Campanile et autres gasteropode
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Campanile et autres gasteropode
Seediscussions,stats,andauthorprofilesforthispublicationat:https://www.researchgate.net/publication/273630604 Campanileetautresgastéropodeslutétiens (Eocène)deFleury-la-Rivière,Marne Article·January2012 CITATION READS 1 150 1author: PhilippeCourville UniversitédeRennes1 123PUBLICATIONS574CITATIONS SEEPROFILE Availablefrom:PhilippeCourville Retrievedon:31October2016 F10-08-Gis-Damery:F10-08-Gis-Damery 02/05/12 15:03 Page51 Campanile et autres gastéropodes lutétiens (Eocène) de Fleury-la-Rivière, Marne Philippe COURVILLE (1) (1) Université de Rennes-1/UMR CNRS 6118 Géosciences Rennes, Campus Beaulieu, 35042 Rennes Cedex [email protected] Campanile and other Lutetian gastropods (Eocene) of Fleury-la-Rivière (Marne, France). Abstract: Hundreds of taxa belonging to Mollusca (mainly gastropods and bivalves) occur in the ‘Tuffeau de Damery’ Formation, Middle Lutetian (Eocene), in the Fleury-la-Rivière area (Marne department, Paris Basin, France). Beside the famous giant Campanile giganteum, the commonest or most characteristic gastropods belong to highly diversified taxa : Ampullinidae, Stromboidea (mainly Rimella, rarer Xenophora and uncommon Hippochrene), Cerithidae, Potamidae, Turritellidae, Naticidae, Sycum, Clavilithes and diversified Volutidae, Olividae and Conidae. These taxa do not co-occur but several associations characterize various sandy levels corresponding to various marine depositional environments. The basal transgressive levels excepted, none represent littoral facies. The deepest environments may correspond to those yielding the condensed concentration with Campanile. Keywords: Mollusca, Gastropoda, Lutetian, Eocene, Fleury-la-Rivière, Paris Basin. L es sables consolidés du “Tuffeau de Damery”, d’âge Lutétien moyen, affleurent sur plusieurs kilomètres au nord-ouest de Reims (fig. 1-A). Ses faunes (mollusques, gastéropodes notamment) sont classiques dans les collections, en raison d’une part, de leur conservation remarquable et, d’autre part, de l’abondance locale de l’emblématique “cérithe géant”. A l’heure actuelle, les affleurements sont devenus rares, mais les couches sont bien visibles à l’intérieur de la galerie-musée de M. LegrandLatour, à Fleury-la-Rivière (Marne). Historiquement, les gisements de “Damery” et, plus particulièrement la carrière de Venteuil, à l’ouest de Fleury-la-Rivière, ont été parmi les premiers mentionnés dans le Bassin parisien par Palissy (1580). Récemment, le “Tuffeau de Damery” et ses affleurements ont été pris en compte en tant que coupes complémentaires dans le cadre des révisions successives du Lutétien stratotypique (coupes-types à Paris). De nombreuses données ont été synthétisées en 1980 (Blondeau in Cavelier & Roger) et, surtout, revisitées et développées in Merle (2008). Aspects géologiques Les sables fins, généralement brun clair et consolidés, exposés dans le secteur de Fleury-laRivière couvrent partiellement la partie moyenne de l’étage Lutétien (“Tuffeau de Damery” Auct.) ; ils constituent une série épaisse d’une quinzaine de mètres. Dans le détail, elle n’est homogène ni lithologiquement (lecture verticale = temporelle ou géographique), ni paléontologiquement. A l’heure actuelle, les bons affleurements sont rares, les exploitations anciennes, dangereuses, ayant été remblayées. Néanmoins, les niveaux principaux, notamment ceux à Campanile ayant fait la célébrité paléontologique du secteur, sont observables dans la galerie-musée de Fleury-la-Rivière (“Cave aux Coquillages”). Entre 2005 et 2008, des travaux de levers de coupes et d’inventaire détaillés ont été réalisés (Blomme, 2007) et publiés (Merle & Courville, in Merle, 2008). Certains échantillons collectés sont toujours en cours d’étude à Rennes (F. Polette). Les observations ponctuelles de la galerie sont extrapolables sur plusieurs kilomètres, vers l’est comme vers Fig. 1 - A : localisation géographique des gisements lutétiens de Fleury-la-Rivière (Marne). B : unités intra-Lutétien moyen observées dans la “Cave aux Coquillages”. C, D, E : éléments fauniques caractéristiques ; C, Teredina personata LAMARCK 1806 [banc 1 ; h = 67 mm] ; D, faciès 5a, où prolifère Sigmesalia intermedia (DESHAYES 1832) [h = 145 mm] ; E : le célèbre Campanile giganteum (LAMARCK 1804) [banc 4, h = 415 mm] (récolte / prép. / coll. : P.C.-Rennes 1 - clichés : P. L.). l’ouest. Au-dessus de sables fauves ou verdâtres peu consolidés à boules gréseuses, concrétionnements racinaires et fer au sommet (âge Cuisien ?), la série est constituée par 6 unités distinctes (fig. 1-B) : 51 Fossiles, n°10 F10-08-Gis-Damery:F10-08-Gis-Damery 02/05/12 15:03 Page52 8 7 9 17 6 11 10 5 1b 18 1a 15 4 3 16 14 2 13 12 Fig. 2 - Quelques gastéropodes classiques dans les sables du Lutétien moyen ; région de Fleury-la-Rivière (“Damery”, Marne) [Tous figurés à la même échelle, x 1 – récolte / prép. / coll. P.C.-Rennes 1 - clichés : P. L.]. 1 : Crommium willemeti (DESHAYES 1824) ; 2 : Globularia sigaretina (LAMARCK 1804) ; 3 : Sigmesalia intermedia (DESHAYES 1832) ; 4 : Pyrazus angulatus (SOLANDER in BRANDER 1766) ; 5 : Serratocerithium serratum (BRUGUIÈRE 1792) ; 6 : Hippochrenes gr. murchisoni (DESHAYES 1865) ; 7 : Rimella fissurella (LINNÉ 1767) ; 8 : Xenophora agglutinans (LAMARCK 1804) ; 9 : Sycum bulbus (SOLANDER in BRANDER 1766) ; 10 : Cepatia cepacea (LAMARCK 1804) ; 11 : Clavilithes parisiensis (MAYER-EYMAR 1877) ; 12 : Athleta spinosus (LINNÉ 1758) ; 13 : Plejona mitrata (DESHAYES 1835) ; 14 : Cryptocorda stromboides (HERMANN 1791) ; 15 : Amalda dubia (DESHAYES 1830) ; 16 : Ancillus buccinoides (LAMARCK 1802) ; 17 : Conus deperditus (BRUGUIÈRE 1792) ; 18 : Crytoconus elongatus (DESHAYES 1834). 1 : transgressive sur les sables précédents et de lithologie grossière à lits microconglomératiques, elle livre de nombreux débris de bois, d’huîtres et d’autres coquilles, et quelques restes de vertébrés. La fin de l’unité montre une alternance de bancs ou lamines dures et tendres, où abondent les bivalves (accumulations de cardites et crassatelles). Au sommet, oursins, nombreux débris phosphatés et térédines (objets remaniés ?) (0,25 à 0,4 m) ; 2 : plus homogène, avec un sable fin consolidé clair ; faune finement conservée, mais plutôt dispersée, bien que diversifiée (bivalves et gastéropodes). Au sommet, sont récoltés les premiers “cérithes géants” (1,5 m) ; 3 : plus argileuse et plus sombre ; même faune que précédemment, mais plus abondante et moins bien conservée ; foraminifères abondants (0,5 m) ; 4 : très sombre et argileuse, consolidée. C’est le niveau d’accumulation ou concentration le plus spectaculaire à cause de sa richesse et des gastéropodes très diversifiés, même si leur Fossiles, n°10 état laisse souvent à désirer. Il est surtout remarquable par l’accumulation des “cérithes géants” (fig. 1-E) [en fait, Campanile giganteum (LAMARCK 1804) appartient à une autre famille, les Campanilidae]. Ces derniers sont souvent très altérés, en liaison avec l’action cumulée de courants et de biocorrosion. Comme tous les autres gros gastéropodes, ils sont généralement encroûtés par d’innombrables petites huîtres (0,4 m ou moins) ; 5 : hétérogène, claire et argileuse, consolidée à la base (fig. 1-B > 5a), et inversement au sommet (> 5b). Grandes formes rares, dont les ultimes Campanile. Macrofaune excessivement abondante dans le niveau 5a, mais assez peu diversifiée ; Sigmesalia intermedia (DESHAYES 1832) est ici une “turritelle” qui prolifère (0,3 à 0,5 m) ; 6 : dernière unité visible dans la galerie sur 0,5 m ; sable argileux sombre et mal lité, très fossilifère. Fossiles très fragiles mais parfois très bien préservés, avec d’assez nombreux cônes et “strombes”. 52 F10-08-Gis-Damery:F10-08-Gis-Damery 02/05/12 15:04 Page53 Au-dessus de ces faciès, on peut parfois observer dans la région des sables fins verdâtres non consolidés, riches en petits bivalves et “cérithes” variés. beaucoup moins, et il est impossible d’en donner ici un inventaire détaillé. Toutes ont en commun un état de préservation souvent excellent, avec une teinte brune caractéristique (imprégnation par du fer ?) ; dans certains niveaux ou dans des lieux où l’enfouissement a été particulièrement rapide, la préservation a pu être remarquable : “patterns” (motifs, et non la coloration) directement visibles des Campanile, mitres, cônes, Sycum ou volutes ; vestiges de périostracum… Milieu(x) de dépôt du “Tuffeau de Damery” Hétérogène, la formation caractérise une succession de milieux variés. Tous marins, mais de profondeur changeante au cours du temps, ils traduisent directement une série assez régulièrement transgressive sur les sables cuisiens continentaux. Les arguments sédimentologiques et paléobiologiques ont été développés in Blomme (2007) et synthétisés par Merle et Courville (in Merle, 2008). Seuls les niveaux de l’unité 1 ont un caractère littoral prononcé. Au-dessus, tous traduisent des paléomilieux de dépôt marins francs plus profonds, toujours situés sous la zone de balancement des marées (profondeurs probables oscillant entre une vingtaine et une cinquantaine de mètres). Les milieux sont parfois relativement calmes (niveaux 2, 5, 6), parfois beaucoup plus agités. Particulièrement, l’analyse du niveau 4 à Campanile a montré que sa genèse était dépendante de courants forts unidirectionnels (organismes portant les stigmates de déplacements peut-être importants) ; le dépôt s’est, en outre, formé à une profondeur significative (et non pas au voisinage d’une plage) et dans un contexte où le taux de sédimentation est faible (épaisseur faible du banc et encroûtements massifs des organismes stagnant longtemps sur le fond avant enfouissement). Il est clair que la constitution de cette bioconcentration/accumulation a pris du temps et correspond à un niveau légèrement condensé. La présence “massive” des Campanile n’a rien à voir avec une sorte “d’extinction de masse”, et d’autant moins que C. giganteum n’a pas disparu sans laisser une “lignée” de descendants directs (fin de l’Eocène à Actuel). L’accumulation de Sigmesalia et autres turritelles dans le niveau 5a correspond à un milieu calme, peu profond, où devaient s’épanouir les herbiers abritant ces herbivores… Quelques gastéropodes “classiques” ou caratéristiques : la majorité des formes illustrées figure 2 peut être trouvée dans la plupart des niveaux postérieurs à 2, avec une abondance toutefois très variable. • Grande fréquence de l’Ampullinidae Crommium willemeti (D ESHAYES 1824), à coquille globuleuse à apex pointu, appartenant aux Campaniloidea, malgré son aspect “naticiforme” (fig. 2:1) ; relative abondance d’une forme voisine, plus grande et gibbeuse, Globularia sigaretina (LAMARCK 1804) (fig. 2:2). • Parmi les “cérithes vrais”, potamides et turritelles, Sigmesalia intermedia (DESHAYES 1832) pullule, notamment au début du niveau 5 (fig. 2:3). Dans la région, les autres “Mesalia” sont rares ; d’autres taxons apparaissent vers l’ouest… Le potamide Pyrazus angulatus (SOLANDER in BRANDER 1766) est une forme assez rare, mais que ses nodosités marquées et son tour anguleux rendent facile à identifier (fig. 2:4). Serratocerithium serratum (BRUGUIÈRE 1792) est un cérithe atteignant facilement 7-8 cm, très rare dans le “Tuffeau de Damery”, plus fréquente dans les sables postérieurs (fig. 2:5). • Parmi les Stromboidea, Hippochrenes gr. murchisoni (DESHAYES 1865) est une belle espèce de taille moyenne au labre fragile très étendu ; peu commun, il apparaît dans les unités récentes (fig. 2:6). A l’inverse, la petite Rimella fissurella (L INNÉ 1767) est présente partout et parfois proliférante (fig. 2:7). Peu rare, Xenophora agglutinans (LAMARCK 1804) est rarement récolté avec ses collections de petites cardites (fig. 2:8). • Espèce à la position discutée (Melongenidae ?), Sycum bulbus (SOLANDER in BRANDER 1766), est très abondant et caractéristique, mais rarement bien préservé. Les “patterns” sont conservés dans les unités récentes (fig. 2:9). • La natice Cepatia cepacea (L AMARCK 1804) est peu commune, du moins les grands individus intacts (fig. 2:10). • A Damery, les “fuseaux” comprennent une cohorte importante d’espèces très variables, dont Clavilithes gr. parisiensis (M AYER -E YMAR 1877) ; si ce n’est pas la plus commune, elle a une morphologie adulte typique, lisse et carénée, avec un très long et gracile canal antérieur (fig. 2:11). • De nombreuses espèces de volutes et d’olives (fig. 2:1216) ont des coquilles parfois spectaculaires ou colorées. Classiquement, la typique et petite Athleta spinosus (LINNÉ 1758) est souvent proliférante. Plus massive et trapue, Plejona mitrata (DESHAYES 1835) est moins commune. Fréquent dans certains bancs ou localement, Cryptochorda stromboides (HERMANN 1791) est remarquable par sa surface vernissée très “colorée”. La petite olive à spire peu visible Amalda dubia (D ESHAYES 1830) est abondante partout, tandis que la plus grande espèce à bande antérieure “colorée” Ancillus buccinoides (LAMARCK 1802) est ici moins fréquente. • Enfin, les cônes (fig. 2:17) et cryptocônes (fig. 2:18) sont plus rares dans le secteur de Fleury-la-Rivière, particulièrement s’ils sont grands, ou montrent une ouverture intacte et les traces de “patterns” de coloration. ■ Contenu paléobiologique du “Tuffeau de Damery” Structure générale des peuplements et des récoltes : à l’échelle du Lutétien de la région stratotypique, l’inventaire de la biodiversité fait état d’un peu plus de 3 000 taxons, dont pratiquement 2 000 mollusques. Les fossiles récoltés dans les sables du Lutétien moyen de la région de Fleury-la-Rivière traduisent cette structuration. Pour l’essentiel, ce sont des mollusques qui sont récoltés (environ 2/3 de gastéropodes contre 1/3 de bivalves et éléments fauniques “traces”), sachant que les compositions fauniques des différents bancs varient fortement, conséquence des paléomilieux qu’ils traduisent (cf. supra). Des bivalves fragmentaires sont presque exclusivement récoltés dans les premiers bancs transgressifs sur les sables cuisiens. Les gastéropodes sont plus abondants par la suite et mieux conservés, prédominants même dans les niveaux 3 et 4. Dans le dernier, les grandes formes sont fortement représentées ; on se méfiera pourtant de l’importance quantitative réelle des Campanile, que leur taille énorme rend apparemment prédominants. En fait, ils correspondent à un pourcentage très faible des grands gastéropodes collectés (moins de 1 %), sans oublier qu’ils ne sont pas autochtones dans le banc qui les livre. La surconcentration des fossiles dans ce banc est aussi un artefact directement lié à une période brève de vacuité sédimentaire. A l’inverse, l’accumulation de Sigmesalia dans le niveau 5a est probablement une bonne traduction du milieu de vie réel de ces organismes. Outre les Campanile, qui appartiennent probablement à une seule espèce variable (Blomme, 2007), le “Tuffeau de Damery” a livré environ 300 espèces de gastéropodes, la plupart étant très petites. Certaines sont excessivement fréquentes, d’autres Remerciements : ils vont à M. Legrand-Latour, “creuseur” de la galerie-musée “La Cave aux Coquillages” à Fleury-la-Rivière. Il a permis à B. Blomme et moi-même l’accès au chantier, en 2005 et 2006. Références bibliographiques et Ed. B.R.G.M., 1-288. Palissy, B., 1580 - Discours admirables, de la nature des eaux et fontaines, tant naturelles qu’artificielles, des métaux, des sels et salines, des pierres, des terres, du feu et des émaux. Avec plusieurs autres excellents secrets des choses naturelles. Plus un traité de la marne, fort utile et nécessaire pour ceux qui se mêlent de l’agriculture. Le tout dressé par dialogues, lesquels sont introduits la théorie et la pratique. Marin le Jeune, Paris : 1-361. Blomme, B., 2007 - Campanile giganteum (LAMARCK 1804) à Fleury-la-Rivière (Lutétien du Bassin parisien, France). Aspects paléo-écologiques, taphonomiques, historiques. Mém. D.S.E.R. univ. Lille-1, LP3 : 1-40. Blondeau, A., 1980 - Etage Lutétien. In Les étages français et leurs stratotypes, Cavelier, C. & Roger, J., (éd.), Mém. B.R.G.M., 109 : 1-256. Merle, D., (coord.), 2008 - Stratotype Lutétien. Museum national d’Histoire naturelle, Biotope 53 Fossiles, n°10