant...
ROBERTE : Ca a duré combien de temps, en tout ,vous deux ?
ANNETTE : Oh , entre le premier RICARD et le moment où il a disparu par la fenêtre, ça
a duré 4 heures. Peut-être 4 heures et quart si on compte qu'il est revenu.
NICOLE : A bon il est revenu ?
TINA : Moi, je te crois pas ! C’est ce soir qu’il va revenir…
ROBERTE : C’est sûr qu’il y en a pas beaucoup pour lesquelles il est revenu…
ANNETTE : En fait… Euh Il avait oublié son micro sous l'oreiller.
ROBERTE : Ah oui ! Cette manie qu'il a de mettre son micro sous l'oreiller... Moi, au
début ça m'excitait et puis un jour je ne sais pas ce qui s'est passé. Tu sais ce que c’est,
dans le feu de l'action, on ne maîtrise pas toujours ses gestes. Bref le coup est parti
tout seul, j'ai eu une de ses peurs !
ANNETTE : De quoi tu parles ?
ROBERTE : Je veux dire… Que sans faire exprès, je lui avais mis un coup de micro sur
le visage….
ROBERTE : Moi je n'avais jamais osé en parler à personne avant, mais la légende de…
Son endurance… Moi je dis, c’est un peu surfait…
TINA : Moi, je fais des 100 mètres en 2 minutes ! Je suis une vraie résistante !…
ROBERTE : Mais son endurance, elle part toujours d'un bon sentiment !
NICOLE : Vous dites ça, mais s’il était là, ce soir….
ANNETTE : Mais il est pas là, ce soir ?
TINA : Moi, j’accède à mes rêves : Et je dis : OUI ! il sera là ce soir ! !
ANNETTE : Et cette manie de toujours chanter pendant la « CHARNEL - PARTIE »
TINA : (chantant) « De tous les tangos du monde, C’est celui que j’ai dansé dans vos
bras, J'ai connu d'autres tangos à la ronde, mais mon cœur n'oubliera pas celui-là… »
ANNETTE : Mais toi, tu l'avait rencontré où ?
ROBERTE : Il m'a harponné aux Bahamas…
NICOLE : Harponné ?
TINA : Comme un thon… ha ha…
ANNETTE : Oh je t’en prie…
ROBERTE : Oui, au sens propre du terme ! Sur la plage ! Le sable mouillé, c'est dur et
froid comme du béton, le sable sec ça s'infiltre partout ! Et les coups de soleil ! Tu vois
le tableau d'ici : deux heures à faire de la « gymnastique » en plein soleil ! A la fin je
ressemblais à une escalope panée oui !
TINA : Calope-calope ! Espèce de calope ! Oooo, la grosse calope….
ROBERTE : Mais j’avoue que… Même rougeaud, en caleçon blanc, en train de
beugler : « la vie commence à 60 ans, quand on peut prendre enfin le temps , De
répondre aux questions qu'on pose, De regarder plus près les choses » Ca , il a pas fait
que de les regarder les choses ! …J’avais mal partout ! Mais je reconnais que… le
lendemain, j’en redemandais…
NICOLE : Et il était plus là le lendemain ! Pauvre folle avec tes chimères !
TINA : Non , mais il viendra, ce soir ; pour moi.. Et il m’emmènera sur son joli plateau,
couverts de fruits de la passion…
NICOLE : Moi, au moins, quand il est arrivé, il m'aimait vraiment, il m'a ouvert les yeux
sur la vie… et il m'a retournée !
ROBERTE : Et oui, comme nous toutes à un moment ou à un autre !
NICOLE : Ah ! Tu comprends rien à la volupté !
TINA : (chantant) « Vo-o-o-lupté ! C’est une fée qui t’a donné, ton décor et ta beauté… »
ANNETTE : Oh non, je t'en prie tu ne vas pas, toi aussi, me dire que ce que tu aimais
avec lui, c’était la culbute ?
NICOLE : Si, je le dis ! J’assume moi, mesdemoiselles ! Pour moi, il chantait, AVANT,
PENDANT, et APRES ! ! !… Oh et ce caleçon blanc…mmmh…
TINA : A croire qu’il se changeait jamais ! Hi hi… De toutes façons, caleçon blanc, caleç’oient à petits carreaux, dedans, il était trop beau…
ANNETTE : … Dis un peu c’était quoi ses tubes ?
NICOLE : Ben, AVANT l’amour, c’était « J’ai rêvé d’une fleur », PENDANT, il me faisait
« Ramona » et après, … Eh bien APRES … il chantait « OH MON PAPA »… Il chantait
un peu n’importe quoi…. Bon, on mange des brocolis ce soir…
ROBERTE : Change de pas conversation… Tu aimais quoi chez lui ?
NICOLE : Eh bien … Le fait, que même jeune, il faisait vieux… J’adorais ça ! Et… Euh,
c’est sûr qu’il viendra pas ce soir ?…
ANNETTE : Non…
TINA : Si ! ! ! Si, il viendra ! Mais pourquoi personne m’écoute ? 36-15 code j’existe !
Ouououuuuuuuh ! ! ! J’suis làààà… Tout le monde m’ignore… Mais je m’en fiche parce
que ce soir… CE SOIR, IL SERA LA !
NICOLE (comme si elle parlait à elle même) : Ce que j’aimais aussi , c’est quand il me
glissait à l’oreille…Au moment fatidique… « Oh Catarinetta bella »…Et il rajoutait :
« Tchi-tchi »… Ouaaaaaaaaah ! ! ! ! Ca me faisait … Comme si on me tirait les
cheveux, qu’on me martyrisait le lobe de l’oreille, tout en me mettant des gifles sur les
fesses et que mes jambes… (elle tourne sur elle même, prête à s’évanouir. Elle se
laisse tomber)
ROBERTE : Ca va ?
NICOLE : Mmm… Oui…
ANNETTE : On va les manger ce brocolis ? Allez viens Tina !
(On s’aperçoit que le siège sur lequel est assise Tina, est un fauteuil roulant.)
TINA : (plus calme) Si vous chantez « Petit papa Noël » avec moi ! Comme il le faisait
lui, quand j’étais à Ajaccio avec LUI…
ROBERTE : Ils nous passent quoi ce soir à la télé ?
NICOLE : Je ne sais pas… Ah si, une émission de variétés je crois…
ANNETTE : Quelle déprime, c'est toute l'histoire de ma vie ça.
NICOLE : Et la mienne !
ROBERTE : Et la mienne !
TINA : Allez, avec moi : « Petit papa noël, quand tu descendras… »
NICOLE : Attends ! … (Elle pousse un cri) Oh noooooooooooon !
ROBERTE , TINA et ANNETTE : QUOI ?
NICOLE :Le journal ! Vous avez vu ?
ROBERTE, TINA et ANNETTE : Non, quoi ?
NICOLE : Il est mort !
ROBERTE, TINA et ANNETTE : Qui ça ? ? ? ?
NICOLE : (après un silence) Luis MARIANO !
Les 4 femmes éclatent de rire… NOIR