le developpement de l`eolien terreste en region wallonne. quel

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le developpement de l`eolien terreste en region wallonne. quel
LE DEVELOPPEMENT DE L’EOLIEN
TERRESTE EN REGION WALLONNE.
QUEL PROJET POUR ASSURER UN
PARTAGE EQUITABLE DES RETOMBEES
DU VENT ?
Guillaume Lepère
Septembre 2010
Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles
2010
Introduction ............................................................................................ 2
A.
Un cadre législatif qui doit être actualisé et élargi ......................... 3
B.
Un optimum éolien ? ...................................................................... 4
C.
Quelle plus-value pour la collectivité ? ........................................... 5
1
Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected]
Introduction
Notre société a d’énormes besoins en énergie, que ce soit pour faire tourner
notre économie ou pour permettre à chacun de vivre dignement et
confortablement. Qui plus est, nous sommes fort dépendants des combustibles
fossiles et nucléaires, issus uniquement de l’étranger. Cela nous amène à
constater que la production de cette énergie a nécessairement un impact sur
notre environnement et que cette situation fait dépendre notre bien-être de
facteurs externes, peu ou pas maîtrisables.
On voit ainsi toute l’importance de l’énergie dans notre société et les incidences
qu’elle a en termes économiques, sociaux et environnementaux. L’énergie
constitue de plus un défi stratégique majeur, à la base de nombreux conflits.
Modestement, vu le poids de la Belgique ou de la Wallonie, il paraît utile de
réfléchir à notre rapport à l’énergie et d’anticiper l’avenir pour garantir l’accès à
cette ressource. Dans le cadre de cette analyse, nous nous concentrerons sur le
développement de l’éolien terrestre ou « onshore » - qui ne représente bien
entendu qu’une pièce du puzzle.
Considérant la raréfaction annoncée des énergies fossiles, l’essor des énergies
renouvelables paraît inévitable. Et même bénéfique, à l’heure de la lutte contre
les changements climatiques et des efforts pour améliorer la qualité de notre air.
Notre indépendance énergétique en sortira également renforcée, quoique l’effet
soit plus limité. Il s’agit aussi d’un énorme enjeu économique.
En outre, les objectifs européens de la Belgique en termes d’énergie renouvelable
nous poussent à accorder plus de place au renouvelable dans les années à venir.
La Belgique devra en effet produire 13% de sa consommation finale d’énergie à
partir de sources d’énergie renouvelables à l’horizon 2020. Sans parler des
étapes ultérieures ! En étant un peu visionnaire, on pourrait considérer que tous
les ménages devront être alimentés exclusivement en énergie renouvelable
produite localement d’ici 2050.
Même si leurs avantages sont indéniables, les diverses formes d’énergie
renouvelable ne sont pas sans défauts, que ce soient notamment leur coût ou les
nuisances qu’elles engendrent sur leur environnement immédiat1. Ces aspects
varient d’ailleurs d’une filière à l’autre et chacune ne doit pas être encouragée
dans les mêmes proportions. En clair, avoir de l’ambition ne veut pas dire qu’il
faut faire n’importe quoi à n’importe quel prix. Les contraintes et avantages
sociétaux doivent être bien mesurés.
En inventoriant l’éolien wallon, on constate qu’il s’est beaucoup développé ces
dernières années. Nous sommes ainsi passés d’une turbine installée en 1998 à
171 en juin 2010, pour une production annuelle d’électricité estimée à 730
GWh2. De quoi alimenter plus de 200.000 ménages3. De nombreux autres projets
Voir notamment : CARPENTIER, Laurent, « Éoliennes, un vent de révolte se lève »,
dans Le Monde Magazine, 28 novembre 2009.
2
1 GWh = 1.000.000 de kWh
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Association pour la promotion des énergies renouvelables, APERe, « Situation de
l’éolien en Région wallonne au 15 juin 2010 »,
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sont également en cours. Cette éclosion appelle toutefois certaines règles en vue
d’éviter ou d’en atténuer les effets négatifs. Il s’agit d’encadrer cet essor, non
pas pour le freiner, mais pour maximiser les retombées positives en limitant au
minimum les désagréments. Dans le cas contraire, le risque de rejet par la
population est grand. En ce sens, il est important de réfléchir à la multiplication
des éoliennes sur terre, afin d’éviter une évolution anarchique qui nuirait à la
collectivité.
A. Un cadre législatif qui doit être actualisé et
élargi
Aujourd’hui, il n’existe pas en Région wallonne de cartographie des zones
autorisées pour implanter des éoliennes, mais il y a ce qu’on appelle un cadre de
référence. Celui-ci, d’une part, rappelle les dispositions légales et réglementaires
à respecter, d’autre part, indique des orientations dans les matières non
réglementées. Ce cadre a été approuvé par l’exécutif wallon le 18 juillet 20024.
Vu les nombreuses évolutions qui se sont produites depuis lors, tant en termes
techniques que d’aménagement du territoire, cet outil ne répond plus à l’ampleur
de phénomène. Le Gouvernement est d’ailleurs occupé à l’actualiser pour qu’il
réponde mieux aux défis de demain.
Ce seul élément ne sera probablement pas suffisant pour assurer un
développement éolien coordonné, tout en maximisant le potentiel. Il semble
également nécessaire de définir une vision globale et stratégique, reposant sur le
cadre de référence actualisé, mais qui évaluerait également les possibilités
d’extension des parcs existants et qui déterminerait les zones potentielles
d’installation de nouveaux mâts.
Vu que des éoliennes ne peuvent pas être installées n’importe où, divers facteurs
doivent être pris en compte. Ainsi, il faut envisager les zones où le vent souffle
favorablement (force, régularité, direction constante,…). Les zones d’exclusion
militaire, les activités aériennes et la présence d’habitats ou de bâtiments
doivent aussi être incluses dans le modèle, tout comme la protection de la faune
et de la flore et la bonne intégration paysagère.
Enfin, la multiplication significative des unités de production décentralisée
d’électricité n’est pas sans conséquence sur le réseau de transport qui à l’heure
actuelle fonctionne essentiellement à partir d’un nombre relativement limité de
points de production électrique. De plus, cette électricité « éolienne » est
variable et donc moins prévisible. Elle complique donc la tâche des gestionnaires
de réseau qui doivent maintenir en permanence un équilibre entre l’offre et la
demande. Cela nécessite d’étudier les capacités et la situation physique du
réseau électrique, et de l’adapter en conséquence. Toutefois, même sans
http://www.apere.org/docnum/recherche/view_docnum.php?doc_filename=doc35_0902
02_statRW_public.pdf&num_doc=35.
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Cadre de référence pour l’implantation d’éoliennes en Région wallonne, approuvé par le
Gouvernement wallon le 18 juillet 2002, http://energie.wallonie.be/fr/cadre-dereference-pour-l-implantation-d-eoliennes-en-regionwallonne.html?IDC=6105&IDD=11176.
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modification, le réseau peut accueillir davantage d’électricité renouvelable que ce
qu’il ne le fait pour le moment5.
B. Un optimum éolien ?
Sur base de ces éléments, on pourra évaluer le potentiel de développement
optimal de l’éolien onshore wallon et calculer son apport énergétique maximal.
On pourra aussi veiller à donner leur juste place aux éoliennes, entre blocage de
principe et essor irréfléchi.
Par ailleurs, la spéculation foncière est un autre facteur potentiel à intégrer.
Celle-ci pourrait faire augmenter le prix des terrains et renforcer le coût du
développement éolien. Tel est le danger de définir une cartographie trop précise
des sites.
Le Plan pour la maîtrise durable de l’énergie en Wallonie (PMDE), développé par
les pouvoirs publics et actualisé en mars 2009 avec 2020 comme horizon, liste
également les principaux obstacles au développement de la filière. Il épingle
notamment les barrières administratives (liées à l’aménagement du territoire),
les contraintes aériennes (zones d’exclusion notamment militaires) ou le fait que
le public et les communes sont peu impliqués dans la mise en œuvre de projets
éoliens6.
Si on se base sur les chiffres de ce PMDE actualisé, le potentiel éolien wallon est
estimé à 1.000 MW, soit 500 turbines d’une puissance unitaire moyenne de 2
MW. Si elles tournent plus ou moins 2.250 heures par an7, cela permettrait de
fournir 2.250 GWh d’électricité8. Actuellement, on compte 171 turbines pour une
puissance installée de 327 MW et une production annuelle estimée à 730 GWh.
Edora, la fédération de l'énergie d'origine renouvelable et alternative qui défend
l’intérêt du secteur en Belgique, estime, quant à elle, qu’on peut atteindre une
puissance installée de 3.500 MW d’ici 2020, dont 2.000 MW en Wallonie9. Ces
turbines wallonnes produiraient 4.400 GWh d’électricité10.
Il y a, on le voit, une grande marge entre la version plus prudente du PMDE et la
version maximaliste d’Edora. Pour l’expliquer, précisons notamment que le PMDE
est un an plus ancien que l’étude d’Edora qui date de février 2010. Puis, surtout,
le plan wallon se limite à un objectif de 13% correspondant aux obligations
« Projet d’actualisation du Plan pour la Maîtrise Durable de l’Energie (PMDE) en Wallonie
à l’horizon 2020 », par le Service Public de Wallonie, DGO4, Département de l’Energie et
du Bâtiment durable, l’Institut de conseil et d’études en développement durable (ICEDD),
ECONOTEC Consultants, IBAM, 12 mars 2009, p. 249.
6
Idem
7
Ce chiffre est de l’ordre du possible, mais dépend de plusieurs facteurs techniques.
8
« Projet d’actualisation du Plan pour la Maîtrise Durable de l’Energie (PMDE) en Wallonie
à l’horizon 2020 », par le Service Public de Wallonie, DGO4, Département de l’Energie et
du Bâtiment durable, l’Institut de conseil et d’études en développement durable (ICEDD),
ECONOTEC Consultants, IBAM, 12 mars 2009, p. 248.
9
EDORA, « NATIONAL RENEWABLE ENERGY SOURCE INDUSTRY ROADMAP BELGIUM »,
avec la collaboration d’ODE-Vlaanderen, février 2010, p.9.
10
En fonctionnant 2.200 heures par an.
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européennes de la Belgique en la matière, tandis qu’Edora cherche à calculer un
« objectif réalisable maximum ». Toutefois, les évolutions technologiques,
sociétales et économiques peuvent toujours faire varier cette donne. Sans parler
de la volonté politique.
C. Quelle plus-value pour la collectivité ?
Au-delà du débat sur le « nombre idéal » d’éoliennes, de leur puissance et de
leur lieu d’installation, il semble utile de réfléchir à la faible participation du
public et des pouvoirs publics dans les projets éoliens, telle qu’évoquée plus
haut. En effet, leur implication peut être bénéfique au moins à deux niveaux,
d’une part, en permettant d’intégrer les desiderata des riverains des turbines,
d’autre part, en évitant le rejet par méconnaissance. Dans un cas comme dans
l’autre, on a vu apparaître ces dernières années divers groupements opposés,
dans des proportions variables, à l’éolien terrestre.
De ce point de vue, le retour financier des éoliennes est un autre facteur à
prendre en compte. Il s’agit de fait d’une activité subventionnée et généralement
bénéficiaire. Mais à qui profiteront ces bénéfices ?
Peut-on dès lors imaginer un retour financier correct pour la collectivité, au-delà
de la juste rétribution des investisseurs, qu’ils soient privés ou publics ? Vu que
la collectivité supporte certaines nuisances des éoliennes, cette dernière ne doitelle pas également en tirer certains avantages ?
Dans ce débat, on peut en tout cas envisager deux canaux de rétribution de la
société. Il y a premièrement les coopératives citoyennes qui permettent aux gens
d’acquérir des parts dans un projet et d’obtenir des dividendes. De la sorte, on
favorise l’acceptation sociale des projets d’implantation.
Comme le signale Edora, il s’agit là d’une spécificité de l’éolien, car d’autres
activités économiques ont un impact sur l’environnement local ou consomment
des ressources naturelles sans que les riverains ne touchent de compensations.
Pensons par exemple à l’agriculture intensive, à l’élevage industriel ou à certains
zonings11.
Pour l’éolien, les formes de participation peuvent prendre diverses formes et
« les retours d’expérience sont également très contrastés. Il n’existe pas de
formule unique ou exclusive, en raison de la diversité des situations locales et
d’un manque de recul pour juger les expériences innovantes, mais aussi en
fonction de l’avantage recherché »12.
Cependant, ces coopératives citoyennes ne semblent accessibles qu’aux
personnes qui ont les moyens et l’envie d’entreprendre cette démarche. Une
forme de barrière sociale peut apparaître. Cela nous amène à considérer alors
une deuxième approche par l’intermédiaire des pouvoirs publics qui peuvent
RENOUVELLE, « éolien participatif : quelles perspectives ? », novembre 2008,
http://www.apere.org/docnum/recherche/view_docnum.php?doc_filename=doc728_wm
0808_Eolien_participatif.pdf&num_doc=728.
12
Idem.
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défendre l’intérêt de la collectivité et accorder un juste retour pour tous. Cette
deuxième voie n’exclut cependant pas la contribution citoyenne et elles peuvent
même se cumuler.
La participation prépondérante des autorités – a priori communales – permettrait
d’encadrer l’implantation des projets et les éventuels bénéfices pourraient
profiter à tous. Ce seraient autant de taxes en moins ou d’investissements
publics en plus. Petit bémol, le retour pour le citoyen est ici moins directement
perceptible que dans le cas d’une coopérative.
Il faut aussi mettre concrètement cette dynamique en œuvre, même si on ne
part pas de rien. À l’heure actuelle, les 3 principaux mécanismes d’implication
des communes identifiés sont la participation à une structure coopérative, le
versement d’une prime du gestionnaire à la commune par quantité d’électricité
produite ou le payement d’une redevance annuelle en fonction du nombre
d’éoliennes présentes sur le territoire. Les retombées pour les communes
reposent sur des négociations individuelles avec les promoteurs des projets, sans
balises de référence. La marge de manœuvre des investisseurs privés est donc
importante, tout comme le flou juridique.
En général, les communes n’en tirent qu’un faible avantage voire pas de bénéfice
du tout, bien qu’il existe certaines exceptions. Les pouvoirs locaux ont d’autant
plus été lésés que les éoliennes sont anciennes. « Durant des années, les
mandataires n’ont pas plus songé à demander rétribution pour un moulin à vent
que pour une porcherie industrielle […] [Toutefois] l’approche des communes est
en plein bouleversement »13. Reste à trouver un modèle efficace qui puisse
s’adapter à chaque cas particulier, tout en offrant une approche systématique et
cohérente à l’échelle régionale.
Pour ce faire, différentes possibilités se présentent. Soit les communes
investiraient financièrement dans un projet porté par un promoteur privé, en se
réservant un droit de regard, soit elles mettraient sur pied un opérateur public
qui développerait lui-même des projets éoliens. Dans ce second cas, l’expérience
du privé semble toutefois nécessaire, car l’installation et l’exploitation d’un parc
éolien restent des métiers à part entière qui demandent des compétences
spécifiques.
Par ailleurs, la constitution d’un opérateur public devrait idéalement se faire à un
niveau supracommunal. Cela aurait le double avantage de permettre une gestion
concertée – et donc plus cohérente – à une échelle large et d’assurer une
mutualisation des coûts et des bénéfices entre partenaires. Les communes
bénéficieraient aussi de plus de garantie, car les projets éoliens restent des
projets techniquement et financièrement à risque. Par la suite, les éventuelles
recettes générées pourraient servir, d’une part, à investir dans d’autres projets
du genre, d’autre part, à rétribuer les communes (et via celles-ci, leurs
administrés). La solidarité et les rendements d’échelle en sortiraient renforcés.
Les deux éléments d’attention mis en évidence dans cette note – l’encadrement
physique ainsi que le « juste retour » pour la collectivité – ne doivent toutefois
pas constituer de facto des freins à l’éolien. Ils ne doivent pas non plus servir de
13
Le SOIR, « Les communes se paient avec du vent », par Luc Scharès, 1er avril 2010.
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prétexte à l’inaction. Il faut au contraire une prise en compte équilibrée de divers
enjeux qui parfois s’entrechoquent. Telle est la solution pour que l’énergie du
vent bénéficie au plus grand nombre et contribue à l’amélioration de notre cadre
de vie. Le vent est en effet une ressource naturelle qui appartient à tous. Il ne
faut pas accepter la privatisation des bénéfices et la socialisation des nuisances
qui en sont issus. Cela ne pourra mener qu’au rejet pur et simple des éoliennes,
ce qui ne paraît pas souhaitable, vu les arguments développés initialement.
Cet équilibre se fera par essai et par erreur, sur base des expériences passées et
des innovations de demain. Il est en tout cas fondamental que la collectivité
s’approprie pleinement ce débat.
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